Infections nosocomiales
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4. BACTERIE DEVENUE RESISTANTE : ECHEC PAR RE-ISOLEMENT
L'émergence de variants résistants en cours de traitement est favorisée par
certains facteurs : l'espèce bactérienne (P. aeruginosa, entérobactéries...), un
inoculm bactérien élevé (où statistiquement un plus grand nombre de souches avec
une CMI élevée sont présentes), un foyer mal accessible (abcès, empyèmes,
thrombophlébites suppurées, foyers osseux, endocardite...), la présence de matériel
ou de corps étrangers, des posologies insuffisantes d'antibiotique ou une diffusion
insuffisante au sein du foyer infectieux, le type d'antibiotiques (bêtalactamines,
quinolones, fosfomycine, rifampicine, a. fusidique), et l'emploi d'une monothérapie.
Dans la pratique plusieurs facteurs sont en général associés. Il faut d'emblée insister
sur l'importance que jouent de faibles concentrations d'antibiotiques obtenues dans
le(s) foyer(s) infecté(s) ce qui sera détaillé ci-dessous. C'est le cas lorsque l'on
emploie des doses insuffisantes, ou bien (cf. infra) des doses normales chez des
sujets présentant des anomalies de paramètres pharmacocinétiques ; c'est aussi le cas
lorsque deux antibiotiques sont associés et que leur diffusion inégale (ou des
conditions locales d'activité défavorable) conduit à une véritable monothérapie dans
le foyer à traiter. Si l'antibiotique qui diffuse le mieux est celui qui a le plus fort taux
de mutation en monothérapie, toutes les conditions sont réunies pour qu'émergent
des variants résistants.
4.1. INFLUENCE DU TYPE D'ANTIBIOTIQUE
4.1.1. BETALACTAMINES
Les échecs dus à l'émergence de variants résistants aux bêtalactamines sont
principalement décrits pour les bacilles à Gram négatif (BGN) de type
entérobactéries (Enterobacter sp, Serratia sp, Providencia sp, Citrobacter freundii,
Proteus indole positif) ou chez Pseudomonas aeruginosa. Les bêtalactamines
concernées sont les céphalosporines (y compris celles de 3ème génération), les
céphamycines, les carboxy et les uréidopénicillines. Apparue avec une de ces
molécules, la résistance les concerne toutes ; elle n'est en général pas croisée avec
celle aux fluoroquinolones et aux aminosides. Les carbapénèmes sont
préservées [4]. Le mécanisme est une induction par un antibiotique fortement
inducteur (Tableau III) d'une hypersécrétion de céphalosporinases (synthèse x 1000)
chromosomiques à partir de l'activation temporaire d'un gène qui gouverne à l'état
basal un faible niveau de synthèse de céphalosporinase, sans traduction clinique.
L'hypersécrétion de céphalosporinase conduit à la lyse de certaines céphalosporines
de 3ème génération (C3G) comme céfotaxime et à l'inactivation des autres (céfépime
et cefpirome par exemple sont plutôt stables vis à vis de l'hydrolyse par les
céphalosporinases) qui sont noyées dans une masse d'enzymes (effet «éponge») et
ne peuvent plus venir se fixer sur les sites d'actions (protéines de liaison des
pénicillines-PLP).