Et puis, le week-end dernier nous avons relu
le texte de Freud sur le Witz3, avec la façon
qu’il a d’eeurer les fabrications langagières
des enfants, à quoi je suis amené à faire une
petite objection parce que… c’est dans ce
terme-là, glossolalie, la troisième note de
bas de page p. 201 du livre de Coupechoux :
« glossolalie, langue inintelligible que parlent
les mystiques en début d’extase », mais aussi
« langage imaginaire de certains malades
mentaux fait d’onomatopées et dont la
relative xité au point de vue de la syntaxe
et du vocabulaire permet la compréhension
dans une certaine mesure »… Vous voyez,
ça n’a rien à voir! Prenez des linguistes qui
ont traité la question des glossolalies par
exemple dans les communautés religieuses
de Sicile… Néo-langage qui vise à une seule
chose, maintenir l’unité de la communauté,
cependant qu’à l’examen n de ce qu’ils
formulent, on s’aperçoit que la morphologie
de fond est celle d’une langue qui n’a rien
d’inventif et que néanmoins, comme c’était
évoqué lors de notre réunion, la semaine
dernière, sur la question du sens et du non-
sens, évidemment qu’il y a du sens dans le
non-sens, dans certains cas… On imagine
qu’on a compris ! Et ça maintient l’unité et la
cohésion.
Alors maintenant vous reprenez Artaud, «
Interjections » :
maloussi toumi
tapapouts hermafrot
emajouts pamafrot
toupi pissarot
rapajouts erkanpfti
Voila… Je ne vais pas vous balancer tout
le texte. A un examen linguistique un peu
précis, c’est quelque chose qui apparaîtra
hors langue, hors syntaxe…
Avec des remarques, dans le livre de
Coupechoux, tout à fait excellentes : «
Ne devient pas fou qui veut. » Citation
fort bienvenue : « l’être de l’homme, non
seulement ne peut être compris sans la folie,
mais il ne serait pas l’être de l’homme s’il ne
portait pas en lui la folie comme limite de
sa liberté. » Qui ne pourrait y souscrire ? Le
problème, c’est que ne devient pas fou qui
3 Séminaire d’hiver de l’ALI: «l’inconscient
s’amuse», 18 et 19 janvier 2014
veut ! Qu’est ce qui fait que quelqu’un, dans
telle conjoncture, sollicité de telle manière,
son monde change ! En un instant, ce n’est
pas progressif, ça pivote !
Donc, comme vous voyez, je lisais cela.
Dans ce livre, l’accent est surtout mis sur la
psychothérapie institutionnelle. Tosquelles,
qui avait appris la psychiatrie en lisant la thèse
de Lacan, relayée par Jean Oury, disait que
la psychothérapie institutionnelle n’existait
pas et que seule était valable l’analyse
institutionnelle.
Donc, je pourrais vous débiter cela, larga
manu... « L’aventure de la psychose » ... Ce
sont des choses très bienvenues ! ... « En fait, le
comportement de l’observateur modie celui
de l’observé », cela les physiciens nous l’ont
appris de longue date ! La psychanalyse et le
transfert, aussi bien ! ... « Et Bonnafé se réfère
de nouveau à Jacques Lacan, pour qui la folie
change de nature, avec la connaissance qu’en
prend le psychiatre »... C’est vrai ! Qu’est ce
qu’on en fait in ne ? Tous pareils ! Donc, si
je parle, celui à qui je m’adresse est supposé
être sur la même longueur d’onde que moi ?
... Qu’est ce que j’en sais ?!
D’un autre côté, je passe deux heures avec
notre ami Gérard Amiel, de Grenoble, en
prévision d’un éditorial pour la Revue
Lacanienne qui s’intitule « Remarques
impertinentes sur l’objet a »... Et, cela n’a
absolument rien à voir !
Vous vous demandez si vous avez le même
intérêt, le même job, si ce à quoi vous avez
aaire, est du même tonneau ou pas ! Il y a
un mur entre les deux, même si ça a l’air
d’avoir des anités, si ça se ressemble,
si ça a des sympathies, voire même des
embranchements communs.
Il arrive donc que tel ou tel ami me pose cette
question ; quand Pierre-Yves Gaudard est
arrivé dans le service, au bout de six mois il
me demande: « l’objet a c’est quoi ?! ». Rien
qu’avec ça, on change la face des choses ! Je
ne vais pas vous récapituler la teneur de cet
entretien, vous en aurez un résumé dans le
prochain numéro de la Revue Lacanienne,
mais il y a de quoi se demander pourquoi on
rame!
Je vais à une réunion et certains de vos
camarades, dont certains de la S.P.P.,
ont fait une grande ache : « Entretiens
psychanalytiques en milieu psychiatrique
». C’est comme si on disait « entretiens
maritimes en milieu psychiatrique », vous
prenez un tonton de la marine marchande,
vous le balancez dans un service, et voilà !
C’est une espèce de greon, parce que quand
même, pour apprendre à parler le même
langage, il faut au moins dix ans, au moins…
Et encore… Du coup, je me demande ce
que j’ai fait ! Et qu’est-ce que je viens faire là
? J’étais payé comme psychiatre… et après
tout, ce qui a constitué, justement, l’objet de
la discipline, en ce qui concerne certains de
mes camarades et moi-même, nous avons
essayé de l’aner, puisqu’une discipline se
spécie par son objet, sa méthode, et sa
théorie. La méthode étant en rapport avec
la théorie et l’objet ! Même si l’objet change
! Dans toute science, on a vu l’objet changer,
la théorie et la méthodologie changer. Et on
vient nous empoisonner, en nous demandant
: « qu’est-ce que vous avez de scientique ? »
C’est ce que nous balancent ceux de l’HAS !
Ils vous balancent un paquet d’items, en vous
disant: évaluation scientique ! Mais moi, je
voudrais qu’on me dise ce que c’est que la
science ? Qu’est ce que j’ai fait, moi ? J’ai fait
quelque chose de non scientique ? Si c’est
le cas, qu’on m’explique en quoi ça ne l’était
pas ! Charge à moi-même de dire en quoi ce
qu’ils fabriquent, ne l’est pas plus ! Puisque
le propre de la science, c’est évidemment à
chaque fois, une dimension transgressive !
Toute l’histoire des sciences est une histoire
de la transgression: Galilée, Semmelweis,
Harvey, Michel Servet, y compris Pasteur…
Pasteur avait le tort d’être pharmacien, toute
la médecine était contre lui ! Donc, je ne
connais aucun pas de la science qui n’ait été
une transgression, voire un coup de force.
Evidemment, nos appareillages administratifs
et juridiques se sont tellement perfectionnés,
qu’on peut se demander jusqu’à quel point
l’ouverture à la recherche est maintenue, dès
lors qu’elle est tellement balisée. Prenons ce
débat actuel sur l’euthanasie. Historiquement,
le magistrat ne tranchait pas entre Galien et
Hippocrate… Débrouillez-vous ! Vous avez
prêté serment, il s’agit de votre science et de
votre conscience et personne n’a à vous dire
comment vous conduire… Sauf cas agrant
etc.… Là, on voudrait baliser le terrain pour
savoir qui on tue ou pas.
Voilà ce que je voulais vous dire …
(désignant sa montre qu’il est en train de
remettre à son poignet) : C’est un coup du
Professeur Kreisel, vous connaissez ? Logicien
d’origine viennoise, ayant fait toute sa carrière
aux Etats-Unis et ayant parcouru tout le
vingtième siècle.
Un jour, j’entends, en cercle restreint, le
Professeur Kreisel faire un cours sur l’histoire
de la logique au vingtième siècle. Il enlève sa
montre, la met dans sa poche, puis il parle,
il nit son exposé et nous dit : « je vous ai
parlé trois quarts d’heure », Il sort sa montre,
c’était bien ça, c’était le temps d’un cours
à l’université de Vienne ! Donc je viens de
vous rééditer le coup du Professeur Kreisel !
J’aimerais bien vos remarques !
Cyrille Deloro : Il y a six ans, lors de ma
soutenance de thèse, vous m’avez demandé
s’il y avait une psychiatrie lacanienne
Marcel Czermak : Oui !
Cyrille Deloro : Je vous avais répondu oui, et
j’ai même eu le sentiment que je vous avais
rencontré là-dessus, principalement. S’il y
a bien quelque chose qu’ils ne sont plus en
mesure d’entendre, à Sainte-Anne, c’est qu’il
y a une psychiatrie lacanienne. Ils ne savent
plus faire le rapport entre psychanalyse
et psychiatrie, parce qu’ils alient Lacan
à quelque chose qui ne serait plus de la
psychiatrie.
Marcel Czermak : c’est une grave question, à
laquelle je serais bien en peine de répondre…
Quand j’ai débarqué dans cet hôpital, il y avait
une consultation, avec des psychanalystes de
la S.P.P. : Renard, Mallet, Bourdier et d’autres…
Comme adjoints : Charles Melman, Edmond
Sanquer, voilà. Moi je suis venu après… Ca ne
posait pas de problème, ça faisait du débat,
ce n’est pas la même chose ! Moi, je n’ai pas
supplié Georges Daumezon pour qu’il me
téléphone un jour en me disant je vous prends
comme assistant et comme adjoint ! Le jour
où j’ai fait les papiers idoines, Daumezon
me dit : « on vous a pris à l’unanimité du
jury ! » Pourtant je n’avais pas beaucoup de
titres ni de travaux ou de services rendus…
A l’unanimité ! Là, j’apprends quoi ? On me
dit d’un côté : les lacaniens, on ne peut pas
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