fatima bellareDj D`une génération à l`autre un féminisme apaisé

16 Montpellier AgglomérationHARMONIE N° 260 Mars 2009www.montpellier-agglo.com
FATIMA BELLAREDJ
n 1970 : naissance à Somain (Nord)
n 1999 : installation à Montpellier
n 2001 : adhésion au Planning Familial, lancement des premières
actions contre les mariages forcés
n 2006 : coordinatrice d’Alter Incub, incubateur d’entreprises sociales
n 2008 : élection à la présidence du Planning Familial de Montpellier
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D’où vous vient votre engagement féministe ?
lène de Chabert : Dans les années 70, il me
semblait naturel de demander l’égalité entre
hommes et femmes. Ça faisait partie de l’évo-
lution de la société à ce moment-là.
Fatima Bellaredj : Cela me vient de mon
éducation. J’ai eu la chance d’avoir un père qui a
toujours voulu l’égalité entre ses fils et ses filles.
Ce qui était relativement rare dans notre culture
patriarcale.
Etre féministe, qu’est-ce que cela
signifie pour vous ?
H.D.C. : Le féminisme pour moi,
c’est la liberté. Cela passe par
deux choses : d’abord l’autono-
mie financière, et ensuite le droit
de disposer librement de
son corps. Cela paraît
évident aujourd’hui, mais
cela ne l’était pas il y a
50 ans.
F.B. : Je revendique haut
et fort mon féminisme !
Le terme est souvent
malmené. Je nexclus
pas les hommes. Pour
moi, le féminisme c’est la
lutte pour l’égalité entre les
hommes et les femmes. Aujourd’hui, il
y a encore beaucoup de stéréotypes
dans la répartition des rôles qui font
que les femmes acceptent d’être do-
minées.
Pouvez-vous me parler d’une femme célèbre
qui soit pour vous un exemple ?
H.D.C. : J’ai une très grande admiration pour Simone
Veil, qui est un exemple de dignité et qui a eu le cou-
rage, malg toutes les pressions, de faire voter la
Loi Veil en 1974, pour la légalisation de l’avortement.
Je pense aussi à Sylviane Agacinski, comme philosophe, sur
les questions éthiques liées à la procréation artificielle et
aux nouvelles formes de parentalité.
F.B. : Il y en a plusieurs. Simone Iff, qui présidait le Planning
Familial dans les années 70 et a lancé le fameux « manifeste
des 343 salopes » pour l’avortement. Françoise Héritier,
l’anthropologue qui a consacré sa vie à analyser les stéréo-
types homme-femme. Et enfin, Simone Veil.
Quelle a été pour vous la plus grande victoire
des femmes dans leur lutte pour l’égalité des sexes ?
H.D.C. : Sans aucun doute, la contraception. Car à partir
de ce moment-là, les femmes ont compris qu’elles n’étaient
plus seulement destinées à la procréation, qu’elles pou-
vaient maîtriser leur destin. Elles se sont engagées dans
leur vie professionnelle et sociale et elles ont vu qu’elles
pouvaient s’y épanouir. Et ce qui est fabuleux dans le nou-
veau féminisme, c’est qu’il noppose plus la maternité et la
carrière, comme le faisait Simone de Beauvoir. Nous pou-
vons nous épanouir des deux côtés.
« Aujourd’hui, il y a encore
beaucoup de stéréotypes sur les rôles
des hommes et des femmes. »
Fatima BELLAREDJ
HÉLÈNE DE CHABERT - FATIMA BELLAREDJ
D’UNE GÉNÉRATION À LAUTRE
UN FÉMINISME APAISÉ
Chaque année au mois de mars, la Journée de la Femme est loccasion de reparler de légalité
entre hommes et femmes. Rencontre avec deux figures du féminisme montpelliérain :
la Présidente du Planning Familial de Montpellier, Fatima Bellaredj et la Présidente de
l’association Féminin Plurielles, Hélène de Chabert. Réponses croisées.
FACE à FACE y
8
MARS,
JOURNÉE
DE LA
FEMME
Montpellier AgglomérationHARMONIE N° 260 Mars 2009www.montpellier-agglo.com
17
LÈNE DE CHABERT
n 1952 : naissance à Montpellier
n 1974 : avocate au barreau de Montpellier, spécialiste en droit
des personnes et de la famille.
n 1996 : Présidente de l’association « Féminin Plurielles » pour la parité.
Présidente-animatrice du « Café des Femmes ».
n 2006 : organise avec le soutien de Jane Fonda et de la librairie Sauramps,
le 1er V-day Montpellier, renouvelé chaque année depuis.
F.B. : Le droit de vote en 1945, et il faut savoir que
la France était très en retard… Puis la galisation
de la contraception et de l’avortement : ça a permis
aux femmes de décider quand elles voulaient des en-
fants, et quand elles souhaitaient avorter, de ne plus
le faire dans la clandestinité et la souffrance.
Pensez-vous que les jeunes femmes daujourd’hui
soient encore sensibles à la question de légalité
homme-femme ?
H.D.C. : Elles profitent des acquis. On ne peut plus
imaginer vivre sans cette liberté. Mais je pense que
nous devons rester vigilantes face au retour d’un cer-
tain « ordre moral ». Quand on dit par exemple qu’on
devrait laisser aux femmes le « choix » de rester à la
maison pour élever leurs enfants... C’est un piège !
On culpabilise les femmes, et sournoisement, on
empiète sur leurs libertés.
F.B. : Pendant des années, on se reposait sur les ac-
quis des années 70. Mais ces dix dernières années, je
pense qu’on revient à une plus grande conscientisa-
tion. Car il y a des retours en arrière. LEtat se désen-
gage de la prévention sur la sexualité et les violences
en milieu scolaire. C’est le signe dune absence de
volonté politique dans ce domaine.
Dans les années 70, on parlait beaucoup
de l’émancipation des femmes.
Est-ce toujours un combat d’actualité ?
H.D.C. : Dans les sociétés européennes et occi-
dentales, je pense que l’émancipation est acquise.
Aujourd’hui, nous pouvons profiter pleinement de
nos droits et de nos libertés, mais selon le milieu
social il existe encore des inégalités et nous devons
rester attentives.
F.B. : Il y a eu de sacrées avancées, je ne peux pas dire
le contraire ! Mais face au lobbying des associations
Pro-vie, en tant que ministes, nous luttons contre
les atteintes au droit à l’avortement. Par exemple, si
on donne un statut juridique au fœtus de 2 mois et
demi, l’avortement à 3 mois devient un infanticide.
Les Françaises issues de limmigration
sont nombreuses à s’investir aujourd’hui dans les
associations féministes. Pourquoi selon vous ?
H.D.C. : Parce quelles viennent de sociétés où le
poids des traditions est encore important, où il y a
encore beaucoup de violences familiales, de maria-
ges forcés, et parfois de crimes d’honneurC’est
important de les soutenir.
F.B. : L’investissement des jeunes femmes d’origine
maghrébine est devenu plus visible il y a une dizaine
d’années avec l’émergence de l’association « Ni Putes
Ni Soumises » dans les quartiers. Mais je refuse le
piège du communautarisme. Depuis 2001, le Plan-
ning Familial vient en aide aux victimes de mariages
forcés. Notre réseau a traité 450 cas en huit ans.
Après avoir refusé un mariage forcé, ces jeunes filles
sont souvent en rupture avec leur famille et ont be-
soin de rebondir. Elles ont besoin d’aide.
Pensez-vous que les femmes doivent se comporter
comme des hommes pour s’imposer en politique
ou au travail ?
H.D.C. : Je crois que c’est la politique qui impose
ses règles ! Nous avions imaginé une autre politi-
que… Je suis avocate, ce tier est très féminisé
aujourd’hui, et je ne vois pas d’énormes différences
entre les hommes et les femmes dans leur exercice.
F.B. : C’est une question étrange C’est avec
ses propres idées qu’on avance. Être femme et se
revendiquer comme femme ne devrait pas être un
handicap.
Faut-il imposer la parité en politique
ou laisser les femmes s’imposer ?
H.D.C. : Le manifeste pour la parité lancé en 1996 a
beaucoup fait avancer les choses, mais d’une façon
générale, je ne suis pas favorable à la discrimination
positive, et cela en est une forme. La loi sur la parité
doit rester une mesure transitoire.
F.B. : Je ne voudrais pas qu’on dise : « si elle a réussi,
c’est parce qu’elle est une femme, ou parce qu’elle
est arabe» Je suis contre les étiquettes et donc
contre la discrimination positive. Mais je dois
reconnaître que la loi sur la parité en politi-
que a fait avancer les choses. Même si les
femmes ont encore du mal à s’imposer.
Êtes-vous pour ou contre la
Journée des Femmes ?
H.D.C. : Cest un symbole,
mais je pense qu’on doit agir
tout au long de l’année, pas
seulement le 8 mars
F.B. : Au départ je me suis
dit : c’est débile ! Parce que
c’est réducteur, comme la Fête des
Mères. Mais c’est vrai que cette journée a
l’intérêt de mettre en lumière l’action des
associations et des situations qui montrent
que l’on est encore loin de l’égalité entre
les hommes et les femmes.
Quelles sont, aujourd’hui, pour vous, les grandes
inégalités entre hommes et femmes ?
H.D.C. : Ce sont de grandes causes internationa-
les. Il y a dans le monde de nombreuses femmes
en situation de dépendance, victimes de violences,
d’intégrismes religieux… En France, il faut rester vi-
gilantes et continuer à aider les femmes en demande
d’autonomie.
F.B. : L’inégali salariale et laccès aux postes à res-
ponsabilité. Il y a aussi encore d’importantes inéga-
lités sociales, dans l’accès à l’emploi, à la santé, au
droit, toutes les statistiques le montrent.
Aragon écrivait :
« La femme est lavenir
de l’homme »
. Qu’en pensez-vous ?
H.D.C. : Je n’en sais rien. Ce qui est important pour
une femme, c’est d’être libre et épanouie, sociale-
ment et sexuellement. Aujourd’hui, nous sommes
définitivement passées d’un féminisme conquérant
à un féminisme triomphant.
F.B. : Cette phrase m’a toujours
touchée, parce qu’elle est
dite par un homme. Dans
la bouche d’une fem-
me, ce serait arrogant.
Je l’interprète comme
une ode à la femme,
une femme consi-
dérée comme une
partenaire, une
égale, qui peut, elle
aussi, éclairer le chemin
de l’humanité.
« Nous sommes passées
dun féminisme conquérant à un
féminisme triomphant. »
Hélène DE CHABERT
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