La Bêche-de-mer, Bulletin d’information de la CPS n°30 – Septembre 2010 47 Résumés et nouvelles publications Taxinomie du complexe fortement exploité d’holothuries de sable de l’Indopacifique (Echinodermata: Holothuriidae) Claude Massin, Sven Uthicke, Steven W.Purcell, Frank Rowe et Yves Samyn Source : Zoological Journal of the Linnean Society (2009) 155:40–59 Deux espèces d’holothuries à valeur marchande, l’holothurie de sable et l’holothurie mouton (variété versicolor), ont une couleur variable et présentent des difficultés d’identification taxinomique, débouchant sur des identifications d’espèces incertaines. D’après une étude moléculaire récente, la variété putative Holothuria (Metriatyla) scabra var. versicolor Conand, 1986 (holothurie mouton) est une espèce distincte de H. (Metriatyla) scabra Jaeger, 1833 (holothurie de sable), mais les deux espèces pourraient bien s’hybrider. L’examen d’éléments du squelette et de la morphologie externe de ces espèces corrobore cette découverte. L’identité de H. (M.) scabra a été définie sans équivoque grâce à la création et à la description d’un néotype, et plusieurs synonymes putatifs ont été réexaminés de façon critique. Le taxon H. (Metriatyla) timama Lesson, 1830, rejeté sur le plan de la nomenclature, et H. (M.) scabra var. versicolor (un nomen nudum) sont ici reconnus comme des taxons conspécifiques et sont attribués à une nouvelle espèce, Holothuria lessoni sp. nov., dont des types ont été décrits. En outre, l’holotype et le seul spécimen connu de H. aculeata Semper, 1867, a été replacé et décrit à nouveau. Il est considéré comme une espèce valide. Une description taxinomique plus claire de cette espèce fortement exploitée devrait contribuer à sa conservation et permettre une gestion monospécifique de la pêche. Marquage effectif par un fluorochrome de juvéniles d’holothuries aux fins de pacage en mer et de réensemencement des stocks Steven W. Purcell et Bernard F. Blockmans Source : Aquaculture (2009) 296:263–270 Pour le pacage en mer et le réensemencement des stocks, les spicules dermiques (sclérites) des holothuries d’élevage peuvent être marqués à l’aide d’un marqueur fluorescent, ici de la tétracycline et de la calcéine, mais les conditions optimales d’immersion ne sont pas encore connues. Les effets mortels et non mortels et l’efficacité du marquage des spicules des juvéniles d’holothurie de sable (Holothuria scabra) ont été examinés dans différentes conditions d’immersion. En général, la luminescence et la proportion de spicules marqués augmentaient proportionnellement avec la concentration et la durée d’immersion. La fréquence d’enfouissement (indicateur de stress) des holothuries de sable augmentait en présence des deux fluorochromes à des concentrations supérieures à 50 mg L−1. Au cours des deux semaines qui ont suivi le marquage, la croissance à des concentrations d’immersion de 50 et 100 mg L−1 était identique à la croissance des spécimens témoins, mais semblait inhibée par une immersion dans des solutions à 200 et 400 mg L−1 de tétracycline ou de calcéine. Le marquage séquentiel à la tétracycline (jaune) et à la calcéine (vert) a révélé, quel que soit l’ordre de marquage, que la calcéine se dépose sur une proportion supérieure de spicules. Trois autres fluorochromes associés à des couleurs différentes, l’alizarine-complexon, le bleu de calcéine et l’orangé de xylénol, se fixaient également aux spicules des holothuries de sable, étendant la gamme de combinaisons dichromatiques possibles. L’intensité de la tétracycline tout comme celle de la calcéine était supérieure chez les juvéniles marqués à 26 ou 30 °C à celle des juvéniles marqués à 21 °C, cette faible température semblant également réduire la proportion de spicules marqués par la tétracycline. Notre étude montre que la température de l’eau de mer devrait être régulée pour tout marquage par immersion ex situ. Les sensibilités comportementales et biologiques des holothuries de mer imposent que les fluorochromes soient administrés avec soin. L’immersion dans des solutions à 100 mg L−1 de fluorochrome pendant 24 heures à une température ≥ 26 °C constitue un bon compromis entre la réduction de la valeur adaptative des juvéniles relâchés et la garantie de marqueurs efficaces utilisés dans des études sur la croissance et la survie des holothuries introduites dans le milieu naturel. Le rôle écologique d’Holothuria scabra (Echinodermata: Holothuroidea) dans les herbiers subtropicaux Svea-Mara Wolkenhauer, Sven Uthicke,Charis Burridge,Timothy Skewes et Roland Pitchera Source : Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom doi:10.1017/S0025315409990518 (About doi). Published online by Cambridge University Press 09 Jul 2009 Certaines espèces d’holothuries sont soumises à une pêche intense et sont commercialisées sous forme de bêche-de-mer sur les marchés asiatiques de l’agroalimentaire. Aujourd’hui, la fonction écologique qu’assurent ces animaux au sein de leur écosystème suscite un intérêt croissant, d’autant que les populations de certaines espèces très cotées sont en recul partout dans le monde. La présente étude cherche à définir le rôle écologique d’Holothuria scabra, espèce tropicale à valeur marchande qui évolue dans les herbiers. La productivité des herbiers, leur biomasse et celles des microalgues benthiques et la matière organique ont été mesurées au cours de deux expériences d’exclusion réalisées in situ dans des cages mouillées pour une période de deux mois, une fois en 2003 et une fois en 2004. La densité de H. scabra a été manipulée de trois façons : cages où les animaux étaient exclus (densité proche de zéro, « EX »), holothuries témoins mises en cage (densité naturelle, « CC ») et holothuries témoins dans le milieu naturel (densité naturelle, « NC »). La croissance de l’herbier était inférieure lorsque les holothuries étaient exclues du milieu (5 % en 2003, 12 % en 2004). La 48 La Bêche-de-mer, Bulletin d’information de la CPS n°30 – Septembre 2010 biomasse de l’herbier s’est affaiblie dans les trois cas de figure, mais la baisse était plus marquée dans les cages EX que chez les holothuries témoins (18 % en 2003, 21 % en 2004). La biomasse des microalgues benthiques comme la matière organique augmentait plus dans les cages EX qu’en présence des holothuries témoins NC/CC (in 2004). En introduisant plusieurs variables, on a obtenu un diagramme à double projection pour l’analyse des composantes principales dans lequel EX était séparé des deux types de témoins en 2004, et cette séparation a été confirmée par des tests à plusieurs variables reposant sur quatre attributs. Ces résultats indiquent que les systèmes d’herbiers peuvent pâtir de l’absence d’holothuries. Toutefois, l’importance de l’effet différait d’une expérience à l’autre, peut-être parce que les deux expériences ont été menées à différentes époques de l’année. Néanmoins, nos résultats donnent à penser que la surpêche des holothuries pourrait avoir une incidence négative sur la productivité des systèmes d’herbiers. Une nouvelle méthode d’induction de la maturation des ovocytes chez les holothuroïdes (Echinodermata) Aline Léonet, Richard Rasolofonirina, Ruddy Wattiez, Michel Jangoux et Igor Eeckhaut Source : Invertebrate Reproduction and Development (2009) 53(1):13–21 La maturation des ovocytes d’holothuries s’arrête pendant la méiose à la prophase I. La maturation s’achève naturellement juste avant la ponte et donne des ovocytes matures, prêts à être fécondés. Bien que des chocs thermiques, appliqués à des individus matures, puissent induire la ponte, il n’est pas possible, jusqu’à présent, de réaliser à coup sûr la fécondation in vitro d’ovocytes d’holothuries. Le présent article fait état de la découverte d’un nouveau procédé très efficace induisant la maturation ovocytaire, portant le nom de MIF (pour Maturation Inducing Fractions, fractions inductrices de maturation). Les effets du procédé MIF sur les ovocytes de l’espèce commercialisée Holothuria scabra ont été analysés et comparés à ceux obtenus avec la poignée d’inducteurs de maturation ovocytaire décrits dans la littérature. Le procédé MIF permet d’induire la maturation et la fécondation de plus de 90 % des ovocytes, contre des taux de maturation ovocytaire variant de 28 à 90 % avec les autres inducteurs (le 1-Méthyladénine, le dithiothréitol (DTT), le dimercapto-propanol (BAL) et la L-cystéine) selon l’inducteur mis à l’essai. En outre, l’utilisation d’autres inducteurs débouche sur des taux de fécondation qui n’excèdent jamais 40 %, et les larves ainsi obtenues présentent souvent des anomalies de développement. L’action de la fraction inductrice sur les ovocytes de H. scabra est efficace tout au long de l’année même en dehors de la période de ponte de l’espèce. Son action est efficace sur les ovocytes de toutes les espèces d’aspidochirotes testées jusqu’à présent, mais uniquement lorsqu’elle est extraite du frai d’une femelle oursin cyclée. État et gestion des ressources en holothuries de la Grande Terre, en Nouvelle-Calédonie Steven W. Purcell, Hughes Gossuin et Natacha S. Agudo Source : WorldFish Center Studies and Reviews N° 1901 (2009). The WorldFish Center, Penang, Malaysia. 136 p. En Nouvelle-Calédonie, la pêche d’holothuries se pratique depuis les années 1840. En 2007, la valeur déclarée des exportations d’holothuries par la Nouvelle-Calédonie (environ 5,3 millions de dollars des États-Unis) était deux fois supérieure à celle des exportations de thon, ce qui en fait la deuxième exportation de produit marin la plus rentable du pays après la crevette d’élevage. Ce projet a été mis en œuvre par le WorldFish Center d’octobre 2006 à mai 2008, grâce au concours financier du programme territorial ZoNéCo. Nous avons eu recours à des comptages des populations sur le terrain, à des enquêtes sur les prises débarquées et à des enquêtes socioéconomiques auprès des pêcheurs et des producteurs de bêche-de-mer. Un séminaire qui a réuni les différentes parties prenantes de cette filière a également été organisé afin d’évaluer les ressources en holothuries de la Grande Terre et de formuler des recommandations concernant leur gestion. Les populations d’holothuries, de trocas et de bénitiers ont été inventoriées sur 50 sites lagonaires et de récif-barrière le long de transects en bande répétés et stratifiés, géoréférencés par GPS. Plus de 6 000 holothuries ont été comptées. En outre, nous avons mesuré et pesé 1 724 holothuries, présentant une valeur marchande moyenne ou élevée, prélevées sur les 1 475 transects du projet. Nous avons utilisé un questionnaire structuré pour interroger 26 pêcheurs et sept producteurs en vue de décrire le contexte social entourant cette ressource marine. Nous avons mesuré et pesé 2 433 individus au cours de 54 opérations de débarquement par les pêcheurs des six régions étudiées. Environ 12 espèces d’holothuries à valeur marchande moyenne à élevée sont exploitées. La distribution des individus était peu homogène pour la plupart des espèces. En moyenne, nous avons observé huit espèces distinctes d’holothuries sur chaque site. La diversité des espèces observées n’affichait pas de variation majeure d’une Province à l’autre, ou encore entre les récifs situés dans des réserves et ceux où la pêche est autorisée. Les populations de quelques espèces commercialisées semblent épuisées, à savoir Holothuria fuscogilva, Holothuria lessoni et Actinopyga lecanora. Les populations de plusieurs autres espèces sont assez clairsemées : A. mauritiana, A. miliaris et H. scabra. La plupart des autres espèces commercialisées sont assez répandues et comptent des populations de reproducteurs sur certains sites, ce qui devrait permettre de recruter de nouveaux individus. La comparaison entre, d’une part, les fréquences de tailles des holothuries capturées et débarquées et, d’autre part, celles des holothuries observées dans leur milieu naturel semble indiquer que les pêcheurs tendent à sélectionner les individus de plus grande taille, mais pas dans toutes les régions. La plupart des pêcheurs d’holothuries sont des hommes âgés de 30 à 50 ans et des pêcheurs chevronnés. Les holothuries représentent la principale source de revenus de la majorité des pêcheurs interrogés et nombre d’entre eux ne pêchent que deux jours par semaine. Les prises par unité d’effort La Bêche-de-mer, Bulletin d’information de la CPS n°30 – Septembre 2010 49 (PUE) des pêcheurs diffèrent d’une région à l’autre. Opérant loin des entreprises de transformation, les pêcheurs de la Province Nord transforment plus souvent eux-mêmes leurs captures que ceux de la Province Sud. Si l’on compare les PUE anciennes perçues aux estimations des PUE actuelles (calculées d’après les données sur les prises débarquées et les entretiens avec les pêcheurs), on constate que les taux de capture ont fléchi dans certaines régions. Les PUE sont à la hausse à proximité de Nouméa et plus au sud, mais les pêcheurs ciblent désormais, en plus des captures habituelles, de nombreuses espèces à faible valeur marchande qui peuvent être prédominantes dans le volume de prises. Certains stocks d’holothuries de Nouvelle-Calédonie sont probablement capables de supporter un impact de pêche continu, si les niveaux de pêche sont modestes. Les stocks de certaines autres espèces sont maigres ou appauvris. Dans ce cas, il convient d’introduire des réglementations de gestion pour éviter que leurs populations de reproducteurs ne continuent de s’amenuiser. Dans certaines zones, les pêcheurs poursuivent une pêche intensive des holothuries alors que les tailles moyennes des individus sont en baisse et qu’ils pensent que leur abondance est aussi en déclin. Au vu des réponses obtenues lors des enquêtes et du fait que des petits individus sont parfois pêchés, les agents des services des pêches doivent rendre régulièrement visite aux pêcheurs pour les sensibiliser. Nous recommandons et expliquons 13 mesures que doivent prendre les services des pêches et des réglementations sur la pêche qui feront obligation aux pêcheurs. En particulier, nous préconisons une interdiction de pêche pour plusieurs espèces et conseillons l’adoption de réglementations visant à restreindre la pêche de type industriel. Il est nécessaire de mettre au point promptement un plan de gestion dans les Provinces de Nouvelle-Calédonie dans le but de sauvegarder le potentiel de reproduction des populations d’holothuries et leur biodiversité sur les récifs. Nous préconisons une méthode de gestion évolutive, qui permettra de modifier le plan de gestion à mesure que de nouvelles informations tirées d’études sociologiques et écologiques sont disponibles. Biologie de la reproduction d’Actinopyga echinites et d’autres holothuries à La Réunion (océan Indien occidental) : implications pour la gestion de la pêche Sophie Kohler, Sylvie Gaudron et Chantal Conand. Source : Western Indian Ocean Journal of Marine Science (in press) La pêche de l’holothurie est une activité florissante dans plusieurs pays de l’océan Indien occidental, mais elle est souvent mal gérée. Un programme régional MASMA (sciences de la mer au service de la gestion), financé par l’Association des sciences de la mer de l’océan Indien occidental (WIOMSA), fournit des informations sur la reproduction de certaines espèces d’holothuries commercialisées. À La Réunion, deux espèces sont visées : Actinopyga echinites et Holothuria leucospilota. Elles sont très abondantes sur les récifs frangeants et des échantillons ont été prélevés chaque mois en 2005-2006. Des données sur la structure des populations et le cycle de reproduction d’Actinopyga echinites sont présentées ici. Les principaux résultats sont les suivants : 1) la distribution des tailles (exprimées en poids éviscéré) au sein de la population du site de Planch’Alizés est plurimodale, le principal mode se situant à 85–95 g, 2) la proportion des sexes penche en faveur des femelles, 3) l’anatomie des gonades est décrite en cinq stades de maturité, 4) le cycle de reproduction est saisonnier, avec un épisode principal de ponte de décembre à janvier et un épisode secondaire en avril, 5) la taille à la première maturité sexuelle EW50 égale à 45 g est déterminée à partir d’un autre site (herbier abritant des juvéniles). Ces résultats sont intégrés à des données concernant d’autres espèces d’holothuries, telles que H. leucospilota, H. atra et Stichopus chloronotus qui ont fait l’objet de précédentes études sur l’île de La Réunion, et seront utiles à de prochaines recherches sur la biologie de la reproduction des holothuries, menées dans les autres pays de l’océan Indien occidental. Instaurer une fermeture saisonnière de la pêche en fonction des informations disponibles sur la saison de ponte en saison chaude et fixer une taille minimale de capture à partir de la taille à la première maturité sexuelle sont autant d’outils qui permettront de renforcer la gestion durable de ces ressources marines. RÉSUMÉS DE THÈSES DOCTORALES Phylogénie, taxinomie, dynamique des populations et nutrition des holothuroïdes aspidochirotes (Echinodermata) dans un herbier de Posidonia oceanica en Algérie Karim Mezali Université de Mostaganem, Algérie Les holothuries aspidochirotes, aussi appelées concombres de mer dans le langage courant, sont un acteur majeur de l’herbier de Posidonia oceanica. Elles jouent un rôle important dans le recyclage de la matière organique et l’oxygénation des sédiments benthiques. L’étude taxinomique des holothuries aspidochirotes de la Méditerranée a commencé au XIXe siècle, époque où toutes ces espèces ont été décrites sur le plan morphologique et anatomique. L’identification des espèces, la validité des espèces identifiées et les différences entre elles ont fait l’objet de nombreux débats tout au long du XXe siècle, principalement du fait des importantes variations intraspécifiques observées et du faible nombre de paramètres de différentiation interspécifique. À ce jour, la délimitation des espèces et leurs relations au sein de cet assemblage n’ont pas été étudiées par des techniques moléculaires. En conséquence, notre étude se propose de décrire et de déterminer la phylogénie, la taxinomie, la dynamique des populations et la nutrition de cette classe d’échinodermes sur les côtes algériennes. 50 La Bêche-de-mer, Bulletin d’information de la CPS n°30 – Septembre 2010 L’étude taxinomique a été réalisée à l’aide de méthodes modernes de taxinomie moléculaire et de morphologie (groupement par grappes). Ces deux méthodes nous ont permis de différencier dix formes d’holothuries échantillonnées [Holothuria (Holothuria) tubulosa, Holothuria (Roweothuria) polii, Holothuria (Holothuria) stellati, Holothuria (Panningothuria) forskali et les deux morphotypes d’Holothuria (Platyperona) sanctori]. De nombreux individus de chaque espèce ont été échantillonnés dans divers lieux du littoral algérien, en particulier dans deux stations de recherche : Sidi-Fredj et Tamentefoust. Ces individus ont été photographiés vivants, leur ADN a été analysé à partir d’une fraction de gène (ARNr 16S) et la morphologie de leur endosquelette a été décrite et mesurée. La présente étude a permis de mettre au point un test de référence des frontières interspécifiques entre les espèces résidant dans les eaux de la Méditerranée et a révélé que : - Les deux morphes de couleur d’Holothuria (P.) sanctori, sujets à débats dans certains écrits scientifiques, sont identiques sur le plan génétique et appartiennent donc à la même espèce ; - Holothuria (H.) stellati, dont l’identification confuse a toujours été reconnue, est une espèce bien définie, distincte sur le plan génétique, et présente des signes de caractérisation particuliers tant sur le plan morphologique que sur le plan génétique ; - Holothuria (H.) tubulosa, l’espèce la plus répandue et la « mieux connue » de la mer Méditerranée, n’est pas une espèce unique, mais bien deux espèces cryptiques dont l’existence n’a pas encore été reconnue, voire n’était pas soupçonnée jusqu’alors. Nous les avons différenciées sur les plans génétique, morphologique, anatomique et endosquelettique ; - Toutefois, peu de spécimens d’holothuries analysés dans notre collection ont révélé des données de séquences inhabituelles. Il nous reste à les confirmer en analysant d’autres données de séquences grâce à de nouveaux marqueurs moléculaires qui permettront d’interpréter ces spécimens. Cela dit, de toute évidence, un spécimen donné représentera probablement soit une espèce distincte, qui était jusque-là inconnue, soit un hybride entre deux espèces connues [à savoir H. (R.) polii et H. (H.) stellati pour le spécimen non identifié d’Holothuria (R.) polii B]. L’évolution saisonnière du rapport biomasse/densité présentait un maximum en été et un minimum en automne pour les deux espèces [H. (H.) tubulosa et H. (R.) polii]. La valeur minimale du rapport entre la biomasse et la densité peut être interprétée comme une indication de recrutement. L’abondance moyenne de H. (R.) polii dans la station polluée (Tamentefoust) était significativement inférieure à celle de la station non polluée (Sidi-Fredj). Les données recueillies confirment l’important rôle de H. (R.) polii en tant qu’indicateur de pollution. L’analyse du contenu de l’appareil digestif de plusieurs espèces illustre la spécificité alimentaire de chacune d’entre elles : les holothuries qui ingèrent des sédiments grossiers et fins [H. (H.) tubulosa, H. (L.) polii et H. (H.) stellati] et les holothuries qui préfèrent les sédiments fins et très fins [H. (P.) forskali et H. (P.) sanctori]. En ce qui concerne la sélectivité de la matière organique, H. (P.) forskali est l’espèce la plus sélective, suivie par H. (P.) sanctori, H. (H.) tubulosa, H. (H.) stellati et H. (L.) polii. Caractérisation d’un agent induisant la maturation ovocytaire chez des holothuries aspidochirotes dont Holothuria scabra (Jaeger, 1833), espèce à haute valeur commerciale Aline Léonet Biologie marine, Université de Mons, Belgique Promoteur: Igor Eeckhaut Certaines holothuries, telles qu’Holothuria scabra, sont considérées comme une ressource alimentaire à forte valeur nutritive par les populations asiatiques. La pêche intensive de ces animaux a entraîné une forte diminution de leurs populations lors des dernières décénnies, en particulier sur les côtes de Madagascar. De ce constat très alarmiste est né un projet interuniversitaire impliquant les laboratoires de Biologie Marine de l’U.L.B. et de l’Umons ainsi que l’Institut Halieutique et des Sciences Marines de Tuléar (Madagascar). De ce projet est né une société, « Madagascar Holothurie SA », la première de tout l’ouest de l’Océan Indien. Le but de cette société est de vendre des holothuries produites en aquaculture. Un des obstacles majeurs à surmonter pour que ce genre de société soit rentable est l’obtention d’un maximum d’individus à vendre en un minimum de temps. Il faut donc, au départ de l’élevage, une quantité maximale d’œufs fécondés. Cependant lorsque les ovocytes d’holothuries sont prélevés par dissection, ils restent bloqués en prophase I de méiose, blocage qui n’est naturellement levé que lors de la ponte. Il existe bien entendu différentes techniques d’induction de ponte, toutefois ces méthodes sont très aléatoires et ne peuvent être pratiquées que lors de la période de reproduction des holothuries qui, dans le cas de Madagascar, s’étale de novembre à mars. Le projet belgo-malgache a mis au point un procédé breveté tout à fait unique qui permet d’obtenir en continu des millions d’œufs fécondés (i.e. à n’importe quel moment de l’année). Ce procédé se base sur la maturation et la fécondation in vitro d’ovocytes prélevés sur des géniteurs. Il implique l’utilisation d’un nouvel extrait appelé nirine. La nirine a pour effet de faire maturer les ovocytes d’holothuries qui sont bloqués en prophase I de la méiose et qui ne se débloquent, naturellement, que lors de la ponte. Le présent travail a eu pour buts de comprendre le mécanisme d’action du principe actif de la nirine, de déterminer sa nature, de l’isoler et de l’identifier. Les holothuries expérimentées étaient Holoturia scabra, une espèce indo-pacifique à haute valeur commerciale, retrouvée à Madagascar et Holothuria tubulosa, une espèce méditerranéenne manipulée dans notre laboratoire en Belgique. La Bêche-de-mer, Bulletin d’information de la CPS n°30 – Septembre 2010 51 THÈSE DE DOCTORAT EN COURS Biologie des symbioses en milieu marin : caractérisation des adaptations épidermiques et branchiales des poissons carapidés associés aux échinodermes Maité Todesco (Superviseur: Igor Eeckhaut) Les récifs coralliens présentent une diversité biologique extrêmement riche. Qualifiées de symbioses, les associations intimes existant entre organismes hétérospécifiques y sont très diversifiées et impliquent des espèces variées. Certains poissons peu connus, les Onuxodon, Carapus et Encheliophis de la famille des Carapidae (Ophidiiformes), présentent un mode de vie similaire à celui des poissons-clowns acclimatés à leur anémone. Ces poissons anguilliformes ont en effet la capacité de pénétrer et séjourner au sein de différents hôtes invertébrés tels des ascidies, des bivalves, des étoiles de mer ou plus fréquemment des holothuries. Ils y vivent dans leur pharynx, dans leur cavité palléale, dans leur cavité générale ou dans leurs troncs arborescents (i.e., système respiratoire chez les holothuries). Seules les douze espèces des genres Carapus et Encheliophis sont capables de vivre avec des échinodermes. Récemment, de nombreux aspects de la biologie des carapidés symbiotiques ont été élucidés (Parmentier 2003). Les points principaux de leur biologie, qui sont maintenant bien établis, peuvent se résumer de la façon suivante : (i) les Carapus sont des commensaux qui se servent de leurs hôtes uniquement comme abri et les Encheliophis des parasites qui se nourrissent essentiellement des gonades des échinodermes; (ii) leur cycle vital passe par un stade larvaire libre ; (iii) ces poissons sont opportunistes et infestent souvent plus d’une espèce-hôte ; (iv) un même échinoderme renferme très rarement plusieurs espèces de carapidé; (v) ces poissons sont capables de communiquer en émettant des sons. Les carapidés associés aux échinodermes semblent insensibles aux moyens de défense de leurs hôtes. En particulier, ceux associés aux holothuries ne subissent pas l’attaque des tubes de Cuvier, organes de défense organisés en plusieurs centaines de tubules qui s’attachent à la base du tronc arborescent gauche (Vanden Spiegel et al. 2000). Ces tubules, qui se déchargent lorsque l’animal est dérangé, sont collants et toxiques. Les toxines (également retrouvées dans l’épiderme des astéries et des holothuries) sont des saponines, dérivés de triterpénoïdes à forte action hémolytique (Haebermel et Krebs 1990, Kalinin et al. 1996). En milieu naturel, ces toxines ont principalement un effet dissuasif (Bryan et al. 1997, Hamel et Mercier 1999) sur des prédateurs, tels que des crabes ou des poissons, mais elles sont létales en aquarium (Nigrelli 1952, Bakus 1968). Les carapidés ont ceci de remarquable qu’ils ne s’engluent pas au contact des tubes de Cuvier. De plus, des observations préliminaires (Parmentier, obs. pers.) montrent que lorsque des carapidés sont placés en aquariums avec d’autres poissons en présence de tubes de Cuvier, les poissons meurent dans les trois minutes à l’exception des carapidés. En toute hypothèse, les carapidés devraient avoir des adaptations tout à fait remarquables au niveau de leur épiderme, de leur mucus et de leurs branchies comme c’est le cas pour les poissons-clowns acclimatés à leurs anémones (Mebs 1994). C’est à ces adaptations que mon travail s’intéresse. Il porte en particulier sur la caractérisation microscopique et biochimique de ces trois structures chez les carapidés symbiotes d’échinodermes et comprend trois volets complémentaires : une étude physio-comportementale, une analyse microscopique des structures pré-citées et une analyse biochimique de la composition du mucus et des stérols membranaires. NOUVELLE THÈSE DE DOCTORAT Doctorant: Guillaume Caulier (Superviseurs: Patrick Flammang, Igor Eeckhaut) Les symbioses sont essentielles à la structuration des écosystèmes. Ces relations hétérospécifiques nécessitentune reconnaissance entre l’hôte et le symbiote. La communication qui permet cette sélection de l’hôte est généralement de type chimique, et elle implique des signaux olfactifs, qualifiés de kairomones, qui exercent un pouvoir attractif sur un hôte commensal ou parasite. La présence de ces kairomones a déjà été démontrée lors de nombreuses études, mais la nature chimique précise de ces métabolites n’a jamais été mise en évidence dans aucune relation symbiotique marine. Le présent projet va essentiellement s’intéresser à l’identification et aux effets de ces kairomones permettant la reconnaissance d’holothuries et de crinoïdes par leurs hôtes respectifs: le crabe Harlequin Lissocarcinus orbicularis (Dana, 1952) et la crevette Synalpheus stimpsoni (De Man, 1888). Des expériences comportementales seront réalisées afin d’étudier l’attraction potentielle des différentes kairomones sur les symbiotes. La mise en évidence de ces molécules sera réalisée par spectrométrie de masse et la chémoréception sera étudiée en microscopie électronique et IMS (Imaging Mass Spectrometry).