Entreprise et marchés ASSET MANAGEMENT - Une énigme financière en passe d'être résolue ? La chute des cours à la fin des périodes de lock-up par Antoine RenUCCi, chaire de finance d'entreprise, Université Paris-Dauphine Aucune réaction systématique du marché à la fin du lock-up ne devrait être constatée dans la mesure où cette date, précisée dans le prospectus d'introduction en Bourse, est connue de tous. 66 L es actionnaires présents au capital d'une entre- rait l'élargissement de la fourchette, donc un accroisseprise avant que celle-ci ne soit introduite en ment des coûts de transaction qui plomberait les cours. Bourse sont généralement contraints de conser- Ensuite, celles relatives à l'impact mécanique d'une ver une partie de leurs actions pendant une période augmentation de l'offre des titres. Elle pourrait entraîlongue de plusieurs mois après l'introduction, la ner une baisse temporaire des cours afin d'attirer les période de lock-up. Cette contrainte découle de la agents chargés d'assurer la liquidité du marché. Mais nécessité de convaincre les investisseurs potentiels. cette baisse pourrait être permanente si la courbe de Deux raisons à cela. D'une part, les actionnaires en demande de titres a structurellement une pente négaplace pourraient tenter de se débarrasser de leurs actifs tive. Ces hypothèses n'ont pas véritablement été valià un prix supérieur à leur valeur réelle. Du fait du lock- dées par les études empiriques. Par exemple, il apparaît up, le détenteur d'une information privée négative que les marchés sont en mesure d'absorber des quantisubit les conséquences financières tés supplémentaires importantes de Contrairement à de la baisse du cours si l'information titres sans réel impact sur les cours. devient publique dans l'intervalle. une idée reçue, ce Ainsi, contrairement à une idée Ne pouvant bénéficier de la tromreçue, ce n'est pas la fin simultanée n'est pas la fin perie, il n'a donc pas intérêt à suresde la période de lock-up de quantité simultanée de la timer la valeur des actifs vendus. de titres qui est à l'origine de l'éclapériode de lockD'autre part, le fondateur, la société tement de la bulle Internet au début de capital-risque qui le finance, ou up de quantité des années 2000. A fortiori, quand l'équipe dirigeante, qui céderaient de titres qui est à les périodes de lock-up prennent fin leurs titres lors de l'introduction façon relativement échelonnée l'origine de l'écla- de en Bourse seraient moins enclins à dans le temps, l'offre supplémentement de la bulle taire devrait être facilement absordévelopper l'entreprise par la suite. La chute des cours à la fin de la Internet au début bée par la demande. période de lock-up, observée aussi des années 2000. Quand bien même ces hypothèses bien aux Etats-Unis qu'en Europe, seraient finalement vérifiées, il n'est constitue une énigme financière. Certes, elle est limi- pas raisonnable d'imaginer que les marchés financiers tée, de l'ordre de 1 °/o à 3 °/o selon les études, mais elle fassent systématiquement des erreurs d'anticipation est en général statistiquement significative. Pourquoi quant aux volumes mis en vente à la fin du lock-up. s'agit-il d'une énigme ? Aucune réaction systématique Une piste alternative récemment poursuivie est que la du marché à la fin du lock-up ne devrait être constatée réaction négative des cours serait due à une modifidans la mesure où cette date, précisée dans le pros- cation non anticipée de la liquidité des titres. Autrepectus d'introduction en Bourse, est connue de tous, ment dit, la majorité des titres verraient leur liquidité de même que la quantité d'actions susceptibles d'être chuter, entraînant une baisse des cours nécessaire pour alors vendues. En somme, s'il existait une bonne rai- convaincre les investisseurs d'acheter. Reste cependant son pour que les cours baissent, cette baisse devrait encore à expliquer pourquoi cette baisse de liquidité être constatée immédiatement après l'introduction en n'est pas anticipable... Bourse et non à la fin de la période de lock-up, du Mais l'on peut être confiant. Un phénomène surpremoins si les marchés sont efficients. nant, lié au précédent, est maintenant expliqué : pourPlusieurs pistes ont été suivies qui expliqueraient pour- quoi cette baisse systématique connue résiste à l'acquoi les cours pourraient baisser (à défaut d'expliquer tion des arbitrageurs. Ces derniers devraient vendre à quand cette baisse a lieu) du fait de l'accroissement découvert les titres en question, ce qui déprimerait leur du volume de titres disponibles à l'échange à la fin du cours, avant la fin du lock-up, puis tirerait vers le haut lock-up. Elles sont à classer en deux catégories. Tout les mêmes cours lorsqu'il est nécessaire de les acheter d'abord, celles relatives au fait que les actionnaires afin de les livrer lorsque le lock-up prend fin. Il s'avère détenteurs d'informations privilégiées sont alors auto- en fait que des coûts de transaction plus élevés que les risés à effectuer des transactions. Ceci augmenterait bénéfices potentiels d'un tel arbitrage conduisent les l'asymétrie d'information sur le marché, qui provoque- parties intéressées à en abandonner l'idée. • Option Finance n° 1100 - Lundi 15 novembre 2010