avait eu de mettre en scène l’impression de « carrousel perpétuel des mises en scène sans
cesse reprises, remâchées, de mille façons diérentes » qu’il avait éprouvée au Conservatoire,
impression de découvrir derrière les variations formelles et dramatiques le fait « que Molière n’a
jamais écrit qu’une seule pièce ». Désirant témoigner de cette précarité, en faire une fête tout
autant qu’un plaisir, Vitez a l’idée de mettre en scène ces quatre œuvres, entre lesquelles il ne
souhaitait pas choisir, dans un seul décor, avec les mêmes costumes et la même troupe de douze
jeunes comédiens. Plutôt que de créer une œuvre, l’écriture par bloc agencée et recombinée
en une immense pièce dégage « une sorte de modèle, une machine unique » où est rendu
lisible tout un « répertoire de styles : comédie, farce, tragédie, drame » (Antoine Vitez, « Molière
sans cathédrale et la fuite du temps », De Chaillot à Chaillot). Il renouait ainsi avec une époque
de l’histoire théâtrale où l’enjeu était moins dans la mise au jour d’une nouveauté que dans
l’exploration par une même troupe d’acteur d’un ensemble de styles, de ctions et de situations.
Ceux qui avaient vingt ans à l’époque – faisant ressortir toute la cruauté mondaine de ces jeux
sociaux dans lesquels on était plongé dès la eur de l’âge –, sont devenus des grandes gures du
théâtre d’aujourd’hui : Nada Strancar, Jany Gastaldi, Dominique Valadié, Didier Sandre, Richard
Fontana, pour ne citer qu’eux.
LEs MOLIèRE AujOuRd’huI
C’est avec une troupe composée de jeunes acteurs issus de la même promotion du
Conservatoire régional de Lyon que Gwenaël Morin est parti à la recherche de cette tétralogie.
Plutôt qu’une reconstitution d’une reconstitution (retrouver Molière derrière Vitez – ou l’inverse
peut-être qui sait ?), il s’agissait de réinventer, pour aujourd’hui, avec la même sobriété, le même
élan, le même désir utopique, la puissance d’une forme théâtrale inédite. Comme Vitez l’avait
fait à l’époque, les répétitions maillent les pièces, les rôles circulent, dessinent des parcours qui
racontent une histoire plus longue : et si Tartue était ce Dom Juan de l’éloge du mensonge ? Et
Célimène, ne serait-elle pas cette Agnès déniaisée par ses histoires amoureuses ? Cette reprise
n’est donc pas une reconstitution – on ne retrouve pas l’unique décor inspiré par la salle du
théâtre du conservatoire, cette espèce de « boîte avec des murs de style pompéien » qu’avait
choisie Vitez pour jouer de la convention représentative – mais bien plutôt une réactivation, le
retour à un matériau mobilisé comme combustible pour alimenter le feu de la permanence.
La marque commune qui passe entre les uns et les autres, de Molière à Vitez en passant par
Morin, c’est cette même énergie, ce même jeu de la farce et de la gravité, du comique et du
cynisme le plus noir, activé dans la provocation, par le gag ou le bon mot, la délité aussi à l’état
d’esprit vitézien prônant la nécessité d’arracher les œuvres à leur idée convenue. Gwenaël Morin
s’est donc emparé avec joie « de la nécessité de faire du n’importe quoi avec les classiques, la
nécessité de la rupture. » (Le metteur en scène et le professeur en quête d’un « mentir vrai » perpétuel
– La nouvelle critique, n°91, Février 1976). Comme chez lui également, tout repose sur le jeu de