Montpellier Agglomération • HARMONIE N° 260 • Mars 2009 • www.montpellier-agglo.com
HÉLÈNE DE CHABERT
n 1952 : naissance à Montpellier
n 1974 : avocate au barreau de Montpellier, spécialiste en droit
des personnes et de la famille.
n 1996 : Présidente de l’association « Féminin Plurielles » pour la parité.
Présidente-animatrice du « Café des Femmes ».
n 2006 : organise avec le soutien de Jane Fonda et de la librairie Sauramps,
le 1er V-day Montpellier, renouvelé chaque année depuis.
F.B. : Le droit de vote en 1945, et il faut savoir que
la France était très en retard… Puis la légalisation
de la contraception et de l’avortement : ça a permis
aux femmes de décider quand elles voulaient des en-
fants, et quand elles souhaitaient avorter, de ne plus
le faire dans la clandestinité et la souffrance.
Pensez-vous que les jeunes femmes d’aujourd’hui
soient encore sensibles à la question de l’égalité
homme-femme ?
H.D.C. : Elles profitent des acquis. On ne peut plus
imaginer vivre sans cette liberté. Mais je pense que
nous devons rester vigilantes face au retour d’un cer-
tain « ordre moral ». Quand on dit par exemple qu’on
devrait laisser aux femmes le « choix » de rester à la
maison pour élever leurs enfants... C’est un piège !
On culpabilise les femmes, et sournoisement, on
empiète sur leurs libertés.
F.B. : Pendant des années, on se reposait sur les ac-
quis des années 70. Mais ces dix dernières années, je
pense qu’on revient à une plus grande conscientisa-
tion. Car il y a des retours en arrière. L’Etat se désen-
gage de la prévention sur la sexualité et les violences
en milieu scolaire. C’est le signe d’une absence de
volonté politique dans ce domaine.
Dans les années 70, on parlait beaucoup
de l’émancipation des femmes.
Est-ce toujours un combat d’actualité ?
H.D.C. : Dans les sociétés européennes et occi-
dentales, je pense que l’émancipation est acquise.
Aujourd’hui, nous pouvons profiter pleinement de
nos droits et de nos libertés, mais selon le milieu
social il existe encore des inégalités et nous devons
rester attentives.
F.B. : Il y a eu de sacrées avancées, je ne peux pas dire
le contraire ! Mais face au lobbying des associations
Pro-vie, en tant que féministes, nous luttons contre
les atteintes au droit à l’avortement. Par exemple, si
on donne un statut juridique au fœtus de 2 mois et
demi, l’avortement à 3 mois devient un infanticide.
Les Françaises issues de l’immigration
sont nombreuses à s’investir aujourd’hui dans les
associations féministes. Pourquoi selon vous ?
H.D.C. : Parce qu’elles viennent de sociétés où le
poids des traditions est encore important, où il y a
encore beaucoup de violences familiales, de maria-
ges forcés, et parfois de crimes d’honneur… C’est
important de les soutenir.
F.B. : L’investissement des jeunes femmes d’origine
maghrébine est devenu plus visible il y a une dizaine
d’années avec l’émergence de l’association « Ni Putes
Ni Soumises » dans les quartiers. Mais je refuse le
piège du communautarisme. Depuis 2001, le Plan-
ning Familial vient en aide aux victimes de mariages
forcés. Notre réseau a traité 450 cas en huit ans.
Après avoir refusé un mariage forcé, ces jeunes filles
sont souvent en rupture avec leur famille et ont be-
soin de rebondir. Elles ont besoin d’aide.
Pensez-vous que les femmes doivent se comporter
comme des hommes pour s’imposer en politique
ou au travail ?
H.D.C. : Je crois que c’est la politique qui impose
ses règles ! Nous avions imaginé une autre politi-
que… Je suis avocate, ce métier est très féminisé
aujourd’hui, et je ne vois pas d’énormes différences
entre les hommes et les femmes dans leur exercice.
F.B. : C’est une question étrange… C’est avec
ses propres idées qu’on avance. Être femme et se
revendiquer comme femme ne devrait pas être un
handicap.
Faut-il imposer la parité en politique
ou laisser les femmes s’imposer ?
H.D.C. : Le manifeste pour la parité lancé en 1996 a
beaucoup fait avancer les choses, mais d’une façon
générale, je ne suis pas favorable à la discrimination
positive, et cela en est une forme. La loi sur la parité
doit rester une mesure transitoire.
F.B. : Je ne voudrais pas qu’on dise : « si elle a réussi,
c’est parce qu’elle est une femme, ou parce qu’elle
est arabe… » Je suis contre les étiquettes et donc
contre la discrimination positive. Mais je dois
reconnaître que la loi sur la parité en politi-
que a fait avancer les choses. Même si les
femmes ont encore du mal à s’imposer.
Êtes-vous pour ou contre la
Journée des Femmes ?
H.D.C. : C’est un symbole,
mais je pense qu’on doit agir
tout au long de l’année, pas
seulement le 8 mars…
F.B. : Au départ je me suis
dit : c’est débile ! Parce que
c’est réducteur, comme la Fête des
Mères. Mais c’est vrai que cette journée a
l’intérêt de mettre en lumière l’action des
associations et des situations qui montrent
que l’on est encore loin de l’égalité entre
les hommes et les femmes.
Quelles sont, aujourd’hui, pour vous, les grandes
inégalités entre hommes et femmes ?
H.D.C. : Ce sont de grandes causes internationa-
les. Il y a dans le monde de nombreuses femmes
en situation de dépendance, victimes de violences,
d’intégrismes religieux… En France, il faut rester vi-
gilantes et continuer à aider les femmes en demande
d’autonomie.
F.B. : L’inégalité salariale et l’accès aux postes à res-
ponsabilité. Il y a aussi encore d’importantes inéga-
lités sociales, dans l’accès à l’emploi, à la santé, au
droit, toutes les statistiques le montrent.
Aragon écrivait :
« La femme est l’avenir
de l’homme »
. Qu’en pensez-vous ?
H.D.C. : Je n’en sais rien. Ce qui est important pour
une femme, c’est d’être libre et épanouie, sociale-
ment et sexuellement. Aujourd’hui, nous sommes
définitivement passées d’un féminisme conquérant
à un féminisme triomphant.
F.B. : Cette phrase m’a toujours
touchée, parce qu’elle est
dite par un homme. Dans
la bouche d’une fem-
me, ce serait arrogant.
Je l’interprète comme
une ode à la femme,
une femme consi-
dérée comme une
partenaire, une
égale, qui peut, elle
aussi, éclairer le chemin
de l’humanité.
« Nous sommes passées
d’un féminisme conquérant à un
féminisme triomphant. »
Hélène DE CHABERT