LE TEMPS LUNDI 10 AVRIL 2017 6 Suisse A Onex, la maison de soins qui innove SANTÉ P lusieurs cantons romands, dont Genève, Vaud et le Jura, planchent sur le modèle du centre de premier recours pour les personnes âgées, de manière à éviter les hospitalisations inutiles. Reportage à Onex, où Cité générations joue les pionniers MICHEL GUILLAUME t @mfguillaume Dans l’une des sept chambres médicalisées de la maison de santé d’Onex, Lucienne Khatis joue au scrabble. A la suite d’un accident vasculaire cardiaque survenu voici quatre ans, elle souffre de pertes d’équilibre. Agée de 85 ans, elle a donc dû quitter provisoirement son studio des Palettes au Grand-Lancy. Elle passe quelques jours à Onex après avoir fait des pics d’hypertension. Elle y est suivie par son médecin traitant, qui travaille sur place. Malgré ses ennuis de santé, elle prend la vie du bon côté et utilise sa «Ferrari» – comprenez: son déambulateur – lorsqu’elle a besoin de se déplacer. «Ici, on n’est ni un numéro ni une personne âgée», se réjouit cette ancienne infirmière. A la maison de santé d’Onex, baptisée «Cité générations», l’accueil est chaleureux et personnalisé, à l’opposé de l’anonymat intimidant d’un grand hôpital. Cette structure intermédiaire entre le domicile et l’hôpital a vu le jour en 2012 sous l’impulsion du médecin Philippe Schaller, un pionnier des soins intégrés dans le canton PHILIPPE SCHALLER MÉDECIN À L‘ORIGINE DE CITÉ GÉNÉRATIONS «Plus de 80% de nos patients ne veulent pas aller à l’hôpital. En leur offrant des lits médicalisés, nous leur évitons un déracinement» de Genève. Après avoir passé un master à Montréal, ce Jurassien d’origine a été chargé par le Département genevois de la santé de réfléchir à la prise en charge de la personne âgée et de dessiner l’établissement médico-social du futur. C’est dans ce cadre qu’il a esquissé le concept d’une des premières maisons de santé en Suisse. A l’hôpital comme chez soi La santé dans tous ses états Comment faire baisser les coûts de la santé? Sommes-nous prêts pour la révolution de la médecine personnalisée? Quel est le poids économique de la Health Valley romande? Une série d’articles traite de ces questions en amont du Forum des 100, organisé par Le Temps le 11 mai à l’Université de Lausanne. n «Nous pouvons dispenser, au sein de Cité générations, l’ensemble des soins en faveur de la population régionale», déclare Philippe Schaller. La maison de santé, qui couvre un bassin de population d’environ 20 000 habitants, est le chaînon manquant de l’organisation ambulatoire, complémentaire aux cabinets des médecins et à l’hôpital. Elle n’a certes pas de service de soins intensifs avec un plateau chirurgical technique mais elle regroupe de nombreux acteurs de la santé, pour la plupart privés: une permanence médicale pluridisciplinaire ouverte tous les jours de la semaine de 7h à 23h, une institution de maintien à domicile (IMAD), un centre d’imagerie médicale, un pôle «santé de la femme», un centre de pédiatrie et une pharmacie notamment. Surtout, elle a innové avec cette Unité d’accueil temporaire médicalisée offrant de sept à dix lits à des patients fragiles. Les structures hospitalières, notamment universitaires, ne sont pas adaptées pour le très grand âge. «Leur qualité intrinsèque est certes très bonne, mais elles sont trop lourdes pour répondre de manière adéquate aux besoins de la personne âgée polymorbide – soit souffrant de plusieurs maladies chroniques – et dépendante. Celle-ci a besoin d’une petite structure à taille humaine comme à Onex», relève Philippe Schaller. «Ici, plus de 80% de nos patients ne veulent pas aller à l’hôpital. En leur offrant des lits médicalisés, nous leur évitons un déracinement, qui est source d’angoisse», relève Nadir Boumendjel, un médecin qui a travaillé avec Charles-Henri Rapin, un pionnier de la gériatrie communautaire. «La maison de santé est donc une vraie innovation sociale», ajoute Philippe Schaller. Pour ce qui est des tarifs, Cité générations a présenté son compte d’exploitation aux caisses maladie avant de le faire avaliser par le canton, qui paie 55% de la facture. «Dans cette unité de lits médicalisés, une journée coûte environ 400 francs, soit au minimum deux fois moins que dans une structure hospitalière de soins aigus», résume Philippe Schaller. De plus, la durée de séjour, d’environ six jours en moyenne, est souvent plus courte que dans un hôpital classique pour ces patients très âgés. Un modèle qui intéresse Plusieurs cantons romands travaillent désormais sur ce modèle de maison de santé. Genève espère formaliser une collaboration privé-public ces prochains mois. «Nous sommes Lucienne Khatis dans une chambre médicalisée à Onex, où elle est suivie par son médecin traitant. (DAVID WAGNIÈRES) prêts à entrer en matière sur le fait qu’un centre de premier recours soit assuré en partie par des privés. L’Etat pourrait en financer des prestations non rentables, mais utiles pour la collectivité comme le service de garde 24h/24», déclare Adrien Bron, directeur général de la santé du canton de Genève. Le concept prévoit plusieurs maisons réparties sur tout le territoire du canton offrant aussi des lits médicalisés d’observation. «Nous croyons à cette prise en charge proche du patient, sans rupture de la chaîne de soins, afin d’éviter des hospitalisations», ajoute Adrien Bron. Celui-ci précise toutefois: «Les maisons de santé qui existent aujourd’hui n’ont pas encore apporté de modèle privé-public viable. Notre but est justement de trouver un modèle pérenne.» Pour sa part, le canton de Vaud a lancé une vaste consultation sur une réforme du système de santé et notamment de la prise en charge des personnes âgées dans la communauté. Directrice du Service de la santé publique, ­ téfanie Monod partage le S constat de Philippe Schaller selon lequel l’hôpital n’est souvent pas le lieu le plus adéquat pour accueillir la personne âgée: «Pour celle-ci, l’hôpital, très dense et technique, est générateur de déclin fonctionnel», notet-elle. «C’est la raison pour laquelle nous envisageons des maisons de médecine de premier recours – avec des lits d’observation – adossées aux hôpitaux régionaux dans les quatre régions sanitaires historiques du canton.» n PANORAMA Hani Ramadan expulsé de France L’islamologue suisse controversé Hani Ramadan a été expulsé samedi soir de France vers la Suisse. Il fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire français, contre laquelle il va faire opposition, selon un communiqué publié dimanche. «L’arrêté que présente le ministre de l’Intérieur comprend en effet des erreurs et une approche réductrice de mes vraies opinions», explique le directeur du Centre islamique de Genève. L’arrêté lui a été remis samedi aprèsmidi après une conférence qu’il a donnée à Colmar, en France voisine. Il a ensuite été conduit au commissariat de Colmar avant d’être reconduit à la frontière suisse de Bâle, selon le communiqué d’Hani Ramadan. Ces derniers mois, plusieurs de ses conférences ont été annulées en France. Hani Ramadan est le frère de Tariq Ramadan, et le petit-fils du fondateur des Frères musulmans égyptiens. En 2002, il avait fait scandale en défendant dans une tribune publiée dans Le Monde l’application de la charia et la lapidation des femmes adultères. A TS Zurich: la justice enquête sur un pédagogue Le Ministère public zurichois et l’instruction publique du canton s’activent suite aux reproches d’abus sexuels qui accablent le pédagogue alémanique Jürg Jegge. Le Zurichois a avoué vendredi avoir eu des contacts sexuels avec des élèves dans les années 1970. D’un point de vue juridique, les faits sont prescrits. Mais la justice zurichoise a tout de même décidé de se pencher sur l’affaire. Elle a ouvert vendredi une procédure d’enquête préalable contre Jürg Jegge en lien avec les reproches d’abus sexuels rendus publics. Mardi, Markus Zangger, un ancien élève de Jürg Jegge aujourd’hui quinquagénaire, a présenté à Zurich un livre dans lequel il reproche au pédagogue réputé d’avoir abusé sexuellement de lui il y a plusieurs décennies, dès l’âge de 12 ans. L’ouvrage s’intitule Jürg Jegges dunkle Seite («Le côté sombre de Jürg Jegge») et a été coécrit avec le journaliste bien connu en Suisse alémanique Hugo Stamm. Dans un entretien accordé à l’ATS, Jürg Jegge ne conteste pas les contacts sexuels avec son ancien élève. A TS Perte de Billag: pas de compensation pour Fribourg Il n’y aura pas de compensation directe à la perte du mandat d’encaissement de la redevance radio-tv par Billag. Le ministre fribourgeois Olivier Curty a rencontré Doris Leuthard à ce sujet. Des «pistes intéressantes» ont toutefois été évoquées, selon le ministre. «Nous avons eu une discussion avec la présidente de la Confédération, Doris Leuthard», dit Olivier Curty dans un entretien paru samedi dans La Liberté. S’étant jusqu’ici peu exprimé dans les médias sur ce dossier, le ministre fribourgeois de l’Economie explique avoir pu faire part de son mécontentement et de son incompréhension à Doris Leuthard. Pas moins de 250 personnes travaillant pour l’entreprise sont sur la touche depuis le 10 mars. Cela «porte un coup sévère au marché de l’emploi fribourgeois», avait alors réagi le gouvernement cantonal. C’est la société zurichoise Serafe qui succédera à Billag dès 2019. Tout doit être fait pour que les collaborateurs de Billag puissent utiliser leurs compétences au sein de l’entreprise reprenant le mandat, avait exigé l’exécutif cantonal. ATS Davantage d’actes racistes dans la sphère publique ou au travail Les discriminations raciales se font toujours plus souvent dans l’espace public, au travail et à l’école, selon le rapport 2016 de la Commission fédérale contre le racisme. Les insultes et les menaces sont aussi en augmentation. En tout, 199 cas de discrimination raciale ont été recensés par les 26 centres de conseil pour les victimes de racisme en Suisse. Ce réseau a été mis en place par l’association Humanrights.ch et la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Les cas étaient certes plus nombreux en 2015 (239). Mais l’an dernier, plus de la moitié concernait des discriminations faites dans la sphère publique, au travail et dans les écoles. Beaucoup d’incidents n’ont pas été annoncés, car les personnes concernées estiment que cela ne sert à rien, écrit Martine Brunschwig Graf, présidente de la CFR. Le motif le plus souvent signalé est, comme l’année précédente, la xénophobie en général. Suit le racisme anti-Noirs avec 70 incidents, devant l’hostilité à l’égard des musulmans (48) et les manifestations antisémites (6). ATS