Pour un modèle diglossique de description du français

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diglossie
F
‐
1
Pour
un
modèle
diglossique
de
description
du
français
:
quelques
implications
théoriques,
didactiques
et
méthodologiques
Anne
Zribi‐Hertz
UMR
SFL,
Université
Paris‐8/CNRS
[A
paraître
dans
Journal
of
French
Language
Studies,
2011;
copyright
Cambridge
University
Press]
Résumé
Cet
article
défend
l'hypothèse
que
le
français
(toutes
zones
géographiques
confondues)
présente
aujourd'hui
les
propriétés
caractérisant
la
situation
diglossique,
selon
la
définition
classique
de
ce
concept
formulée
par
Ferguson
(1959)
:
la
variété
H
est
incarnée
par
la
grammaire
standard,
et
les
variétés
L
par
les
grammaires
appelées
ici
dialectales,
activées
par
les
locuteurs
en
situation
informelle.
Dans
une
optique
générative
de
la
grammaire,
il
est
proposé
de
représenter
la
compétence
linguistique
des
francophones
par
deux
grammaires
en
intersection,
schéma
rendant
compte
de
l'intuition
que
les
deux
algorithmes
génèrent
"la
même
langue".
L'article
s'emploie
à
justifier
pour
le
français
l'hypothèse
diglossique
et
la
formalisation
proposée,
et
à
en
explorer
quelques
avantages
et
implications
pour
la
description
et
l'enseignement
de
cette
langue.
1
1.
Introduction Quel
que
soit
leur
modèle
théorique
de
référence,
tous
les
linguistes
admettront
aujourd'hui
qu'il
est
impossible
de
supposer
qu'une
langue
L
donnée
est
générée,
à
une
époque
donnée,
par
un
seul
système
de
règles
constant
d'un
locuteur
à
l'autre
et/ou
d'un
discours
à
l'autre.
Notion
centrale
de
la
sociolinguistique
intronisée
aux
Etats‐Unis
par
W.
1
Cet
article
est
une
version
très
remaniée
d'un
texte
plus
ancien,
qui
a
lui‐même
connu
un
temps
de
gestation
assez
long
au
cours
duquel
j'ai
beaucoup
profité
de
mes
discussions
avec
divers
collègues,
notamment
Mario
Barra,
Celia
Jakubowicz,
Makoto
Kaneko,
Benjamin
Massot,
Marie‐Thérèse
Vinet,
Florence
Villoing,
et
de
mes
interactions
avec
les
étudiants
des
cours
de
grammaire
française.
Pour
la
phase
finale
de
destruction‐reconstruction,
j'ai
une
grosse
dette
de
reconnaissance
envers
Laurence
Coutière,
Françoise
Gadet,
David
Hornsby,
Makoto
Kaneko,
Benjamin
Massot,
Marcela
San
Giacomo,
pour
leurs
suggestions
et
remarques,
toutes
très
utiles,
et
envers
les
relecteurs
de
JFLS,
pour
leur
travail
critique
sur
mon
texte.
J'assume,
bien
sûr,
l'entière
responsabilité
du
contenu
et
de
la
forme
de
l'article
dans
cette
nouvelle
version.
Je
dédie
ce
travail
à
la
mémoire
de
mon
amie
Celia
Jakubowicz.
diglossie
F
‐
2
Labov
au
tournant
des
années
soixante‐dix
(cf.
Labov
1969,
1972),
le
concept
de
variation
a
pénétré
aujourd'hui
la
syntaxe
générative
(cf.
Poletto
2000,
Vinet
2001,
Obenauer
2004,
par
exemple)
ainsi
que
la
didactique
du
français
L2
(Valdman
2000)
et
L1,
comme
l'atteste
la
présentation
des
phrases
interrogatives
dans
un
ouvrage
récent
destiné
aux
écoliers
francophones
de
8‐9
ans
:
(1)
"Une
phrase
interrogative
sert
à
poser
une
question.
Est­ce
que
tu
sais
jouer
au
Belvédère
?
—
Sais­tu
jouer
au
Belvédère
?
—
Tu
sais
jouer
au
Belvédère
?
(...)"
[Mitterrand
2008
:
13
;
typographie
de
l'auteur]
Un
débat
reste
cependant
ouvert
concernant
la
notion
même
de
variation,
sa
typologie,
et
la
meilleure
façon
de
l'intégrer
formellement
aux
descriptions
linguistiques.
Ainsi
les
questions
soulevées
par
Gadet
(1996)
et
Hornsby
(1998)
méritent
toujours
qu'on
y
réfléchisse.
Après
avoir
rappelé
les
différents
axes
sur
lesquels
peut
se
repérer
une
variation
:
diachronique
(temps),
diatopique
(aire
géographique),
diastratique
(groupe
social),
diaphasique
(style
ou
situation),
diamésique
(oral/écrit),
Gadet
(1996)
souligne
notamment
la
difficulté
à
distinguer
l'une
de
l'autre
les
dimensions
diastratique
et
diaphasique,
difficulté
illustrée
en
linguistique
française
par
l'emploi
alterné
des
deux
termes
familier
et
populaire
en
référence
aux
mêmes
formes
que
l'un
caractérise
par
la
situation
d'énonciation
(situation
familière
>
variation
diaphasique)
et
l'autre
par
l'appartenance
sociale
du
locuteur
(classe
populaire
>
variation
diastratique).
Hornsby
(1998)
rappelle
les
termes
de
la
confrontation,
existant
depuis
les
années
soixante‐dix,
entre
deux
théories
divergentes
de
la
variation
:
le
modèle
quantitatif
impulsé
par
Labov
(1969,
1972),
qui
pose
que
la
variation
est
inhérente
à
toute
grammaire
et
que
toute
grammaire
est
hétérogène,
et
le
modèle
dynamique,
typiquement
représenté
par
Bickerton
(1971,
1973)
et
DeCamp
(1971),
mais
par
ailleurs
en
phase
avec
la
vision
chomskyenne
qui
suppose
la
cohérence
("l'homogénéité")
fondamentale
de
toute
grammaire
et
cherche
donc
à
dériver
la
variation
de
l'existence
de
grammaires
ou
sous‐grammaires
distinctes
(lectes
selon
DeCamp
et
Bickerton)
caractérisées
chacune
par
les
valeurs
corrélées
d'une
série
de
variables
(de
paramètres,
selon
Chomsky
1981).
Je
me
propose
ici
de
plaider
la
cause
d'un
modèle
diglossique
de
description
du
français,
qui
ne
prétend
pas
se
substituer
aux
modèles
de
variation
disponibles
ou
envisageables,
mais
aspire
plutôt
à
les
diglossie
F
‐
3
compléter
et
à
en
permettre
une
certaine
simplification.2
Je
tenterai
de
montrer
que
le
terme
diglossie,
tel
que
l'a
classiquement
défini
Ferguson3
(1959)
(cf.
(2),
complété
par
(3)),
s'applique
à
la
situation
actuelle
du
français
:
(2)
'DIGLOSSIA
is
a
relatively
stable
language
situation
in
which,
in
addition
to
the
primary
dialects
of
the
language
[...]
there
is
a
very
divergent,
highly
codified
[...]
superposed
variety,
the
vehicle
of
a
large
and
respected
body
of
written
literature
[...],
which
is
learned
largely
by
formal
education
and
is
used
for
most
written
and
formal
spoken
purposes
but
is
not
used
by
any
sector
of
the
community
for
ordinary
conversation.'
[Ferguson
1959
:
336]
(3)
Diglossia
(diglossic).
A
term
used
in
sociolinguistics
to
refer
to
a
situation
where
two
very
different
varieties
of
a
language
co‐
occur
throughout
a
speech
community,
each
with
a
distinct
range
of
social
function.
Both
varieties
are
standardised
to
some
degree,
are
felt
to
be
alternatives
by
native‐speakers
and
usually
have
special
names.
Sociolinguists
usually
talk
in
terms
of
a
high
(H)
variety
and
a
low
(L)
variety,
corresponding
broadly
to
a
difference
in
formality:
the
high
variety
is
learned
in
2
Le
modèle
diglossique
que
je
défends
ici
a
récemment
fait
l'objet
d'une
thèse
(Massot
2008),
et
il
est,
dans
l'esprit
sinon
dans
la
lettre,
également
adopté
par
M.
Barra
Jover
(2004,
2010)
dans
ses
travaux
sur
le
changement
morphosyntaxique
en
français.
La
convergence
entre
nos
travaux
n'est
pas
le
fruit
du
hasard
—
Mario
Barra‐Jover
et
moi‐même
appartenons
à
la
même
équipe
de
recherche,
où
Benjamin
Massot
a
passé
plusieurs
années,
nos
échanges
ont
été
nombreux,
et
nous
convergeons
théoriquement
sur
de
nombreux
points.
Le
présent
article
expose
l'étape
actuelle
d'une
recherche
dont
il
m'incombe
toujours
de
justifier
la
proposition
centrale
—
le
schéma
diglossique
proposé
plus
loin
en
(10)
(section
3).
3
Bien
que
Ferguson
ne
soit
pas
l'inventeur
du
terme
diglossie
(déjà
utilisé
notamment
pour
le
grec
par
le
philologue
Jean
Psichari
dans
les
années
1880,
et
pour
l'arabe
par
l'arabisant
William
Marçais
dans
les
années
1930),
la
définition
proposée
en
(2)
est
une
référence
récurrente
en
sociolinguistique
—
ceci
ne
l'empêchant
pas
d'être
abondamment
critiquée
et
discutée
(cf.
Tabouret‐Keller
2006).
Ferguson
(1959)
illustre
le
schéma
diglossique
par
les
trois
situations
reprises
par
Crystal
en
(3),
ainsi
que
par
la
situation
linguistique
en
Haïti
(avec
le
français
comme
variété
H
et
le
créole
comme
variété
L).
La
reconnaissance
du
créole
comme
une
langue
distincte
du
français
conduira
Fishman
(1967)
à
étendre
le
schéma
diglossique
de
telle
façon
qu'il
ne
spécifie
pas
si
H
et
L
incarnent
deux
variétés
d'une
même
langue,
ou
deux
langues
distinctes.
Le
schéma
diglossique
francophone
est
conforme
à
la
première
conception
fergusonnienne,
où
H
et
L
sont
perçues
et
traitées
comme
deux
variétés
d'une
même
langue
("le
français").
diglossie
F
‐
4
school,
tends
to
be
used
in
church,
on
radio
programmes,
in
serious
literature,
etc.,
and
as
a
consequence
it
has
greater
social
prestige;
the
low
variety
in
family
conversations,
and
other
relatively
informal
settings.
Diglossic
situations
may
be
found
in
Greek
(High:
Katharevousa;
Low:
Dhimotiki),
Arabic
(High:
classical;
Low:
colloquial),
and
some
varieties
of
German
(H:
Hochdeutsch;
L:
Schweizerdeutsch,
in
Switzerland).
(...)
[Crystal
1991:
104]
En
bref,
l'hypothèse
défendue
ici
reviendra
à
établir
un
parallèle
entre
la
situation
actuelle
du
français
et
celles
de
l'allemand,
et
surtout
de
l'arabe,
mentionnées
dans
les
textes
de
référence
comme
illustrations
du
schéma
diglossique.
La
diglossie
définie
en
(2)‐(3)
implique
crucialement
une
opposition
bipolaire
entre
une
grammaire
normée
et
standardisée,
étiquetée
'haute'
(anglais
H(igh)),
et
associée
à
certaines
situations
dites
formelles,
et
une
grammaire
'basse'
(anglais
L(ow)),
portant
des
noms
variables
d'une
langue
à
l'autre,
associée
à
des
situations
dites
informelles.4
Comme
l'atteste
la
formulation
de
Ferguson
(the
primary
dialects,
au
pluriel),
la
situation
diglossique
n'exclut
pas
a
prori
la
variation,
quoique
celle‐ci
ne
justifie
sans
doute
pas
le
même
traitement
pour
les
grammaires
H
et
L
(j'y
reviendrai).
Dans
l'optique
développée
ici,
la
principale
différence
entre
la
situation
du
français
et
celles
de
l'allemand
et
de
l'arabe
se
réduit
au
fait
que
le
français
hexagonal
commun
tend
à
ne
pas
se
considérer
lui‐même
comme
une
variété
régionale
de
français
(contrairement
aux
français
de
Bretagne,
de
Picardie,
de
Belgique,
de
Suisse,
du
Québec,
etc.).
Je
tenterai
de
montrer
que
la
dichotomie
introduite
par
le
modèle
diglossique
est
souhaitable
d'un
point
de
vue
théorique,
méthodologique
et
didactique,
qu'il
n'est
pas
incompatible
avec
une
conception
aménagée
de
la
notion
de
variation,
et
que
l'articulation
des
deux
concepts
de
diglossie,
et
de
variation,
peut
conduire
à
certaines
clarifications
utiles.
Je
commencerai
(section
2)
par
montrer
que
la
situation
actuelle
du
français,
toutes
zones
confondues,
vérifie
les
propriétés
retenues
par
Ferguson
(1959)
comme
caractéristiques
de
la
diglossie.
J'introduirai
4
Cet
emploi
de
l'adjectif
(in)formel
est
un
faux
ami
adapté
de
l'anglais
(in)formal,
qui
implique
une
notion
de
protocole
:
a
formal
dinner
est
un
dîner
protocolaire'
c'est‐à‐
dire
dont
les
participants
sont
en
représentation,
portent
des
vêtements
"habillés",
et
sont
corrélativement
censés
contrôler
l'adéquation
de
leur
langage
à
la
norme
;
un
informal
dinner
échappe
à
l'inverse
à
tout
protocole,
et
permet
donc
des
échanges
verbaux
produits
sur
un
mode
amical
et
décontracté.
diglossie
F
‐
5
ensuite
(section
3)
le
modèle
diglossique
que
je
propose,
en
montrant
comment
il
prédit
les
propriétés
discutées
dans
la
section
2,
et
j'en
examinerai
quelques
implications
pour
l'étude
de
la
variation
et
pour
la
didactique
du
français.
Je
consacrerai
ensuite
une
section
séparée
(section
4)
aux
implications
du
schéma
diglossique
pour
la
méthodologie
de
la
description
linguistique.
La
section
5
récapitulera
mes
principales
hypothèses
et
conclusions.
2.
La
diglossie
francophone
En
passant
en
revue
les
ingrédients
de
la
définition
de
Ferguson
(2)
légèrement
remaniée
par
Crystal
(3),
je
montrerai
que
la
notion
de
diglossie
identifiée
par
ces
auteurs
est
illustrée
par
la
situation
actuelle
du
français.
J'épouserai
généralement,
dans
mes
formulations,
la
conception
générativiste
de
la
relation
grammaire‐langue
(Chomsky
passim),
selon
laquelle
toute
langue
L
(ensemble
infini
d'énoncés
reconnus
comme
"du
L")
est
générée
par
un
algorithme
fini
nommé
grammaire
de
L.
2.1.
Standardisation
La
définition
(2)
oppose
une
variété
standardisée
(a
highly
codified
variety)
d'une
langue
L,
à
une
pluralité
de
"variétés
dialectales"
(the
primary
dialects
of
the
language).
La
standardisation
implique
l'identification
conventionnelle
d'une
grammaire
à
finalité
centralisatrice
—
une
grammaire
standard
(GS),
fixée
par
des
dictionnaires,
traités
et
manuels.
La
notion
de
grammaire
standardisée
est
typiquement
illustrée
par
l'arabe
dit
standard,
grammaire
de
référence
internationale
pour
les
arabophones.
Une
situation
analogue
est
illustrée
par
la
grammaire
du
français
standard
hexagonal,5
dont
les
règles,
fixées
par
des
décisions
institutionnelles
(Académie
française,
Conseil
Supérieur
de
la
Langue
Française)
et
véhiculées
par
des
manuels
et
dictionnaires,
incarnent
à
la
fois
la
norme
pour
l'Hegaxone
et
la
norme
internationale
pour
la
Francophonie
(cf.
Valdman
2000).
La
définition
(3)
semble
s'écarter
de
(2)
en
stipulant
que
les
deux
variétés,
haute
(H)
et
basse
(L),
distinguées
dans
la
situation
diglossique,
présentent
l'une
et
l'autre
un
certain
degré
de
5
Valdman
(2000)
rappelle
l'émergence
récente
d'une
deuxième
grammaire
standardisée
du
français,
reconnue
comme
norme
officielle
au
Québec.
Dans
son
aire
de
référence
(le
Canada),
la
grammaire
standard
du
français
québécois
(GSQ)
présente
les
propriétés
caractérisant
la
variété
standardisée
de
Ferguson
:
norme
institutionnelle,
prestige
(H),
situations
formelles,
référence
pour
l'écrit,
transmission
didactique,
stabilité.
diglossie
F
‐
6
standardisation
(both
(...)
are
standardised
to
some
degree).
Cette
remarque
ne
s'applique
cependant
pas
à
égalité
aux
trois
situations
diglossiques
citées
par
Crystal
:
en
remplaçant
officiellement
la
katharévousa
en
1975,
le
grec
démotique
est
devenu
la
grammaire
standard
du
grec
moderne
;
le
suisse
allemand
et
l'arabe
dialectal,
en
revanche,
bien
que
clairement
perçus
par
leurs
locuteurs
comme
des
variétés
spécifiques
de
l'allemand
et
de
l'arabe,
ne
sont
pas
standardisés
au
même
titre
que
les
grammaires
normées
officielles,
le
Hochdeutsch
et
l'arabe
standard,
toujours
exclusivement
utilisées,
par
exemple,
dans
les
écrits
scientifiques.
Ce
que
semblent
donc
indiquer
les
exemples
choisis
par
Crystal,
c'est
qu'une
situation
de
diglossie
n'est
pas,
diachroniquement,
figée,
et
qu'une
variété
dialectale
(L)
peut,
dans
certaines
conditions
externes,
accéder
à
une
reconnaissance
officielle
et
donc,
au
statut
H
(c'est
le
cas
du
grec
démotique
aujourd'hui),
allant
de
pair
avec
une
"standardisation".
La
reconnaissance
d'une
grammaire
standard
a
pour
contrepartie
l'identification
de
certaines
formes
comme
non
standard,
c'est‐à‐dire
comme
mal
formées
au
regard
de
GS.
Ce
type
de
jugement
d'acceptabilité
est
fourni
de
façon
parfaitement
objective
par
la
norme
externe
de
la
grammaire
standard.
Ainsi,
les
questions
directe
(4a)
et
indirecte
(4b)
sont
mal
formées
au
regard
de
la
GS
du
français
;
mais
puisqu'elles
sont
produites
par
divers
francophones,
c'est
qu'elles
sont
générées
par
une
(ou
des)
grammaire(s)
distincte(s)
de
GS
que
j'appelle
dialectale(s),6
en
étendant
au
français
la
terminologie
admise
pour
l'arabe
:
(4)
a.
Où
que
tu
vas
?
b.
Marie
m'a
demandé
où
((est‐)ce)
que
tu
vas.
6
Un
relecteur
d'une
version
précédente
de
ce
texte
exprime
sa
réticence
à
admettre
l'adjectif
dialectal(e),
en
tant
qu'antonyme
de
standard
:
lié
à
la
terminologie
dialectologique,
l'adjectif
dialectal(e)
évoquerait
trop
fortement
la
variation
régionale.
Si
j'ai
choisi
de
conserver
cet
adjectif,
c'est
qu'il
présente
à
mes
yeux
les
deux
avantages
suivants
:
(i)
en
étendant
au
français
un
terme
déjà
employé
(en
français)
à
propos
de
l'arabe,
il
exprime
directement
le
parallélisme
que
je
cherche
à
dégager
entre
les
situations
diglossiques
francophone
et
arabophone
;
(ii)
l'emploi
d'un
terme
utilisé
en
dialectologie
souligne
utilement
le
fait
que
toute
grammaire
non
standard
est,
par
essence,
spatio‐temporellement
ancrée.
Massot
(2008)
préfère
pour
sa
part
à
français
dialectal
le
terme
français
démotique,
emprunté
à
la
linguistique
grecque,
pour
désigner
une
variété
de
français
non
standard
transhexagonale,
caractérisée
par
un
ensemble
de
traits
constants
d'une
région
à
l'autre
:
clitique
sujet
pléonastique,
substitution
de
on
au
nous
nominatif,
absence
conditionnelle
du
ne
négatif,
absence
de
diverses
liaisons,
clivées
en
avoir,
etc.
diglossie
F
‐
7
Le
tableau
(5)
illustre
quelques‐unes
des
nombreuses
propriétés
phonologiques,
morphologiques,
syntaxiques
et
lexicales
qu'on
peut
identifier
comme
distinguant
les
grammaires
dialectales
de
la
grammaire
standard,
puisqu'elles
s'observent
couramment
dans
des
corpus
attestés
sans
toutefois
être
validées
par
GS
:
diglossie
F
‐
8
(5)
Grammaire
standard
vs.
grammaires
dialectales
(échantillon)7
module
point
contraste
de
forme
écrite
GS
ks+C
[õnareɛksplike]
phonologie
C+r#
[jãnakatr]
[jãnakat]
C+l#
[seterãtabl]
[seterãtab]
plus
[sasalymply]
[sasalympy]
il(s)
+C
[ilparl]
[iparl]
elle(s)+C
[εlparl]
[εparl]
liaison
[dãzynil]
[dãynil]
on
a
réexpliqué
il
y
en
a
quatre
c'était
rentable
ça
s'allume
plus
il(s)
parle(nt)
elle(s)
parle(nt)
dans
une
île
sur
cent
euros
forme
attestée
non
validée
par
GS
[õnareɛsplike]
[sãtøro]
[sãzøro]
(les
filles)
‐‐
y
vont
[εlzivõ]
[izivõ]
pluriel
cardinaux
neutralisation
genre
pronoms
nombre
dans
le
groupe
nominal
indéf.pluriel+Adj
accord
c'est
les
enfants,
les
oeufs
de
(très)
gros
pourboires
(Jean
et
Marie)
ce
sont
mes
amis
il
est
parti
les
enfant,
les
oeuf
des
(très)
gros
pourboires
c'est
mes
amis
auxiliaire
de
morphologie
conjugaison
clitique
sujet
pléonastique
neutralisation
lui/y
séquences
de
clitiques
fait+Vinfinitif
subjonctif
il
a
parti
tout
le
monde
est
gentil
je
lui
ai
flanqué
une
gifle
débarrasse‐m'en
il
faut
le
lui
dire
la
robe
que
je
me
suis
fait
faire
tout
le
monde
il
est
gentil
j'y
ai
flanqué
une
gifle
débarrasse‐
moi‐z‐en
il
faut
lui
dire
la
robe
que
je
me
suis
faite
faire
bien
qu'il
fasse
bien
qu'il
fait
7
Beaucoup
des
propriétés
citées
dans
le
tableau
(5)
sont
mentionnées
dans
la
littérature
linguistique
fondée
sur
des
données
attestées
(cf.
Blanche‐Benveniste
1997a,b,
Coveney
1997,
Gadet
1996,
1997,
1998,
Laks
1977,
Massot
2002,
2006,
2008,
Valdman
2000).
J'ai
toutefois
pris
des
libertés
avec
l'étiquetage
des
propriétés
et
le
choix
des
exemples
illustratifs.
diglossie
F
‐
9
négation
ne
conjonction
que
pronom
sujet
1pl
interrogatives
directes
syntaxe
interrogatives
indirectes
ellipse
du
nom
lexique
vocabulaires
divers
8
Cf.
Zribi‐Hertz
(à
paraître)
encore
beau
il
n'est
pas
là
je
crois
qu'il
est
venu
lui
et
moi,
nous
devons
y
aller
sont‐ils
partis
?
est‐ce
qu'ils
sont
partis
?
quand
sont‐ils
partis
?
quand
est‐ce
qu'ils
sont
partis
?
encore
beau
il
est
pas
là
je
crois
il
est
venu
lui
et
moi,
on
doit
y
aller
ils
sont
partis
?
ils
sont
partis
quand
(ça/est‐
ce)?
c'est
quand
qu'ils
sont
partis
?
quand
c'est‐‐
qu'ils
sont
partis
?
quand‐‐‐‐‐‐‐‐
qu'ils
sont
partis
?
Il
faut
demander
Il
faut
s'ils
sont
partis
demander
est‐
ce
qu'ils
sont
partis
Il
faut
demander
Il
faut
qui
est
parti
demander
qui
est‐ce
qu(i)
est
parti
Il
faut
demander
qui
c'est
qu(i)
est
parti
Il
faut
demander
qui
qu(i)
est
parti
Je
préfère
celles
Je
préfère
les
{en
{en
plastique/qui
plastique/qui
piquent}
piquent}8
femme
meuf
policier
flic,
keuf
mourir
crever
diglossie
F
‐
10
2.2.
Situations
de
communication
La
définition
(2)
corrèle
la
distinction
diglossique
à
différentes
situations
d'utilisation
du
langage.
L'activation
de
GS,
qui
implique
de
la
part
du
locuteur
une
vérification
de
la
conformité
du
discours
qu'il
produit
à
la
norme
standard,
est
socialement
attendue
dans
divers
types
d'activités
passant
souvent,
quoique
pas
nécessairement,9
par
l'écriture
:
lettres
professionnelles,
articles
et
ouvrages
scientifiques,
techniques
ou
journalistiques,
sermons,
discours
politiques,
conférences,
scripts
d'émissions
radiophoniques
ou
télévisuelles
à
caractère
politique,
culturel
ou
documentaire,
etc.,
toutes
situations
couramment
qualifiées
de
formelles.
Une
grammaire
dialectale10
est,
en
revanche,
activée
dans
toute
situation
où
le
locuteur
ne
cherche
pas
à
se
conformer
à
la
norme
—
soit
parce
qu'il
est,
pour
une
raison
ou
une
autre,
incapable
de
le
faire
(trop
jeune
et/ou
trop
peu
éduqué),
soit
parce
qu'il
se
sent
autorisé
à
ne
pas
le
faire
par
la
nature
non
protocolaire
(informelle)
de
la
situation
communicative
(typiquement
:
conversation
privée,
cf.
ordinary
conversation
[Ferguson],
voir
note
4).
Ces
corrélations
entre
grammaires
(GS/GD)
et
situations
de
communication
(formelles/informelles)
sont
bien
vérifiées
dans
l'aire
francophone
:
l'activation
de
GS
est
attendue
chez
les
adultes
en
situation
formelle,
et
celle
de
GD
chez
les
enfants
trop
jeunes
pour
maîtriser
GS,
les
enfants
de
tous
âges
communiquant
entre
eux
(type
d'échange
exempté
de
formalité),
et
les
adultes
en
situation
"informelle".
11
2.3.
Prestige
La
situation
diglossique
définie
en
(2)‐(3)
est
caractérisée
par
une
relation
hiérarchique
entre
les
grammaires
standard
(H)
et
dialectale(s)
(L).
La
grammaire
standard
doit
son
prestige
au
respect
inspiré
par
la
9
Ce
point
a
été
souvent
souligné
par
Claire
Blanche‐Benveniste,
dans
ses
travaux.
10
L'emploi
du
singulier
dans
une
grammaire
dialectale
est
une
simplification,
qui
laisse
ici
ouverte
une
question
centrale
à
la
problématique
de
la
variation
:
étant
donné
un
ensemble
de
données
impliquant
"de
la
variation"
on
peut
a
priori
envisager
de
supposer
qu'il
est
généré
par
plusieurs
grammaires
différentes,
par
plusieurs
sous‐
grammaires
différentes
au
sein
d'une
même
grammaire,
ou
par
une
seule
grammaire
incluant
des
"règles
variables"
11
Noter
que
la
formalité
de
la
situation
ne
suffit
pas
à
garantir
l'activation
de
GS
:
pour
que
GS
puisse
être
activée
il
faut
qu'elle
soit
activement
maîtrisée
par
le
locuteur
;
un
locuteur
qui
ne
maîtrise
pas
activement
GS
activera
donc
GD
en
toutes
circonstances
—
un
comportement
socialement
stigmatisant
pour
les
adultes.
diglossie
F
‐
11
littérature
écrite
qu'elle
sous‐tend
(Ferguson),
et
aux
institutions
par
lesquelles
elle
est
propagée
(école,
université,
églises,
administration,
médias)
(Crystal).
Le
faible
prestige
des
grammaires
dialectales
est,
parallèlement,
corrélé
à
leur
non
validation
par
les
canaux
officiels
du
pouvoir.
Le
critère
du
prestige
invite,
comme
celui
de
la
standardisation,
à
distinguer
les
uns
des
autres
les
trois
exemples
de
situations
diglossiques
cités
par
Crystal
:
le
grec
démotique
a
acquis
pleinement
le
statut
de
variété
standard
(H)
dès
lors
qu'il
a
officiellement
remplacé
la
katharévousa
en
1975
comme
langue
officielle
de
la
Grèce
moderne
;
en
revanche,
le
Schweizerdeutsch
et
l'arabe
dialectal
sont
des
variétés
L
de
l'allemand
et
de
l'arabe,
ayant
pour
contreparties
H
l'arabe
standard
et
le
Hochdeutsch.
Les
grammaires
standard
et
dialectales
du
français
sont
unies
par
la
relation
hiérarchique
retenue
en
(2)‐(3)
comme
caractéristique
de
la
situation
diglossique.
La
grammaire
standard
doit
son
prestige
à
la
tradition
littéraire
dont
elle
émane,
à
l'institution
scolaire
qui
la
transmet,
aux
canaux
du
pouvoir
qui
la
propagent.
Les
traits
dialectaux
—non
validés
par
la
grammaire
standard,
comme
ceux
illustrés
en
(5),
colonne
5
—
sont
épinglés
comme
"fautifs"
par
l'école
(Leeman‐Bouix
1994)
et
suscitent
des
jugements
diaphasiques
ou
diastratiques
de
type
L
("relâché",
"familier",
"populaire").
2.4.
Acquisition
Les
grammaires
H
et
L
unies
par
la
relation
diglossique
sont
distinguées
par
leur
mode
d'acquisition
:
selon
les
définitions
(2)
et
(3),
la
grammaire
standard
(H)
est
crucialement
apprise
à
l'école
(learned
largely
by
formal
education
:
Ferguson;
learned
in
school
:
Crystal).
Les
grammaires
L
sont
en
revanche
intériorisées
par
le
processus
naturel
d'acquisition
du
langage,
caractéristique
de
l'espèce
humaine
et
opérant
sans
guidance
externe.
A
cette
propriété
peut
être
relié
le
fait,
souligné
par
Kwary
(n.d.),
qu'en
situation
diglossique,
c'est
typiquement
la
grammaire
L
qui
est
activée
par
les
enfants
parlant
entre
eux.
Concernant
la
grammaire
standard,
il
convient
par
ailleurs
de
distinguer
(ce
que
ne
font
pas
Ferguson
et
Crystal)
l'acquisition
des
compétences
passive
et
active
:
dans
le
cas
de
l'arabe,
par
exemple,
on
peut
supposer
que
tous
les
arabophones
d'aujourd'hui
qui
ont
accès
aux
médias
ont
naturellement
acquis
par
cette
voie
une
compétence
passive
de
l'arabe
standard
leur
permettant
de
comprendre
les
chansons,
films,
émissions
documentaires
ou
discours
politiques
générés
par
cette
grammaire.
L'école
n'intervient
que
dans
la
transmission
de
la
compétence
active,
celle
qui
permet
aux
locuteurs
d'utiliser
eux‐mêmes
créativement
la
grammaire
standard
comme
outil
diglossie
F
‐
12
d'expression
oral
ou
écrit,
les
rendant
ainsi
activement
diglosses.
Si
l'école
ne
parvient
pas
à
rendre
tous
les
élèves
activement
diglosses,
la
diglossie
active
reste
un
indicateur
socialement
sélectif
(connotation
"diastratique").
Ces
distinctions
concernant
les
processus
d'acquisition
sont
parfaitement
illustrées
dans
la
Francophonie
d'aujourd'hui.
L'acquisition
préscolaire
du
français
implique
les
seules
grammaires
dialectales,
celles
qui
génèrent
notamment
les
formes
de
(4)
et
(5).
Les
membres
de
la
communauté
francophone
acquièrent
tous,
indépendamment
de
l'école,
une
compétence
passive
de
GS
(des
deux
GS,
régionale
et
internationale,
en
ce
qui
concerne
les
Québécois),
transmise
par
les
médias.
L'accession
à
la
diglossie
active
suppose
en
revanche
un
travail
d'apprentissage
contrôlé
portant
sur
GS,
et
dont
l'école
devrait
être
le
principal
agent.12
2.5.
Variation
Bien
qu'elle
ne
soit
pas
mentionnée
dans
les
définitions
(2)
et
(3),
la
notion
de
variation
n'est
pas
incompatible
avec
la
situation
diglossique
telle
qu'elle
est
caractérisée
plus
haut.
Le
caractère
institutionnel
de
GS,
et
sa
fonction
centralisatrice,
contrastant
avec
le
caractère
non
institutionnel
de
GD,
laissent
toutefois
attendre
une
variation
plus
limitée
dans
un
cas
que
dans
l'autre.
Ainsi
peut‐on
opposer
l'unité
du
grec
démotique
(standard
moderne)
à
la
diversité
des
grecs
régionaux
(cappadocien,
crétois,
chypriote,
etc.),
l'unité
de
l'allemand
standard
à
la
diversité
des
allemands
dialectaux
(suisse
allemand,
luxembourgeois,
alsacien,
bavarois,
berlinois,
saxois,
etc.),
l'unité
de
l'arabe
standard
à
la
diversité
des
arabes
dialectaux
(syro‐libanais,
égyptien,
marocain,
algérien,
etc.).
On
peut
de
même
opposer
l'unité
du
français
standard
hexagonal
(grammaire
de
référence
pour
toute
la
Francophonie)
à
la
diversité
des
français
régionaux
(cf.
Baronian
&
Martineau
sld.,
2008).
Ces
contrastes
sont
corrélés
au
fait
que
ce
sont
les
grammaires
dialectales,
activées
en
situation
informelle,
qui
sont
frappées
par
les
réaménagements
constituant
le
changement
linguistique.
La
variation
n'est
toutefois
pas
incompatible
avec
la
notion
de
grammaire
standard.
D'une
part,
en
effet,
une
norme
peut
être
fixée
de
façon
externe
pour
une
aire
géographique
limitée
—
cas
bien
illustré
12
Un
problème
qui
préoccupe
aujourd'hui
beaucoup
l'Hexagone
est
justement
la
faillite
de
l'école
dans
sa
fonction
de
transmission
de
GS.
En
dépit
de
la
démocratisation
externe
de
l'institution
scolaire
(instauration
du
'collège
unique'
en
1975,
environ
80%
de
reçus
au
baccalauréat
aujourd'hui),
la
diglossie
active
semble
rester
globalement
l'apanage
d'un
groupe
social.
diglossie
F
‐
13
par
les
deux
grammaires
standard,
régionale
(français
standard
québécois)
et
internationale
(français
standard
hexagonal),
de
la
francophonie
canadienne
(cf.
Valdman
2000).
D'autre
part,
une
même
grammaire
peut
générer
plusieurs
formes
ayant
des
fonctions
communicatives
analogues
—
ainsi,
les
questions
partielles
en
est­ce
que
(6a)
et
à
enclitique
(6b),
ou
les
coordinations
avec
(7a)
et
sans
(7b)
répétition
du
clitique
sujet
(cf.
Miller
1991,
Godard
1992),
sont
toutes
générées
par
la
grammaire
du
français
standard
:
(6)
a.
Est‐ce
que
le
train
est
parti
?
b.
Le
train
est‐il
parti
?
(7)
a.
Je
vois
Marie
et
j'écoute
Paul.
b.
Je
vois
Marie
et
écoute
Paul.
Les
notions
de
diglossie
et
de
variation
doivent
donc
être
soigneusement
séparées
:
la
diglossie
est
une
distinction
binaire
entre
standard
et
non
standard,
solidaire
d'une
norme
dont
la
fixation
est
imposée
aux
locuteurs
de
façon
externe
;
la
variation
veut
désigner,
indépendamment
de
toute
norme,
la
compétition
entre
deux
ou
plusieurs
formes
qui
sont
associées
à
des
interprétations
ou
à
des
effets
communicatifs
perçus
comme
semblables.
3.
Le
schéma
diglossique
et
ses
implications
—
théoriques
et
didactiques
Dans
une
optique
générative
de
la
grammaire,
la
GS
du
français
doit
être
décrite
comme
un
algorithme
qui
ne
produit
pas
les
formes
de
la
colonne
5
du
tableau
(5),
et
la
GD
(ou
l'ensemble
des
GD),
comme
un
(ou
plusieurs)
algorithme(s)
qui
les
produi(sen)t.
Un
problème
est
de
déterminer
la
relation
entre
ces
deux
algorithmes.13
Il
existe
d'abord
des
formes,
comme
celles
de
la
colonne
5
du
tableau
(5),
qui
ne
sont
générées
que
par
GD,
à
l'exclusion
de
GS.
Notons
toutefois
qu'un
locuteur
qui
active
GD
(par
exemple,
un
enfant
s'adressant
à
un
congénère)
et
qui
produit
les
(ou
certaines
des)
formes
susmentionnées,
produit
aussi,
dans
les
mêmes
conditions
informelles,
des
formes
telles
que
(8),
qui
sont
par
ailleurs
validées
par
GS
:
(8)
a.
La
voiture
a
explosé.
13
La
discussion
présentée
dans
cette
section
est
centrée
sur
la
morphosyntaxe.
La
phonologie
mériterait
probablement
une
réflexion
spécifique,
que
je
n'aborde
pas
ici.
diglossie
F
‐
14
b.
Elle
ressemble
à
un
chien.
c.
Il
faut
les
changer.
Les
formes
de
(8)
sont
validées
par
GS,
mais
elles
ne
sont
pas
générées
par
GS
dans
la
situation
envisagée,
étant
donné
que
le
jeune
locuteur
de
(8)
est
ignorant
de
GS
(cf.
(2)‐(3)
et
section
2.4).
Même
dans
l'hypothèse
où
ce
locuteur
particulier
aurait
commencé
son
apprentissage
de
GS,
la
situation
de
communication
informelle
(allocutaire
enfant)
appelle
a
priori
l'activation
de
sa
GD.
Il
faut
donc
supposer
que
certaines
formes
générées
par
GD
sont
validées
par
GS.
Par
ailleurs,
toute
forme
validée
par
GS
peut
par
définition
être
générée
par
GS
:
ainsi
les
formes
de
(8),
attribuées
plus
haut
à
un
jeune
locuteur
en
situation
informelle,
pourraient
aussi
être
légitimement
produites
par
un
adulte
en
situation
formelle,
par
exemple
dans
un
texte
écrit
et
révisé
en
vue
d'une
publication
dans
un
journal
sérieux.
En
d'autres
termes,
des
formes
comme
celles
de
(8)
peuvent
être
générées
soit
par
GD,
soit
par
GS.
Il
existe
enfin
des
formes
qui
ne
sont
générées
que
par
GS,
à
l'exclusion
de
GD
:
ainsi
les
questions
à
enclitique
(6b),
le
passé
simple
(9a),
les
relatives
non
prépositionnelles
introduites
par
lequel
(9b),
les
coordinations
de
noms
nus
(9c),
sont
absentes
du
discours
d'un
enfant
francophone
(hexagonal)
s'adressant
à
des
congénères:14
(9)
a.
On
le
mit
dans
une
école
privée.
b.
C'est
pour
la
nouvelle
directrice,
laquelle
est
en
vacances.
c.
Dans
cette
classe,
garçons
et
filles
sont
intelligents.15
14
La
présentation
du
rôle
de
l'école
qui
est
faite
plus
haut
est
peut‐être
un
peu
schématique
:
un
enfant
francophone
de
5
ans
peut
avoir
commencé
son
apprentissage
actif
de
GS
hors
de
l'institution
scolaire
—
dans
une
famille
soucieuse
de
lui
transmettre
GS,
par
exemple.
Il
pourrait
donc
employer
(plus
ou
moins
grammaticalement)
le
passé
simple
dans
des
discours
narratifs,
sur
le
modèle
de
certains
contes
qu'on
lui
a
lus.
Mais
cette
situation
ne
met
pas
en
cause
les
grandes
lignes
de
l'argumentation
développée
plus
haut
:
l'enfant
ne
maîtrisera
totalement
les
formes
et
emplois
du
passé
simple
qu'au
terme
d'un
apprentissage
contrôlé,
et
n'emploiera
jamais
le
passé
simple
en
activant
sa
GD
(par
exemple
dans
un
échange
informel
avec
d'autres
enfants).
15
Les
formes
illustrées
par
(9a)
(passé
simple)
et
(9b)
(relatives
lequel)
sont
mentionnées
par
Blanche‐Benveniste
&
Bilger
(1999)
comme
caractéristiques
d'un
"registre
soutenu",
étiquette
que
je
révise
ici
dans
l'optique
du
modèle
diglossique.
La
syntaxe
des
coordinations
de
noms
nus
illustrées
par
(9c)
est
étudiée
par
Roodenburg
(2004).
diglossie
F
‐
15
Fondé
sur
l'articulation
de
la
notion
de
grammaire
interne
(générative)
et
de
la
dichotomie
standard/non
standard
(diglossie),
le
raisonnement
qui
précède
conduit
donc
à
supposer
que
la
compétence
linguistique
d'un
francophone
met
en
jeu
deux
grammaires
en
intersection
—
GS
et
GD
—
ce
schéma
délimitant
trois
"zones"
respectivement
numérotées
1,
2
et
3
:
(10)
La
diglossie
francophone
:
hypothèse
GS
GD
Le
train
est‐il
parti
?
Il
est
pas
là.
On
le
mit
dans
La
voiture
a
explosé
Toi
et
moi
on
peut
y
une
école
privée.
aller.
Elle
ressemble
à
un
chien
Ici,
garçons
et
filles
Vous
venez
quand
sont
intelligents.
(ça)?
Il
faudrait
les
changer.
Personne
il
m'aime.
La
rente
ne
pourra
être
remboursée
qu'après
un
certain
terme,
lequel
ne
pourra
excéder
30
ans.
Zone
1
Zone
2
Zone
3
(Z1)
(Z2)
(Z3)
L'existence
de
l'intersection
rend
crucialement
compte
du
fait
que
GS
et
GD
sont
perçues
comme
générant
la
même
langue
:
"le
français".
Selon
la
conception
générative
de
la
grammaire
(interne)
adoptée
ici,
GS
et
GD
sont
distinctes
mais
non
disjointes,
et
génèrent
donc
deux
langues
(e­languages,
au
sens
de
Chomsky
1995)
—
deux
ensembles
de
formes
différents,
les
formes
de
Z2
pouvant
être
générées
soit
par
GS,
soit
par
GD.
Les
formes
générées
par
GS
sont
celles
qui
sont
validées
par
la
norme
standard,
la
maîtrise
active
de
Z1
devant
faire
l'objet
d'un
apprentissage
contrôlé
(section
2.4).
L'activation
de
GD
n'implique,
inversement,
pas
de
mise
en
conformité
avec
la
norme
standard,
et
résulte
du
processus
d'acquisition
naturel
—
inconscient
et
extra‐
diglossie
F
‐
16
institutionnel.
Cette
distinction
de
GS
et
GD,
fondée
sur
la
standardisation
externe
(ou
son
absence)
et
sur
la
nature
(contrôlée
ou
non)
du
processus
d'acquisition
de
la
compétence
active,
suffit
à
prédire
les
effets
"diaphasiques"
et
"diastratiques"
distingués,
non
sans
une
certaine
difficulté
comme
le
souligne
Gadet
(1996),
par
la
sociolinguistique.
Tout
effet
stylistique
H
("soutenu",
"châtié")
ou
L
("familier",
"relâché")
peut
être
directement
dérivé
de
la
nature
de
la
grammaire
(GS
ou
GD)
activée
dans
la
situation
considérée
:
plus
un
discours
(oral
ou
écrit)
contient
de
traits
générés
en
Z3,
plus
il
confirme
l'activation
de
GD,
et
plus
il
est
donc
perçu
comme
stylistiquement
(diaphasiquement)
"relâché".
Tout
jugement
diastratique
sur
une
production
linguistique
P
résulte
par
ailleurs
d'une
hypothèse
concernant
la
diglossie
active
du
locuteur
de
P
—
sa
maîtrise
active
de
GS
:
plus
un
discours
fournit
de
preuves
que
son
émetteur
est
activement
diglosse,
plus
ce
locuteur
est
perçu
comme
"diastratiquement
H"
("cultivé",
selon
une
terminologie
des
niveaux
de
langue),
et
inversement.
En
vertu
du
diagramme
(10),
les
indicateurs
les
plus
clairement
H
sont
les
traits
produits
en
Z1
:
un
locuteur
(adulte)
dont
la
performance
linguistique
globale
inclut
beaucoup
de
traits
Z3
et
aucun
trait
Z1
est
donc
identifié
comme
"socialement
L".
La
relation
entre
formes
linguistiques
et
propriétés
sociales
est
toutefois
indirecte
:
les
formes
linguistiques
ne
sont
que
des
indicateurs
de
diglossie,
corrélés
ensuite
par
inférence
à
des
facteurs
sociaux
(diglossie
active
>
éducation
>
groupe
social
H).
L'analyse
proposée
ici
conduit
à
reformuler
l'hypothèse
que
Bell
(1984)
et
Gadet
(1996)
énoncent
dans
l'optique
d'une
théorie
de
la
variation
:
toute
variable
diaphasique
serait
aussi,
selon
ces
auteurs,
une
variable
diastratique,
l'inverse
n'étant
pas
vrai.
Dans
l'optique
du
modèle
diglossique
proposé
en
(10),
on
peut
supposer
que
les
effets
diaphasiques
et
diastratiques
ont
tous
pour
origine
les
mêmes
ensembles
de
traits
—
les
traits
des
deux
zones
périphériques,
Z1
(effets
H)
et
Z3
(effets
L).
Tous
les
traits
Z1
et
Z3
produisent
des
effets
diaphasiques
—
"soutenus"
(H)
pour
Z1,
"relâchés"
(L)
pour
Z3
;
mais
ils
n'ont
de
connotations
sociales
(diastratiques)
que
par
les
inférences
qu'ils
conduisent
à
faire
sur
la
compétence
linguistique
de
celui
qui
les
émet.
Ainsi,
les
traits
Z1,
qui
attestent
directement
d'une
maîtrise
active
de
GS
par
leur
émetteur,
produisent
un
effet
diastratique
H
;
en
revanche,
les
traits
Z3
n'ont
de
connotation
diastratique
L
que
s'ils
sont
interprétés
comme
des
indicateurs
d'une
non‐maîtrise
de
GS
(j'y
reviendrai
plus
loin).
Le
schéma
diglossique
proposé
en
(10)
concerne
par
hypothèse
l'ensemble
des
francophones
adultes,
quel
que
soit
leur
degré
de
maîtrise
active
de
GS
:
tous
les
francophones
(adultes)
ont
en
effet,
par
diglossie
F
‐
17
hypothèse,
au
moins
une
maîtrise
passive
d'un
ensemble
de
traits
Z1.
Dans
la
mesure
où
le
diagramme
(10)
vise
à
représenter
la
compétence
linguistique
d'un
locuteur
particulier,
la
distribution
des
traits
dans
les
trois
zones
Z1,
Z2
et
Z3
peut
différer
d'un
locuteur
à
l'autre
:
un
même
trait
peut
être
produit
en
Z2
par
certains
locuteurs,
en
Z1
par
d'autres
—
situation
couramment
corrélée,
par
exemple,
aux
écarts
de
génération
(cf.
les
questions
à
enclitique,
la
forme
des
exclamatives,
voir
section
4.4).
Le
schéma
diglossique
ne
s'oppose
pas
a
priori
à
l'existence
de
phénomènes
d'alternance
codique
(code­switching),
c'est‐à‐dire
d'activation
alternée
des
deux
grammaires
internes
au
sein
d'un
même
discours,
comme
on
en
observe
dans
les
situations
de
bilinguisme
(cf.
Poplack
1980).
Les
très
intéressants
exemples
présentés
par
Blanche‐
Benveniste
&
Bilger
(1999)
pour
illustrer
des
"changements
de
registre"
dans
les
discours
oraux,
suggèrent
en
effet
que
le
passage
de
"très
familier"
à
"soutenu"
correspond
à
un
changement
de
grammaire
(GD>GS),
impliquant
simultanément
plusieurs
traits
corrélés
:
"Quand
le
locuteur
s'exprime
dans
un
registre
"soutenu",
cela
se
manifeste
(...)
par
un
choix
simultané
de
certaines
formes
grammaticales
et
lexicales,
et
c'est
cet
ensemble
de
formes
qui
produit
l'effet
de
"langue
soutenue"
"
(op.
cit.,
section
3.2).
Le
travail
d'analyse
de
Massot
(2008)
portant
sur
un
discours
continu
semble
également
appuyer
le
schéma
diglossique
en
montrant
que
les
changements
de
grammaire
(GD>GS
ou
inversement),
caractérisés
par
des
corrélats
de
propriétés,
ne
s'opèrent
pas
en
deçà
d'un
certain
domaine
structural
(peut‐être
la
phrase
simple).
Le
schéma
diglossique
doit
être
articulé
avec
le
traitement
de
la
variation
qui,
selon
l'hypothèse
adoptée,
doit
en
être
distingué.
En
ce
qui
concerne
GS,
le
diagramme
(10)
laisse
de
côté
le
problème
de
la
singularité
ou
de
la
dualité/pluralité
de
la
norme
(par
exemple
québécoise
ou
internationale,
pour
les
Québécois)
—
GS
est
traitée
par
convention
comme
singulière
dans
son
opposition
à
GD.
Le
problème
de
la
variation
interne
à
chaque
grammaire
nous
ramène
à
des
questions
qui
dépassent
la
présente
étude
—
typologie
de
la
variation
(phonologie
≠
syntaxe),
la
variation
syntaxique
existe‐t‐elle
vraiment
(Gadet,
passim)
?
Si
oui,
comment
la
traiter
(cf.
Bickerton
1971,
1973,
Coetzee
2006,
Coveney
1997,
DeCamp
1971,
Hornsby
1998,
Labov
1969,
1972,
etc.)
?
Le
schéma
diglossique
permet
a
priori
de
rendre
compte
de
l'apparente
irrégularité
de
certains
traits
dans
la
performance
d'un
même
locuteur
:
ainsi
des
phrases
négatives
de
même
type
avec
et
sans
ne
pourront‐elles
coexister
—
respectivement
en
Z2
et
Z3
—
dans
la
performance
d'un
locuteur
dont
la
GD
produit
cet
diglossie
F
‐
18
élément.16
Cette
situation
témoigne
simplement
de
l'instabilité
inhérente
à
toute
grammaire
dialectale,
ferment
du
changement
linguistique.
Dans
l'optique
du
diagramme
(10),
tous
les
effets
H
et
L
(tant
diaphasiques
que
diastratiques)
sont
dérivables
de
la
diglossie,
non
de
la
variation
:
les
jugements
H
sont
corrélés
à
la
maîtrise
active
de
GS
(diastrasie)
et
à
l'activation
de
Z1
(diaphasie),
les
jugements
L
à
la
non‐
maîtrise
de
GS
(diastrasie)
et
à
l'activation
de
Z3
(diaphasie).
Ainsi,
l'alternance
entre
questions
à
enclitique
(Vient­il?)
et
en
est­ce
que
(Est­
ce
qu'il
vient
?)
n'a
pas
de
connotation
diastratique
en
français
commun
hexagonal,
puisque
les
deux
variables
considérées
sont
validées
par
GS
;
mais
elle
a
une
connotation
diaphasique
puisque
l'enclise
relève
de
Z1
et
est­ce
que
de
Z2.
Symétriquement,
deux
formes
générées
par
GD
ont
des
connotations
diaphasiques
si
elles
ressortissent
respectivement
à
Z2
et
Z3
:
ainsi
la
question
Qui
est­ce
qui
vient
?,
générée
en
Z2,
c'est‐à‐
dire
validée
par
GS,
n'a
pas
l'effet
diaphasique
L
de
Qui
c'est
qui
vient
?,
non
validée
par
GS
(donc
produite
en
Z3)
;
mais
les
questions
Qui
c'est
qui
vient?
et
C'est
qui
qui
vient
?
ne
diffèrent
pas
dans
leurs
connotations
diaphasiques
—
toutes
deux
étant
produites
en
Z3.
Certaines
paires
de
formes
générées
en
Z3
semblent
toutefois
—
intuitivement
—
corrélées
à
des
effets
diastratiques
différents
:
ainsi
la
question
Qui
c'est
que
c'est
qui
vient?
sonne
intuitivement
"plus
populaire"
que
Qui
c'est
qui
vient
?.
Ces
intuitions
peuvent
être
éclairées
par
le
schéma
diglossique
:
le
locuteur
de
Qui
c'est
que
c'est
qui
vient?
est
supposé
ne
pas
être
activement
diglosse
(>
effet
diastratique
L),
mais
cette
supposition
n'est
pas
nécessairement
faite
à
propos
du
locuteur
de
Qui
c'est
qui
vient?.
Ces
suppositions
différentes
s'appuient
sur
un
calcul
implicite
de
corrélations
:
l'émetteur
des
jugements
diastratiques
a
enregistré
que
ceux
qui
produisent
Qui
c'est
que
c'est
qui
vient?
produisent
généralement
peu
ou
pas
de
traits
Z1
(ils
ne
sont
donc
pas
activement
diglosses)
;
mais
que
certains
locuteurs
qui
produisent
Qui
c'est
qui
vient?
produisent
par
ailleurs
des
traits
Z1
en
situation
formelle
(et
sont
donc
activement
diglosses).
La
forme
de
question
Qui
c'est
qui
vient?
ne
justifie
donc
pas
pour
lui
une
stigmatisation
diastratique.
Selon
ce
raisonnement,
un
trait
Z3
repéré
comme
couramment
produit
par
des
locuteurs
activement
diglosses
n'est
pas
socialement
stigmatisant
:
ainsi,
la
troncation
du
[l]
de
il(s)
devant
consonne
[ifojale],
l'omission
de
16
L'importance
cruciale
de
l'intersection
(Z2)
dans
le
schéma
(10)
semble
avoir
échappé
à
Cappeau
et
Gadet
(à
paraître),
dans
l'argumentation
qu'ils
développent
contre
l'hypothèse
diglossique.
diglossie
F
‐
19
ne
(Il
est
pas
là),
diverses
suites
d'enclitiques
non
standard
(débarrasse­
moi­z­en),
etc.,
sont
perçus
comme
diastratiquement
neutres
(bien
que
diaphasiquement
L,
puisque
Z3).
Le
schéma
diglossique
a
des
implications
didactiques
qui
rejoignent
certaines
conclusions
atteintes
par
Valdman
(2000)
pour
l'enseignement
du
FLE,
mais
qu'on
peut
chercher
à
compléter
pour
l'enseignement
du
français
L1.
Sur
la
base
des
relevés
statistiques
de
Behnsted
(1973)
concernant
les
types
de
questions,
Valdman
(2000)
propose
de
commencer
l'enseignement
des
interrogatives
par
les
formes
à
Mouvement‐wh,
sans
et
avec
est­ce
que
:
Où
(est­ce
que)
tu
vas?;
d'aborder
dans
la
deuxième
phase
les
questions
à
enclitique,
donnant
accès
aux
textes
;
et
de
réserver
pour
la
fin
le
survol
des
formes
strictement
dialectales,
donnant
aux
élèves
anglophones
une
idée
du
français
dans
sa
réalité
quotidienne
et
sa
diversité
régionale.
Ces
propositions
sont
parfaitement
en
phase
avec
le
diagramme
(10),
puisque
les
formes
associées
par
Valdman
aux
trois
étapes
d'apprentissage
ressortissent
respectivement
à
Z2
(zone
médiane),
puis
Z1
et
Z3
(zones
périphériques)
:
le
projet
didactique
de
Valdman
revient
à
transmettre
aux
élèves
non
francophones
d'abord
(étapes
1
et
2)
la
maîtrise
active
de
GS,
en
commençant
par
les
formes
également
produites
par
GD
(Z2),
donc
disponibles
en
toute
situation
(formelle
et
informelle),
puis
(étape
3)
une
maîtrise
passive
des
formes
Z3
(d'un
intérêt
culturel
et
sociologique).
Une
progression
analogue,
commençant
crucialement
par
les
traits
Z2,
pourrait
être
envisagée
pour
l'enseignement
du
français
L1,
à
une
importante
différence
près
:
le
traitement
des
formes
Z3,
que
les
élèves
francophones
(contrairement
aux
élèves
anglophones
de
Valdman)
maîtrisent
activement
préalablement
à
leur
entrée
à
l'école.
Un
objectif
des
enseignants
du
français
L1
devrait
être
d'expliciter
au
moins
les
traits
Z3
les
plus
saillants,
pour
amener
les
élèves
à
distinguer
clairement
et
systématiquement
GS
de
GD
et
à
devenir
par
ce
biais
des
diglosses
actifs.
diglossie
F
‐
20
4.
Conséquences
pour
la
description
linguistique
J'explorerai
maintenant
les
conséquences
du
modèle
diglossique
pour
la
description
des
données
linguistiques,
en
montrant
que
le
schéma
(10)
permet
de
préciser
des
catégories
classificatoires
au
contenu
incertain,
et
invite
à
un
meilleur
contrôle
des
exemples
forgés.
4.1.
Diglossie
et
variation
Le
schéma
diglossique
invite
à
redéfinir
en
les
précisant
les
distinctions
tracées
par
la
sociolinguistique
entre
différents
types
de
variation
(cf.
Gadet
1996).
Revenons
par
exemple
sur
le
système
de
classification
utilisé
par
Vinet
(2001),
distinguant
le
français
parlé
familier
européen
(FPFE),
le
français
québécois
(FQ),
et
le
français
populaire
européen
(FPE)
:
(11)
a.
Me
le
dis
pas
maintenant.
[FPFE/*FQ]
(Vinet
2001:6)
b.
Dis‐moi‐le
pas
maintenant.
[FPFE/FQ]
(Vinet
2001:6)
c.
T'occupe.
[FPE/*FQ]
(Vinet
2001:6)
d.
Elle
vient‐tu
?
[FQ]
(Vinet
2001:54)
Les
étiquettes
français
parlé
familier
européen
et
français
populaire
européen
combinent
chacune
deux
critères
classificatoires
:
diaphasique
(familier)
et
diatopique
(européen),
diastratique
(populaire)
et
diatopique
(européen)
;
français
québécois
n'implique
en
revanche
qu'un
seul
critère
—
diatopique.
L'hypothèse
diglossique
invite
à
distinguer
en
premier
lieu
les
formes
générées
par
une
grammaire
standard
de
celles
qui
le
sont
par
une
grammaire
dialectale
:
les
formes
européennes
de
(11a,b,c)
sont
dialectales,
puisqu'elles
ne
sont
pas
validées
par
la
GS
hexagonale
;
pour
les
formes
québécoises
de
(11b,d),
il
reste
à
spécifier
si
elles
sont
validées
ou
non
par
la
grammaire
standard
du
québécois
(cf.
Valdman
2000)
:
si
elles
le
sont,
elles
sont
générées
par
la
GSQ,
sinon,
par
une
GDQ.
Cette
séparation
des
formes
standard
et
non
standard
est
évidemment
de
première
importance
pour
la
didactique
du
français
—
les
élèves
doivent
savoir
quelles
formes
ils
sont
autorisés
à
produire
en
situation
formelle.
Sur
ce
point,
la
classification
de
Vinet
demande
à
être
complétée
:
telles
qu'elles
sont
présentées
en
(11),
les
données
suggèrent
que
tout
ce
qui
est
"québécois"
est
"non
standard",
hypothèse
diglossie
F
‐
21
en
conflit
avec
l'existence
d'une
norme
standard
québécoise
(Valdman
2000).
Les
connotations
diaphasiques
et
diastratiques
doivent
par
ailleurs
pouvoir
se
dériver
de
la
distinction
GS/GD
et
de
la
distribution
des
formes
dans
les
trois
zones
Z1/Z2/Z3
du
diagramme
(10).
L'effet
(diaphasique)
familier
est
produit
par
tout
trait
généré
en
Z3
et
l'effet
(diastratique)
populaire,
par
tout
trait
Z3
dont
l'émission
est
interprétée
comme
un
indicateur
négatif
de
diglossie
active.
Selon
cette
analyse,
si
Vinet
étiquette
la
forme
(11c)
(produite
en
Z3)
comme
populaire,
c'est
en
supposant
implicitement
que
le
locuteur
de
(11c)
a
de
fortes
chances
de
ne
pas
être
activement
diglosse
(ceci
résultant
des
inférences
:
déficience
GS
>
carence
éducative
>
milieu
social
défavorisé).
Le
jugement
diastratique
repose
donc
sur
une
statistique
implicite
—
l'hypothèse
que
la
majorité
des
locuteurs
qui
produisent
(11c)
ont
une
maîtrise
déficiente
de
GS
—
autrement
dit
ne
produisent
pas
de
traits
Z1,
même
en
situation
formelle.17
4.2.
Diglossie
et
alternance
codique
Le
schéma
diglossique
invite
à
distinguer
des
exemples
tels
que
(12),
forgés
par
Ruwet
(1982)
et
Kayne
(1975),
d'un
exemple
comme
(13),
recueilli
par
Blanche‐Benveniste
et
Bilger
(1999)
:
(12)
a.
Ce
foutu
médecin
m’a
charcuté
la
jambe,
le
salaud.
(Ruwet
1982
:
272)
b
Ce
tyran
de
Staline
terrorisait
la
Russie,
le
salaud.
(Ruwet
1982
:
273)
c.
Il
a
fait
casser
la
croûte
à
sa
famille.
(Kayne
1975
:
225)
(13)
le
lac
pourrait
représenter
une
pile
quoi
—
laquelle
on
charge
au
maximum.
[Ingénieur,
cité
par
Blanche‐Benveniste
et
Bilger
op.
cit.
section
3]
Les
exemples
(12)
et
(13)
partagent
la
propriété
de
sembler
mélanger
des
traits
relevant
de
"registres"
différents
:
les
phrases
de
Ruwet
combinent
du
lexique
argotique
avec
une
syntaxe
standard
;
le
fragment
cité
en
(13)
contient
dans
sa
première
partie
un
trait
à
17
L'intuition
que
(11c)
est
connoté
"populaire"
risque
de
ne
pas
se
vérifier,
car
beaucoup
de
locuteurs
hexagonaux
activement
diglosses
produisent
aujourd'hui
(11c),
devenue
idiomatique,
en
situation
informelle.
Corrélativement,
le
fait
de
produire
(11c)
n'a
plus
de
connotation
diastratique
dans
l'Hexagone.
diglossie
F
‐
22
connotation
"très
familière"
(quoi),
et
dans
sa
deuxième
un
autre
à
connotation
"soutenue"
(laquelle).
Le
diagramme
(10)
invite
toutefois
à
séparer
les
deux
cas.
Du
fait
de
leur
lexique
argotique,
les
exemples
(12)
doivent
être
générés
par
GD
;
tous
leurs
traits
syntaxiques
sont
cependant
validés
par
GS,
comme
le
confirme
l'acceptabilité
standard
des
phrases
de
(14),
qui
ne
diffèrent
de
leurs
contreparties
en
(12)
que
par
leur
lexique
:
(14)
a.
Ce
stupide
médecin
m'a
coupé
la
jambe,
le
monstre.
b.
Ce
tyran
de
Staline
terrorisait
la
Russie,
le
fourbe.
c.
Il
a
fait
{prendre
le
large/faire
la
fête}
à
sa
famille.
Dans
l'optique
du
diagramme
(10),
ces
propriétés
indiquent
que
les
phrases
(12)
sont
générées
par
GD,
avec
tous
leurs
traits
syntaxiques
produits
en
Z2,
et
certains
de
leurs
traits
lexicaux
en
Z3.
Il
n'y
a
donc
pas
mélange
de
grammaires
(GS/GD),
mais
seulement
mélange
de
zones
(Z2/Z3),
les
deux
zones
combinées
participant
d'une
même
grammaire.
L'exemple
(13)
implique
en
revanche
un
changement
de
grammaire
(GD>GS)
à
l'endroit
marqué
d'un
tiret
:
la
première
partie
de
l'énoncé
est
générée
par
GD
puisqu'elle
contient
le
connecteur
quoi
(non
validé
par
GS
:
Z3)
;
et
la
deuxième
est
générée
par
GS
puisqu'elle
contient
le
relatif
laquelle
généré
en
Z1.
Cet
exemple
—
et
d'autres
du
même
type
cités
par
Blanche‐Benveniste
&
Bilger
(1999)
—
suggèrent
donc
un
phénomène
d'alternance
codique
impliquant
un
changement
de
grammaire
en
cours
d'énoncé,
comparable
à
l'alternance
codique
observée
chez
certains
bilingues
(cf.
Poplack
1980).
4.3.
Diglossie
et
situation
énonciative
Dans
l'optique
de
l'hypothèse
diglossique,
l'acceptabilité
d'une
phrase
ne
peut
pas
s'apprécier
sans
prendre
en
compte
les
conditions
de
l'énonciation,
et
ce
y
compris
pour
un
exemple
forgé.
Considérons
par
exemple
la
phrase
(15),
donnée
comme
acceptable
par
Kayne
et
Pollock
(2001)
:
(15)
Qu'ait
téléphoné
ton
ami
me
surprend.
Le
modèle
diglossique
nous
oblige
à
déterminer,
avant
d'évaluer
l'acceptabilité
de
cette
phrase,
par
quelle
grammaire
(GS
ou
GD)
elle
est
générée.
Mais
cet
exemple
forgé
contient
deux
types
de
traits
qui
semblent
pousser
à
des
réponses
contradictoires
:
d'une
part
le
choix
du
tutoiement
et
la
situation
décrite
(coup
de
téléphone
d'un
ami)
diglossie
F
‐
23
suggèrent
une
situation
appelant
l'activation
de
GD
(dialogue
entre
deux
copains,
un
père
et
son
fils,
etc.)
;
d'autre
part,
la
complétive
sujet
non
introduite
par
le
fait,
et
l'ordre
VS,
sont
des
traits
caractéristiques
de
Z1
(cette
phrase
n'a
aucune
chance
d'être
émise
par
un
enfant
ou
un
adolescent
s'adressant
à
un
congénère).
La
phrase
(15)
ne
peut
donc
être
produite
que
dans
une
situation
d'énonciation
très
spécifique,
où
GS
est
activée
en
dépit
de
la
proximité
symbolique
des
locuteurs
—
par
exemple,
dans
un
échange
épistolaire
entre
deux
hauts
fonctionnaires
(GS)
amis
de
longue
date
(tutoiement).
La
phrase
(16),
citée
comme
acceptable
par
Obenauer
(1994
:
406),
appelle
des
précisions
semblables
:
(16)
Quelle
communication
veux‐tu
qu'il
ait
ratée
?
Le
choix
lexical
du
verbe
(rater),
et
surtout
le
scénario
évoqué
par
la
phrase
(dialogue
entre
deux
collègues‐linguistes
dans
les
coulisses
d'un
colloque)
suggèrent
que
la
grammaire
activée
est
GD.
Mais
cette
hypothèse
est
contredite
par
la
question
à
enclitique
(veux­tu),
qui
relève
aujourd'hui
de
Z1
pour
un
très
grand
nombre
de
francophones
hexagonaux.18
La
phrase
(16)
ne
peut
donc
être
produite
(et
évaluable
quant
à
son
acceptabilité)
que
dans
des
conditions
externes
très
précises,
analogues
à
celles
prévalant
pour
(15).
4.4.
Diglossie
et
changement
linguistique
Les
exemples
du
type
(17)
sont
étudiés
par
Obenauer
(1994)
:
(17)
a.
Quand
diable
comprendra‐t‐il
?
(Obenauer
1994
:
300)
b.
Où
diable
as‐tu
trouvé
ça
?
(Obenauer
1994
:
300)
Ces
phrases
sont
conçues
par
l’auteur
comme
des
analogues
français
des
questions
wh­
the
hell
de
l’anglais
américain
:
(18)
a.
When
the
hell
will
he
understand
?
18
Certains
francophones
hexagonaux
âgés
de
50
ans
ou
plus
produisent
parfois
des
questions
à
enclitique
nominatif
avec
leur
GD
—
donc,
pour
eux,
en
Z2.
Tel
n'est
cependant
pas
le
cas
de
l'auteur
de
cet
article,
qui
n'en
produit
jamais.
Les
francophones
hexagonaux
plus
jeunes
(par
exemple
les
étudiants
inscrits
aujourd'hui
à
l'université,
nés
durant
la
décennie
1980‐90),
ne
produisent
de
questions
à
enclitique
qu'en
Z1,
c'est‐à‐dire
avec
GS.
diglossie
F
‐
24
b.
Where
the
hell
did
you
find
this
?
Toutefois,
alors
que
les
questions
de
(18)
sont
en
effet
générées
par
une
GD
de
l’américain
moderne,
l’expression
diable
des
questions
(17)
n’est
plus
générée
aujourd’hui
par
les
GD
du
français
—
en
tout
cas
plus
par
celles
de
l'hexagonal
commun.
Les
questions
diable
sont
couramment
attestées
dans
les
pièces
de
Molière,
et
sont
encore
mentionnées
dans
le
Petit
Robert
(édition
1993)
:
(19)
a.
Que
diable
allait‐il
faire
dans
cette
galère
?
(Molière,
Fourberies
de
Scapin)
b.
Où
diable
est‐il
caché
?
(Robert,
entrée
diable)
Il
n’est
donc
pas
accidentel
que
les
questions
diable
contiennent
toujours
l’enclise
du
pronom
sujet
—
propriété
qui,
pour
un
francophone
hexagonal
de
la
génération
1980,
relève
de
Z1
(voir
note
18);
diable
se
combine
très
peu
naturellement
avec
la
syntaxe
interrogative
est­ce
que
(20a),
et
pas
du
tout
avec
un
sujet
proclitique
(20b),
ou
avec
la
syntaxe
interrogative
in
situ
(20c)
—
comme
le
note
d'ailleurs
Obenauer
lui‐même
:
(20)
a.
??Où
diable
est‐ce
qu'il
est
caché
?
b.
*Où
diable
il
est
caché
?
c.
*Il
est
caché
où
diable
?
Mais
bien
qu’il
observe
que
diable
ne
se
combine
pas
avec
wh
in
situ,
Obenauer
ne
dit
pas
explicitement
que
les
questions
diable
et
in
situ
sont
générées
par
deux
grammaires
distinctes.
Les
locuteurs
de
l'hexagonal
commun
nés
en
1980
ne
produisent
jamais
de
questions
diable
et
ricanent
quand
on
les
leur
soumet.
L’auteur
de
ces
lignes
n'en
produit
pas
non
plus,
bien
qu’elles
apparaissent,
par
la
force
des
choses,
moins
archaïques
aux
oreilles
de
la
génération
1950
qu’à
celles
des
générations
suivantes.
En
somme,
les
questions
diable
sont
aujourd’hui,
dans
l'Hexagone,
générées
en
Z1,
si
bien
que
beaucoup
de
francophones
n’en
ont
qu’une
maîtrise
passive.
Ce
point
conduit
à
une
situation
paradoxale,
puisque
diable
est
censé
suggérer
des
conditions
d’énonciation
informelles,
un
langage
familier,
insolent,
non
contrôlé.
Il
n’en
est
pas
moins
vrai
que,
dans
la
pratique
didactique,
les
questions
diable
doivent
être
enseignées
en
Z1,
et
non
en
Z3.
Parmi
les
rubriques
de
la
syntaxe
qui
semblent
particulièrement
frappées
par
la
variation
diatopique
et
le
changement
linguistique,
on
peut
également
citer
le
cas
des
exclamatives.
Bien
que
la
syntaxe
diglossie
F
‐
25
exclamative
doive
a
priori
permettre
de
produire
des
énoncés
spontanés
en
situation
informelle,
on
constate
que
les
formes
d'exclamatives
proposées
par
les
grammaires
françaises
relèvent
bien
souvent
uniquement
de
Z1.
Tel
est
le
cas
des
exclamatives
en
quel
citées
par
Jones
(2003
:
467‐68)
:
(21)
a.
Quel
bruit
les
voisins
ont
fait
!
b.
Quel
bruit
ont
fait
les
voisins
!
c.
Quelle
chance
Pierre
a
eue
!
d.
Quelle
chance
a
eue
Pierre
!
Malgré
les
situations
informelles
évoquées
par
ces
exemples,
les
phrases
(21)
ont
peu
de
chances
d'être
effectivement
produites
aujourd'hui
par
un
francophone
hexagonal
activant
sa
GD.
Les
exclamatives
de
(21)
doivent
être
générées
par
GS,
et
par
conséquent
s'insérer
dans
un
texte
écrit
ou
un
discours
contrôlé.
Comme
toutes
les
formes
fortement
chargées
d'affectivité
(voir
aussi
les
superlatifs),
les
exclamatives
semblent
très
sujettes
au
changement
diachronique
et
à
la
variation
régionale.
Les
formes
citées
en
(22)
m'ont
été
proposées
comme
"normales
en
situation
informelle"
par
des
francophones
variant
quant
à
l'âge
(générations
1920,
1950
et
1980)
et
à
la
région
(Toulouse,
Paris,
Québec)
:
(22)
a.
Comme
elle
est
gentille
!
(Toulouse
1920)
b.
(C’est
fou)
ce
qu’elle
{est/peut
être}
gentille
!
(Paris
1920)
c.
Elle
est
follement
gentille
!
(Paris
1920)
d.
Qu’est‐ce
qu’elle
{est/peut
être}
gentille/sympa
!
(Paris
1950)
e.
Elle
est
vachement
sympa
!
(Paris
1950)
f.
Elle
est
TROP
sympa/cool
!
(Paris
1980)
g.
Elle
est
donc
fine
!
(Québec
1950)
h.
Elle
est‐tu
fine
!
(Québec
1950)
L’informateur
toulousain
qui
produit
(22a)
ne
reconnaît
comme
sienne
aucune
des
autres
formes
;
celui
qui
produit
(22b,c)
valide
aussi
(22a)
diglossie
F
‐
26
mais
rejette
(22d‐h)
;
celui
qui
produit
(22d,e)
valide
aussi
(22b,c)
mais
ne
produit
ni
(22a),
ni
(22f‐h)
;
celui
qui
produit
(22f)
ne
reconnaît
comme
sienne
aucune
des
autres
formes
de
(22)
;
et
aucun
des
informateurs
toulousain
et
franciliens
ne
valide
(22g,h)
:
au
moins
cinq
GD
différentes
sont
illustrées
par
cette
série
d’exemples.
Sur
les
six
formes
hexagonales,
seules
les
trois
les
plus
archaïques
(22a‐c)
sont
également
validées
par
GS.
4.5.
Diglossie
et
cohérence
descriptive
Dans
l'analyse
des
interrogatives
proposée
par
Obenauer
(1994)
on
trouve
côte
à
côte
:
‐
des
formes
qui
sont
générées
à
la
fois
par
GS
et
par
GD,
c’est‐à‐
dire
en
Z2,
comme
(23)
:
(23)
a.
C(el)a
a
beaucoup
embarrassé
les
responsables.
(adapté
d'Obenauer
1994
:119)
b.
Je
lui
ai
indiqué
quoi
mettre
sur
la
plaie.
(Obenauer
1994
:
228)
c.
Ce
garçon,
Marie
lui
a
tout
appris.
(Obenauer
1994
:
234)
d.
La
réparation
de
la
voiture
m’a
coûté
très
peu.
(Obenauer
1994
:
247)
e.
Ce
serait
dommage
de
partir
maintenant.
(Obenauer
1994
:
386)
‐
des
formes
qui
ne
sont
générées
que
par
GS
(Z1),
comme
(24)
;
(24)
a.
Combien
de
chefs
d’Etat
sont‐ils
attendus
à
la
conférence
?
(Obenauer
1994
:182)
b.
Pourquoi
rien
n’est‐il
si
simple
?
(Obenauer
1994
:185)
‐
des
formes
qui
ne
sont
générées
que
par
GD
(Z3),
comme
(25)
:
(25)
a.
On
va
asseoir
qui
à
côté
de
qui
?
(Obenauer
1994
:
294)
b.
Bon,
et
ton
fils
a
trouvé
ça
où
?
(Obenauer
1994
:
293)
Les
phrases
(26)
sont
des
traductions
possibles
de
(24)
en
Z2
(hexagonal
commun)
:
diglossie
F
‐
27
(26)
a.
Combien
de
chefs
d’Etat
sont
attendus
à
la
conférence
?
b.
Il
y
a
combien
de
chefs
d’Etat
qui
sont
attendus
à
la
conférence
?
c.
Pourquoi
(est‐ce
que)
rien
n’est
aussi
simple
?
Les
phrases
(27)
sont
des
traductions
possibles
de
(25)
en
Z1—
pouvant
par
exemple
trouver
leur
place
dans
une
lettre
:
(27)
a.
Qui
allons‐nous
asseoir
l’un
à
côté
de
l’autre?
b.
Où
ton
fils
a‐t‐il
trouvé
cela
?
Le
problème
pour
la
description
est
que
tous
les
exemples
considérés
ne
sont
pas
produits
par
une
même
grammaire
du
français.
La
grammaire
qui
génère
(24)
(GS)
ne
génère
par
(26),
et
inversement.
Les
propriétés
observées
ne
coexistent
pas
au
sein
d'un
même
système
:
(28)
GS
GD
Pourquoi
rien
Je
lui
ai
demandé
On
va
n'est‐il
quoi
mettre
sur
la
plaie.
asseoir
si
simple
?
qui
à
côté
de
qui
?
Z1
Z2
Z3
Les
conséquences
négatives
de
la
non‐distinction
GS/GD
sont
évidentes
:
l'auteur
suggère
qu'une
seule
grammaire
du
français
génère
les
questions
à
enclitique
de
(24)
et
le
pronom
on
inclusif
de
(25a),
les
questions
diable
de
(17)
et
les
questions
in
situ
de
(25).
Selon
l'hypothèse
diglossique
défendue
ici,
une
telle
grammaire
n'existe
pas.
5.
Conclusion
Cet
article
est
un
plaidoyer
en
faveur
d'une
approche
diglossique
de
la
description
du
français,
proclamant
la
nécessité
d'une
distinction
primordiale
entre
grammaire(s)
standard
et
non
standard,
préalable
à
toute
réflexion
sur
la
variation
en
français.
Le
diagramme
proposé
en
(10)
représente
la
compétence
linguistique
de
tout
locuteur
du
français
comme
l'union
de
deux
grammaires
respectivement
corrélées
aux
traits
H
et
L
identifiés
par
Ferguson
(1959)
dans
sa
définition
classique
de
la
diglossie.
GS
est
la
grammaire
avalisée
par
une
norme
standard,
et
dont
diglossie
F
‐
28
la
maîtrise
active
produit
globalement
des
effets
H.
GD
est
la
grammaire
intériorisée
au
terme
du
processus
naturel
d'acquisition
du
langage,
et
dont
la
maîtrise
active
n'implique
pas
de
mise
en
conformité
avec
la
norme
standard.
GD
est,
corrélativement,
le
vecteur
du
changement
linguistique.
Au
coeur
de
l'hypothèse
diglossique
telle
qu'elle
est
formalisée
en
(10)
est
l'idée
que
ces
deux
grammaires
internes
sont
en
intersection,
ceci
rendant
compte
de
l'intuition
qu'il
s'agit
de
deux
grammaires
de
"la
même
langue".
Le
schéma
diglossique
proposé
en
(10)
conduit
à
associer
toute
production
linguistique
à
l'une
des
trois
zones
définies
par
l'intersection.
J'ai
tenté
de
montrer
que
ce
schéma
diglossique
n'est
pas
incompatible
avec
une
réflexion
sur
la
variation,
mais
conduit
à
préciser
et
restreindre
la
notion
de
variation.
La
variation
diatopique
peut
concerner
la
grammaire
standard
ou
une
grammaire
dialectale.
La
variation
interne
à
une
même
grammaire
peut
se
réduire
à
la
coexistence
de
mécanismes
différents
associés
à
des
effets
énonciatifs
semblables
(par
exemple,
la
coexistence
de
deux
ou
plusieurs
algorithmes
générateurs
de
questions
partielles).
Les
variations
diaphasique
et
diastratique
sont
analysées
ici
comme
des
effets
du
schéma
diglossique
:
les
effets
diaphasiques
sont
attachés
aux
traits
Z1
(effets
"soutenus")
et
Z3
(effets
"relâchés"),
et
les
effets
diastratiques
résultent
de
ce
que
certains
traits
Z3
sont
interprétés
—
sur
la
base
de
corrélations
statistiques
implicites
—
comme
des
indicateurs
négatifs
de
diglossie
active.
La
variation
diamésique
(oral/écrit)
se
réduit
à
une
alternance
de
médium,
dont
Blanche‐
Benveniste
et
Bilger
(1999)
soulignent
à
juste
titre
qu'elle
ne
peut
pas
être
directement
corrélée
aux
effets
diasphasiques
(l'oral
n'est
pas
toujours
généré
par
GD,
ni
l'écrit
par
GS).
J'ai
montré
que
le
schéma
diglossique
conduit
à
choisir
des
attitudes
didactiques
qui
rejoignent,
pour
le
FLE,
celle
que
défend
Valdman
(2000)
sur
la
base
d'un
raisonnement
indépendant.
En
ce
qui
concerne
la
didactique
du
français
L1,
la
prise
en
compte
systématique
du
schéma
diglossique
me
semble
un
pré‐requis
indispensable
si
l'on
veut
que
l'école
puisse
espérer
permettre
à
tous
les
francophones
de
devenir
activement
diglosses.
Enfin,
j'ai
montré
que
le
schéma
diglossique
est
méthodologiquement
contraignant
pour
la
description
linguistique,
puisqu'il
nous
oblige
à
distinguer
les
traits
générés
par
les
deux
grammaires
sécantes
et
à
prendre
en
compte
systématiquement
les
conditions
de
l'énonciation
pour
évaluer
l'acceptabilité
de
chaque
exemple
forgé.
diglossie
F
‐
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Current
issues
in
linguistic
theory.
Selected
papers
from
the
XXIVth
Linguistic
Symposium
on
the
Romance
Languages
(LSRL):
173‐88,
Amsterdam:
Benjamins.
Tabouret‐Keller,
Andrée,
2006,
'A
propos
de
la
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de
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Langage
&
société
118
:
109‐128.
Valdman,
Albert,
2000,
'Comment
gérer
la
variation
dans
l'enseignement
du
français
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étrangère
aux
Etats‐Unis',
The
French
Review
73‐4
:
648‐666.
Vinet,
Marie‐Thérèse,
2001,
D’un
français
à
l’autre.
La
syntaxe
de
la
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Montréal
:
Fidès
Winford,
Donald,
1999,
'Variation
theory:
a
view
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Creole
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Cuadernos
de
Filologia
Inglesa
8
:
219‐37.
Wolfram,
Walt,
1969,
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Washington
DC
:
Center
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Zribi‐Hertz,
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1994,
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in
G.
Cinque,
J.
Koster,
J
.‐Y.
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L.
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R.
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(sld.)
Paths
towards
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Studies
in
honor
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Washington
D.C.
:
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pp.
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Zribi‐Hertz,
Anne,
2006,
‘Pluralité
nominale
—
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et
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:
éléments
de
réflexion’,
exposé
au
groupe
de
travail
sur
la
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et
verbale,
Paris,
30.06.2006
Zribi‐Hertz,
Anne,
à
paraître,
'Definite
DPs
without
lexical
nouns
in
French:
clausal
modifiers
and
Relativization',
Proceedings
of
Going
Romance
23
Document
en
ligne
:
diglossie
F
‐
34
Diglossia
<
http://en.wikipedia.org/wiki/Diglossia>

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