Dans son 2ème chapitre, nous retrouvons le Riccardi historien qui nous parle des périphéries dans la
primitive histoire du christianisme en commençant par l’époque biblique (p.35). S’il mentionne que
les périphéries n’ont jamais été totalement oubliées, il affirme cependant que « sur le long terme, un
divorce tendanciel s’est produit entre l’Église et les êtres de la périphérie » (p.53) Déjà sous
Grégoire le Grand, Rome, centre de l’Empire, est devenue marginale. Il fallait un nouveau départ et
ce fut l’œuvre des moines ou ermites au désert, exemple révélateur d’un nouvel essor périphérique
par rapport à l’institution (p.60-66).
Le 3ème chapitre veut nous présenter les périphéries d’aujourd’hui. Il s’agit en fait de l’histoire
récente du catholicisme en Europe. L’auteur s’étend sur l’exemple de la ville de Paris avec le
cardinal Suhard : la Mission de Paris ou Mission de France. Tous constatent douloureusement que
beaucoup s’éloignent de l’Église et de ses institutions paroissiales. C’est la constatation des
nouvelles périphéries. Dès 1943, le Cardinal Suhard perçoit la nécessité de s’insérer dans les
mondes périphériques : « Il faut sortir de chez nous, aller chez eux ! » (p.84) Cela revenait à
reconstruire des communautés chrétiennes depuis la base; soit faire renaître l’Église depuis
l’intérieur du monde périphérique (p.100-102). C’est ce que plusieurs ont essayé et l’auteur nous
présente alors les efforts de Charles de Foucauld, la communauté Sant’Egidio dont il est le
fondateur ; sans oublier quelques femmes comme Petite Sœur Madeleine de Jésus et sa
congrégation internationale ainsi que Madeleine Delbrel en banlieue parisienne. Pour tous et toutes,
il ne s’agira pas de « guider mais être avec » (p.128), ne pas chercher à exercer une influence mais
réaliser une présence humaine et évangélique (p.131). C’est un apostolat et une présence centrée sur
l’Évangile « lu et vécu en périphérie » (p.119) et qui, ainsi, apporte une annonce, une énergie, un
rayon de lumière, une espérance (p.123). Ce sera alors la manifestation d’une « Passion
évangélique pour la périphérie » (p.138) ; le début d’un cheminement progressif d’une
communauté ecclésiastique à une Église du Peuple (p.149). Ce sera une route que notre auteur
identifie à « l’exode » (p.150)
On ne trouvera pas dans ce livre une description qui nous permettrait de comprendre la nature de
ces périphéries. Riccardi n’est ni un anthropologue ni un sociologue. Il fait état de notre époque
comme « recouverte d’une poussière de formes multiples de religiosité » (p.149) On peut y voir une
évocation des sociétés multi-religieuses ou multi-convictionnelles de nos jours. Deux fois seulement
il y fait mention des musulmans (p.137 & 150) en nous interpellant sur notre capacité à nous laisser
questionner par la présence des autres (p.150).
Son dernier chapitre intitulé « Fragments de vie chrétienne en marge » nous donne, pour ainsi dire
en annexe, d’autres exemples de vie et de témoignage en périphérie.
Il y a bien des années, l’abbé Godin avait écrit un livre emblématique : « France pays de Mission ».
Aujourd’hui, nous avons Andrea Riccardi et son livre sur les périphéries. Il nous lance un appel
qu’éclaire une de ses conclusions : « La régénération de l’Église et de la vie chrétienne part
précisément de la passion pour les périphéries et pour les êtres de la périphérie : on peut même
dire qu’elle part de la redécouverte de la tâche joyeuse de vivre et de communiquer l’évangile dans
la périphérie. » (p.151)
Allons-nous entendre son appel ? Les plus jeunes oseront ils se lancer au sein des périphéries ? Et
les plus anciens sauront-ils leur laisser l’espace nécessaire pour répondre à cet appel? L’avenir nous
le dira. Ce qui est certain, c’est que la société multi-convictionnelle d’aujourd’hui attend notre
réponse.
Gilles Mathorel
Catégorie(s) : Histoire, Religions, Société Tags : Eglise Catholique, recension