« Et ce don, ajoute-t-il, accomplit avec une surabondante plénitude tous les désirs d'unité fraternelle qui habitent
le cœur humain » (Ibid. n°24). C'est nous rappeler qu'on ne peut pas communier sans reconnaître en chaque
homme et femme de ce monde un frère ou une sœur à aimer, à commencer par ceux avec qui nous communions.
Le grand mystique Maurice Zundel disait cela avec puissance, et je vous demande de bien l'entendre :
« L'eucharistie, il ne faut jamais l'oublier, cette Présence communautaire par la Communauté, dans la
Communauté, pour la Communauté, cette Présence est un appel constant à l'universel. On ne peut pas prendre la
communion pour soi tout seul. On communie toujours avec les autres, pour les autres, […] pour que personne ne
soit abandonné, […] pour que toute détresse ressuscite à l'espérance, pour que tout malade éprouve un
soulagement, pour que tous enfin se sentent appelés, entourés et que, s'ils passent de cette vie à l'invisible, nous
ayons communié pour eux et qu'ils aient communié à travers nous » (Ta Parole comme une source, p.295).
Vous voyez que notre communion a une dimension qui nous dépasse infiniment puisque nous unissant à Jésus,
elle nous unit à tous les hommes, jusqu'à « ces plus petits qui sont mes frères » comme Jésus l'a dit lui-même,
mais au-delà encore à tous ceux qui nous ont précédés auprès de lui, à l'Église du ciel. Si parfois nous ne savons
pas trop de quoi demander pardon dans nos confessions, voilà une question à nous poser : quand je communie,
suis-je bien dans un esprit de communion fraternelle avec tous ? Saint Augustin a eu cette phrase bien claire :
« Notre Seigneur a consacré sur la table le mystère de notre paix et de notre unité. Celui qui reçoit le mystère de
l'unité sans être dans les liens de la paix ne reçoit pas son mystère pour son salut : il reçoit un témoignage qui le
condamne » (Cité en EdE n° 40).
III – Communier pour une humanité transfigurée :
« Pain rompu pour un monde nouveau… »
Il est important de comprendre que la communion qui nous unit à Jésus et entre nous n'est pas destinée à nous
enfermer dans notre communauté. Comme l'indiquait Maurice Zundel dans le passage que je vous ai lu il y a un
instant, elle élargit notre cœur aux dimensions de l'humanité ; mais elle nous appelle aussi à déployer notre vie au
service de cette humanité. On comprend ainsi pourquoi saint Jean, dans son Évangile, n'a pas relaté l'institution
de l'eucharistie, mais le lavement des pieds, avec la même parole de conclusion : « Faites ceci en mémoire de
moi ». La communion a donc nécessairement une dimension d'engagement au service de tous, puisqu'elle nous
unit au Christ qui n'est pas venu « pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude » (Mt 20,28).
Je ne veux pas anticiper sur ce que vous dira dimanche prochain le P. Olivier Gaignet concernant la dimension
missionnaire de l'eucharistie. Mais je voudrais simplement vous aider à saisir combien la communion doit nourrir
notre engagement de disciples. Communier, disait Jean-Paul II, « implique l'engagement de transformer la vie
pour qu'elle devienne, d'une certaine façon, totalement eucharistique » et il parlait même de « transfiguration de
l'existence » (EdE n°20). Il faut donc que non seulement nous prenions conscience de cette unité avec Jésus et
entre nous dont nous avons parlé, mais que nous travaillions résolument à la réaliser dans nos couples, dans nos
familles, dans nos quartiers, sur nos lieux de travail, dans nos associations, et bien entendu dans nos
communautés où elle devrait pourtant aller de soi.