
AVANT-PROPOS
Dans le cadre de mon travail comme Conseiller principal au Bureau du Québec dans les
Provinces atlantiques, j'ai assisté, à l'automne 2000, à un colloque organisé par la Chambre
de commerce des Provinces de l'Atlantique, à Dieppe, au Nouveau-Brunswick. Le thème
annoncé était : Creating wealth on the Atlantic Coast trade corridor. Alors que je
m'attendais à une rencontre plutôt ennuyeuse d'une chambre de commerce régionale, le
conférencier invité piqua aussitôt ma curiosité avec la première diapositive de son
diaporama. On y voyait, non pas une image de cages à homard empilées sur un quai, ce qui
aurait été tout à fait prévisible, compte tenu de l'importance des pêcheries dans l'économie de
la région, mais plutôt une scène représentant une caravane de chameaux lourdement chargés
qui se déplaçaient le long d'une piste dans le désert. L'intention était de montrer à l'assistance
que le phénomène des couloirs économiques était aussi ancien que le commerce lui-même.
La deuxième diapositive montrait une colonne de camions remorques filant sur une
autoroute moderne. L'essentiel de la démonstration venait d'être fait. Il ne restait plus qu'à
identifier ce couloir naturel pour la région qui, bizarrerie de l'histoire, était bloqué par une
frontière pour des raisons politiques relevant de conflits qui dataient du siècle dernier.
L'auditoire de gens d'affaires présents était conquis. On invita un gros propriétaire de
caravanes, le président de Armour Transport Inc., la plus importante compagnie de transport
par camions de l'Atlantique, à prendre la parole. Son message était clair. Les multiples
tracasseries et inconvénients que lui causait cette frontière étaient inutiles et la solution était
tout aussi limpide : les gens d'affaires devaient faire pression sur les politiciens pour qu'ils
ouvrent la route vers les États-Unis.
Quelques mois plus tard, j'étais amené à découvrir que, chez certains intellectuels de
l'Atlantique, la situation était tout aussi claire. Le retard économique de la région s'expliquait
par des raisons politiques et cette situation n'avait plus sa raison d'être. De leur côté, les
politiciens semblaient être les derniers à savoir de quoi les deux autres groupes parlaient.
Pour ma part, je venais de découvrir un formidable laboratoire de sociologie grandeur nature.
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