J. Picoche
Enseigner le vocabulaire, la théorie et la pratique
La plupart font foisonner « autour d'un mot » de haute fréquence tout un réseau
de mots de moyenne fréquence. Certains sont consacrés à l'étude approfondie
d'un mot « difficile ». Et d'autres suggèrent la transformation d'actants en acteurs
et l'élaboration de saynètes ou de petites nouvelles, à partir de bases lexicales.
L'auteur doit reconnaitre – et assumer – sa dissidence par rapport aux
programmes officiels qui, dans la faible mesure où ils traitent du vocabulaire,
prescrivent de ne pas en dissocier l'étude de celle des textes. Dans l'esprit de leurs
rédacteurs, le professeur de français a la double fonction de professeur de
littérature et de professeur de langue, et le linguiste est au service du littéraire. Il
est assurément possible d'insister de façon cohérente sur quelques mots du texte
qu'on étudie et de structurer grâce à eux un petit réseau lexical. Mais jamais un
texte n'offre un réseau lexical complet (antonymes, synonymes, dérivés d'un mot
de base etc.) et jamais il ne donne la polysémie complète d'un mot.
Par surcroit, les thèmes traités dans les textes littéraires laisseront forcément de
côté des réseaux lexicaux dont l'intérêt pratique et linguistique n'est pas moindre.
Non, la langue mérite une étude à part entière ; des exemples bien choisis sont
souvent plus significatifs que ceux qui apparaissent au hasard des textes, et les
exercices proposés sont purement et simplement linguistiques. Le DFU comporte
442 articles qui sont autant de grands réseaux lexicaux regroupant 15 000 mots
usuels, ce qui représente un trésor lexical de moyenne importance permettant
d'aborder en français tout sujet non étroitement spécialisé. Il suffit de renvoyer à
la préface et aux « bonnes pages » figurant sur le site pour en donner une idée.
L'auteur pense que l'étude de ces 442 articles, au moyen d'exercices bien conçus,
pourrait être répartie et officiellement programmée sur les quatre années du collège, au
terme desquelles l'apprenant aurait fait, de façon systématique, le tour de 15 000 mots
utiles, soit l'essentiel du lexique français usuel, avec leur fonctionnement syntaxique et
leurs connotations culturelles.
« L'approche lexicale » de l'enseignement de la langue tend à se répandre
aujourd'hui, consistant à voir dans le langage un lexique grammaticalisé plutôt
qu'une grammaire lexicalisée. L'étude du lexique, notamment par la méthode des
champs actanciels, peut entrainer l'apprenant à pratiquer la grammaire d'une
façon semi-inconsciente, que l'enseignant peut rendre progressivement
consciente. Il y a là, semble-t-il, une possibilité de tirer l'enseignement de la
langue en général et du lexique en particulier de l'ornière dans laquelle il s'est
trop longtemps trouvé enlisé.
Conçus à l'origine pour des élèves francophones du premier cycle de
l'enseignement secondaire, ces exercices se sont révélés exploitables à tous les
niveaux, tant pour des apprenants francophones que pour des apprenants
allophones. Nous en avons fait nous-même l'essai avec nos propres étudiants
français, avec des étudiants étrangers et dans des classes de collège qui nous