LES ESPACES LUDIQUES
Appel à textes pour un numéro spécial de la revue Géographie et Cultures
Sous la direction de Manouk Borzakian (laboratoire ENeC)
Il n’existe pas de géographie du (des) jeu(x) ni des pratiques ludiques. Pourtant, Caillois (1967)
appelait, il y a un demi-siècle, à une « sociologie à partir des jeux », qui relevait tout autant de
l’anthropologie ou de la géographie. Appel entendu par Geertz (1983), pour qui le combat de coqs a
fait office d’élément-clef dans le cadre de son étude de la culture balinaise. Plus tard, la géographie des
sports a notamment envisagé l’articulation entre sports et cultures. Ont ainsi été étudiées, par exemple,
la pratique du rugby dans le Sud-Ouest de la France (Augustin et Garrigou, 1985) ou celle du base-ball
aux États-Unis (Bale, 2003). Plus marginalement que les sports, les jeux de plateau ont aussi été
mobilisés pour des analyses similaires (Bizet et Bussi, 1997 ; Borzakian, 2009).
Dans la lignée des traditions culturaliste et diffusionniste, anthropologues et historiens culturels ont,
eux, vu les jeux comme des « traits culturels », interrogeant leur diffusion et la manière dont ils
participent à délimiter des aires culturelles (Béart, 1967). Puis, la problématique de la mondialisation
culturelle a mené à mobiliser les jeux comme exemples de processus d’acculturation ou
réappropriation des pratiques (Appadurai, 2001 ; Singaravélou et Sorez, 2010), ou simplement au titre
de manifestations objectives de la mondialisation (Gay, 2006 ; Augustin, 1996).
Méthodes et socles théoriques de ces recherches ne se rejoignent qu’à la marge et fortuitement.
Cependant, certains de ces travaux dégagent la piste stimulante d’une correspondance entre les jeux
et/ou les manières de les pratiquer et la culture des groupes les ayant inventés et/ou adoptés. J.-C. Gay
(1997) relie ainsi le foisonnement de discontinuités spatiales caractéristique des sports modernes à la
tendance tomogène des sociétés occidentales. Plus récemment, une approche géographique inédite des
jeux vidéo (Rufat et Ter Minassian, 2010) a participé à creuser un peu plus ce sillon, en envisageant
les jeux vidéo comme des systèmes spatiaux, soit en interrogeant les interactions entre trois échelles
d’analyse : l’espace du jeu, l’espace de sa pratique et, enfin, la géographie de ses pratiquants.
Premièrement les règles et représentations spatiales à l’œuvre dans les jeux, deuxièmement les
règlements officiels ou tacites déterminant les modalités de leur pratique – notamment spatiales – et,
enfin, les conditions de diffusion de ces jeux et de leur adoption par tel et tel groupe humain, voilà
trois pistes à explorer. Pour ce numéro spécial, les textes pourront donc, par exemple, mais non
exclusivement, envisager les jeux suivant :
- leur dimension matérielle : organisation du terrain, du plateau de jeu, des espaces réservés aux
pratiques ou appropriés par les joueurs, de la distribution spatiale des pratiquants ;
- leur dimension idéelle, symbolique : perception par les différents acteurs et groupes d’acteurs de
l’espace de jeu, de la géographie des pratiquants, de leur signification, par exemple identitaire ;
- l’articulation entre ces différents éléments : par exemple, si la perception des mécanismes et de
l’origine d’un jeu empêche sa pratique au sein d’un groupe ou au contraire la favorise au sein d’un
autre, ou encore génère un type de pratique nouveau chez un troisième…
Les textes d’environ 35000 signes, cartes et figures comprises, doivent être envoyés à
manouk.borzakian@gmail.com ou à revue.geographie.cultures@gmail.com
Avant le 1er novembre 2011