SESSION POUR LES GENERALISTES 833
LE SUIVI DU PATIENT TRANSFUSE
C. Claquin. Département d’Anesthésie-Réanimation de Bicêtre, Hôpital de Bicêtre,
78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre.
INTRODUCTION
Lors d’une hospitalisation, une indication de transfusion de produits sanguins
labiles (PSL) peut être nécessaire. L’information et le recueil du «consentement
éclairé» du patient est alors obligatoire [1].
1. QUELS PRODUITS PEUT-IL RECEVOIR?
Les globules rouges (concentré globulaire, CG)
Le plasma frais congelé (PFC)
Les plaquettes (CUP)
2 . QUELS SONT LES RISQUES RESIDUELS LIES A LA TRANSFUSION?
2.1. RISQUES LIES AUX VIRUS PATHOGENES MAJEURS TRANSMISSIBLES
PAR LES CONCENTRES GLOBULAIRES (CG)
Les virus pathogènes majeurs sont le VIH, le VHB et le VHC. Malgré les mesures
préventives de sélection des donneurs et la performance des dépistages en laboratoire
de ces agents infectieux qui ne cessent de progresser, il persiste un risque résiduel de
transmission de ces agents par la transfusion. Ce risque est principalement lié à l’exis-
tence d’une fenêtre sérologique qui précède l’apparition des marqueurs sérologiques
(antigènes, anticorps) au moment de la primo-infection. Au cours de cette fenêtre séro-
logique les résultats de dépistage sont négatifs alors que le sang du donneur récemment
infecté est potentiellement infectieux. Des modèles mathématiques basés sur l’inci-
dence des infections transmissibles chez les donneurs de sang en France et sur la durée
estimée des fenêtres sérologiques qui varie selon les infections virales, sont aujourd’hui
la seule approche pour mesurer les risques résiduels devenus très faibles. Les estima-
tions de ces risques résiduels liés à la fenêtre sérologique figurent dans le Tableau I.
En ce qui concerne les plasmas frais congelés à usage thérapeutique ils font tous
l’objet d’une procédure de sécurisation. Il s’agit soit de plasma viro-atténué par
solvant-détergent, soit de plasma unitaire sécurisé par une quarantaine de 4 mois, au
terme de laquelle le donneur est recontrôlé pour tous les marqueurs viraux. Ainsi les
risques résiduels associés à la transfusion de plasma frais congelé sont encore infé-
rieurs à ceux des produits sanguins labiles cellulaires.
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2.2. RISQUES LIES AUX AUTRES VIRUS TRANSMISSIBLES PAR LE SANG
D’autres infections sont susceptibles d’être transmises par la transfusion dans la
mesure ou de nombreuses infections systémiques comportent une phase de virémie.
Cependant le dépistage de ces infections n’est pas réalisé en routine en raison d’un
risque de transmission très faible, du fait d’une virémie très courte. C’est le cas par
exemple du parvovirus B19 et du virus de l’hépatite A.
D’autres virus comme les virus herpès (Epstein Barr) sont présents dans le sang,
mais la déleucocytation systématique des PSL cellulaires à compter du 1e avril 1998
réduit en théorie le risque de transmission de ces virus à localisation principalement
intraleucocytaire. Il est à noter que le cytomégalovirus (CMV) qui est parmi les virus
du groupe herpès celui qui joue le rôle le plus important dans les syndromes mononu-
cléosiques post-transfusionnels fait l’objet d’un dépistage afin de réserver les PSL «CMV
négatifs» aux patients immunodéprimés (greffés).
2.3. RISQUES LIES AUX BACTERIES TRANSMISSIBLES PAR LE SANG
Les bactéries peuvent être transmises par les PSL. En effet, le sang peut être prélevé
chez un donneur au moment d’une bactériémie asymptomatique ou être contaminé au
moment du prélèvement si les règles de désinfection de la peau ne sont pas respectées.
L’interrogatoire et l’élimination du don du sang pour un donneur éventuellement por-
teur d’une infection, ainsi que les bonnes règles de désinfection de la peau, devraient
faire disparaître ces risques.
2.4. RISQUES VIS-A-VIS DES AGENTS TRANSMISSIBLES NON CONVEN-
TIONNELS RESPONSABLES DES ENCEPHALOPATHIES SUBAIGUES
SPONGIFORMES TRANSMISSIBLES (ESST).
La principale ESST est la maladie de Creutzfeldt-Jacob (MCJ), cette maladie fait
l’objet d’une surveillance par le réseau national de santé publique.
A ce jour aucun cas documenté de transmission par les PSL n’a été rapporté chez
l’homme dans les conditions habituelles d’utilisation de ces produits thérapeutiques.
Les études épidémiologiques disponibles ne rapportent aucun lien entre l’apparition
d’une MCJ et les antécédents de transfusion sanguine. Aucun outil diagnostique n’étant
disponible à ce jour, la prévention de ce risque théorique de transmission repose sur
l’étape de sélection des donneurs qui doit contre-indiquer le don chez les personnes
présentant des facteurs de risques de développement des ESST.
Enfin il est vraisemblable que la déleucocytation systématique des PSL cellulaires
mise en œuvre à partir du 1e avril 1998, contribue encore à réduire ce risque de trans-
mission possible par transfusion.
selarivsnoitcefnI euqigolorésertênefalàéilleudiséreuqsiR
6991-4991edoirépalrusémitse
BHVsnoisufsnart000081ruop1:enneyoM
CHVsnoisufsnart000002ruop1:enneyoM
HIVsnoisufsnartnoillim1ruop1:enneyoM
Tableau I
Risques résiduels liés à la fenêtre sérologique
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3 . SCHEMA DES ETAPES ENCADRANT LA TRANSFUSION (FIGURE 1)
4 . QUELLE INFORMATION SUR LA TRANSFUSION ?
4.1. L’INFORMATION A PRIORI
Elle doit comporter un support écrit (Annexe 1) avec des explications orales
Ceci peut être fait dans le cadre de la consultation d’anesthésie ou lors de la prescrip-
tion de transfusion.
Le rapport bénéfice/risque doit être mis en balance.
On doit informer des risques avérés et des risques théoriques.
On doit recueillir le consentement du patient pour pratiquer les sérologies virales
pré-transfusionnelles (recherche hépatite B, UIH et ALAT)
4.2. L’INFORMATION A POSTERIORI
Elle doit se faire sur un support écrit et signé par un médecin en précisant la nature et
la quantité des produits transfusés.
Un double sera envoyé au médecin traitant
La transfusion peut être notée dans le carnet de santé
On propose également au patient de pratiquer des sérologies virales post-
transfusionnelles, une trace de cette information doit être laissée dans le dossier trans-
fusionnel (charge de la preuve).
L’information à posteriori est d’autant plus importante en raison de la mesure d’ajour-
nement définitif du don du sang pour les malades transfusés [2].
Figure 1 : Schéma des étapes encadrant la transfusion
SCHEMA DES ETAPES ENCADRANT LA TRANSFUSION
Les documents remis au patient sont encadrés
Décision de première transfusion
ou
Probabilité de transfusion (anesthésie)
Information sur la transfusion (cf annexe 1)
Examens prétransfusionnels
Transfusion
- Document attestant les produits transfusés
- Ordonnance d’examens à 3 mois
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5 . QUELS EXAMENS DOIT-ON PRESCRIRE?
Après une transfusion il est «recommandé de proposer» aux receveurs de produits
sanguins labiles (PSL) un suivi comportant des analyses immunohématologiques et
certains tests de dépistage de maladies transmissibles virales [3].
On doit donc pratiquer :
Les examens immunohématologiques avec recherche d’agglutinines irrégulières (RAI)
en vue de prévenir la survenue d’accident immunologique lors de transfusion ulté-
rieure. Les patients particulièrement exposés à ce risque sont les sujets de sexe féminin
avant la ménopause, les patients déjà porteurs d’agglutinines irrégulières, les patients
atteints de cirrhose, de maladie congénitale de l’hémoglobine ainsi que ceux nécessi-
tant des transfusions multiples en itérative.
Le dépistage des anticorps anti-VIH, même si le risque résiduel transfusionnel est
actuellement faible (1 pour 1 000 000 unités de sang en moyenne) son intérêt au
regard de la prévention doit être pris en compte. En cas de contamination dépistée
après une transfusion, le constat de la séronégativité avant cette transfusion consti-
tuera un élément essentiel pour l’accès au dispositif d’indemnisation géré par le fond
d’indemnisation des hémophiles et transfusés [5].
Le dépistage des anticorps anti-VHC (hépatite C). Il est dans l’intérêt du patient con-
taminé, quel que soit le mode de contamination de bénéficier d’un dépistage et d’un
traitement le plus précocement possible. Par ailleurs, le risque transfusionnel est plus
important pour cette infection (1 pour 200 000 produits transfusés en moyenne), de
sorte qu’il importe qu’elle fasse l’objet d’une surveillance particulière.
Le dosage des alanines amino-transférase (ALAT) bien qu’il s’agisse d’un marqueur
non spécifique d’hépatite virale, son dosage présente un intérêt certain pour permet-
tre de dépister des hépatites dues à un nouveau groupe de virus ainsi que celle due au
virus de l’hépatite B, aux herpès virus (CMV, EBV) et les hépatites post-
transfusionnelles chez des patients immunodéprimés et hypogammaglobulinémiques.
6 . CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE CE DEPISTAGE
6.1. RECUEIL PREALABLE OBLIGATOIRE DU CONSENTEMENT DU MALADE
Le code de déontologie médical prévoit en son article 35 que le médecin doit don-
ner une information orale et claire à son patient notamment sur les investigations qu’il
lui propose, et en son article 36 que le consentement du patient doit être recherché dans
tous les cas ; le médecin doit respecter un éventuel refus du patient. Le receveur qui
refuse n’est toutefois jamais tenu de signer un document mentionnant son refus, mais le
médecin doit le consigner dans son dossier.
6.2. LE PRATICIEN PRESCRIPTEUR DES TESTS DOIT ETRE DESTINATAIRE
DE LEURS RESULTATS
Il est tenu d’informer le patient des résultats quels qu’ils soient au cours d’un entre-
tien. Lorsque ces résultats sont positifs ou anormaux, il convient que le praticien informe
celui-ci sur les risques liés à l’affection dépistée, sur les précautions et le suivi médical
qu’elle impose.
6.3. DECLARATION OBLIGATOIRE D’UNE SEROPOSITIVITE
La circulaire du 6 août 1996 [4] précise que la découverte d’une séroconversion ou
d’une séropositivité virale chez un receveur de produit sanguin labile doit faire l’objet
d’une déclaration obligatoire.
Le médecin traitant doit avertir :
Le médecin hospitalier qui a pratiqué la transfusion
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Le correspondant d’hémovigilance de l’établissement de santé
Le correspondant d’hémovigilance du service de transfusion
Ces deux correspondants d’hémovigilance vont rédiger une fiche d’incident trans-
fusionnel (FIT).
La fiche d’incident transfusionnelle (FIT) a pour objet le constat de l’incident et une
amorce d’analyse relative à son imputabilité. Dans le cas ou la FIT ne permet pas de
déterminer avec précision et certitude l’imputabilité de l’incident et ses éventuelles con-
séquences pour les autres receveurs, les correspondants en liaison avec le coordonnateur
régional poursuivent l’enquête à la recherche d’autres facteurs de risque, et étudient le
statut sérologique des autres receveurs de PSL préparés à partir du même don
.
CONCLUSION
En ce qui concerne les différentes étapes de la transfusion sanguine, il est clair que
l’information au patient est une étape fondamentale. Elle doit être réalisée à priori avant
la transfusion avec la recherche du consentement du patient pour les examens pré-
transfusionnels et elle doit être réalisée à postériori afin d’informer le patient qu’il a été
transfusé et recueillir son accord pour les examens post-transfusionnels.
Le médecin traitant joue ici un rôle fondamental en ce qui concerne les examens
post-transfusionnels. C’est lui qui est le garant de la réalisation de ces examens, des
résultats et de l’information du patient. En cas de séroconversion, il doit respecter l’obli-
gation de déclaration aussi bien au service transfuseur qu’aux correspondants
d’hémovigilance. En effet, cette séroconversion est à déclaration obligatoire et doit
faire l’objet d’une enquête afin de déterminer l’imputabilité ou non de la transfusion
dans cette séroconversion et d’exclure du don un éventuel donneur contaminé.
ANNEXE 1 :
FEUILLET D’INFORMATION SUR LA TRANSFUSION
Madame, Monsieur,
Si votre état de santé nécessite une transfusion sanguine, ce document est destiné à
vous informer sur les avantages et les risques de la transfusion de sang dite «homolo-
gue» (c’est à dire provenant d’un donneur de sang bénévole), ainsi que sur les examens
à réaliser avant et après celle-ci.
Dans le cas particulier d’une intervention chirurgicale, il est possible que la déci-
sion de transfuser soit prise alors que vous serez sous anesthésie. En conséquence, cette
information est assez largement diffusée en préopératoire, et le fait qu’elle vous soit
communiquée ne signifie pas nécessairement que vous recevrez une transfusion. Si
vous avez dû recevoir une transfusion durant l’anesthésie, nous vous en informerons
dès votre réveil.
Pour en faciliter la lecture, ce document comporte une première partie résumée (CE
QU’IL EST IMPORTANT DE SAVOIR) et une seconde partie plus détaillée (POUR EN
SAVOIR PLUS).
Si une solution alternative à la transfusion homologue est envisageable, telle la
transfusion dite «autologue» (votre propre sang mis en réserve), une information parti-
culière vous sera délivrée.
Nous vous invitons à poser au médecin qui vous informera, toute question sur ce
sujet que vous jugeriez utile.
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