
Il y a plusieurs projets, anglo-saxons en majorite
´, d’une
anamne
`se spirituelle. Je voudrais mentionner tout spe
´cialement
les travaux de Christina Puchalski [12]. Dans notre recherche, a
`
Munich, nous essayons d’adapter sa me
´thode d’un entretien
spirituel clinique a
`la re
´alite
´allemande et europe
´enne.
Voici les quatre domaines a
`explorer avec le patient et, ce
qui est crucial, selon sa terminologie (Tableau 1). L’inter-
rogatoire fait partie d’une observation clinique de base. Il
ne
´cessite un minimum de temps (entre quinze et trente
minutes environ). Un travail de re
´flexion pre
´alable par le
professionnel de sante
´est souhaitable. L’anamne
`se spirituelle
se fait selon les re
`gles de neutralite
´, de respect et de non-
inge
´rence ge
´ne
´ralement admises en de
´ontologie me
´dicale. De
`s
le de
´but, l’entretien laisse une large place « au patient » et a
`sa
manie
`re de de
´finir les concepts. C’est ainsi que la question
d’introduction utilise le terme gla
¨ubig qui correspond aux
mots franc¸ais « croyant » et « ayant une foi ». En allemand,
cette manie
`re ample, visant le champ de la confiance, nous
semble mieux ouvrir l’entretien que les concepts de spiritualite
´
et de religion. Il faut noter que ces deux concepts sont riches en
connotations et risquent de cre
´er des malentendus selon
l’appartenance linguistique, culturelle et religieuse de chacun
des interlocuteurs. Au-dela
`de sa de
´finition personnelle de
«spiritualite
´», c’est le patient qui de
´cide de l’intensite
´de
l’entretien, des questions aborde
´es et, surtout, du ro
ˆle qu’il veut
octroyer au professionnel de sante
´dans le champ spirituel :
Dans notre e
´tude de phase I sur la faisabilite
´clinique
du SPIR [6], nous aboutissons aux conclusions suivantes :
Un de
´pistage des besoins et des pre
´fe
´rences spirituelles
est juge
´utile et non intrusif par patients et me
´decins.
SPIR et d’autres approches qualitatives sont adapte
´es a
`
la pratique clinique et peuvent e
ˆtre e
´value
´es quantitativement.
Le « diagnostic » spirituel, la coope
´ration interdisci-
plinaire et les interventions spirituelles sont des ta
ˆches
me
´dicales incessibles.
Peut-on... ? Mais qui est « on » ?
L’anamne
`se spirituelle pratique
´e par le me
´decin rassure un
grand nombre de patients dans le domaine de la spiritualite
´,
car ils conside
`rent le me
´decin comme objectif et neutre. Et ce
sont justement ces attitudes exige
´es par la de
´ontologie
professionnelle qui favorisent un dialogue spirituel au sein
de la relation me
´decin/malade. Le fait qu’ils ne doivent
craindre aucune re
´cupe
´ration religieuse aide les patients a
`
donner un ro
ˆle d’accompagnateurs aux professionels de
sante
´(dernier domaine du SPIR, idem). Une comparaison
des re
´sultats obtenus par des groupes professionnels divers
(me
´decins, infirmie
`res, psychologues et agents pastoraux)
va e
ˆtre publie
´e prochainement. Par ailleurs, nous pre
´parons
une e
´tude interculturelle et interreligieuse avec l’e
´quipe
de C. Puchalski.
Toutefois, il est e
´vident que l’option d’une me
´thode
d’anamne
`se spirituelle comporte a
`la fois des chances et
des risques. La plupart des risques sont relatifs, et il n’est
pas trop difficile d’y reme
´dier:manquedecompe
´tence
des professionnels de sante
´et absence de travail d’e
´quipe
dans le domaine spirituel, possibilite
´s limite
´es de donner
suite a
`une demande spirituelle suscite
´e par l’interroga-
toire qui repre
´sente, en me
ˆme temps, une intervention
(principedere
´activite
´). Tenir compte d’une approche
inter-subjective au sein du monde hospitalier n’est pas
sans risque. Les professionnels de la sante
´oseront-ils
prendre en compte la subjectivite
´du malade qui va de
´finir
«sa»spiritualite
´et celle de son entourage social et qui va
assigner de nouveaux ro
ˆles dans le domaine spirituel ? Ou
les me
´decins, les infirmie
`res et les psycho-oncologues
pre
´fe
´reront-ils,aucontraire,s’enteniraux«garde-fous»
des circulaires et des bonnes traditions laı
¨cales ? Il n’est
pas su
ˆr que le proble
`me de fond soit la protection du sujet
malade contre la re
´cupe
´ration spirituelle. Car, au-dela
`du
juste e
´quilibre entre les re
`gles de neutralite
´et d’autonomie
axiologique d’un co
ˆte
´et les besoins spirituels des patients
de l’autre, comment re
´agiront les enque
ˆteurs a
`se voir
confronte
´s avec leurs convictions, leurs expe
´riences, leurs
appartenances, leurs re
´voltes... ?
Il serait du moins ha
ˆtif de confondre laı
¨cite
´et laı
¨cisme
antispirituel. En ce qui concerne la religion, la loi de 1905
e
´tait « soucieuse, certes, d’empe
ˆcher le cure
´de sortir de
son domaine, mais aussi de l’y trouver quand on a besoin
de lui » (J. Rive
´ro, cite
´par Poulat, [11]). Dit d’une fac¸on
actualise
´e : il faut empe
ˆcher toute manipulation spirituelle
du malade, mais aussi l’aider a
`be
´ne
´ficier de tout ce dont
il a besoin dans ce domaine.
Conclusion: ces me
´decins et psycho-oncologues
qui se mettent au spirituel...
A
`la fin de cette re
´flexion, il est donc important de rappeler
le conflit qui existe entre une prise en charge spirituelle du
malade cance
´reux et la laı
¨cite
´des institutions et des
professionnels de me
´decine et de psychothe
´rapie. A
`trop se
maintenir a
`la seule laı
¨cite
´,onrisque«deme
´connaı
ˆtre une
part importante des aspirations des patients atteints de
maladies graves. [...] La me
´connaissance de la dimension
Tableau 1. Brouillon d’une version franc¸aise du Sche
´ma d’anamne
`se
spirituelle « SPIR » [6].
Spiritualite
´:Est-ce que vous diriez – au sens plus large des mots –
que vous avez une spiritualite
´, une religion, une foi ou une croyance ?
Place dans la vie : Est-ce que ces convictions ont de l’’importance
pour votre vie et, en particulier, pour votre manie
`re de faire face
a
`la maladie ?
Inte
´gration : Est-ce que vous faites partie d’’une communaute
´
spirituelle ou religieuse ?
Ro
ˆle du professionel de sante
´:Comment de
´sirez-vous que je (en tant
que me
´decin, infirmie
`re, the
´rapeute...) ge
`re les questions que nous
venons d’aborder ?
163