Théâtre / Résidence à la Salamandre Laurent Crovella : « Il faut élargir le cadre » Premières répétitions à La Salamandre pour « Les Méridiens ». Les dernières semaines de l'année 2008, le metteur en scène Laurent Crovella et les membres de sa compagnie « Les Méridiens » les ont passées dans la cité rose. Plus précisément sur les planches de La Salamandre, histoire de peaufiner leur dernière pièce, Le chemin des passes dangereuses, programmée à Vitry le 8 avril prochain. Rencontre à l'heure des premières répétitions. Quel a été votre parcours avant « Les Méridiens » ? « J'ai débuté comme comédien mais, même quand je jouais, je voulais déjà faire de la mise en scène, c'est quelque chose qui m'est venu très tôt. Deux choses m'intéressent particulièrement : comment on bâtit une histoire et la manière de dire cette histoire. J'aime le théâtre qui vient nous raconter quelque chose, un théâtre dans lequel le spectateur se reconnaît. La compagnie Les Méridiens est née en 2004 comme une sorte de point de rendez-vous, pour partager des projets avec des gens. » Aujourd'hui, vous montez « Le chemin des passes dangereuses », une pièce de Michel-Marc Bouchard, l'un des auteurs québécois les plus joués dans le monde. Qu'est-ce qui vous a conquis dans ce texte ? « Avec Les Méridiens, nous avions déjà monté Michel Tremblay, un autre auteur québécois. Avec Bouchard, j'ai eu la même sensation de lecteur, j'ai fait un voyage littéraire et je me suis fait embarquer par une langue haute en couleurs, drôle et profonde, simple et complexe, le Joual (NDLR : langue populaire du Québec). Et cette pièce questionne l'identité, le rapport à leur père de trois fils qui ne se sont pas vus depuis des années. » Comment avez-vous travaillé lors de votre résidence à Vitry et quel est l'intérêt de tels moments de création ? « Dans un premier temps, on a réfléchi sur la dramaturgie et la scénographie de la pièce. Puis on a simplement ouvert le livre ensemble avec les comédiens et fait un travail de table, en lisant. On a découpé la pièce, nommé les parties, on en a trouvé la couleur. Ont suivi les premiers pas sur le plateau. On profite vraiment des résidences, elles sont primordiales pour tous les artistes : il n'y a que sur scène que l'on peut essayer tout ce qu'on a dans la tête. » Avec le théâtre La Salamandre, vous avez aussi participé à des lectures à domicile. Quelle est pour vous la place de la rencontre avec le public ? « Elle est nécessaire. Il faut élargir le cadre, ça suffit de rester entre nous ! Après, on ne peut pas toujours aller prendre les gens par la main, il y a d'abord des frontières dans les têtes qu'il faut faire tomber… » Propos recueillis par Aurélie Julliard. Publié le mercredi 07 janvier 2009 Derrière le rideau Le groupe des participants a pu se rendre compte du travail de « fabrication » du spectacle. (Photo DNA) Le relais culturel de Haguenau organise des soirées-rencontres avec un groupe d'une quinzaine de spectateurs privilégiés, «les passeurs», et des artistes autour de la création du spectacle « Le chemin des Passes dangereuses » et de la résidence de la compagnie Les Méridiens au théâtre municipal. Après une entrée dans le théâtre québécois et des questions posées au metteur en scène Laurent Crovella quant au choix du texte, une seconde intervention a réuni spectateurs et comédiens (Xavier Boulanger, Éric Domenicone et Frédéric Solunto) pour des lectures d'extraits de texte qui ont permis un éclairage particulier de la pièce de Michel Marc Bouchard. En parallèle, une rencontre avec Laurent Crovella et Marc-Antoine Cyr à la médiathèque (DNA du dimanche 18 janvier) avait permis de connaître l'histoire du théâtre québécois. Décor et costumes Lundi soir, c'est avec le scénographe Gérard Puel, également plasticien et enseignant, et Laurent Crovella, que des échanges ont eu lieu autour du décor, des costumes, du son et de la lumière. Le groupe des participants a pu se rendre compte du travail de « fabrication » du spectacle. C'est en fait une perpétuelle recherche, où les idées des uns viennent nourrir les trouvailles des autres. Pour cette pièce de Michel Marc Bouchard, il s'agit de chercher comment établir les tensions profondes qui parcourent le texte. L'espace théâtral ici suggère plus qu'il ne représente. L'objectif est d'ouvrir le sens de la pièce où la mémoire a une importance cruciale : une mise en scène et une scénographie d'autant plus difficiles que le texte a été maintes fois joué sur les scènes mondiales. Laurent Crovella veut aussi « instiller quelque chose qui se construit et qui reste dans l'oreille du spectateur après la représentation ». Pour l'instant il s'agit, avec les comédiens, de faire un « dessin » dans l'espace. L'assemblage de tous les éléments - décor, costumes, lumière et son - sera mis en place définitivement lors de la résidence au théâtre de Haguenau. Des rencontres en milieu scolaire se dérouleront courant février. Mardi 3 mars à 20 h, une répétition publique aura lieu au théâtre. Mardi 10 mars à 20 h, une rencontre intitulée « Du texte à la scène, regards croisés », permettra un échange avec l'auteur Michel Marc Bouchard. Les représentations auront lieu les jeudi 12 et vendredi 13 mars à 20 h 30 au théâtre. D. V.L. © Dernières Nouvelles D'alsace, Jeudi 29 Janvier 2009. - Tous droits de reproduction réservés Le « Chemin » en bonne voie Pendant encore deux semaines, les acteurs et le metteur en scène Laurent Crovella (au centre) répéteront tous les après-midi sur la scène du théâtre pour être fin prêts le jour J. (Photo DNA) En résidence au théâtre de Haguenau depuis le début de la semaine, la compagnie strasbourgeoise Les Méridiens peaufine son adaptation du « Chemin des passes dangereuses » du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, qu'elle dévoilera les 12 et 13 mars. Et permet au public de découvrir les coulisses de la création d'un spectacle vivant. L'intérêt de la formule est résumé en quelques mots par Laurent Crovella : « Une scénographie comme celle-là, on n'aurait tout simplement pas pu la faire autrement. » Depuis mardi et jusqu'au 11 mars, veille de la première, le metteur en scène strasbourgeois et sa compagnie Les Méridiens sont en « résidence de création » au théâtre de Haguenau. Ces trois semaines offrent aux artistes les conditions idéales pour mettre la dernière main à la création du Chemin des passes dangereuses, une nouvelle adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard, l'un des auteurs québécois contemporains les plus joués dans le monde. Trois frères, au carrefour de leur existence, vont vider leur sac. « Pour tous les éléments qui composent le spectacle, les décors, les costumes, la lumière, la scénographie, on sait ce qu'on veut, indique Laurent Crovella. La résidence va nous permettre d'assembler tout ça, de faire en sorte que ça fonctionne dans les conditions et sur les lieux des représentations. Pour une compagnie, c'est extrêmement précieux de constater que les théâtres ne se contentent pas d'être des lieux de diffusion, mais qu'ils sont à nos côtés pour accompagner la création de spectacles vivants. » Depuis le début de la semaine, les matinées sont ainsi consacrées aux réglages techniques, et les après-midi aux répétitions avec les trois acteurs. C'est la dernière ligne droite d'un processus de deux ans (qui a déjà bénéficié de deux autres résidences), depuis la découverte de la pièce par Laurent Crovella. « D'habitude, quand je lis un texte, mon regard professionnel me pousse à en examiner la structure, les coutures. Là non : j'ai été complètement embarqué par l'histoire, et j'ai pris une grosse claque. » La pièce raconte les retrouvailles de trois frères après des années d'éloignement. Au matin du mariage du plus jeune, ils se rendent au Chemin des passes dangereuses, le lieu où ils allaient pêcher, enfants, avec leur père. « A cet endroit et à cet instant, ils sont à un carrefour de leur existence, poursuit le metteur en scène. Là, ils vont vider leur sac, se dire tout ce qu'ils ne s'étaient jamais dit. » Les Méridiens, fondés en 2004, s'intéressent précisément à ce théâtre de la parole, qui fait entendre la langue des auteurs d'aujourd'hui, qui raconte des histoires, petites histoires de la vie - « le "Chemin", par exemple, montre qu'on a beau penser qu'on a chacun un destin individuel, on n'échappe jamais à une identité collective, en l'occurrence familiale », détaille Laurent Crovella. Elle met un point d’honneur à aller à la rencontre du public. La compagnie s'est du reste « spécialisée » depuis sa création dans les textes québécois, en réalisant un cycle de lectures et de mises en scène de l'écrivain Michel Tremblay, et en accompagnant la résidence du jeune auteur Marc-Antoine Cyr au défunt relais culturel de Schweighouse-sur-Moder la saison dernière. Surtout, elle met un point d'honneur à aller à la rencontre du public, à lui faire découvrir son travail et les textes, ce qui constitue du reste l'autre but d'une résidence de création. La présence de l'équipe des Méridiens à Haguenau sera ainsi rythmée par une série de rencontres (lire ci-dessous), avant les premières représentations du Chemin des passes dangereuses les 12 et 13 mars. Florian Haby Jeudi 12 et vendredi 13 mars. Le Chemin des passes dangereuses, par la compagnie Les Méridiens, à 20 h 30 au théâtre de Haguenau (à partir de 14 ans). Tarifs : de 5,50 € à 22,50 €, réservations au relais culturel, 1 place Joseph-Thierry, Tél: 03 88 73 30 54. www.relais- culturel-haguenau.com (tout attaché) © Dernières Nouvelles D'alsace, Samedi 28 Février 2009. - Tous droits de reproduction réservés TEMPS PRÉSENT Michel Marc Bouchard. Photo Mario St-Jean. Michel Marc Bouchard, auteur dramatique québécois, assistera à la première de sa pièce Chemin des passes dangereuses. C'est une rencontre à ne rater sous aucun prétexte. Les amateurs de théâtre comme de cinéma apprécieront l'homme aux écritures polymorphes. Michel Marc Bouchard a la voix chaleureuse, la faconde généreuse, et l'accent mélodique québécois qu'ici on adore. Son humour, un rien décalé, rend aussi l'homme, âgé d'une petite cinquantaine, attachant. A des lieux de l'hypocrisie latine, le Québécois s'est ouvertement affiché comme auteur gay, le succès mondial que rencontrent ses pièces de théâtre démontre à quel point il ressent, et perçoit justement les émois universels qui nous tenaillent. Michel Marc Bouchard a été distingué par de nombreux prix, et travaille actuellement sur le scénario du prochain film du Finlandais Mika Kaurismäki consacré à la reine Christine. Audelà de toutes ces consécrations, il n'affecte aucune cuistrerie de celle que l'on peut retrouver chez de moins talentueux. Quand Laurent Crovella monte à Haguenau Le Chemin des passes dangereuses, l'autre grand succès de MMB Les Muses orphelines est mis en scène en Corée, puis au Japon. Il est l'un des rares auteurs québécois à avoir été joué à... Cuba. Pourquoi de telles résonances ? MMB avance intuitivement, pour lui l'écriture théâtrale demeure l'évidence depuis l'adolescence. A 14 ans, il compose Scandale une comédie irrévérencieuse. Si au départ son verbe sonne séducteur, avec le temps, ses écrits s'affirment plus politiques, traversés par des questionnements existentiels voire spirituels. Demeurent essentiels la musicalité de la langue, l'ouverture et la porosité d'un monde qui se rejoue perpétuellement sur scène. Ce lieu où l'on va faire, le temps du présent. Veneranda Paladino Rencontre avec Michel Marc Bouchard le 10 mars à 18 h au Théâtre de Haguenau. © Dernières Nouvelles D'alsace, Samedi 07 Mars 2009. - Tous droits de reproduction réservés Explorer les sentiers de la Belle province Répétition « privée » ' publique. Photos DNA - Florian Haby ' Hervé Keller. En résidence de création au théâtre de Haguenau, la compagnie strasbourgeoise Les Méridiens poursuit son exploration des écritures québécoises avec Le Chemin des passes dangereuses de Michel Marc Bouchard. Amateurs de grands espaces, d'érables mordorés et d'orchestres folkloriques aux mélodies podorythmées, passez votre chemin. Ce versant de la culture québécoise, exploité parfois jusqu'au cliché, n'intéresse pas Laurent Crovella. « Le côté "exotique" du Québec, je m'en fous » tranche le metteur en scène. C'est un autre parti pris qui l'a conduit à s'intéresser au théâtre de la Belle province : fondée en 2004 à Strasbourg, sa compagnie Les Méridiens s'est donnée comme ligne artistique la volonté de « faire entendre la langue des auteurs d'aujourd'hui », de favoriser un « théâtre du dire », où le texte doit être capable de toucher le spectateur d'emblée. « La langue, la structure, et aussi l'histoire, argumente Laurent Crovella. On a trop souvent la sensation, ces dernières années, que le drame, l'intrigue, s'est absenté du théâtre. Comme s'il n'était plus possible, voire ringard, d'y raconter une histoire. » Certains auteurs bâtissent pourtant encore des textes qui prennent en compte l'histoire. Pas la grande Histoire, universelle, mais des petites histoires individuelles, « un théâtre construit de bouts de rien mais qui, à bien y regarder, dessine les contours d'un théâtre du sensible ». Et c'est sur les rives du Saint-Laurent que Laurent Crovella a trouvé des auteurs qui s'attachent à creuser ces questions liées à l'identité - de la famille d'abord, mais aussi, en creux, du Québec. Le Parcours Tremblay, adaptation des textes de Michel Tremblay, figure majeure de la littérature canadienne francophone pourtant très peu porté à la scène de ce côté-ci de l'Atlantique - il écrit en « joual », la langue populaire des Montréalais -, a constitué l'acte fondateur de la compagnie, et s'est poursuivi par l'accompagnement, en 2007-2008, de la résidence du jeune auteur Marc-Antoine Cyr au relais culturel Expressions communes de Schweighouse-sur-Moder, aujourd'hui disparu. Cet autre chemin se prolonge aujourd'hui sur celui des Passes dangereuses. En résidence depuis mi-février au théâtre de Haguenau, Les Méridiens mettent la dernière main à une nouvelle adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard. Le dramaturge québécois, l'un des plus joués au monde (lire ci-contre), y réunit l'histoire familiale contemporaine et la tragédie antique : la pièce commence au chemin des passes dangereuses, où, le matin des noces du plus jeune d'entre eux, trois frères se retrouvent après des années d'éloignement. A ce moment, et à cet endroit où, enfants, ils allaient pêcher avec leur père, ils sont à un carrefour de leur existence. Ils vont vider leur sac, se jeter à la figure leurs rancoeurs et leurs secrets. Tout déborde, comme du tiroir d'un vieux buffet de famille oublié. Et ça secoue : quitte à s'écorcher, à ouvrir les plaies, il s'agit de dire enfin tous les non-dit, de libérer une parole trop longtemps contenue. « Dans une société où les valeurs individuelles sont de plus en plus mises en avant, célébrées même, le sens de l'intérêt collectif tend à s'effacer, analyse Laurent Crovella. Chacun cherche à s'affirmer en tant que tel, seul au monde, seul face au monde. Mais c'est sans compter sur le destin collectif, auquel on n'échappe pas et qui s'impose ici par effraction. Cette tension, au coeur du propos de la pièce, parle à tous : comme chacun des frères, il m'arrive souvent de me sentir pris au piège, écrasé entre un chemin individuel à tracer et la volonté d'appartenir à un groupe, dans un monde en perte d'identité. » Montée dans le cadre des Régionales, la pièce a déjà bénéficié de deux résidences, à Vitryle-François (Marne) et à l'espace Scènes d'Alsace à Sélestat. A Haguenau, la création, suivie de l'intérieur mois après mois par un groupe d'une quinzaine de spectateurs baptisé les Passeurs, a été introduite par une lecture publique de textes d'auteurs québécois dans un ancien théâtre désormais investi par une manufacture d'orgues, et sera refermée ce mardi 10 mars par une table ronde sur le thème « Du texte à la scène, regards croisés », en présence de l’auteur Michel Marc Bouchard. Le Chemin des passes dangereuses sera joué ces jours-ci pour la première fois au théâtre de Haguenau, puis arpentera l'Alsace, via Strasbourg, Cernay et Obernai. Florian Haby Les 12 et 13 mars au théâtre de Haguenau (03 88 73 30 54). Du 17 au 22 mars au Taps Scala à Strasbourg (03 88 34 10 36). Le 27 mars à l'espace Grün à Cernay (03 89 75 74 88). Le 31 mars à l'espace Athic à Obernai (03 88 95 68 19). © Dernières Nouvelles D'alsace, Samedi 07 Mars 2009. - Tous droits de reproduction réservés De l'autre côté du miroir Le travail est surtout celui de l'interprétation du texte de Michel Marc Bouchard. (Photo DNA) Mardi, la compagnie Les Méridiens, en résidence de création au théâtre municipal de Haguenau, a permis au public d'assister à une de ses répétitions. Ou comment découvrir la face cachée de la pièce « Le Chemin des passes dangereuses ». Une ou deux heures passées dans un confortable fauteuil garance à découvrir une pièce de théâtre ne permet pas forcément de se forger une opinion sur le travail des comédiens, du metteur en scène, pas plus que des techniciens qui, collectivement, rendent possible le passage de l’écriture à la scène. Mardi soir, la compagnie strasbourgeoise Les Méridiens a donc ouvert une porte aux public curieux d'assister à une répétition de théâtre. « Nous allons faire comme si vous n'étiez pas là », a introduit avec malice Laurent Crovella, metteur en scène du Chemin des passes dangereuses de l'auteur québécois Michel Marc Bouchard. Une opportunité pour le public de passer de l'autre côté du miroir et d'appréhender le travail des acteurs, dirigés par le metteur en scène. Une fois, cinq fois, dix fois, les scènes sont rejouées, puis analysées, commentées par Laurent Crovella qui insuffle ses directives aux trois acteurs de la pièce. Si les costumes ne sont pas encore de mise, pas plus que la lumière finale qui soulignera chaque scène, le travail est surtout celui de l'interprétation du texte de Michel Marc Bouchard. Les sentiments qui passent du plateau à la salle, le placement des comédiens, la gestion de l'espace, sont autant facteurs que la compagnie a peaufiné mardi soir. Il lui reste désormais une semaine de travail avant les premières représentations de la pièce, jeudi 12 et vendredi 13 mars au théâtre municipal. H.K. Jeudi 12 et vendredi 13 mars. « Le Chemin des passes dangereuses » à 20 h 30 au théâtre de Haguenau (à partir de 14 ans). Tarifs : de 5,50 € à 22,50 €, réservations au relais culturel, 1 place Joseph-Thierry, Tél: 03 88 73 30 54, www.relais-culturel-haguenau.com © Dernières Nouvelles D'alsace, Jeudi 05 Mars 2009. - Tous droits de reproduction réservés Explication de texte De gauche à droite : Laurent Crovella, Marie-Aude Hemmerlé et Michel Marc Bouchard. (Photo DNA) Un débat sur le thème « Du texte à la scène, regards croisés », a permis au public volontaire de rencontrer le dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, l'auteur de la pièce « Le Chemin des Passes dangereuses » qui vient d'être jouée au théâtre de Haguenau. Dernière étape, et non des moindres, avant les représentations. Le public a ainsi pu en savoir un peu plus sur le texte et son adaptation à la scène. Michel Marc Bouchard était accompagné de Marie-Aude Hemmerlé, universitaire spécialiste des évolutions de la dramaturgie québécoise et de Laurent Crovella, metteur en scène de la Compagnie Les Méridiens. Cette rencontre entre auteur et metteur en scène est un moment unique et émouvant dans la mise en voix d'une pièce. Il s'agit en fait de la 40e version de cette pièce jouée à travers le monde entier. Marie-Aude Hemmerlé a rappelé que le théâtre de Michel Marc Bouchard s'inscrit dans un retour vers l'écrit, vers le texte littéraire avec cette permanence de la fable qui fait partie de l'histoire et des traditions québécoises. L'auteur a plusieurs cordes à son arc car il est non seulement auteur, mais aussi directeur artistique, professeur à l'université d'Ottawa et organisateur d’expositions variées. Dans « Le Chemin des Passes dangereuses », il enchâsse récit et souvenirs en travaillant les mythes de loin, avec un renversement sur le temps et l'espace, ce qui donne cette originalité à la pièce. C'est un théâtre de l'aveu qui révèle les fautes et les secrets et oblige les héros à porter le poids de leur histoire. Un long voyage : Pour Michel Marc, « au départ il y a l'écriture intuitive », puis il sent que quelque chose va émaner et c'est le plus tard possible que la construction se met en place. Pour lui, l'écriture est un long voyage durant lequel le texte doit rester le plus longtemps ouvert. Il a des thèmes récurrents comme l'étranger et la fratrie. Si Michel Marc Bouchard écrit des histoires, c'est parce que son enfance a été bercée par des conteuses comme sa mères, ses grands-mères, ses soeurs. Son travail, c'est ensuite de réinterroger la façon de raconter les histoires. C'est la parole, avec son écriture en forme de spirale, qui va permettre de réunir les trois frères totalement différents. Il écrit pour des voix, comme s'il composait une partition musicale. Pour Laurent Crovella, ce qui l'intéresse dans ce théâtre québécois, c'est « comment est bâtie l'histoire et ce qu'elle raconte. L'important, c'est la nécessité de dire et le contact affectif au texte, puis le jeu des acteurs qui provoque des émotions chez le public ». L'auteur a affirmé être très content d'être spectateur de ses pièces. Il a d'ailleurs une affection particulière pour ce texte et souhaite éprouver « le bonheur d'être happé par des images nouvelles », car le théâtre est avant tout une écriture profondément vivante. D.V.L. © Dernières Nouvelles D'alsace, Samedi 14 Mars 2009. - Tous droits de reproduction réservés Théâtre du dire Frédéric Solunto (à gauche), Xavier Boulanger et Eric Domenico habités par leurs rôles. (Photo DNA) Créé ces jours derniers au terme d'une résidence au Théâtre de Haguenau, Le Chemin des Passes dangereuses du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard est donné dans une mise en scène de Laurent Crovella. La pièce retrace la rencontre de trois frères, éloignés dans le temps - cela fait trois ans qu'ils ne se sont pas vus -, dans l'espace - ils habitent des lieux différents - et qui se retrouvent pour le mariage du plus jeune. Ils sont devenus des étrangers les uns pour les autres et c'est l'urgence du dire qui va finir par les réunir. Une parole où ils ne s'épargnent pas, « Dire, tout dire » quitte à s'écorcher, à ouvrir les plaies par des mots trop longtemps contenus : et tout déborde. Dans ce texte, Michel Marc Bouchard réunit l'histoire familiale contemporaine et la tragédie antique. Il y a comme une force, une nécessité à creuser l'identité : celle de la famille, mais aussi celle du Québec. C'est une rencontre de l'individu et du collectif et c'est au « Chemin des Passes dangereuses » que le destin commun s'impose comme par effraction, dans un théâtre de la reconnaissance. La question de la mise en scène est de trouver la place du texte dans une société où l'image s'impose et où la parole semble déranger. La figure du père - poète alcoolique traverse toute la pièce et alors on se demande ce qu'il advient d'une société qui laisse ses poètes se noyer. Une parole tendre et violente A côté de la parole concrète, celle de la langue des trajectoires personnelles des trois frères, il y a la parole poétique oubliée qui vient du passé, celle du père, mais aussi une parole chorale qui naît de l'accident, celle qui unit et qui libère ; la parole collective qui permet aux trois frères de se retrouver au-delà du réel, puisqu'on apprend qu'ils sont morts suite à un accident de camion. Un décor sobre réalisé par Gérard Puel permet un jeu d'ombres et de lumière qui met en valeur cette parole parfois violente, souvent tendre où le carambolage des mots, la litanie des poèmes et des interventions pleines d'humour conduisent le spectateur à s'identifier à cette célébration de la parole. Ambroise (Frédéric Solunto), Karl (Eric Domenico) et Victor (Xavier Boulanger), habités par leurs rôles, ont réussi la prouesse de rester chacun dans sa propre parole pour aboutir malgré tout à une reconnaissance collective. La collaboration très proche entre metteur en scène, acteurs et scénariste a permis une mise en scène du texte qui laisse le public sans voix devant l'intensité du jeu au service d'un texte sensible qui raconte nos existences éphémères, où chacun est étranger à luimême et aux autres et où la parole devient salvatrice. D.V.L.Du 17 au 22 mars au Taps Scala à Strasbourg. Tél: 03 88 34 10 36. © Dernières Nouvelles D'alsace, Dimanche 15 Mars 2009. - Tous droits de reproduction réservés Paroles, paroles Laurent Crovella. La Comédie de l'Est accueille deux courtes pièces montées par Laurent Crovella, à voir le même soir. Moulin à paroles et Le chemin des passes dangereuses ont le même metteur en scène mais aussi une thématique commune, la parole, même si elles n'ont pas été pensées à l'origine pour fonctionner ensemble. Moulin à paroles, la plus récente, croise deux textes du scénariste britannique Alan Bennet. Il s'agit de deux monologues écrits à l'origine pour la BBC. Les personnages se parlent à eux-mêmes. Pour La chance de sa vie, Leslie (Stéphanie Gramont), comédienne persuadée de son talent, rencontre un producteur, est reçue à une audition, mais s'aperçoit finalement qu'elle est engagée dans un film X. Pour Une frite dans le sucre, Graham (Xavier Boulanger) se promène avec sa mère, ils rencontrent un ancien amant à elle. « Tout à coup quelque chose arrive à ces personnages, fait surgir une parole intime », résume Laurent Crovella. Le chemin des passes dangereuses, créé en 2009, du Québécois Michel-Marc Bouchard, raconte l'histoire de trois frères qui se retrouvent pour le mariage du plus jeune et se rendent sur le chemin où ils allaient pêcher enfants : « La parole sort par effraction, par carambolage. Les personnages déballent tout, comme un buffet de famille éventré, se disent des choses assez violentes », raconte Laurent Crovella. Xavier Boulanger, Frédéric Solunto et Eric Domenicone incarnent cette fratrie. La compagnie Les Méridiens, de Laurent Crovella est en résidence au Relais culturel de Haguenau et au Nouveau Relax, scène conventionnée de Chaumont. L'aventure a commencé en 2005, avec la création d'une pièce de Michel Tremblay aux Taps, à Strasbourg, succès d'estime et public, dit Laurent Crovella, qui savoure sa chance: les deux résidences ou la co-production par la Comédie de l'Est de Moulin à paroles, plus qu'une reconnaissance, sont essentielles à la création. ? Mercredi 6, jeudi 7 et vendredi 8 avril à 19h et 20h30 à la Comédie de l'Est (6, route d'Ingersheim). Samedi 9 avril de 15h à 17h, atelier « être spectateur », autour de Le chemin des passes dangereuses. 03 89 24 31 78. www.comedie-est.com. ? Mercredi 6, jeudi 7 et vendredi 8 avril à 19h et 20h30 à la Comédie de l'Est (6, route d'Ingersheim). Samedi 9 avril de 15h à 17h, atelier « être spectateur », autour de Le chemin des passes dangereuses. 03 89 24 31 78. www.comedie-est.com. © Dna, Mercredi le 30 Mars 2011 - Tous droits de reproduction réservés Théâtre : Une leçon sur les liens et les malentendus familiaux La Compagnie Les Méridiens a présenté le deuxième volet des « Ecritures canadiennes », vendredi à l’Espace-Grun. Un texte impressionnant de Michel Marc Bouchard, intitulé « Le Chemin des passes dangereuses », qui évoque le manque de communication au sein d’une famille. Après « Encore une fois, si vous permettez » de Michel Tremblay, donné en novembre, la compagnie strasbourgeoise Les Méridiens s’est attaquée à un autre grand texte québécois : « Le Chemin des passes dangereuses » de Michel Marc Bouchard. Chacun son arbre, celui autour duquel nous jouions enfants, celui contre nous nous appuyons parfois ou encore celui derrière lequel nous pouvons nous cacher, pendant bien longtemps jusqu’au jour où… Un accident amène trois frères à se parler Quinze ans se sont écoulés depuis la mort de leur père quand Ambroise, Carl et Victor sont victimes d’une sortie de route alors qu’ils se rendaient au mariage de Carl avec « la plus belle mariée du monde » Cet accident mènera la fratrie à se parler, se défaire, se refaire, s’aimer et se libérer, autour de tous ces arbres, les vrais, mais aussi ceux dressés par les non dits : le plus lourd de ces derniers les liera à jamais. Laurent Crovella met en scène trois frères si différents avec un trio de comédiens très attirants : Ambroise l’amateur d’art dont l’ami se meurt, Carl l’employé du mois que sa future femme attend et Victor le bûcheron qui aura fait tomber tant d’arbres en espérant un jour abattre le bon. Quelques heures avant le mariage du cadet, les trois frères se retrouvent isolés à la suite d’un accident de la route alors qu’ils se rendaient au camp de pêche familial. En attendant les secours et contraints à un huis clos imprévisible au tournant du Chemin des Passes-Dangereuses, Carl, Ambroise et Victor plongent dans leurs souvenirs d’enfance et leurs mensonges d’adultes, jusqu’à atteindre le secret qui les hante. Cette cérémonie des aveux a lieux alors que rôde autour d’eux la mémoire de leur père, mort au même endroit quinze ans auparavant. Le texte de Bouchard va très loin. Les frères ont beau être vaguement stéréotypés, ce qu’ils osent se dire en pleine face, même maladroitement, sort définitivement des clichés habituels qui ponctuent ce genre d’effusions. Il a su trouver dans le silence des hommes une parole creusée dans la vie comme un abîme. Est-ce qu’on est obligé d’attendre les derniers instants de la vie pour dire à ceux qu’on aime qu’on les aime ? Les personnages sont nettement humains, aimables par moments, pitoyables à d’autres. L’irritation de ce besoin de parler, le petit frisson qu’on a, le caractère énigmatique de ce qui se passe et qui se dévoile peu à peu. Une leçon impressionnante sur les liens familiaux et sur les malentendus dus au manque de communication, débouchant sur une simple question : Est-ce qu’on est obligé d’attendre les derniers instants de la vie pour dire à ceux qu’on aime qu’on les aime ? Tom Schmitt, jeudi 2 avril 2009. Hebdosope Au TAPS-Rétrospective Le Chemin des passes dangereuses de Michel Marc Bouchard. Il semble que le théâtre québécois ait le pouvoir de nous plonger au cœur de la vie de gens ordinaires, de faire de ceux-ci les héros d’une saga qui tient aux péripéties d’un parcours inattendu, mais qui devient par le sens du récit une intrigue passionnante. A la rencontre de personnages sensibles, telle est l’invitation de la Compagnie Les Méridiens dirigée par Laurent Crovella qui met en scène Le Chemin des passes dangereuses de Michel marc Bouchard, après tout un travail réalisé sur un autre auteur québécois, Michel Tremblay dont il avait monté Encore une fois, si vous permettez ? qui avait rencontré un beau succès. C’est une histoire d’hommes. Trois frères se retrouvent à propos du mariage de l’un d’eux, mariage qui n’aura pas lieu, puisque le matin de ce grand jour, , ils ont voulu, comme dans leur enfance se rendre à la pêche, à l’endroit même où ils le faisaient avec leur père. Un accident les retient là, au bout du monde, isolés. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont pas d’autre choix que d’essayer parler. Pendant un long moment, ils ne sont que deux, encore sous le choc de l’accident. Ils parlent de sang, de corps pendu à une portière, le troisième, dont manifestement il s’agit : est-il mort ? N’est-il que blessé ? Un doute, une peur affreuse les saisit par instants, et puis ils s’essaient à la parole. A travers les questions maladroites, les réponses à demi-mots, la vérité de chacun apparaît, leurs différences, leurs différends aussi. Carl pense à sa fiancée qui l’attend en ce jour de mariage. Ce contretemps dû aux retrouvailles avec ses frères avec qui il accepté, pour leur faire plaisir, cette partie de pêche qui se révèle fatale, le désespère. Ambroise se risque à dire son homosexualité, sa vie en ville loin des siens, sa peine parce que son compagnon se meure du SIDA, et ne veut plus voir personne. Des moments de tendresse rapprochent Ambroise et Carl, des moments de colère les séparent. Surgit enfin le troisième, Victor, l’amateur de pêche. C’est peut-être pour le contenter qu’ils se retrouvent dans cette galère, mais son arrivée, parmi eux, qu’on ne s’explique pas, puisqu’on le croyait mort dans l’accident, précipite le retour refoulé, de leur histoire avec le père, chacun apportant sa pierre à l’édifice. Voici qu’est alors dressé le portrait d’un père pas comme les autres, un original, un poète, qui déclame ses vers, n’importe où et n’importe quand. Ce qui couvre de honte ses enfants, en particulier Carl. Un père gênant qu’on voudrait peut-être voire disparaître sans oser l’avouer. Les circonstances font que, sous leurs yeux, dans cet endroit même où ils se retrouvent ce jour là, le père glisse dans la rivière, il ne sait pas nager, aucun des trois n’a essayé de la sauver. Ce souvenir pèse sur eux. Tantôt traversés par cette vision ils se serrent les uns contre les autres, tantôt ils se déchirent. Cette mort semble avoir appelé leur propre mort. Une histoire très prenante, interprétée de façon authentique par tois comédiens qui investissent leur rôle avec beaucoup de conviction et de sensibilité. Xavier Boulanger est Victor, Eric Domenicone, Carl, Frédéric Solunto, Ambroise. Ils évoluent sur un plateau dépouillé, dont l’espace n’est délimité que par quelques tentures blanches, légères, accrochées aux cintres. La sobriété de cette scénographie est signée Gérard Puel. Soulignée par les lumières de Michel Nicolas elle laisse toute la place au jeu des acteurs, au service d’une histoire qui nous interpelle fortement. Marie-Françoise Grislin, avril 2009 Pierre Kéchkéguian, directeur du Nouveau-relax a découvert Laurent Crovella metteur en scène des Méridiens lors d’une présentation de spectacles destinée à des professionnels, à Obernai, il y a trois ans. La pièce « Encore une fois, si vous permettez » à l’origine de ce coup de cœur, confirmé un peu plus tard par le choix du public, était de Michel Tremblay, auteur canadien « le chemin des passes dangereuses » est également signé par un Canadien, Michel Marc Bouchard. Pourquoi des canadiens ? parce que leur rapport à la langue passionne Laurent Crovella « Les Québécois, cernés par les anglophones, ont la nécessité de défendre leur langue. De plus ils ont une étonnante capacité à bâtir des histoires. Ce sont des auteurs de l’adresse directe, qui revendiquent leurs petites histoires qui touchent aussi à la grande… Les Méridiens sont une petite troupe à géométrie variable, basée à Strasbourg, onze personnes en ce moment. Je me réjouis de venir en résidence à Chaumont en septembre » Des ateliers en direction des scolaires seront développés avec Les Méridiens, avec le lycée Charles de Gaulle et aussi l’école de la deuxième chance. « le chemin des passes dangereuses » est une tragédie routière. « Je suis très sûr de mon choix pour cette pièce, affirme Pierre Kechkéguian, c’est un spectacle figuratif avec un schéma linéaire d’un abord simple ». Trois frères fâchés se retrouvent pour le mariage du benjamin, ils se rendent dans le lieu fétiche de leur enfance, le chemin des passes dangereuses, où un accident va les obliger à vivre un huis clos dramatique. Cette tragédie contemporaine de Michel Marc Bouchard est une pièce coup de poing sur la famille et la fatalité, la vérité et le mensonge, l’individu et le destin collectif. Une pièce à la fois sombre et drôle, écrite dans une langue magnifique où l’ironie flirte avec l’émotion, servie par le jeu des trois comédiens et la mise en scène épurée de Laurent Crovella. Lucette Ravier La Comédie de l’Est présente deux spectacles sur la parole, à compter de ce soir et jusqu’à vendredi, à Colmar Moulin à paroles d’après un texte de l’Anglais Alan Bennett, et Le chemin des passes dangereuses, un texte du Québécois Michel-Marc Bouchard : les deux pièces montées par le Strasbourgeois Laurent Crovella sont les cartes d’un même jeu sur la langue : marmonnée pour soi dans la première, lâchée dans la seconde. Laurent Crovella s’est attaché à la manière dont on en vient à raconter des histoires au public et qui touchent le spectateur. Le chemin des passes dangereuses met en scène trois frères, éloignés de longue date et rassemblés pour le mariage de l’un qui s’envoient à la figure les mots contenus pendant tant d’années. Cette pièce a déjà tourné en Alsace, et ailleurs. Moulin à paroles est une création pour la Comédie de l’Est, petit format de jeu pour un spectacle joué au plus près du public, dans la petite salle du théâtre, après l’avoir été dans des bistrots. Deux monologues s’entrecroisent, ceux de deux personnages qui ne se voient pas : la comédienne malchanceuse et le vieux garçon vivant chez sa mère. Qu’elles soient lâchées, perçues « comme un carambolage », ou intimes et marmonnées pour soi-même, « les paroles interpellent de manière différente, mais je ne sais pas laquelle est la plus forte », affirme Laurent Crovella. Les deux pièces montées par le Strasbourgeois Laurent Crovella sont les cartes d’un même jeu sur la langue : contenue, intime, marmonnée pour soi dans la première, Moulin à paroles, d’après un texte de l’Anglais Alan Bennet ; lâchée dans la seconde, Le chemin des passes dangereuses, un texte du Québécois Michel-Marc Bouchard. Laurent Crovella s’est attaché à la manière dont on en vient à raconter de nouveau des histoires au public, à celle dont les petites histoires des autres, là-bas – dans la région de Leeds, en Angleterre, ou dans celle du lac Saint-Jean, au Québec –, touchent le spectateur ici, en dépassant la géographie. Le chemin des passes dangereuses met en scène trois frères, éloignés de longue date et rassemblés pour le mariage de l’un. En décidant de faire une sorte de pèlerinage sur le lieu de pêche où leur père avait coutume de les amener, enfants, ils se lâchent, peu à peu, et s’envoient à la figure les mots contenus pendant tant d’années. « Qu’y a-t-il au-delà de ces personnages ? Et que se passe-t-il quand la parole est désocialisée, quand tout d’un coup, on peut tout se dire ? C’est aussi la question de la place : trouver sa place dans la fratrie, mais aussi dans le monde », confie le metteur en scène qui a déjà fait tourner cette pièce en Alsace, et ailleurs. Au confessionnal Plus intime – mais est-ce véritablement de l’intimité ? –, la seconde pièce est une création pour la Comédie de l’Est, petit format de jeu pour un spectacle joué au plus près du public, dans la petite salle du théâtre, après l’avoir été dans des bistrots. Deux monologues s’entrecroisent dans Moulin à paroles, ceux de deux personnages qui ne se voient pas, bien rangés dans deux confessionnaux qui laissent apparaître des traces des appartements de chacun. « Ça s’écoute comme les épisodes d’un feuilleton. Je me suis demandé ce qui faisait que, chaque jour, des gens cessent leur activité pour écouter un feuilleton », glisse Laurent Crovella. D’un côté, Leslie, la comédienne malchanceuse ; de l’autre, Graham, vieux garçon vivant chez sa mère. Le metteur a voulu créer une empathie des spectateurs pour ses personnages, et les faire rire. « Mais en fin de compte, est-ce si drôle que ça ? » Et les amener à se demander : « Et moi, à quoi je rêve ? » Qu’elles soient lâchées, perçues « comme un carambolage », ou intimes et marmonnées pour soi-même, « les paroles interpellent de manière différente, mais je ne sais pas laquelle est la plus forte », conclut Laurent Crovella. Y ALLER « Moulin à paroles », du mercredi 6 au vendredi 8 avril à 19 h ; « Le chemin des passes dangereuses », aux mêmes dates à 20 h 30 (rencontre avec le public, jeudi après le spectacle), à la Comédie de l’Est. Réservation au 03.89.24.31.78. le 06/04/2011 par Anne Vouaux L'amour fraternel au-delà des épreuves Frédéric Solunto, Éric Domenicone et Xavier Boulanger ont livré une magistrale prestation d'acteur Troyes - Espace Gérard-Philipe - Les femmes le savent bien, pour pénétrer le cœur des hommes, la parole ne saurait suffire. Le dramaturge québécois MichelMarc Bouchard l'a bien compris et a décidé d'en faire une pièce de théâtre. Mis en scène par Laurent Crovella, de la compagnie strasbourgeoise Les Méridiens, « Le chemin des passes dangereuses » tente de mettre à nu trois frères liés par un secret inavouable et inavoué jusqu'à ce qu'une tragédie vienne briser ce silence bien orchestré. Un secret étouffant Mise en scène épurée, jeu d'ombres et de lumières qui rajoute à l'intensité dramatique, trois comédiens habités, investis et terriblement justes : Michel-Marc Bouchard parvient à rendre passionnant le destin de trois frères ordinaires. Trois frères comme il en existe dans toutes les familles, trois frères qui se parlent sans communiquer, trois frères qui s'entendent sans s'écouter, trois frères qui s'aiment sans tirer sur leurs liens. Trois frères qui ne se sont pas vus depuis trois ans et qui se retrouvent pour le mariage de Carl, le plus jeune. Le matin des noces, comme s'il voulait refermer une plaie béante, Victor, le frère bûcheron, propose de retourner sur les traces de leur enfance, à l'endroit où ils allaient pêcher avec leur père, poète alcoolique, sur le fameux chemin des passes dangereuses. Le même endroit où, quinze ans plus tôt, leur père allait mourir noyé.Entre sanctuaire et purgatoire, entre réalité et onirisme, un carambolage va alors forcer les trois hommes à bousculer les banalités pour enfin faire éclater l'essentiel… Albane WURTZ, Publié le mardi 22 mai 2012 Culture | 32 e festival de théâtre de Phalsbourg Les songes de dix nuits d’été. Quinze spectacles, dont certains donnés gratuitement, et trois concerts sont à l’affiche du festival de théâtre de Phalsbourg, du 20 au 29 juillet. En fils rouges de cette édition : la musique et l’humour. Tandis que la place d’Armes de Phalsbourg sera transformée en immense jardin bohème, la compagnie Les Méridiens entraînera les spectateurs sur Le Chemin des passes dangereuses. Photo DR Qui a déjà assisté au festival de théâtre de Phalsbourg sait qu’il entre dans une parenthèse enchantée. Le voyage commence dès l’arrivée sur la majestueuse place d’Armes, métamorphosée chaque année au gré des envies et des inspirations d’une équipe de décoratrices chevronnées. L’an dernier, c’était un village manouche d’un rouge uniforme. Cette fois, si le rouge restera la couleur dominante, il rappelera celui des coquelicots d’un jardin d’Eden où tout sera possible. Pour peupler ce décor, une quinzaine de compagnies ou d’artistes sélectionnés soigneusement par le maire Dany Kocher, fervent amateur de théâtre et de spectacles de rue, capable d’assister à près de 300 représentations par an pour n’en garder que la crème de la crème pour sa programmation phalsbourgeoise.Pendant dix jours, du 20 au 29 juillet, 70 représentations seront assurées, dont une bonne part gratuitement, sur la place d’Armes. « La culture doit être accessible à tous et notre objectif est d’animer la ville chaque soir », confirme Dany Kocher. Nouveau cirque, théâtre, poésie, marionnettes, pour la première fois danse contemporaine, les styles seront variés. Mais dans nombre de spectacles, la part belle sera faite à l’humour. Autre cap suivi cette année par le festival : la musique. Trois concerts gratuits ponctueront les nuits. Dont celui de l’artiste brésilien Paulo Costa, pour l’heure en résidence à Strasbourg, qui signera, dans la cité d’Erckmann-Chatrian, le premier concert d’une tournée mondiale. Eh oui, dans le jardin enchanté de Phalsbourg, tout est possible. 32 e festival de théâtre de Phalsbourg du 20 au 29 juillet 2012. S. P. Sombres retrouvailles Les retrouvailles terribles et émouvantes de trois frères, avant un mariage. Le chemin des passes dangereuses, c'est l'histoire de trois frères, perdus de vue, qui se réunissent. C'est aussi une compagnie, Les Comples méridiens, qui retrouve un univers, celui de Phalsbourg, et son fossé Vauban. La rencontre qui se joue sur scène, racontée par le texte choral et poétique de Michel Marc Bouchard, est lourde de rancunes et de ressentis. Trois frères, à l'aube du mariage de l'un d'entre eux se retrouvent coincés suite à un accident sur le chemin des passes dangereuses. Coincés dans l'enfer vert d'une forêt canadienne, ils se livrent. Petit à petit, les souvenirs d'enfance ressurgissent, les jalousies tenaces, les incompréhensions profondes. Il y a les choix de vie de chacun, le rapport à la consommation, à l'art. Et au centre, l'homosexualité dérangeante de l'un d'entre eux, jamais acceptée, jamais acceptable ni pour sa famille, ni pour le milieu traditionaliste dont il est issu. « L'histoire de famille recèle un secret qui se révèle par bribes » L'histoire de Michel Marc Bouchard ne se joue pas sur le plan moral, cependant, mais existentiel. Comment vivre la fraternité ? Qu'est-ce que veut dire comprendre l'autre ? Jusqu'où vont les liens du sang ? Des thématiques très proches du cinéma mélancolique et évocateur de Wes Anderson, que l'on retrouve dans la famille Tennenbaum (2 001) et The Darjeeling limited (2 007). Mais ici, la tristesse cède le pas à une sourde colère, l'histoire de famille recèle un secret qui se révèle par bribes, au fil du refrain lancinant d'un poème ressurgi du passé. Ces retrouvailles posent des questions sans concessions, et s'achèvent de manière radicale, dans les ténèbres de la forêt canadienne. Celle du public et de la compagnie les comples méridiens, au contraire, est bien plus lumineuse. Mardi soir, les gradins étaient bondés pour la deuxième représentation de la pièce. Cette dernière avait pourtant déjà été jouée en 2008-2009, au même endroit. Mais le public du festival se renouvelle. Et les aficionados du texte percutant de Michel Marc Bouchard apprécient sans doute de le retrouver dans un lieu où il résonne particulièrement bien. La mise en scène épurée de Laurent Crovella et le cadre naturel du fossé Vauban, confèrent en effet aux mots des comédiens un réalisme étonnant. Ces derniers, Xavier Boulanger, Eric Domenicone et Frédéric Solunto partagent une énergie qui paraît neuve, malgré quatre ans de représentations, pour ce spectacle qui était censé s'arrêter après Phalsbourg... et ne le sera finalement qu'en 2013, puisque des représentations sont encore prévues en Bourgogne. Camille Andres Le chemin des passes dangereuses, compagnie les comples méridiens, Fossé Vauban, jeudi 26 juillet 22 h, durée 1 h 30, 160 places, samedi 28 juillet 22 h. Tout public, à partir de 12 ans (conseillé), les enfants de moins de 5 ans ne sont pas admis. Infos au ?03 87 24 42 42 et www.phalsbourg.fr