La Figuration narrative
En opposition à des mouvements artistiques contemporains des années 1960 tels que le
Nouveau Réalisme et le Pop Art ainsi que le courant de l’Art abstrait, la Figuration narrative est
théorisée par Gérald Gassiot-Talabot en 1965. Il définit comme narrative toute œuvre qui évoque
une représentation figurée dans la durée et doublée d’une critique de la société de consommation.
Ces artistes furent marqués par Mai 68 et réattribuent à l’art sa fonction politique tout en
multipliant les sources artistiques et littéraires à l’aide de techniques traditionnelles.
Le style propre de Valerio Adami (né en 1935 à Bologne) est caractérisé par des figures
aux contours noirs épais cernant des plages de couleurs acidulées traitées en aplat qui rappellent
les vitraux des églises et les bandes-dessinées. Ses compositions ne laissent pas de place aux
blancs ni à l’inachèvement. Les personnages, objets et paysages s’entremêlent et forment des
imbrications complexes qui bousculent les perspectives et la profondeur de champ. Hommage à
Gide est issu de son travail sur la mémoire individuelle puis collective que l’artiste entreprend dès
les années 1970, et traite des portraits de personnages célèbres comme André Gide, écrivain
français engagé du début du XXe siècle.
Si les toiles du peintre Eduardo Arroyo ne manquent pas d’humour, elles sont
imprégnées de critique envers les pouvoirs autoritaires, notamment le franquisme qu’il a fui en
1958 en se réfugiant en France. Cependant, lorsqu’il revient en Espagne après la mort du général
Franco en 1977, son œuvre perd en partie sa dimension contestataire et accusatrice pour prendre
en compte la dimension esthétique comme c’est le cas dans Faust, une peinture plus tardive
datant de 1994, reprenant cette figure de héros issue d’un conte populaire.
Islandais d’origine, Erró s’installe à Paris en 1958 et rencontre les surréalistes dont
Roberto Matta qui l’influencera en matière de composition. Poupée – Woody Allen est le résultat
d’une association d’images recyclées dans un ensemble complexe teinté d’une critique cinglante :
il dénonce certaines perversions de notre société. « Le processus consiste à sélectionner les
images, à les marier ensemble pour en faire des collages, puis des tableaux » (Erró). En quarante
ans, Erró a abordé une multitude de sujets avec une préférence pour la culture de masse et la
politique.
Jacques Monory se définit comme un « peintre narratif d’ordre affectif ». L’univers
parfois inquiétant de la société moderne, l’influence du cinéma et l’obsession de la mort rythment
ses œuvres. Recouverte d’un bichrome bleu et gris, Casse Noir n°20 est baignée d’une atmosphère
d’angoisse et de suspens à travers une composition fragmentée et un cadrage décalé.
Bernard Rancillac commence à exposer en 1956 et devient rapidement un des piliers de
la Figuration narrative. Au premier abord, le portrait présenté semble apparemment neutre mais il
sert de prétexte pour transmettre un message d’ordre politique. Ben Barka miroir est à l’image de
l’œuvre de Rancillac inspirée des thèmes engagés toujours proches de l’actualité. L’artiste n’hésite
pas à mélanger un miroir brisé au médium photographique, prélevé directement dans les médias,
et à la peinture, afin d’engager le regardeur à prendre du recul.
Né à Port-au-Prince en 1937, Hervé Télémaque fait des études à New York avant de
s’installer à Paris en 1961. Une figuration froide proche du Surréalisme, dresse une sorte
d’inventaire subjectif de notre société, mêlant références artistiques et personnelles, comme ici où
il déconstruit La Charrue du peintre cubiste Georges Braque.