Jean-Marc AVELINE LE GUIDE DE LA TRANSMISSION DE PATRIMOINE © Groupe Eyrolles, 2006 ISBN : 2-7081-3467-1 Chapitre 1 LES RELATIONS BANCAIRES : COMPTES, COFFRE, EMPRUNTS Le compte courant Les comptes courants dont l’unique titulaire est le défunt sont automatiquement bloqués dès la survenance de son décès, ou plutôt dès la connaissance par la banque de sa survenance. La banque est toutefois tenue de régler les chèques émis antérieurement au décès mais présentés postérieurement. Les héritiers pourront tout de même prélever sur le compte les sommes nécessaires au paiement des obsèques. La procuration n’évite pas ce type de conséquences car elle tombe automatiquement au décès du titulaire du compte. La procuration post mortem n’est pas possible. En revanche, les époux ou les personnes vivant en concubinage peuvent ouvrir un compte joint dans le but d’éviter cette situation de blocage. Cette solution peut aussi être étendue à toute personne parente ou non parente souhaitant qu’au décès du premier un compte continue à fonctionner sous la seule signature du survivant. En effet, le décès de l’un des titulaires d’un compte joint n’entraîne pas le blocage de ce compte qui continue à fonctionner sous la seule signature du survivant. Les héritiers peuvent toutefois demander le blocage des comptes auprès de la banque. © Groupe Eyrolles 5 Le guide de la transmission de patrimoine Même si le cotitulaire survivant peut faire fonctionner seul le compte, il ne devient pas pour autant propriétaire exclusif du solde du compte ; il est seulement réputé propriétaire de la moitié des fonds déposés sur ces comptes, la seconde moitié appartenant au défunt, donc à la succession1. Les autres comptes et livrets Des conséquences analogues sont prévues non seulement pour les livrets ordinaires (appelés aussi comptes sur livret ou livrets B) mais aussi pour la plupart des comptes ou livrets prévoyant une exonération d’impôt sur les intérêts : • Livrets A et bleu ; • Comptes pour le développement de l’industrie (CODEVI) ; • Comptes épargne logement (CEL). L’exonération d’impôt – et pour les deux premiers l’exonération de contributions sociales – n’est pas remise en cause par le décès. De son côté le Livret d’épargne populaire (LEP) n’est pas bloqué suite au décès de son titulaire, mais clôturé. Les plans d’épargne Pour les placements bancaires souscrits sous forme de plans, la conséquence n’est pas le blocage mais la clôture pure et simple : • Plan d’épargne populaire (PEP) ; • Plan d’épargne en actions (PEA) ; • Plan d’épargne logement (PEL). Il est intéressant de signaler que le décès de son titulaire est l’une des causes de clôture du PEA et du PEP bancaire2, mais à la différence de 1. La banque peut s’opposer au titulaire qui souhaiterait retirer la totalité des fonds. 2. Nous faisons la distinction entre, d’une part, le PEP bancaire souscrit auprès des établissements bancaires et, d’autre part, le PEP assurance commercialisé par les sociétés d’assurance et dont la fiscalité appliquée lors du décès de son titulaire est celle appliquée à tout contrat d’assurance-vie. 6 © Groupe Eyrolles Les relations bancaires : comptes, coffre, emprunts la plupart des autres causes (non-respect de conditions de fonctionnement), le décès n’entraîne pas l’imposition des gains réalisés sur ces plans depuis leur souscription, quel que soit le délai écoulé entre la date d’ouverture et le décès1. En matière de contributions sociales il en est autrement : • Si le décès du titulaire d’un PEA intervient après la fin de la cinquième année, les contributions sociales sont dues au taux de 11 % sur la différence entre la valeur du PEA au jour du décès et le total des versements réalisés depuis l’ouverture ; • En revanche, si le décès intervient avant la fin de la cinquième année, la clôture du PEA est aussi assortie d’une exonération de contributions sociales ; • La solution est toute différente lors du décès du titulaire du PEP bancaire, les intérêts capitalisés ayant subi chaque année les contributions sociales. Celles-ci ne trouvent donc pas à s’appliquer au moment du décès. Dans le cas du Plan d’épargne logement, celui-ci est normalement résilié au décès de son titulaire, mais l’un des héritiers peut le reprendre à son nom à condition de s’engager à l’alimenter dans les mêmes conditions que son titulaire d’origine. Les valeurs mobilières Qu’il s’agisse d’actions, d’obligations, de titres participatifs, d’actions de SICAV, de parts de FCP (fonds commun de placement), de bons de souscriptions, toutes les valeurs mobilières entrent dans la succession du défunt et sont réputées devenir la propriété des héritiers dès le moment du décès. Ces valeurs subiront les droits de succession comme tous les autres biens appartenant au défunt. Pour la question de leur évaluation, se reporter p. 77. Aussi, tous les dividendes et coupons versés par ces valeurs à compter de la date du décès profitent directement aux héritiers sans 1. Les gains réalisés sur un PEA sont exonérés d’impôt à compter de la fin de sa cinquième année d’existence. © Groupe Eyrolles 7 Le guide de la transmission de patrimoine entrer dans la succession. De même les droits de vote aux assemblées générales attachés aux actions sont transmis aux héritiers dès le jour du décès. Les plus-values potentielles calculées entre la date d’acquisition des valeurs mobilières et la date du décès sont exonérées de toute imposition (impôt et contributions sociales). Les héritiers, lorsqu’ils céderont ces valeurs mobilières, calculeront la plus-value par différence entre le prix de vente et le prix déclaré dans la succession, c’est-à-dire le prix au jour du décès. Le décès a donc pour effet de gommer les plus-values passées. Des actions avaient été acquises par le défunt en 1993 au prix unitaire de 300 francs (45,73 euros). Au jour de son décès, en 2003, ces titres avaient une valeur de 75 euros. Les héritiers viennent de les vendre au prix de 100 euros. En 2003 les droits de succession ont été calculés sur une valeur de 75 euros, la plus-value imposable au nom des héritiers lors de la revente des titres sera de 25 euros (100 – 75). La plus-value antérieure au décès (75 – 45,73) est exonérée d’impôt. Les contrats d’assurance-vie et d’assurance décès Concernant les contrats d’assurance-vie ou d’assurance décès du défunt, il convient de se reporter au chapitre consacré à ce sujet, p. 123. Rappelons simplement ici que le décès de l’assuré d’un contrat d’assurance-vie ou d’un contrat d’assurance décès entraîne le paiement du capital garanti au profit du ou des bénéficiaires désignés au contrat. Les capitaux ainsi transmis ne font pas partie de la succession du défunt. Toutefois, au plan fiscal cela ne signifie pas pour autant que cette transmission soit exonérée de droits de succession. D’autre part, lorsqu’il s’agit d’un contrat d’assurance-vie, jusqu’au décès du titulaire les capitaux qu’il avait investis génèrent des gains qui sont exonérés d’impôt tant qu’aucun retrait n’est effectué. Le 8 © Groupe Eyrolles Les relations bancaires : comptes, coffre, emprunts décès entraîne la clôture du contrat et le transfert des capitaux aux bénéficiaires, mais les gains ne sont pas pour autant soumis à imposition (impôt sur le revenu ou prélèvement libératoire). Le souscripteur assuré d’un contrat d’assurance-vie qui a versé 50 000 euros de primes avant 70 ans1 sur son contrat décède sans jamais avoir opéré de retraits. Au jour du décès, la valeur de rachat du contrat s’élève à 70 000 euros ; cette somme sera versée aux bénéficiaires désignés par l’assuré sans subir de droits de succession. Les gains capitalisés sur le contrat, soit 20 000 euros, échappent aussi à tout impôt sur le revenu (ou prélèvement libératoire). Les contrats de capitalisation Les bons ou contrats de capitalisation se rapprochent sur de nombreux points des contrats d’assurance-vie, mais s’en éloignent notamment : • Sur leur mode de souscription qui peut être nominatif ou anonyme pour le contrat de capitalisation, alors que le souscripteur d’un contrat d’assurance doit obligatoirement déclarer son identité ; • Sur le sort de l’épargne au moment du décès de son titulaire. Alors que le capital est versé aux bénéficiaires du contrat d’assurance-vie au décès de l’assuré2, le contrat de capitalisation est transféré en l’état au profit des héritiers ou légataires du défunt. Il en résulte les conséquences suivantes : • Le contrat de capitalisation souscrit de manière nominative entre dans la succession du défunt et subira les droits de succession comme tous les autres éléments de son patrimoine. Aucun traitement fiscal dérogatoire n’est prévu en matière de transmission de ce type de contrat. Les héritiers prennent alors la qualité de titulaire du contrat et auront le choix entre, d’une part, conserver le contrat jusqu’à son échéance prévue initialement et, d’autre part, demander le remboursement du contrat. 1. Pour plus de précisions sur la fiscalité successorale attachée aux contrats d’assurance-vie, se reporter au chapitre qui est consacré à ce sujet, p. 123. 2. L’assuré du contrat a le plus souvent aussi la qualité de souscripteur. © Groupe Eyrolles 9 Le guide de la transmission de patrimoine Dans les deux cas, au moment du remboursement (soit à l’échéance, soit par demande de remboursement), la fiscalité qui s’appliquera sur les intérêts dépendra de la date de souscription du contrat par le défunt. Ceci signifie que les intérêts capitalisés de la date de souscription jusqu’à la date du décès seront imposés au nom du ou des héritiers au moment du remboursement. C’est donc l’un des rares investissements pour lequel le décès n’exonère pas d’imposition les gains antérieurs au décès. Imposition des gains Date de remboursement Impôt sur le revenu Avant la fin de la 4e année Impôt sur le revenu ou prélèvement libératoire de 35 % Entre la fin de la 4e et la fin de la 8e année Impôt sur le revenu ou prélèvement libératoire de 15 % Après la fin de la 8e année Impôt sur le revenu ou prélèvement libératoire de 7,5 % sous déduction d’une franchise de 4 600 € pour une personne seule ou de 9 200 € pour un couple1 Contributions sociales 11 % prélevés : • Soit annuellement sur les intérêts capitalisés sur les contrats en euros • Soit perçus lors du remboursement sur les contrats en unités de compte • Le contrat de capitalisation souscrit de manière anonyme ne sera évidemment pas compris dans la succession du défunt. Les héritiers, ou les proches à qui le défunt aura donné le bon anonyme, pourront le conserver jusqu’à leur échéance ou bien se le faire rembourser. 1. Les contrats principalement investis en actions de sociétés européennes sont exonérés de cet impôt au-delà de 8 ans (contrats DSK ou Sarkozy). 10 © Groupe Eyrolles Les relations bancaires : comptes, coffre, emprunts L’anonymat présente alors deux inconvénients de taille : – Le premier réside dans la fiscalité appliquée à l’anonymat au moment du remboursement : 60 % de prélèvement obligatoire sur le montant des intérêts capitalisés (majoré des contributions sociales de 11 %) et 2 % du nominal par 1er janvier compris entre la date de souscription et la date de remboursement ; – Le second réside dans les possibilités de remploi limitées des capitaux obtenus lors du remboursement d’un bon anonyme. S’il s’agit de montants modestes, le bénéficiaire du remboursement pourra utiliser les capitaux pour payer ses dépenses courantes, alors que s’il s’agit de montants importants, il sera contraint de replacer les capitaux de manière anonyme. En effet, si les capitaux sont utilisés pour l’acquisition officielle d’un bien quel qu’il soit (immobilier, mobilier), l’acquéreur devra assumer le risque que l’administration fiscale lui demande l’origine des fonds ayant permis cette acquisition et que la somme en question soit taxée d’office comme « revenu occulte ». Reprenons les mêmes éléments que pour le contrat d’assurancevie. Ici le souscripteur choisit un contrat de capitalisation en unités de compte sur lequel il verse 50 000 euros. Il décède sans jamais avoir opéré de retraits. Au jour du décès, la valeur de rachat du contrat s’élève à 70 000 euros. Si la souscription a été réalisée de manière nominative, le contrat sera transmis aux héritiers qui paieront des droits de succession sur une valeur de 70 000 euros. S’ils décident de se faire rembourser le contrat, ils percevront 70 000 euros diminués des impôts portant sur les gains capitalisés de 20 000 euros. Si ce rachat intervient à la fin de la 7e année après la souscription, ce gain sera soumis à l’impôt sur le revenu ou, sur option, au prélèvement libératoire de 15 % (+ 11 % de contributions sociales), ce qui représenterait 5 200 euros de prélèvement. Si la souscription a au contraire été réalisée de manière anonyme, les héritiers ne déclareront pas les contrats dans la succession et se feront rembourser les bons en supportant la fiscalité propre à l’anonymat. Ils supporteront 14 200 euros de prélèvement obligatoire sur les gains et 7 000 de prélèvement sur le capital (7 fois 2 % de 50 000 euros). Les héritiers récupéreront donc 48 800 euros… alors que le souscripteur avait investi 50 000 euros ! © Groupe Eyrolles 11 Le guide de la transmission de patrimoine Le contenu du coffre En matière de location de coffre, la conséquence du décès du locataire est le blocage. Dès la survenance du décès du locataire, la banque doit refuser l’ouverture du coffre car son contenu fait partie de l’actif successoral du défunt ; il sera ouvert en présence du notaire qui en recensera le contenu. Ce contenu fera ainsi partie de l’actif successoral sur lequel seront payés les droits de succession. Comme en matière de compte bancaire, la solution pour éviter ce blocage est de louer conjointement le coffre. Après le décès, le cotitulaire continuera d’y accéder librement, sauf demande expresse des héritiers de faire apposer les scellés. Les emprunts Les emprunts contractés par le défunt entrent dans sa composition du passif successoral et devront donc être remboursés par les héritiers. Toutefois la banque demande le plus souvent à ses clients de souscrire une assurance décès à son profit lorsqu’ils sollicitent un crédit. Au moment du décès, ces assurances remboursent la créance directement auprès de la banque, libérant ainsi les héritiers du paiement de cette dette. Attention toutefois aux cas d’exclusion prévus par les polices d’assurance décès ! En effet, certaines causes de décès sont expressément exclues ; tel est souvent le cas des décès faisant suite à la pratique de sports à risque (parachutisme…) ou le cas du suicide durant les deux premières années d’assurance. Cette solution a le mérite d’être sécurisante tant pour le banquier que pour l’emprunteur qui souhaite protéger ses proches, mais peut se révéler pénalisante dans un souci d’optimisation patrimoniale : si la dette est remboursée directement par l’assurance, alors le montant du capital restant dû à la banque au jour du décès ne fait pas partie du passif successoral. La dette ne faisant plus partie du passif, le montant de l’actif net sera donc majoré d’autant, ce qui aura pour effet d’accroître le montant des droits de succession payés par les bénéficiaires de la succession. 12 © Groupe Eyrolles Les relations bancaires : comptes, coffre, emprunts Il est alors avantageux de souscrire une assurance décès, indépendamment de l’emprunt dont les bénéficiaires seront les héritiers. Au décès, ces derniers trouveront bien dans le passif de la succession le montant du crédit et percevront par ailleurs les capitaux décès de l’assurance bénéficiant d’une fiscalité successorale particulière1. Cette solution n’est toutefois pas évidente à mettre en place car il reste à convaincre le banquier. En effet, l’établissement de crédit n’étant pas directement bénéficiaire des capitaux décès, il se trouve dans une position plus risquée en cas de décès de son emprunteur. L’exemple ci-dessous permet de mesurer l’impact de l’assurance décès de l’emprunteur ainsi que l’intérêt de la souscrire indépendamment. Une personne ayant acquis un bien immobilier évalué 500 000 euros au moment de son décès et dont le capital restant dû sur l’emprunt ayant permis son acquisition s’élève à 200 000 euros ne laissera pas ses héritiers dans la même situation selon qu’il avait ou non souscrit une assurance décès. Nous prendrons comme hypothèse que les droits de succession s’élèvent à 20 % du montant de l’actif successoral net. 1er cas : pas d’assurance décès Le bien immobilier entre dans l’actif successoral et le crédit se trouve au passif. L’actif net s’établit donc à 300 000 euros. Les héritiers reçoivent le bien immobilier et sont tenus de payer le crédit. Les droits de succession sont calculés sur cet actif net. Les héritiers reçoivent donc 500 000 euros mais doivent 200 000 euros à la banque et 60 000 euros au Trésor public. Leur enrichissement s’élève donc à 240 000 euros. 2e cas : présence d’une assurance décès souscrite auprès de l’établissement de crédit Dans ce cas l’assurance rembourse l’emprunt qui ne fait alors pas partie du passif de la succession. 1. Pour la fiscalité appliquée aux capitaux décès, cf. p. 130. © Groupe Eyrolles 13 Le guide de la transmission de patrimoine L’actif net de la succession est uniquement constitué de la valeur de l’immeuble, soit 500 000 euros engendrant des droits de succession de 100 000 euros. L’enrichissement des héritiers sera donc de 400 000 euros (500 000 – 100 000). 3e cas : présence d’une assurance décès souscrite indépendamment, au profit des héritiers Les héritiers reçoivent l’immeuble pour 500 000 euros, doivent à la banque 200 000 euros, mais ils perçoivent aussi 200 000 euros au titre de l’assurance décès. Les droits de succession s’élèvent, comme dans le premier cas, à 60 000 euros. L’enrichissement des héritiers se trouve alors porté à 440 000 euros (500 000 + 200 000 – 200 000 – 60 000). Pas d’assurance Actif successoral taxable Droits de succession Assurance au profit des héritiers (hors droits) Situation nette des héritiers 14 Assurance au profit de la banque Assurance indépendante 500 000 – 200 000 = 300 000 500 000 500 000 – 200 000 = 300 000 – 60 000 – 100 000 – 60 000 0 0 200 000 240 000 400 000 440 000 © Groupe Eyrolles