É
LÉMENTAÍRE
De l’infiniment petit à l’infiniment grand
Solstice d’été 2009
Revue d’information scientifique
Quand l’Univers...
Numéro 7
...fait boum !
Revue d’information paraissant deux fois par an, publiée par : Élémentaire, LAL, Bât. 200, BP 34, 91898 Orsay Cedex
Tél. : 01 64 46 85 22 - Fax : 01 69 07 15 26. Directeur de la publication : Sébastien Descotes-Genon
Rédaction : N. Arnaud, M.-A. Bizouard, S. Descotes-Genon, L. Iconomidou-Fayard, H. Kérec, G. Le Meur, P. Roudeau, J.-A. Scarpaci, M.-
H. Schune, J. Serreau, A. Stocchi.
Illustrations graphiques : S. Castelli, B. Mazoyer, J. Serreau. Maquette : H. Kérec.
Ont participé à ce numéro : J.-L. Bobin, S. Digel (SLAC).
Remerciements : S. Plaszczynski, F. Cavalier (LAL) et nos nombreux relecteurs.`
Site internet : C. Bourge, N. Lhermitte-Guillemet, http://elementaire.web.lal.in2p3.fr/
Prix de l’abonnement : 3 euros pour le numéro 8 (par site internet ou par courrier)
Imprimeur : Imprimerie Louis Jean - 05300 Gap . Numéro ISSN : 1774-4563
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De l’infiniment petit à l’infiniment grand
Pour ce septième numéro, nous quittons cette bonne
vieille planète Terre pour nous embarquer dans un voyage
à travers l’espace et le temps. En effet, Élémentaire se pen-
che aujourd’hui sur... notre Univers tout entier, son histoi-
re et ses grandes caractéristiques. C’est l’objet d’une vaste
discipline, appelée cosmologie, qui est parvenue au cours
des dernières années et ce n’est pas un petit succès à
élaborer une vision cohérente de ces sujets, vision que
vous allez découvrir au fil de ces pages, en commençant
par notre « Apéritif » !
Ainsi que nous vous le rappelons dans « Histoire », cette
volonté d’expliquer le cosmos, l’ordre céleste qui nous
entoure, est profondément enracinée dans la nature hu-
maine. Mais ce n’est qu’avec l’avènement d’une astrono-
mie de précision et de la théorie de la relativité générale
que la cosmologie moderne prend son envol au début du
vingtième siècle. Elle a ensuite bénéficié des avancées de
la physique des constituants élémentaires de la matière
pour donner naissance à son propre modèle standard, que
nous décrivons dans « Théorie ». Tout commence il y a
environ 14 milliards d’années, avec le « Big Bang », une
période où l’Univers très dense et très chaud connaît une
expansion rapide. À mesure qu’il se refroidit et se dilue,
les premiers noyaux se forment , puis les premiers atomes,
et enfin des nuages de gaz qui seront les berceaux des
premières étoiles, galaxies, amas de galaxies.. pour fina-
lement aboutir à l’Univers que nous connaissons. Mais si
ce modèle décrit de façon satisfaisante les observations
accumulées au fil des décennies, il possède aussi sa part
d’ombre. En particulier sa composition énergétique com-
prendrait environ 23% d’une matière sombre, assez mys-
térieuse et 72% d’une déroutante « énergie noire », que
nous examinons en détail dans la « Question Qui Tue ».
Fort heureusement, pour nous aider dans cette quête
de notre passé lointain, il existe un témoin privilégié de
l’Univers primordial. En effet, nous sommes en mesure de
détecter un rayonnement fossile, remontant à 380 000 ans
après le Big Bang. Si ce dernier (ou CMB) a été observé
dans les années 1960, comme nous vous le rappelons
dans « Découverte », il est loin d’avoir livré tous ses se-
crets, et il continue à fournir des informations précieuses
sur la structure de l’Univers primordial. Ainsi, la mission
Planck, lancée le 14 mai 2009 et décrite dans « Expérience
», va s’intéresser à des aspects encore méconnus du rayon-
nement fossile qu’elle captera grâce à des appareils d’une
grande sensibilité, les bolomètres, que nous décrivons dans
« Détection ». On pourra ainsi tracer des cartes du ciel très
précises décrivant les caractéristiques de ce rayonnement.
Pour tirer de ces cartes des informations supplémentaires
concernant les caractéristiques de l’Univers primordial, il
faut le plus souvent passer par des méthodes inspirées de
la transformation de Fourier, un outil mathématique pré-
senté dans « Analyse ». À l’heure la mission Planck
vient d’être envoyée dans l’espace, nous avons demandé
à Jean-Loup Puget, l’un des chefs d’orchestre de ce projet,
de nous parler dans l’ « Interview » de ce travail de longue
haleine, rassemblant des communautés très différentes de
physiciens et d’ingénieurs.
Nous aborderons aussi d’autres aspects de la cosmologie
au fil de ce numéro. « Icpackoi » reviendra sur l’actualité
de deux autres satellites d’observation, Fermi et Pamela,
tandis que « Centre » évoquera les différents sites l’on
cherche actuellement à détecter des signaux d’un type
nouveau : les ondes gravitationnelles. Enfin, vous retrouve-
rez les deux rubriques récurrentes d’Élémentaire : « LHC »
vous parlera du démarrage mouvementé de la machine en
septembre 2008, tandis qu’ « Énergie nucléaire » évoquera
le projet ITER dont l’objectif, à terme, est la production
d’énergie par fusion thermonucléaire.
Du haut de ce numéro, 14 milliards d’années nous con-
templent ! De quoi vous laisser le temps de savourer votre
lecture, d’ici à la parution de notre prochain (et dernier)
numéro. Il sera à nouveau consacré à la physique des par-
ticules, et plus particulièrement, aux phénomènes (atten-
dus, espérés, supposés...) au-delà de notre vision actuelle
de la physique des particules. D’ici là, bonne lecture !
Analyse p. 42
Transformée de Fourier et
applications au CMB
Interview p. 14
Jean-Loup Puget
Détection p. 34
Bolomètres
Accélérateurs p. 47
Un sujet très sérieux :
les accélérateurs co(s)miques
Histoire p. 9
Petite histoire de la cosmologie
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De l’infiniment petit à l’infiniment grand
Retombées p. 37
Le GPS
La question qui tue
p. 77
Combien pèse le vide ?
ICPACKOI p. 71
GLAST : une nouvelle « star »
dans le ciel
PAMELA : alerte aux positrons !
Le LHC p. 67
Démarrage du LHC : le 10 septem-
bre 2008
Apéritif p. 4
L’archéologie cosmique :
reconstruire l’histoire de
notre univers
Centre de
recherche p. 19
Observatoires d’ondes gravita-
tionnelles
Théorie p. 59
Le modèle cosmologique standard
Expérience p. 29
La mission Planck
Découvertes p. 53
Le rayonnement fossile
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inclus) : 3 euros, chèque libellé à l’ordre de «AGENT COMPTABLE
SECONDAIRE DU CNRS». Pour les administrations les bons de
commande sont bienvenus.
Contact : elemen[email protected]
Énergie nucléaire p. 81
ITER : vers une future source
d’énergie ?
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Apéritif
Le modèle standard de la cosmologie
La cosmologie est la science qui étudie l’Univers dans son ensemble.
Tels des archéologues cosmiques, les cosmologues tentent de retracer
son histoire à partir de ce qu’ils peuvent en observer aujourd’hui. Si l’être
humain s’est toujours interrogé sur l’origine et l’histoire de l’Univers, l’ère de
la cosmologie moderne, c’est-à-dire de la cosmologie quantitative, basée
sur des observations et des mesures précises, a commencé seulement au
cours du siècle dernier, dans les Années Folles.
Deux évènements marquent son avènement. En 1929, Edwin
Hubble et Milton Humason découvrent la loi de l’expansion
universelle : toutes les galaxies s’éloignent de nous avec une
vitesse proportionnelle à leur distance. Le principe cosmologique,
socle de la cosmologie moderne hérité des astronomes du passé
comme Giordano Bruno ou Galilée, suppose que notre position
dans l’Univers n’a rien de particulier : nous sommes situés, non
pas au centre de l’Univers, mais plutôt en un point comme
n’importe quel autre. On doit donc en conclure que les galaxies
s’éloignent, non pas de « nous », mais les unes des autres,
remettant en question l’idée séculaire d’un Univers statique.
Quelques années auparavant, au début des années 1920, certains
théoriciens, comme Georges Lemaître ou Alexander Friedmann,
avaient, eux aussi, fait une découverte importante. À partir de la
toute nouvelle théorie de la relativité générale d’Albert Einstein,
ils avaient déduit des lois régissant la dynamique de l’Univers
dans son ensemble et montré que les solutions génériques des
équations correspondaient, non pas à un Univers statique, mais
à un Univers en expansion ! Cette vision, corroborée par la
théorie et l’observation, marque la naissance de la cosmologie
moderne.
La progression des observations cosmologiques, permettant des
mesures de plus en plus précises concernant l’Univers à grande
échelle, et le développement conjoint des idées théoriques
ont don lieu à une description cohérente de l’histoire de
notre Univers remontant de nos jours jusqu’à environ 13,7
milliards d’années dans le passé : c’est le « modèle standard »
de la cosmologie. Celui-ci inclut le modèle connu sous le nom
de « Big Bang », mais aussi une phase dexpansion accélérée
durant les tous premiers instants de l’Univers, appelée « inflation
cosmique ». Il repose sur le principe cosmologique ainsi que
sur certaines hypothèses de base comme, par exemple, celle
d’homogénéité et d’isotropie à grande échelle. Les propriétés
globales de l’Univers sont caractérisées par un certain nombre
de paramètres, comme son contenu énergétique, la quanti
relative de matière et d’antimatière, l’époque de formation des
L’archéologie cosmique : reconstruire
À grande échelle
En astronomie, il existe plusieurs unités pour exprimer les
distances des objets observés, qui sont adaptées à lordre
de grandeur de cette distance. Par exemple, pour les
planètes du système solaire, on emploie comme unité le
km. Ainsi Pluton, lex-planète la plus éloige du Soleil est
à 9,5 milliards de kilomètres (km). Pour une étoile de notre
Galaxie, on utilise plutôt lannée-lumière qui est la distance
que parcourt la lumière dans le vide pendant un an, soit 9 460
milliards de km. Le diamètre de notre Galaxie est denviron
100 000 années-lumière. Au-delà des échelles galactiques,
il est d’usage demployer une autre unité : le parsec, qui est
la distance à laquelle on observe la distance Terre-Soleil
sous un angle dune seconde darc, c’est-à-dire 3,26 années-
lumière. Ainsi le Groupe Local, qui forme un ensemble de 30
galaxies les plus proches de nous, a un diatre de 3 millions
de parsec. Au-dede la centaine de millions de parsec, on
parle de distance à grande échelle ou d’échelle cosmologique.
Il s’agit donc de distances largement supérieures à celles
entre galaxies. On est capable dobserver des objets à de
telles distances cosmologiques. Par exemple la galaxie la plus
éloignée jamais obsere est à environ 4 milliards de parsecs
de nous.
1 année-lumière = 9460 milliards de km.
1 parsec = 3,26 années-lumière = 30 800 milliards de km.
Ex-planète
Selon la dernière définition de l’Union Astronomique
Internationale (août 2006), une plate est un corps céleste
qui est en orbite autour du Soleil, qui possède une masse
suffisante pour que sa gravité lemporte sur les forces de
cohésion de corps solide pour lui donner une forme presque
sphérique, et qui a élimitout corps se plaçant sur une
orbite proche. Cette dénition implique que le système
solaire posde actuellement huit planètes : Mercure, Vénus,
la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.
Cette nouvelle définition a cessité dix jours de discussion
entre 400 scientifiques de l’UAI. En effet, certains
rechignaient à faire perdre à Pluton son statut de planète.
En lot de consolation, lUAI a créé une nouvelle classe
dobjets, les plates naines, trop petites pour avoir « fait
le ménage » sur leur orbite. Les premiers membres de ce
club sont l’ancienne planète Pluton et les anciens astéroïdes
rès et Éris.
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l’histoire de notre univers
Pluton et ses trois satellites connus :
Charon, Nix et Hydra, vus par le léscope
spatial Hubble.
premières étoiles, etc. Au total 21 paramètres indépendants permettent
de rendre compte de l’Univers observé à ce jour dans le cadre du modèle
standard de la cosmologie (voir « Théorie »).
La Terre est ronde... mais l’Univers est plat !
Une caractéristique importante de l’Univers est son contenu énergétique,
qui détermine son évolution. De façon remarquable, il est possible de
déterminer la densité d’énergie totale de l’Univers sans pour autant avoir
une compréhension précise du tail de son contenu. On utilise pour cela
un aspect fondamental de la théorie de la relativité générale : la présence
d’énergie déforme l’espace-temps. C’est cette déformation, appelée
« courbure », qui est responsable de la force de gravitation dont nous
observons les effets dans l’Univers tout entier.
La quantitotale dénergie par unité de volume de l’Univers est directement
reliée à la courbure de l’espace, c’est-à-dire la partie spatiale de l’espace-
temps. Selon que cette dernière est positive, négative ou nulle, on parle
d’un univers « fermé », « ouvert », ou « plat ». Pour faire une analogie
entre notre espace tridimensionnel et des objets bidimensionnels, ces trois
cas correspondraient respectivement à un ballon, une chips, ou une table
qui se dilate avec le temps du fait de l’expansion. Si les deux premières
situations sont les plus génériques, le cas d’un univers plat correspond à
une valeur particulière de la densid’énergie, appelée « densité critique »
et donnée par la formule :
ρc = 3H2c2/8πG ~ 9 x 10-10 J/m3,
où H est la constante de Hubble, c la vitesse de la lumière dans le vide et
G la constante de Newton. Elle équivaut à la densité énergétique d’un gaz
d’hydrogène contenant environ 6 atomes par m3.
Pendant longtemps, il fut difficile de déterminer expérimentalement à quel
cas correspond notre univers, étant donné qu’il est nécessaire d’observer
des objets extrêmement lointains pour mettre en évidence une courbure
(comme il est difficile pour une fourmi à la surface de la Terre de se rendre
compte qu’elle est ronde). Un des résultats majeurs des satellites COBE
dans les années 1990, et WMAP 10 ans plus tard, qui mesurèrent avec
précision le rayonnement fossile, mis en évidence en 1965 par Penzias
et Wilson (voir « Découverte »), fut de déterminer que l’Univers est
(spatialement) plat à grande échelle, et donc que la densité totale d’énergie
est égale à la densité critique au pour cent près.
Si l’espace est plat, qu’en est-il de l’espace-temps ? Sa courbure est reflétée
par le taux d’expansion. Pour mesurer ce dernier, la bonne vieille méthode
de Hubble et Humason reste encore la meilleure : on mesure la distance
et la vitesse d’éloignement d’objets aussi lointains (c’est-à-dire anciens)
que possible et on en duit le taux d’expansion. Facile à dire, pas si
facile à faire, notamment à cause du fait que les mesures de distances sont
difficiles pour des objets lointains. On utilise pour cela des « chandelles
standard », objets astrophysiques dont on connaît la luminosité intrinsèque.
13,7 milliards dannées
Ce chire, souvent appelé, par abus de
langage, « âge de lUnivers » est en fait le
temps jusqu’auquel les mesures et la torie
permettent de remonter. Il correspond à une
époque lUnivers était si dense que les lois
de la physique que nous avons découvertes
au cours de notre histoire ne constituent plus
une description cohérente. En particulier si
on remonte plus avant le temps, on se heurte
à la « barrière de Planck », échelle dénergie
au-delà de laquelle les effets gravitationnels
et quantiques devraient être dimportance
comparable et une théorie quantique de
la gravitation, encore manquante, devient
nécessaire.
Homogénéité et isotropie
Lhypotse dun Univers parfaitement
homogène, sans grumeaux, tel une
sauce béchamel réussie n’est sûrement
pas vraie aux échelles galactiques ou
intergalactiques (les galaxies jouant
le rôle de grumeaux), mais s’avère
relativement bonne aux très grandes
échelles (cosmologiques). Il en va de
même pour lhypothèse disotropie qui
stipule qu’il n’existe a priori aucune
direction privilége dans l’Univers... à
grande échelle.
© Hubble
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