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Surplus budgétaire : Est-ce vraiment le Saint-Graal ?
Jamais aura-t-on vu un sujet aussi aride que celui des
finances publiques dominer autant une campagne
électorale fédérale. Bien avant l’annonce par le
gouvernement d’un excédent budgétaire de 1,9
milliard de dollars pour l’exercice 2014-2015, tous les
partis en lice faisait de cet enjeu un puissant symbole.
Le Nouveau Parti démocratique a fait valoir que son
engagement à atteindre l’équilibre budgétaire
témoignait de la responsabilité et du sérieux de sa
plateforme (au point d’augmenter les impôts au besoin
pour y arriver). Les libéraux, quant à eux, mettent en
doute l’existence même d’un tel excédent, affirmant
qu’il est surtout attribuable au recours à divers
subterfuges comme la vente des participations du
gouvernement dans General Motors, et ils promettent
plutôt trois années de déficit budgétaire afin de
montrer qu’ils sont davantage soucieux de relancer
l’économie.
Mais, pour les conservateurs, l’excédent budgétaire est
une panacée, la clé de leur stratégie de réélection. On
peut difficilement prétendre avoir été un gestionnaire
économique hors pair pendant que le pays est en
récession, mais un excédent budgétaire démontre à
tout le moins que l’on n’avait pas tout faux.
Le gouvernement fédéral a certes consenti des efforts
colossaux afin d’atteindre l’équilibre budgétaire. La
réduction de 2 % de la TPS en 2006 a créé un trou béant
de 14 milliards de dollars dans le budget, que le
gouvernement a mis plusieurs années à colmater au
moyen de coupes draconiennes dans les dépenses
gouvernementales avant de retrouver un équilibre
budgétaire précaire. Puis survint, en 2009, la pire
récession que l’économie mondiale ait connue depuis
1930, amenant les dirigeants du G7 à convenir de la
nécessité de prendre des mesures afin de relancer
l’économie. Le gouvernement conservateur s’est alors
vu entraîner, bien malgré lui, à consacrer des sommes
considérables, à hauteur de 35 milliards de dollars, afin
de stimuler l’économie. Il est depuis lors en mode
contrôle des dépenses, procédant notamment au gel de
la dotation dans la fonction publique et au
resserrement des budgets des ministères et organismes
fédéraux.
Réaliser un excédent budgétaire dans ces circonstances
constitue certes tout un exploit, mais cela pourrait ne
pas être le remède indiqué dans la présente
conjoncture. S’il faut en croire la Banque du Canada,
selon laquelle la performance économique du Canada
est si « atroce » qu’il faille la stimuler en procédant à
deux baisses de taux d’intérêt successives, il paraît
d’autant plus étrange que le gouvernement tarisse
l’apport de fonds dans l’économie en cherchant à
réaliser des excédents budgétaires. Il en résulte que la
politique fiscale et la politique monétaire s’orientent
dorénavant dans des directions opposées.
Quel que soit le gouvernement qui sera au pouvoir au
lendemain de l’élection, il aura de la difficulté à
équilibrer le prochain budget. En juillet, le directeur
parlementaire du budget a révisé les perspectives
budgétaires du gouvernement et affirmé que
l’excédent de 1,9 milliard de dollars se transformerait
plutôt en un déficit de 1,5 milliard de dollars, et cela
avant même que le Canada soit officiellement en
récession.
Si l’on tient pour acquis que chaque recul de 1 % du
PIB réel se traduit par un manque à gagner de 4,1
milliards de dollars en recettes gouvernementales
(hypothèses budgétaires posées par le gouvernement
lui-même), et que nous appliquons un taux de
croissance annuel plus réaliste du PIB de 0,7 %, le
Canada devrait en principe afficher un déficit de
l’ordre de 3 milliards de dollars pour l’exercice 2015-
2016.
Mais alors, cela ne correspondrait qu’à une erreur
d’arrondissement négligeable sur le budget de quelque