BULLETIN ARCRE 205 (16/03/17)
Michaël Privot: Quand j’étais Frère musulman. Parcours vers un islam
des lumières (compte-rendu)
Michaël PRIVOT : Quand j’étais Frère musulman : parcours vers un islam des
lumières. Préface de Ismaël Saidi. Ed. La Boîte à Pandore, Paris, 2017, 235 p . ISBN
978-287557-290-5. (19.90 €)
Une recherche de « Michaël Privot » sur internet affiche de nombreuses références,
certaines menant vers des pages l’accusant d’à peu près tout ce qui fait le fonds de commerce des
islamophobes et de l’extrême-droite.
« J’ai donc eu envie de mettre en mots ce que je suis et de passer à l’étape suivante de ma vie, en ne
conservant que les enseignements de mon parcours » (p.13), atypique s’il en est ! À 19 ans, le jeune
homme né à Verviers (Belgique), « dans une démarche fondamentalement postmoderne de l’offre
disponible sur le grand marché du spirituel », se reconnaît finalement dans les écrits d’un gnostique
iranien, et devient musulman.
Poursuivant un brillant parcours universitaire, son esprit libre et critique ne l’empêche pas de garder
les pieds sur terre. Il s’implique dans les activités de la vie sociale, dans le fonctionnement du
Complexe Éducatif et Culturel Islamique de Verviers (CECIV) et se retrouve dans la confrérie des
Frères Musulmans qu’il quittera d’une manière aussi peu formelle (malgré lui) qu’il y est entré « à
l’insu de son plein gré » (p. 102). Il rapporte son cheminement avec lucidité et honnêteté, tout en
livrant de nombreux détails sur les (dys)fonctionnements de la Confrérie et sur les raisons qui l’ont
amené à les quitter (un tiers du livre). « Si ma loyauté était engagée, c’était envers mes quelques
compagnons de route […] pas envers une organisation » (p.108)
Dans la dernière section du livre, il nous livre un peu plus ses convictions personnelles de croyant,
influencé par Tareq Oubrou, puis Nasr Hamid Abu Zaïd, mais surtout Rachid Benzine et la méthode
« anthropo-historique », comparable à celle de l’exégèse historico-critique dans la tradition
chrétienne.
Non conditionné dans son enfance par la religion et l’imaginaire qui lui est associé, sa manière de
vivre l’islam a de quoi surprendre un chrétien et ne manquera pas de « heurter » nombre de
musulmans . « Converti à l’islam en abstraction de son Prophète » il ne s’en est « jamais porté
mal » (p.205). Il revendique une démarche de liberté pour écrire une nouvelle page de l’islam qui
rique de laisser les musulmans « orphelins d’un Prophète super-héros qui a réponse à tout »
(p.201). À la suite de R. Benzine et de la méthode citée, il considère que imân, généralement traduit
par « foi », « serait fondamentalement une alliance, une adhésion pleine et entière à la divinité, à la
façon dont on fait alliance avec un chef de tribu », et le « mu’min, que tout le monde traduit par
croyant, serait dès lors celui qui adhère, qui est dans l’alliance » (p.211).
Si la première partie, jeunesse et cadre familial, est très personnelle, la suite du livre nous introduit
dans les arcanes des structures de différentes organisations, musulmanes ou politiques, non
seulement belges mais aussi étrangères. Les personnes avec lesquelles il a pu réfléchir, dialoguer et
établir des projets, avec plus ou moins de succès, constituent une galerie de portraits présentés de
manière telle que ce livre risque de lui attirer de nouvelles animosités !