Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n° 206, janvier 1998
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hypophyso-surrénalien). Ces modifica-
tions immunologiques observées pour-
raient permettre une meilleure connais-
sance des mécanismes physiopatholo-
giques des troubles de l’humeur.
Les anomalies de l’immunité humorale
retrouvées consistent en la présence
d’auto-anticorps à une fréquence anor-
malement élevée : facteur rhumatoïde,
anticorps antinucléaires, anticorps anti-
thyroide, anticorps antihistone, anti-
corps antisomatostatine. Mais ces
résultats n’ont pas toujours été confir-
més et restent contradictoires.
La maladie d’Alzheimer se caractérise
d’un point de vue histologique par la pré-
sence de nœuds neuro-fibrillaires intra-
neuronaux, de plaques séniles et de la pré-
sence anormale dans le cerveau de sub-
stance amyloïde, dont on sait l’association
avec des troubles du système immunitaire.
Il existe, de plus, des IgG et des facteurs
du complément au sein des plaques
séniles (26). Il semble donc que des pro-
cessus immunologiques intracérébraux
complexes existent dans cette maladie et
donc que l’étiopathogénie puisse faire
intervenir le système immunitaire.
Jankovic a mis en évidence des auto-
anticorps dirigés contre 2 antigènes
cérébraux (protéine S-100 et neurone
specific enolase) (12). Ces anticorps
étant retrouvés dans d’autres patholo-
gies psychiatriques, les résultats sont à
considérer avec réserve.
La schizophrénie a été particulière-
ment étudiée.
Les premiers paramètres mesurés étaient
les taux des différentes immunoglobu-
lines IgG, IgM, IgA. L’hétérogénéité des
groupes de patients et le manque de
contrôle des facteurs non spécifiques
peuvent expliquer, au moins en partie,
des résultats contradictoires.
Les travaux se sont orientés vers la
recherche d’auto-anticorps non spéci-
fiques d’organes (anticorps antinu-
cléaires, anti-DNA, antihistone, anti-
centromère). Si des différences appa-
raissent entre patients schizophrènes et
groupes témoins, l’objection d’une par-
ticipation des traitements neurolep-
tiques n’est pas levée.
D’autres auteurs ont décrit des auto-
anticorps spécifiques d’organes :
– contre la thyroïde, l’estomac, le
muscle lisse ;
– antithymique ;
– contre la thyroïde et les
lymphocytes ;
– antiplaquettes ;
– contre la sérotonine.
Toutes ces études se sont révélées peu
concluantes.
Plus intéressantes sont les études
recherchant des anticorps anti-cerveau
d’autant que les travaux de Heath et
Krupp leur donnent une importance
historique (7, 8). À partir de 1957, ces
auteurs publièrent une série de travaux
sur une fraction protéique isolée du
sérum de schizophrènes qu’ils nommè-
rent “taraxéine”.
L’administration de celle-ci à des singes
induisait un comportement catatonique
transitoire et des anomalies électroencé-
phalographiques de la région septale.
L’injection à des volontaires sains pro-
voquait des troubles schizophréni-
formes débutant 2 à 10 minutes après
l’injection, réversibles en 2 heures au
maximum. Utilisant une technique
d’immunofluorescence indirecte, ils
suggérèrent que la “taraxéine” était un
anticorps qui réagissait contre la région
septale et le noyau caudé, qu’elle se
fixait in vivo sur le noyau de certaines
cellules cérébrales et qu’elle était res-
ponsable des troubles. Plus récemment,
Heath revient partiellement sur ses
conclusions en discutant sa technique et
en évoquant le rôle des neuroleptiques
(9). Néanmoins, en utilisant cette fois
l’immunoélectrophorèse croisée, il
trouve que les sérums de 96 % des schi-
zophrènes non traités contiennent des
IgG spécifiques de la région septale (de
singe), contre 0 % des sujets contrôles
et 6 % des schizophrènes traités. Ces
conclusions sont contestées.
Un autre auteur retrouve une prévalence
d’anticorps anti-cerveau plus élevée
chez les patients étudiés (70 %) compa-
rés aux témoins (12 %) (10). Les anti-
corps réactifs sont dirigés contre des
structures péri-nucléaires de neurones
de plusieurs régions cérébrales. Les
régions incriminées sont principalement
les suivantes : cortex frontal, amygdale,
gyrus cingulaire, septum, régions impli-
quées dans la pathogénie de la schizo-
phrénie. Il suggère ainsi qu’une liaison
non spécifique peut être exclue puisque
des régions non impliquées ne révèlent
pas de tels phénomènes.
Les études de ces dernières années se sont
intéressées particulièrement aux cyto-
kines visant à démontrer une participation
auto-immune dans la schizophrénie.
L’interleukine-2 a été la plus étudiée. En
effet, la production d’IL-2 a été décrite
comme diminuée dans un certain nombre
de pathologies associées à des processus
auto-immuns tels que lupus érythémateux
disséminé, polyarthrite rhumatoïde, syn-
drome de Sjögren, diabète insulino-
dépendant, sclérose en plaque. On a ainsi
supposé qu’une production basse d’IL-2
est une caractéristique importante dans la
physiopathologie de l’auto-immunité. La
production d’IL-2 était effectivement
diminuée, au moins chez un certain
nombre de patients schizophrènes. Si ces
mécanismes de production concernent
l’immunité cellulaire, des indices humo-
raux peuvent être modifiés, pas tant les
taux sériques d’IL-2 qui sont normaux
mais les taux sériques du récepteur
soluble d’IL-2. Les travaux concernant
l’IL-2 sont partis de l’hypothèse suivante :
s’il existe une participation auto-immune,
chez au moins un sous-groupe de schizo-
phrènes, alors des anomalies similaires à
d’autres pathologies auto-immunes doi-
vent être retrouvées. Or les lymphocytes T
activés produisent non seulement de l’IL-
2 mais aussi des récepteurs de l’IL-2 (IL-
Immunologie et psychiatrie