
Il s'agit d'investissements réalisés par les opéra-
teurs économiques de droit algérien, “complé-
mentaires à leurs activités de production de biens
et de services en Algérie”. La Banque d’Algérie
vise en l’occurrence “la création de sociétés, de
succursales, la prise de participations dans des
sociétés existantes sous forme d’apports en numéraires
ou en nature ou encore l’ouverture de bureaux de re-
présentation”. En outre, “les transferts de capitaux au
titre de l'investissement à l'étranger
par les opérateurs économique de
droit algérien, quelle que soit la for-
me juridique qu'il peut prendre dans
le pays d'accueil, sont soumis à l'autorisation préalable
du Conseil de la monnaie et du crédit (CMC)”. Com-
me il est énoncé que“l'investissement à l'étranger doit
être en rapport avec l'activité de l'opérateur concerné avec
pour objectif de consolider et de développer cette acti-
vité”. Enfin, pour la Banque d’Algérie “cet investisse-
ment à l'étranger ne doit pas porter sur des opérations
de placements ou sur des biens immobiliers autres que
ceux correspondant aux besoins d'exploitation des enti-
tés créées à l'étranger ou faisant partie intégrante de leur activité”.
Voilà pour ce qui est de l’économie générale du texte du règle-
ment édicté. Quelles que soient les interprétations des uns et des
autres de cette décision, la BA est dans sa mission d’encadrement
et d’anticipation quant aux éventuelles dérives d’une autorisation
tous azimuts de transferts de capitaux vers l’étranger, d’autant que
notre pays, selon le GAFI (groupe d’action financière), est sur la
liste des pays à “risques de blanchiment d’argent”. Elle est donc som-
mée d’adapter sa législation en la matière. Dans ce contexte, les ré-
dacteurs du texte ont explicitement formulé la prévention de ce
risque potentiel. Ainsi “l'opérateur ne peut obtenir d'autorisation
que si l'activité projetée est complémentaire avec celle exercée en Al-
gérie sachant qu'il est tenu de réaliser des recettes d'exportations ré-
gulières à partir de son activité de production de biens et/ou de ser-
vices en Algérie”. L'investissement projeté doit être envisagé dans
un pays “transparent sur le régime fiscal” et dont la législation “n'em-
pêche pas l'échange d'informations permettant une totale coopéra-
tion avec les autres Etats en matière judiciaire et fiscale”. Il nous pa-
raÎt judicieux que la BA prenne ces décisions, qui, au demeurant
relèvent de ses missions légales. Liès Kerrar, économiste et prési-
dent du cabinet Humilis Finance, dans un entretien avec un confrè-
re d’un autre organe de presse, estime que ce règlement “en termes
de cadre juridique, ne change pas grand-chose. Aupara-
vant, il y avait une règlementation qui prévoyait l’inves-
tissement à l’étranger d’entreprises algériennes avec l’ac-
cord du Conseil de la monnaie et du crédit. C’est une autre
réglementation, qui indique des conditions plus précises,
et là, l’autorisation est, de la même manière, sujette à l’aval
du Conseil de la monnaie et du crédit. On est toujours dans
le même cadre juridique. Rien n’interdisait l’investissement
à l’étranger avant cette nouvelle réglementation. Ce rè-
glement ne permet pas plus qu’avant aux entreprises al-
gériennes d’investir à l’étranger. C’est la Banque d’Algérie
qui le permet ou pas. Il introduit uniquement des critères
pour présenter la demande”. En revanche, chez le patronat,
les sons de cloche sont différents. Mohamed Laïd Be-
namor, patron du groupe agroalimentaire Amor Bena-
mor, président de la Chambre algérienne de commer-
ce et d’industrie (CACI) pense que le nouveau règlement
de la Banque d’Algérie est tout à fait positif dans la me-
sure où il offre une marge d’évolution pour l’entreprise
algérienne. Il estime, toutefois, qu’il faudrait encore trou-
ver les bons créneaux et les bonnes opportunités dans
des conditions fiscales avantageuses pour permettre aux
entreprises algériennes de se développer à l’international. Le P-DG
de Général Emballage, Ramdane Batouche, pense que “le nou-
veau règlement de la Banque d’Algérie constitue une avancée posi-
tive dans le sens de la mise en place d’un environnement plus pro-
pice à la croissance de l’entreprise”. Le P-DG de NCA Rouïba, Slim
Othmani, quant à lui, n’a pas caché sa désapprobation, quant à la
nature du texte rédigé par la Banque d’Algérie. “Ce qu’on a bien vou-
lu présenter comme une avancée en la matière n’est en fait qu’une
régression. Le fait est qu’il aurait d’abord été plus judicieux de mettre
en application l’ancien règlement qui autorisait l’investissement à
l’étranger”. A. H.
LES INVESTISSEMENTS ALGÉRIENS À L’ÉTRANGER
Nos entreprises disposent-elles de
capacités pour se déployer à
l’international?
La Banque d’Algérie vient d’édicter un règlement publié au Journal officiel numéro 63, de l’année en cours,
encadrant l’investissement des opérateurs économiques de droit algérien à l’étranger. Cette décision a
provoqué moult réactions notamment au niveau des organisations patronales.
Par :
A. HAMMA
Enfin, la Banque d’Algérie a publié
le règlement n°14-04 du 29 sep-
tembre 2014 et ses quatre an-
nexes portant sur “les conditions de
constitution de dossier de demande
d’autorisation d’investissement et/ou
d’installation à l’étranger des repré-
sentations des opérateurs économiques
de droit algérien et de déterminer les
conditions de transfert de fonds pour as-
surer le financement des activités à
l’étranger”. Ceux que cela intéresse le
trouveront dans le Journal officiel n°63
du 22 octobre 2014. Mais mieux vaut
tard que jamais quand on sait que le
Conseil de la monnaie et du crédit en
avait délibéré le 17 janvier 2002. Il est
vrai que ces types de transfert n’étaient
pas interdits dans le principe, mais le
manque d’un encadrement régle-
mentaire précis en avait rendu la mise
en œuvre difficile, donc très rare. Elé-
ments d’analyse d’un texte qui a été di-
versement apprécié par les entrepre-
neurs et les observateurs. Il me semble
d’abord, à la lecture attentive de ce rè-
glement, que nous sommes seulement
dans la phase d’expérimentation du
processus d’insertion internationale
des entreprises algériennes. Car l’éli-
gibilité à l’accession aux facilités de
transfert offertes est doublement res-
trictive à la fois en termes de nature
d’entreprises que de nature d’activités.
Ne sont concernées en effet que les
rares entreprises “de droit algérien”
qui exportent, y compris évidemment
Sonatrach qui n’a jamais disposé de dis-
positions spécifiques en la matière.
Selon les responsables du programme
Optimexport, mis en place par le mi-
nistère du Commerce, le nombre de ces
dernières varie entre 200 et 400 en-
treprises. D’autres sources du ministère
en charge de l’industrie moins opti-
mistes indiquaient, quant à elles, moins
d’une centaine. Mais ce sur quoi tout
monde a toujours été d’accord est que
leur chiffre d’affaires consolidé à l’ex-
port ne représente, bon an, mal an, que
3% des exportations globales du pays.
S’agissant de la nature d’activités, ne
sont concernées aussi, dans les dispo-
sitions d’article 4, que les investisse-
ments “en rapport avec l’activité de
l’opérateur de droit algérien concerné”
et ayant“pour objectif de développer cet-
te activité”. En sont donc exclues toutes
autres opportunités offertes dans
d’autres branches d’activités. Deuxiè-
me remarque : le montant maximum
de transfert, indiqué dans l’article 7, ne
me paraît pas pertinent au regard du
“montant de transfert de capitaux au
titre de l’investissement autorisé par le
Conseil de la monnaie et du crédit”. En
effet, il fixe comme plafond “le profil de
la moyenne annuelle des recettes d’ex-
portations, rapatriées dans les délais ré-
glementaires, durant les trois (3) dernières
années précédant la demande”. Jugez-
en vous-mêmes à travers deux
exemples : dans le cas de Sonatrach (60
milliards de dollars d‘exportations) et
des grands complexes (world scale)
d’exportations massives de produits
d’engrais et de pétrochimie par
exemple, le plafond est manifeste-
ment trop haut. A l’inverse, le plafond
est trop bas pour les entreprises de la
branche des services ou de la façon plus
générale pour les entreprises en crois-
sance forte sur le marché intérieur
mais qui exportent encore peu. Alors
que l’un des enjeux de l’exercice est pré-
cisément celui d’accompagner ces der-
nières sur les marchés internationaux
en vue d’en faire des champions. Cela
ne sera pas possible sans acquisition de
relais logistiques internationaux, de ré-
seaux commerciaux à l’étranger et,
dans certains cas, sans acquisitions
d’actifs technologiques à l’étranger.
Nous sommes dans le cas du serpent
qui se mord la queue. Des aménage-
ments sont donc à faire à la sortie de
cette phase expérimentale. Ceci étant,
même si ce règlement relatif à l’in-
vestissement à l’étranger reste res-
trictif dans son champ d’application, il
a cependant le mérite d’être opéra-
tionnel immédiatement. Si déjà un tel
dispositif accompagne efficacement les
entreprises éligibles dans la recherche
de relais de croissance extérieurs, c’est
déjà un progrès tangible dans la sub-
stitution aux importations et la pro-
motion des exportations. Deux opéra-
tions, rendues publiques, peuvent illus-
trer la pertinence économique d’un tel
dispositif. Le premier exemple est ce-
lui du groupe Cevital. Il s’agit de l’ac-
quisition, sur le même site, d’une pla-
te-forme logistique pour des exporta-
tions en forte croissance, la production
dans des segments partagés de valeurs
(coproduction) d’aciers spéciaux à
Piombino (Italie) dans l’aciérie Lu-
chinni et leur transformation en pièces
détachées automobiles, outillages mé-
caniques ou bien d’équipements de fo-
rage en Algérie. Le deuxième exemple
est celui du projet de NCA-Rouiba. Il
s’agit de l’exploitation au Bénin de
cinq usines de transformation agroa-
limentaire (jus de fruits, jus de to-
mates) par le groupe. L’accompagne-
ment demandé à la Banque d’Algérie
consiste en une contribution partielle
au fonds de roulement de ces cinq
usines, étant entendu qu’une partie de
ce financement serait assuré par le sys-
tème bancaire local et africain. Si un tel
projet aboutit, le groupe prend pied so-
lidement en Afrique de l’Ouest. D’autres
projets sont probablement dans les
tuyaux, notamment dans des secteurs
à forte croissance (pharmacie, BTPH,
etc.). Aussi j’ai trouvé excessive l’une
des conclusions, qui nous concerne, du
rapport interministériel français in-
téressant portant “mission d’étude sur
les possibilités de partenariat indus-
triel à long terme avec certains pays mé-
diterranéens”. Ce rapport, mis en ligne,
date du 22 février 2013 et dit ceci dans
sa page 63: “Il faut noter que l’Algérie
ne s’inscrit pas pour l’instant dans un
cadre de politique économique acceptant
et assumant la coproduction.” La poli-
tique de substitution aux importa-
tions n’est pas un retour nostalgique
aux années 70, mais met en œuvre une
démarche actualisée de réindustriali-
sation du pays sous forme de parte-
nariat gagnant/gagnant avec nos par-
tenaires économiques, y compris par la
coproduction. Arrêter d’importer n’im-
porte quoi est devenu une priorité na-
tionale en Algérie, et la chute des prix
du pétrole brut en est une piqûre de rap-
pel, en espérant qu’il ne s’agit pas
d’un traitement de longue durée.
M. M.
Autorisation d’investissement à l’étranger: premier pas
des entreprises algériennes dans la chaîne internationale des valeurs
EN TOUTE LIBERTÉ MUSTAPHA MEKIDECHE
Le premier
exemple est celui
du groupe Cevital.
Il s’agit de l’acquisition, sur le
même site, d’une plate-forme
logistique pour des exporta-
tions en forte croissance, la
production dans des segments
partagés de valeurs (copro-
duction) d’aciers spéciaux à
Piombino (Italie) dans l’aciérie
Luchinni et leur transforma-
tion en pièces détachées auto-
mobiles, outillages méca-
niques ou bien d’équipements
de forage en Algérie.”
D.R.
Les grandes entreprises algériennes élargissent leurs activités à l’étranger.
“
CES ENTREPRISES ALGÉRIENNES QUI S’IMPLANTENT À L’ÉTRANGER
Mercredi 17 décembre 2014
12 LIBERTE
Supplément Économie