Gabriel Ste‐Marie Colloque sur l’électrification des transports collectifs 20 janvier 2011 Afin de ne pas dépasser le temps qui m’est accordé tout en restant le plus clair possible, je vais m’en tenir au présent texte. Diapositive 1 Dans notre rapport de recherche, nous avons calculé les retombées économiques et les emplois découlant d’une grande corvée transport. Ça c’est fait en deux blocs. Pour le premier, nous avons considéré les huit projets de transport en commun électrifié actuellement annoncés un peu partout au Québec, pris comme un ensemble. Nous avons également compté l’électrification des quatre lignes de trains de banlieue et la construction du train de l’est projetée (reliant Mascouche et Repentigny à Montréal). Nous avons voulu évaluer l’effet du déploiement de ces projets, pris comme un bloc, s’ils étaient mis en œuvre dès maintenant plutôt que sur plus d’une décennie. Lire le Tableau 1 L’objectif de notre recherche n’était pas de refaire les calculs d’estimation de chaque projet. Ce n’était pas non plus d’évaluer leur pertinence. C’était plutôt de prendre directement les coûts annoncés par leur promoteur pour en calculer les retombées. Nous voulions avant tout nous donner un ordre de grandeur des retombées, et non réaliser une étude de faisabilité. 1 Si le premier bloc porte sur l’ensemble des projets annoncés, le second mesure les retombées que pourrait avoir la mise en place d’un réseau de monorail rapide, suspendu et fonctionnant à l’électricité, utilisant la technologie québécoise du moteur‐roue. Ce réseau desservirait les principales régions du Québec en reliant huit villes entre elles. Les détails vous seront donnés dans la prochaine présentation, celle du physicien Pierre Langlois. Pour chacun de ces deux blocs, nous avons utilisé la même méthode. Nous avons d’abord ventilé la structure de ces coûts pour ensuite les faire concorder avec les informations contenues dans la matrice des tableaux intersectoriels du Québec (édition 2009, c’est la plus récente disponible), produite par l’Institut de la statistique du Québec. Il s’agit de la méthode standard pour ce genre d’exercice. L’ensemble des détails de la méthodologie est présenté dans le rapport de recherche. Diapositive 2 Le plus gros défaut de cette méthode est de se limiter aux retombées directes et indirectes, ne comptant pas l’effet induit, pas plus que l’effet structurant. Voici un exemple. Pour le premier bloc, nous voyons que ces projets consolidés représentent plus de sept milliards $ et peuvent créer plus de 50 000 emplois, directs et indirects. C’est‐à‐dire qu’on comptabilise ici les employés qui travaillent directement à la construction de ces projets, ainsi que les emplois créés chez leurs fournisseurs ou encore chez leurs sous‐ traitants. Toutefois, les revenus de ces nouveaux emplois créés seront à 2 leur tour dépensés : resto, cinéma, construction résidentielle, spectacle, etc. Et ils créeront ainsi d’autres emplois, qui eux ne sont pas ici pris en compte. Il s’agit de la spirale vertueuse du multiplicateur keynésien. La création d’emplois en entraîne d’autres et ainsi de suite. Le développement de telles infrastructures de transport en commun réorganise aussi l’économie, notre façon de faire les choses. Par exemple, l’existence de ces réseaux pourrait faciliter l’implantation de nouvelles entreprises dans nos régions. Cet effet structurant n’est pas non plus pris en compte dans les chiffres ici présentés. Voici un autre exemple probant : le développement du transport électrifié contribue à diminuer notre consommation de pétrole. Ces revenus dégagés sont ensuite dépensés ailleurs dans notre économie et contribuent à créer des emplois au Québec. Tant les effets structurants que les effets induits (découlant du multiplicateur keynésien) ne sont pas ici présentés. C’est trop difficile à calculer et il est impossible d’arriver à un résultat précis. Mais il ne faut surtout pas oublier leur existence! Analyser le Tableau 2 • Note : Autres revenus bruts : Ce poste inclut la rémunération de l’entrepreneur, mais aussi du capital (amortissement, épuisement et dépréciation du matériel et des bâtiments), les intérêts divers et autres frais (charges patronales, avantages sociaux, etc.). 3 • En lien avec importations : + de 60% des retombées demeurent au Québec, ce qui est excellent pour les projets industriels. Diapositive 3 Passons maintenant à l’analyse du Tableau 3 Analyser le Tableau 3 • En lien avec importations : 65% des retombées de ce projet demeurent au Québec, tout juste les deux tiers. Encore une fois, il ne faut pas oublier l’importance des effets qui ne sont pas ici calculés. Les effets positifs de la corvée transport sur l’environnement sont indéniables. Comme on le voit, c’est aussi le cas sur l’économie. C’est cet aspect qu’on a étudié dans notre rapport de recherche. Pas parce que c’est plus important, mais parce que ça a moins été fait. Tentons de faire un lien avec la conjoncture économique. L’actuelle crise mondiale a commencé avec la crise des marchés financiers et des systèmes bancaires. Mais c’est aussi la crise qui marque la fin de l’économie basée sur le pétrole bon marché. Si le prix du pétrole a été plus faible depuis le début de la crise, c’est justement à cause du ralentissement de l’économie dans le monde. À mesure que la croissance économique reprend, le prix du baril raugmente, ce qui freine à nouveau l’économie. Tant que la base énergétique de nos économie tournera autour des combustibles fossiles, 4 l’économie mondiale est condamnée à demeurer en récession, au mieux à stagner. Nous devons rapidement nous tourner vers les énergies renouvelables. Au Québec, nous sommes déjà bien positionnés puisque la moitié de notre énergie consommée provient déjà de sources renouvelables. Notre talon d’Achille est le secteur des transports, qui concentre la plus grande part des énergies fossiles, en plus de miner notre balance commerciale. La corvée transport s’inscrit sur cette voie de l’indépendance énergétique. Mettre en œuvre dès maintenant l’ensemble des projets de transport en commun annoncés ainsi que le réseau de monorail contribue à diminuer notre dépendance au pétrole. Plus encore, il s’agit en même temps d’un excellent stimulus visant à relancer notre économie. À ce sujet, l’économiste américain et prix Nobel, Joseph Stiglitz, rappelle dans son dernier livre qu’un bon programme de stimulation économique doit respecter sept principes clés. Justement, notre corvée tombe en plein dans le mile et respecte tous ces critères. Son livre est Freefall (chute libre), publié en 2010. Il partage la vision keynésienne. Il rappelle que le problème en récession est que les ressources sont disponibles, mais que les forces du marché n’arrivent plus à les utiliser. Il y a des usines non utilisées, des travailleurs bien formés mais au chômage, etc. Comme les chômeurs se serrent la ceinture, ils dépensent moins, ce qui entraîne d’autres pertes d’emplois dans d’autres secteurs économiques 5 (construction résidentielle, restaurants, etc.). C’est le cercle‐vicieux. Si rien n’est fait rapidement, on peut arriver à une dépression comme celle des années 1930. Stiglitz nous rappelle que c’est pendant la crise qu’une bonne politique de relance économique peut venir changer la situation. Comme les effets des plans de relance sont longs à être ressentis dans l’économie, il faut les implanter rapidement. (faire lien avec corvée transport) Ensuite, il faut que chaque dollar dépensé rapporte un maximum de retombées. « Big bang for the buck ». Il faut que les revenus générés soient redépensés dans l’économie pour maximiser l’ampleur du multiplicateur keynésien. Ça signifie dépenser localement plutôt qu’importer. Ça signifie aussi que ces revenus doivent aller à la classe moyenne et aux plus pauvres, qui vont davantage réinjecter ces montants dans l’économie et ainsi stimuler la création d’emplois plutôt que les placer en épargne. Stiglitz critique ici les baisses d’impôts consenties aux millionnaires américains tout comme les salaires versés aux soldats à l’étranger. (faire lien avec corvée transport) Troisièmement, le prix Nobel affirme que ce stimulus doit s’attaquer aux problèmes de long terme que présente notre économie. (faire lien avec corvée transport : dépendance aux énergies fossiles, fin de l’ère du pétrole bon marché) Dans le même esprit, le plan de relance doit en être un d’investissement, pour contribuer à accroître notre productivité, au lieu de simplement 6 augmenter notre consommation à court terme. (faire lien avec corvée transport) Le cinquième principe en est un de justice. Il consiste à chercher à diminuer les écarts de richesse dans la société. (lien : aide la classe moyenne). Le sixième s’adresse davantage à la réalité des États‐Unis. Joseph Stiglitz rappelle que les nouveaux chômeurs risquent de perdre leur maison et se retrouvent notamment sans assurances‐santé. Le plan de relance doit s’attaquer à ces pertes. (moins de lien) Enfin, l’économiste américain rappelle que la politique économique expansionniste doit chercher à remplacer les emplois perdus, notamment dans le secteur industriel. (faire lien avec corvée transport : on a la base industrielle, la main‐d’œuvre spécialisée, les scientifiques et l’énergie). Les contrats dans ce secteur ont ralenti alors le moment est idéal pour mettre de l’avant cette relance. Même si notre situation économique est meilleure que celle aux États‐Unis, on est encore loin du plein‐emploi. Le momentum est donc idéal pour lancer ce genre de projet. En plus de réaligner notre économie sur la voie des énergies renouvelables et de l’environnement, une corvée transport constitue un excellent programme visant à relancer notre économie. 7