Caryologie et évolution chromosomique de certains petits mammifères de la forêt tropicale humide du champ pétrolifère de Rabi, Gabon Ashley PRIMUS1, Jessica HARVEY1, Sylvain GUIMONDOU2, Serge MBOUMBA3, Raphaël NGANGUI4, Federico HOFFMANN5, 6, Robert BAKER5 et Calvin PORTER5, 1 1 Introduction L’information génétique dont les organismes vivants héritent de leurs progéniteurs est encodée dans les séquences moléculaires de l’ADN. L’ADN des animaux et des autres eucaryotes est associé à des protéines et organisé en chromosomes. Les chromosomes sont essentiels à la division cellulaire, qui a lieu au cours de la mitose et de la méiose, deux processus de distribution de l’information génétique aux cellules filles. Le processus d’évolution produit souvent des modifications de la forme, du nombre ou de la taille des chromosomes. Le caryotype d’un individu est constitué du complément chromosomique de ses cellules. Le caryotype est souvent uniforme à l’intérieur d’une espèce. Dans de nombreux cas toutefois, on observe d’importantes variations caryotypiques parmi les populations ou les individus d’une même espèce. La comparaison des caryotypes peut fournir de précieux renseignements sur les mécanismes de l’évolution et les liens de parenté entre les espèces. De nombreux documents scientifiques ont été publiés sur les caryotypes de petits mammifères d’Afrique (p. ex. Robbins et Baker 1978, Haiduk et al. 1980, 1981, Viegas-Péquignot et al. 1983, Reumer et Meylan 1986, Zima et al. 1998, Schlitter et al. 1999, Biltueva et al. 2001). Cependant, la région présente une importante diversité biologique, et il existe de nombreuses espèces chez lesquelles le caryotype n’a pas encore été étudié. Par exemple, le genre de musaraigne Crocidura compte plus de 150 espèces, parmi lesquelles une centaine se trouvent en Afrique. Seule la moitié environ des espèces africaines ont été caryotypées, et l’on signale beaucoup de variations caryotypiques dans le nombre chromosomique chez des espèces africaines de Crocidura, avec des nombres diploïdes variant de 36 à 68 (Zima et al. 1998, Schlitter et al. 1999). Malgré le peu de données chromosomiques dont on dispose pour de nombreuses espèces de Crocidura, les données caryotypiques ont été utilisées dans bon nombre d’analyses sur l’évolution et la systématique de ce genre, qui présente une grande diversité sur les plans taxinomique et caryotypique (Maddalena et Ruedi 1994, Zima et al. 1998, Biltueva et al. 2001). Bien que certains rongeurs et chauves-souris d’Afrique aient été abondamment étudiés, il existe de nombreuses espèces pour lesquelles on ne dispose d’aucune donnée caryotypique. Puisque l’on sait que chez certaines espèces, les caryotypes varient entre les populations et entre les individus, il est important d’examiner les caryotypes de nombreux individus de différentes localités. Une grande partie des études de caryotypes faites sur les petits mammifères d’Afrique tropicale a porté sur ceux de la Côte d’Ivoire, du Cameroun et de la République centrafricaine. Certaines des plus vastes étendues de forêt tropicale humide se trouvent au Gabon, et la région présente une grande biodiversité. Cependant, malgré cette diversité, relativement peu d’études ont porté sur la caryologie des petits mammifères du Gabon. Récemment, nous avons participé à un recensement de la biodiversité mammalienne du Complexe d’Aires Protégées de Gamba, sous les auspices de l’Institution Smithsonian et avec l’appui de la Fondation Shell et Shell Gabon. Nous avons prélevé des petits mammifères 1 Department of Biology, Xavier University of Louisiana, 1 Drexel Drive, New Orleans, LA 70125, USA. Auteur pour la correspondance Email: [email protected] 2 Direction de la Faune et de la Chasse, BP 159, Tchibanga, Gabon. Email: [email protected] 3 Gabon Biodiversity Program, Smithsonian Institution, S/C Shell Gabon, BP 48, Gamba, Gabon. Email: [email protected] 4 IRAF - CENAREST, BP 2246, Libreville, Gabon. Email: [email protected] 5 Department of Biological Sciences, Texas Tech University, Lubbock, TX 79409, USA. Email: [email protected] 6 Adresse actuelle: School of Biological Sciences, University of Nebraska, Lincoln, NE 68588. USA. Email: [email protected] Bulletin of the Biological Society of Washington, No. 12 155 du champ pétrolifère de Rabi, au Gabon, dans la forêt tropicale humide, juste au sud de l’équateur. À Rabi, les zones dans lesquelles se déroulent des activités humaines se limitent à de petites clairières isolées de la forêt tropicale. Dans le cadre de ce recensement, nous avons préparé les caryotypes d’un certain nombre d’espèces de petits mammifères, dont des musaraignes, des rongeurs et des chauves-souris. Nous présentons ici les données chromosomiques concernant les musaraignes, les rongeurs et les chauves-souris du sous-ordre des Mégachiroptères. Les caryotypes standard des chauvessouris du sous-ordre des Microchiroptères seront présentés dans un autre article. Nous comparons nos résultats aux données publiées et discutons des conséquences de la variabilité chromosomique des taxons étudiés sur les plans de la systématique et de l’évolution. 2 Matériel et méthodes Nous avons prélevé des petits mammifères dans le champ pétrolifère de Rabi, du Complexe de Gamba, province de l’Ogooué-Maritime, au Gabon (Lee et al. ce volume; voir carte page xxxii). Les animaux ont été prélevés au cours des mois de février et mars 2002 selon la technique décrite par Rodriguez et al. (ce volume) et O’Brien et al. (ce volume). Les préparations de chromosomes mitotiques ont été effectuées au laboratoire de Rabi, à partir de moelle osseuse, au moyen des méthodes de Baker et al. (2003), sauf que l’éthanol a été utilisé pour la fixation, en raison d’un manque de méthanol. Les préparations méiotiques proviennent de tissus testiculaires de mâles sélectionnés et ont été faites à l’aide des mêmes méthodes. Les chromosomes ont été colorés au Giemsa. Le Gouvernement du Gabon a autorisé la recherche et nous a permis d’utiliser certains spécimens comme échantillons de référence. Nous avons préparé des spécimens standard montés et d’autres conservés dans l’alcool, que nous avons déposés comme spécimens de référence dans les collections de mammifères du programme de biodiversité du Gabon, à Gamba, de l’Institution Smithsonian à Washington ou du Natural Science Research Laboratory de la Texas Tech University. Des préparations de chromosomes sur lames et des suspensions cellulaires sont conservées avec les échantillons de tissus à la Texas Tech University, et chacune porte un numéro de référence unique (TK) renvoyant au spécimen dont elle provient. Les spécimens examinés sont indiqués au tableau 1. Tableau 1. Spécimens examinés et nombres diploïdes observés (2n). TK numéro de référence unique renvoyant au spécimen témoin dont provient la préparation. TK 110269 110322 110417 110400 110262 110327 110285 110328 110368 110389 110415 110367 110397 110398 110302 110251 110253 110254 110463 110475 156 Espèces Crocidura crenata Crocidura goliath Crocidura goliath Crocidura grassei Sylvisorex ollula Sylvisorex ollula Heimyscus fumosus Hylomyscus parvus Hylomyscus stella Hylomyscus stella Lophuromys nudicaudus Malacomys longipes Mus musculoides Mus musculoides Praomys tullbergi Epomops franqueti Epomops franqueti Epomops franqueti Epomops franqueti Epomops franqueti sexe M M 2n 48? 50 TK 110258 110263 M M M M M F M M F M F M F F F F F M 50 40 38 38 40 46 46 46 56 48 34 34 34 36 36 36 36 35 110267 110287 110290 110338 110264 110265 110266 110291 110292 110293 110295 110299 110300 110339 110390 110392 110481 110465 Gamba, Gabon: Biodiversité d'une forêt équatoriale africaine Espèces Hypsignathus monstrosus Megaloglossus woermanni Megaloglossus woermanni Megaloglossus woermanni Megaloglossus woermanni Megaloglossus woermanni Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Myonycteris torquata Scotonycteris zenkeri sexe F F 2n 36 34 M M F M F F F F F F F F F F F M F M 34 34 34 34 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 36 32 3 Résultats et discussion Nous avons étudié les caryotypes de 17 espèces de petits mammifères du Complexe de Gamba (quatre espèces d’insectivores, sept espèces de rongeurs et six espèces de chauves-souris) dont cinq espèces dont le caryotype n’avait jamais été documenté: Crocidura crenata, C. goliath, C. grassei, Heimyscus fumosus et Scotonycteris zenkeri. Pour certaines autres espèces, nous décrivons des caryotypes qui diffèrent à certains égards de ceux déjà présentés dans la littérature. Nos résultats confirment que la biodiversité de Rabi comprend des aspects chromosomiques aussi bien que taxinomiques. Comme notre laboratoire de terrain n’était pas équipé pour l’étude des bandes chromosomiques, nous n’avons pas encore examiné les profils des bandes chromosomiques des spécimens de l’étude. C’est pourquoi nous ne pouvons être certains des homologies chromosomiques entre les espèces. Très souvent, les préparations standard de caryotypes ne révèlent pas toute l’étendue des réarrangements chromosomiques (Haiduk et al. Figure 1. Caryotypes standard de musaraignes provenant du champ pétrolifère de Rabi. (A) Crocidura crenata, mâle, TK110269; (B) Crocidura goliath, mâle, TK110322; (C) Crocidura grassei, mâle, TK110400; (D) Sylvisorex ollula, mâle, TK110316. 1981, Baker et al. 1987). Néanmoins, nos résultats donnent une idée de l’évolution caryotypique survenue chez certaines espèces et soulèvent des questions qui pourront être élucidées à l’aide des profils de bandes chromosomiques. 3.1 Ordre des Insectivora, famille des Soricidés Crocidura crenata Il est généralement admis que le genre Crocidura tire son origine d’Afrique, et qu’il a ensuite colonisé l’Eurasie, probablement avant la fin du Miocène (Maddalena et Ruedi 1994, Butler 1998). Les lignées africaine et eurasienne ont toutes deux fait l’objet d’une importante différenciation des espèces pendant et après le Pliocène. Selon Maddalena et Ruedi (1994), le caryotype de 2n = 3640 serait primitif dans le genre, le nombre diploïde augmentant dans le clade africain, et diminuant dans l’embranchement eurasien. La majorité des Crocidura africaines qui ont été étudiées ont un caryotype de 2n = 50 (Schlitter et al. 1999). L’espèce C. crenata a été décrite sur base de spécimens gabonais en 1965, et depuis, elle a été identifiée au Cameroun et dans la République démocratique du Congo (Hutterer et Schlitter 1996). Bien qu’elle soit considérée rare, Goodman et Hutterer (2004) signalèrent une série de 13 spécimens de cette espèce dans la région des Monts Doudou, au Gabon. Le caryotype de cette espèce n’avait pas encore été publié. Les préparations de chromosomes d’un mâle de cette musaraigne n’ont produit qu’un seul étalement de qualité moyenne (figure 1A). Dans la cellule en question, le nombre diploïde est 2n = 48. Les chromosomes de cette cellule présentent un certain profil de bandes, bien qu’ils n’aient pas été traités avec des agents de mise en évidence des bandes. Le profil des bandes était toutefois suffisant pour permettre d’identifier les chromosomes homologues, mais nous n’avons pas pu identifier clairement une quelconque homologie avec les bandes G d’autres espèces de Crocidura (Biltueva et al. 1999, 2001). Nous n’avons pas pu identifier de chromosomes sexuels, non plus. Comme nous n’avons examiné qu’une seule cellule, nous devons tenir compte de la possibilité que le complément chromosomique que nous avons observé ait été incomplet ou non représentatif de Bulletin of the Biological Society of Washington, No. 12 157 l’individu ou de l’espèce. Une autre espèce africaine de Crocidura (C. nigrofusca du Burundi; Maddalena et Ruedi 1994, Schlitter et al. 1999) a un caryotype de 2n = 48. Crocidura goliath Le statut taxinomique de l’espèce C. goliath a changé plus d’une fois (voir Nowak 1997). Le taxon a été placé dans un genre ou sous-genre distinct (Praesorex) et a parfois été considéré comme une sous-espèce de C. odorata. Des études moléculaires ont placé C. goliath dans le groupe monophylétique des Crocidura (Quérouil et al. 2001). Goodman et al. (2001) ont signalé que l’espèce vivait en sympatrie avec C. olivieri dans le nord-est du Gabon. Nous avons analysé le caryotype de deux C. goliath mâles et trouvé un nombre diploïde de 50 chez les deux sujets (figure 1B). Le caryotype montre 3 paires de grands autosomes subtélocentriques et 17 paires d’autosomes acrocentriques classés de grands à petits. Trois paires additionnelles sont métacentriques ou submétacentriques et une paire de petits autosomes sont subtélocentriques. Les chromosomes sexuels apparents de C. goliath comprennent un grand X submétacentrique et un grand Y subtélocentrique. Les autosomes de C. goliath sont identiques à ceux de C. odorata giffardi, mais cette dernière espèce diffère de C. goliath par son grand chromosome X métacentrique (Meylan et Vogel 1982). Chez le genre Crocidura, le chromosome X Figure 2. Préparations chromosomiques méiotiques provenant de petits mammifères prélevés dans le champ pétrolifère de Rabi. Tous les spécimens illustrés sont des mâles. (A) Diacinèse chez Crocidura grassei, TK110400; (B-C) Diacinèse chez Sylvisorex ollula, TK110316; (D) Spermatocyte secondaire de Sylvisorex ollula, TK110316; (E) Diacinèse chez Hylomyscus stella, TK110389; (F) Diacinèse chez Epomops franqueti, TK110475. La flèche indique la possibilité d’un univalent. 158 est habituellement grand et métacentrique, mais chez certaines espèces, on observe plutôt un X submétacentrique (Maddalena et Ruedi 1994). Crocidura grassei Au cours des 35 années qui ont suivi la description de cette espèce (Brosset et al. 1965), moins de 10 spécimens de C. grassei ont été signalés au Gabon, au Cameroun, en République centrafricaine et en Guinée-Équatoriale (Lasso et al. 1996, Goodman et al. 2001). Cependant, des études récentes (Goodman et Hutterer 2004, Nicolas et al. 2004) montrent que l’espèce est abondante dans des endroits précis de certaines régions du Gabon. Crocidura grassei n’avait pas encore été caryotypée. Nous avons analysé le caryotype d’une C. grassei mâle provenant de Rabi et trouvé un nombre diploïde de 40 (figure 1C). Cinq paires de petits autosomes sont métacentriques ou submétacentriques, trois paires d’autosomes sont subtélocentriques et dix sont acrocentriques. Les deux autosomes restants sont hétéromorphes, l’un étant acrocentrique, l’autre subtélocentrique. Figure 3. Caryotypes standard de rongeurs provenant du champ pétrolifère de Rabi. (A) Heimyscus fumosus, mâle, TK110285; (B) Hylomyscus parvus, femelle, TK110328; (C) Hylomyscus stella, mâle, TK110389; (D) Lophuromys nudicaudus Malacomys longipes, mâle, TK110367. Gamba, Gabon: Biodiversité d'une forêt équatoriale africaine Le chromosome acrocentrique a la même taille que le bras long de son homologue subtélocentrique. Le bras court est probablement hétérochromatique, et peut-être polymorphe dans la population. Il faudrait déterminer les profils des bandes G et C pour confirmer cette interprétation. Le chromosome X est grand et submétacentrique; le Y, plus petit et subtélocentrique. Les chromosomes homologues des cellules en diacinèse de méiose sont appariés et forment la disposition prévue de 20 chromosomes bivalents (figures 2A). Le caryotype 2n = 40 de C. grassei est l’un des plus bas qui aient été caractérisés chez les espèces africaines, bien que l’on trouve un nombre diploïde aussi peu élevé que 22 chez des espèces asiatiques du même genre (Zima et al. 1998). Meylan (1971) signala un caryotype semblable de 2n = 40 chez l’espèce africaine C. bottegi. Les caryotypes standard de C. grassei et de C. bottegi diffèrent par les éléments suivants : 1) la possibilité d’une inversion péricentrique ayant entraîné la formation d’un chromosome acrocentrique de taille moyenne chez C. grassei et un métacentrique chez C. bottegi; 2) un bras court sur le chromosome X plus long chez C. grassei; et 3) une fixation, chez C. bottegi, de la forme subtélocentrique de la paire hétéromorphe de C. grassei. Il existe un degré de similarité élevé entre les caryotypes de C. grassei et de C. bottegi, de même qu’avec d’autres espèces africaines de Crocidura au nombre diploïde peu élevé (2n = 3644) (Maddalena et Ruedi 1994, Schlitter et al. 1999). Toutefois, ces caryotypes sont très semblables au caryotype ancestral proposé pour le genre (Maddalena et Ruedi 1994, Zima et al. 1998), ce qui ne signifie donc pas nécessairement une parenté étroite entre les espèces africaines avec un nombre diploïde peu élevé. Néanmoins, ces espèces ont probablement divergé tôt dans le processus de diversification des espèces africaines et dans certains cas, la divergence peut avoir précédé l’embranchement eurasien. D’ailleurs les études morphologiques, moléculaires et chromosomiques ont permis de classer C. bottegi comme un taxon primitif ayant commencé à diverger avant la division donnant lieu aux deux grands clades (africain et eurasien) (Maddalena et Ruedi 1994, Ruedi 1998). En se fondant sur la morphologie, Brosset et al. (1965) suggérèrent un lien de parenté étroit entre C. grassei et C. dolichura, cette dernière ayant également été identifiée comme l’un des membres plus primitifs du genre (McClellan 1994, Butler 1998). Le caryotype de C. grassei et ses similarités avec ceux de C. bottegi et de C. dolichura laissent supposer que cette espèce est issue d’une des premières branches du genre. Sylvisorex ollula Les préparations de chromosomes mitotiques de deux S. ollula mâles ont toutes les deux révélé des caryotypes de 2n = 38 (figure 1D). Nous avons observé 13 paires de chromosomes à deux bras et cinq paires d’autosomes acrocentriques. Le chromosome X est acrocentrique, le Y, métacentrique. Nous avons compté le nombre prévu de 19 bivalents en diacinèse (figure 2C-2B), et les spermatocytes secondaires avaient un nombre haploïde de 19 (figure 2D). Le complément autosomal est identiques à celui décrit pour deux spécimens du Cameroun prélevés par Schlitter et al. (1999). Le chromosome Y est cependant plus grand que celui observé chez les spécimens du Cameroun, et il est métacentrique plutôt qu’acrocentrique. Les chromosomes Y que nous avons observés chez les spécimens de Rabi peuvent différer dans l’addition de bras hétérochromatiques. Cette hypothèse pourrait être vérifiée par la coloration des bandes C. En se fondant sur le caryotype, Schlitter et al. (1999) ont révélé l’existence de deux groupes de Sylvisorex. Les espèces S. megalura et S. lunaris ont des nombres diploïde et basal élevés, tandis que les caryotypes des espèces S. johnstoni, S. isabellae, S. morio et S. ollula ont des nombres diploïde et basal faibles. Le fondement systématique de cette différence a été étayé par l’analyse des séquences géniques de l’ARNr 16S (Quérouil et al. 2001), qui a indiqué que S. megalura est plus étroitement apparentée au genre Suncus qu’au genre Sylvisorex à nombre diploïde faible, qui comprend S. ollula. 3.2 Ordre des Rodentia, famille des Muridés Heimyscus fumosus Le caryotype de Heimyscus consiste en 40 chromosomes (figure 3A). Trois paires de microchromosomes ont deux bras et les autosomes restants sont acrocentriques. Le chromosome X est grand et subtélocentrique, tandis que le Y est légèrement plus petit et acrocentrique. H. fumosus a été observé au Gabon, au Cameroun et en République centrafricaine. Brosset et al. (1965) avaient décrit cet animal comme un Hylomyscus. Par la suite, Misonne (1969) a choisi le nom de Heimyscus comme nou- Bulletin of the Biological Society of Washington, No. 12 159 veau genre monotypique pour cette souris, en se fondant sur les différences dentaires et crâniennes entre cette espèce et le genre Hylomyscus. Robbins et al. (1980) n’ont pas décrit de caryotype pour Heimyscus, mais ils signalent que les différences chromosomiques font partie des raisons pour lesquelles ils ont classé H. fumosus dans un genre distinct de Hylomyscus. Kingdon (1997) fit aussi mention de caractères chromosomiques qui distinguent les genres Heimyscus et Hylomyscus l’un de l’autre. Kingdon ne cita pas de référence, mais il est fort probable que ses renseignements provenaient de Robbins et al. (1980). Ni la description du genre (Misonne 1969) ni celle de l’espèce (Brosset et al. 1965) ne comprennent de données caryotypiques, et nous n’avons trouvé aucune description du caryotype de Heimyscus dans la littérature scientifique. Selon D. Schlitter (comm. pers.), les données de Robbins et al. (1980) étaient fondées sur un caryotype de H. fumosus qui n’avait pas été publié en raison de la qualité insuffisante de l’illustration. Bien que leurs conclusions aient été basées sur des données douteuses, il semble que Robbins et al. (1980) et Kingdon (1997) aient bien évalué les différences caryotypiques entre les genres Heimyscus et Hylomyscus. Les espèces de Hylomyscus ont un caryotype de 2n = 46, comprenant un nombre important de grands chromosomes à deux bras (figures 3B et 3C; Matthey 1963, Eisentraut 1969, Robbins et al. 1980, Viegas-Péquignot et al. 1983, Iskandar et al. 1988). En se fondant sur des données moléculaires, Lecompte et al. (2002) ont confirmé que H. fumosus ne fait pas partie du genre Hylomyscus. En se basant sur des critères morphologiques, Misonne (1969) a suggéré l’existence d’un lien de parenté étroit entre les genres Heimyscus et Dephomys, tandis que Lecompte et al. (2002) ont suggéré un lien de parenté étroit avec Malacomys verschureni. À noter qu’aucune des analyses moléculaires faites par Lecompte et al. (2002) ne portait sur le genre Dephomys. Seuls quelques spécimens de Malacomys verschureni sont connus (Nowak 1997) et le caryotype de l’espèce a été établi (Robbins and Van der Straeten 1982). Cependant, deux espèces congénères, M. edwardsi et M. longipes, ont un caryotype de 2n = 48, avec une prédominance de chromosomes acrocentriques (figure 3E; Matthey 1958, Viegas-Péquignot et al. 1983). Le caryotype de Heimyscus (figure 3A) ne diffère de celui de 160 Malacomys (figure 3E) que par l’addition de deux paires de chromosomes acrocentriques, et par des réarrangements robertsoniens entraînant la formation de deux petits chromosomes métacentriques. La morphologie des chromosomes sexuels est semblable chez les deux genres. Bien que les données chromosomiques semblent indiquer un lien de parenté étroit entre les genres Heymiscus et Malacomys, l’evaluation phylogénétique du cytochrome b rapproche Heymiscus du groupe de Praomys. Tranier et Dosso (1979) firent état des caryotypes suivants : 2n = 42 pour Dephomys eburnea (14 chromosomes à deux bras, 20 acrocentriques) et 2n = 54 pour D. defua (48 chromosomes à deux bras et 6 acrocentriques). D’après les caryotypes, le genre Dephomys semble moins étroitement apparenté à Heimyscus que ne l’est Malacomys. Hylomyscus parvus Une femelle de cette espèce prélevée à Rabi présentait un nombre diploïde de 46. Ses autosomes comprennent 13 paires de chromosomes à deux bras et 9 paires de chromosomes acrocentriques (figure 3B). Le complément autosomal est identique à celui décrit par Robbins et al. (1980) pour l’espèce H. parvus du Cameroun. Cependant, notre spécimen du Gabon diffère de cette dernière par la morphologie de ses chromosomes sexuels. Bien qu’il s’agisse d’une femelle, notre spécimen semble avoir des chromosomes X hétéromorphes, l’un étant acrocentrique et plus grand que l’autre, subtélocentrique. Comme les autres chromosomes sont identiques aux autosomes décrits par Robbins et al. (1980), nous croyons que cette paire de chromosomes hétéromorphes représente les chromosomes sexuels. Des chromosomes X hétéromorphes ont été décrits chez d’autres espèces de rongeurs, et sont habituellement associés à des translocations autosomiques (figure 4A; Jotterand 1972, Zhu et al. 2003). Hylomyscus stella On a signalé une certaine variation entre les spécimens de H. stella. Matthey (1963) qui a décrit deux caryotypes similaires (2n = 46) pour des individus provenant d’une même localité du Congo. Chez la forme « grande », l’auteur a observé 13 paires d’autosomes à deux bras et 9 paires acrocentriques, et chez la forme « petite », 12 paires à deux bras et 10 paires acrocentriques. Matthey a considéré les deux formes comme des sous-espèces, bien qu’il ne leur ait pas Gamba, Gabon: Biodiversité d'une forêt équatoriale africaine attribué de noms taxinomiques formels. Chez la forme dite grande, Matthey (1963) décrivit un grand chromosome X submétacentrique et un petit Y subtélocentrique, et chez la forme dite petite, un chromosome X presque métacentrique et un Y acrocentrique. Robbins et al. (1980) ont observé un caryotype correspondant à la forme « grande » décrite par Matthey chez une femelle du Cameroun. ViegasPéquignot et al. (1983) ont signalé, chez un spécimen provenant de la République centrafricaine, un caryotype de 2n = 46, constitué de 12 autosomes à deux bras et de 10 acrocentriques. Bien que les autosomes de ce spécimen ressemblent à ceux décrits par Matthey pour la forme « petite », les chromosomes sexuels ressemblent, quant à eux, à ceux de la forme « grande ». Chez des spécimens provenant du nord est du Gabon, Iskandar et al. (1988) font état d’un caryotype de 2n = 46, comprenant 11 paires d’autosomes à deux bras et 11 paires acrocentriques. Iskandar et al. (1988) décrivirent également une forme sympatrique, avec 2n = 44, qu’ils considérèrent comme une espèce distincte (bien qu’ils ne lui aient pas attribué de nom) d’après l’analyse des données relatives aux allozymes. Nous avons examiné deux H. stella mâles, et tous les deux avaient un nombre diploïde de 46, avec 12 paires d’autosomes à deux bras et 10 paires acrocentriques (figure 3C). Le complément autosomal correspond donc à celui décrit par Matthey (1963) pour la forme dite « petite ». Les chromosomes X Figure 4. Caryotypes standard de rongeurs provenant du champ pétrolifère de Rabi. (A) Mus musculoides, femelle, TK110397; (B) Mus musculoides, mâle, TK110398; (C) Praomys tullbergi, femelle, TK110302. et Y sont tous les deux submétacentriques, par conséquent le X correspond à celui décrit par Matthey pour la forme « grande ». Le Y est nettement submétacentrique et son bras court est plus long que celui du Y de la variété « grande » de l’illustration de Matthey. Les préparations méiotiques ont produit des cellules en diacinèse possédant 23 chromosomes bivalents (figure 2E). D’après les caryotypes décrits dans la littérature, il est clair que l’espèce H. stella présente une variabilité chromosomique chez une bonne partie de ses sujets d’Afrique tropicale. Les études futures chez H. stella devraient faire appel à la coloration des bandes G pour documenter les variations caryotypiques ainsi que l’étendue des variations ayant eu lieu au sein des populations et entre celles-ci. Lophuromys nudicaudus Une femelle de cette espèce a un nombre diploïde de 56 chromosomes, parmi lesquels dix paires sont métacentriques ou submétacentriques (figure 3D). Les 18 paires restantes sont acrocentriques. Nous n’avons pas pu identifier les chromosomes sexuels. Chez Lophuromys, les nombres diploïdes varient de 42 à 70 (Robbins et Baker 1978, Aniskin et al. 1997). Verheyen et Van der Straeten (1980) ont établi les caryotypes d’un mâle et d’une femelle de L. nudicaudus du Cameroun, et ont trouvé un nombre diploïde de 56 chez les deux sujets. Les cellules qu’ils ont examinées avaient de 14 à 17 chromosomes métacentriques ou submétacentriques. Verheyen et Van der Straeten (1980) ont signalé qu’un ou deux chromosomes acrocentriques présentaient une constriction secondaire. Nous n’avons pas observé de constriction dans les chromosomes que nous avons examinés. Malacomys longipes Viegas-Péquignot et al. (1983) ont examiné l’espèce M. longipes de la Côte d’Ivoire et ils ont fait état d’un caryotype de 2n = 48, comprenant 22 paires d’autosomes acrocentriques et une paire de petits autosomes métacentriques. Les chromosomes X et Y étaient tous les deux submétacentriques, et le bras court du Y était hétérochromatique. Le caryotype standard que nous avons établi à partir d’un seul mâle du Gabon (figure 3E) ne présentait pas de différence par rapport au caryotype décrit pour le spécimen de la Côte d’Ivoire. Bulletin of the Biological Society of Washington, No. 12 161 Mus musculoides Les deux animaux de cette espèce chez lesquels nous avons étudié le caryotype faisaient partie d’une série de spécimens prélevés près de milieux ouverts associés à des zones résidentielles, à Rabi. Le mâle et la femelle ont tous les deux un nombre diploïde de 34, et leurs autosomes sont identiques (figures 4A et 4B). Tous les autosomes sont acrocentriques. Le chromosome X, qui est submétacentrique, est le plus grand du caryotype. Le chromosome Y, qui est aussi relativement grand, est subtélocentrique. Chez la femelle, les chromosomes X sont hétéromorphes (figure 4A). Selon nous, le plus petit chromosome X aurait subi une délétion (Xd), ce qui a d’ailleurs été signalé chez d’autres individus de ce complexe (Jotterand-Bellomo 1984, 1986, Castiglia et al. 2002). Une importante variabilité caryotypique a été documentée chez ce groupe, et la taxinomie n’est pas encore définitive (Jotterand 1972, Castiglia et al. Figure 5. Caryotypes standard de Mégachiroptères provenant du champ pétrolifère de Rabi. (A) Epomops franqueti, femelle, TK110252; (B) Epomops franqueti, mâle, TK110475; (C) Hypsignathus monstrosus, femelle, TK110258; (D) Megaloglossus woermanni, mâle, TK110338. 162 2002). Il n’y a pas de consensus général sur le nombre d’espèces biologiques représentées dans le groupe, et le nom « Mus minutoides/musculoides » a été attribué aux souris du complexe. Les nombres diploïdes varient de 2n = 18 à 2n =34 dans ce complexe (Jotterand 1972, Castiglia et al. 2002). Les études de coloration des bandes G ont confirmé que cette variation résulte de fusions robertsoniennes, et que les chromosomes sexuels ont été transloqués sur la paire d’autosomes no 1 chez des spécimens provenant de la Côte d’Ivoire et de la Zambie (Jotterand-Bellomo 1984, 1986, Castiglia et al. 2002). Sans études de coloration des bandes G, nous ne pouvons confirmer cette translocation chez nos spécimens du Gabon, mais le grand chromosome X submétacentrique observé chez le mâle et la femelle semble indiquer que cette même translocation aurait eu lieu. Les autosomes sont tous acrocentriques chez nos spécimens provenant de Rabi. Le caryotype de 2n = 34 est caractéristique du caryotype ancestral présumé (Jotterand-Bellomo 1984, 1986), la seule différence étant la translocation ayant eu lieu entre les chromosomes de la paire 1 et les chromosomes sexuels. D’autres caryotypes du complexe Mus minu- Figure 6. Caryotypes standard de Mégachiroptères provenant du champ pétrolifère de Rabi. (A) Myonycteris torquata, femelle, TK110264; (B) Myonycteris torquata, mâle, TK110392; (C) Scotonycteris zenkeri, mâle, TK110465. Gamba, Gabon: Biodiversité d'une forêt équatoriale africaine toides/musculoides dérivent de ce phénomène et résultent de diverses fusions centriques. Praomys tullbergi On a retrouvé un nombre diploïde de 34 chez une femelle de l’espèce Praomys tullbergi (figure 4C). Les chromosomes de la plus grande paire sont subtélocentriques et légèrement hétéromorphes en ce qui a trait à la longueur du bras court. Nous considérons les chromosomes restants comme acrocentriques, bien que de minuscules bras courts soient visibles chez un certain nombre d’entre eux. Le même caryotype a été décrit par Matthey (1958) et par Petter (1975) pour des spécimens provenant de la Côte d’Ivoire et de la République centrafricaine. Ces auteurs ont décrit des chromosomes X et Y acrocentriques, mais nous n’avons pas réussi à identifier lesquels des chromosomes acrocentriques pourraient représenter les chromosomes X chez notre femelle. Qumsiyeh et al. (1990) font état d’un spécimen du Kenya chez lequel le nombre diploïde est de 2n = 35, mais il s’agit probablement d’une espèce qui n’a pas encore été décrite. 3.3 Ordre des Chiroptera, famille des Ptéropodidés Epomops franqueti Peterson et Nagorsen (1975) de même que Haiduk et al. (1980) ont décrit un caryotype de 2n = 36 chez des spécimens de E. franqueti provenant du Cameroun et du Kenya. Le caryotype décrit pour les spécimens du Kenya est fondé sur l’étude des chromosomes de deux femelles, tandis que celui des spécimens du Cameroun provient d’un échantillon comprenant quatre femelles et un mâle. Haiduk et al. (1980) ont décrit un système de chromosomes sexuels de type standard XX/XY, et ont signalé que les deux chromosomes sexuels étaient subtélocentriques. Le chromosome X était de taille intermédiaire et le Y le plus petit de tous dans le complément. Nous avons caryotypé un mâle de cette espèce et trouvé un nombre diploïde de 2n = 35, avec un complément autosomal identique à celui décrit précédemment (figure 5 A-B). Cependant, aucune des cellules examinées ne possédait de chromosome Y. Les diacinèses permettent de voir 18 éléments, dont un semble être un chromosome X univalent (figure 2F). Un système de chromosomes sexuels XX/XO est connu chez deux espèces du genre Epomophorus (Peterson et Nagorsen 1975). Il semble qu’il y ait une certaine variation dans le caryotype des mâles du genre Epomops, mais l’origine de cette variation demeure inconnue. Il se peut que certaines populations soient polymorphes relativement à la perte du chromosome Y ou qu’il y ait une variation géographique à l’égard des chromosomes sexuels. Hypsignathus monstrosus Haiduk et al. (1980, 1981) ont examiné des femelles du Zaïre et du Cameroun et trouvé un caryotype de 2n = 36, tous les chromosomes ayant deux bras. Le caryotype que nous avons établi pour une femelle de Rabi était identique (figure 5C). Megaloglossus woermanni Nous avons analysé les caryotypes de deux femelles et trois mâles de l’espèce M. woermanni. Tous les spécimens avaient un caryotype de 2n = 34 (figure 5D). Tous les autosomes possèdent deux bras, à l’exception de la paire de plus petits, qui sont acrocentriques. Les chromosomes sexuels possèdent également deux bras. Le caryotype standard est identique à celui observé par Haiduk et al. (1980) chez deux spécimens du Cameroun. Le caryotype standard est similaire à celui observé chez d’autres chauvessouris de la famille des Ptéropodidés, bien que le nombre diploïde soit plus petit. Haiduk et al. (1981) ont eu recours à des techniques de coloration des bandes chromosomiques pour déterminer l’homologie entre les bras chromosomiques. Ils ont conclu que le caryotype du genre Megaloglossus a subi deux inversions péricentriques, deux translocations et l’addition d’hétérochromatine au bras court du chromosome X. Myonycteris torquata Nous avons examiné 12 femelles et un mâle de cette espèce; tous les spécimens ont un nombre diploïde de 36 (figures 6A et 6B). Tous les autosomes possèdent deux bras à l’exception d’une paire de petits acrocentriques. Le chromosome X est subtélocentrique et le Y est très petit et acrocentrique. La série étudiée comprend des spécimens de trois variantes morphologiques. Les caryotypes des trois formes sont identiques et des analyses moléculaires (Rodriguez et al. ce volume) indiquent que les variantes morphologiques forment une seule population. Selon Rodriguez et al. (ce volume), la variation morphologique serait fonction de l’âge. Bulletin of the Biological Society of Washington, No. 12 163 Haiduk et al. (1980, 1981) ont trouvé un caryotype identique chez un spécimen provenant du Cameroun. Ce dernier est hétérozygote en ce qui a trait à la paire 1, qui a subi une inversion péricentrique. L’inversion a été mise en évidence à l’aide d’une coloration des bandes G (Haiduk et al. 1981), mais elle est également visible dans la proportion des bras court et long dans le caryotype standard (Haiduk et al. 1980). Nous n’avons pas trouvé d’indication de ce type d’hétéromorphisme dans les caryotypes standard de nos spécimens. Scotonycteris zenkeri Nous avons analysé le caryotype d’un mâle de cette espèce. Le nombre diploïde est de 32 (figure 6C). Tous les autosomes, sauf une paire, possèdent clairement deux bras. Dix paires d’autosomes sont métacentriques ou submétacentriques, une paire est acrocentrique et quatre paires sont subtélocentriques. Le chromosome X est submétacentrique. Le chromosome Y est très petit et ne semble pas posséder deux bras. Le genre Scotonycteris comprend deux espèces, S. ophiodon et S. zenkeri. Haiduk et al. (1980) ont décrit le caryotype standard de l’espèce S. ophiodon. D’après une coloration non différentielle des chromosomes, le caryotype de 2n = 34 de S. ophiodon est semblable à celui de M. torquata, mais différent relativement aux éléments suivants : les chromosomes de la paire subtélocentrique sont plus grands, et il n’y a pas de constriction secondaire comme celle observée dans une paire de chromosomes métacentriques de taille moyenne chez M. torquata. Cependant, des études ultérieures faisant appel à la coloration des bandes G et C (Haiduk et al. 1981) ont révélé que le caryotype du S. ophiodon a été radicalement réorganisé comparativement à celui d’autres chauves-souris de la famille des Ptéropodidés, et que les préparations chromosomiques standard ne permettent pas d’estimer adéquatement l’importance de l’évolution chromosomique. Haiduk et al. (1981) ont avancé l’hypothèse selon laquelle la dérivation du caryotype de Scotonycteris a nécessité au moins 13 réarrangements chromosomiques ainsi que cinq additions d’hétérochromatine et une inversion péricentrique du chromosome X. Nos préparations standard de cellules de S. zenkeri révèlent un caryotype de 2n = 32, similaire à celui observé chez le S. ophiodon, mais avec certaines différences notables. Les deux espèces de 164 Scotonycteris possèdent une seule paire d’autosomes acrocentriques. Toutefois, chez le S. ophiodon, ce sont les autosomes de la plus petite paire qui sont acrocentriques, tandis que chez le S. zenkeri, ils sont subtélocentriques, et une paire de taille moyenne est acrocentrique. Dans nos préparations, les chromosomes sont plus contractés que ceux illustrés par Haiduk et al. (1980), alors il est difficile de comparer les tailles, mais S. zenkeri ne possède pas la très grande paire subtélocentrique signalée chez S. ophiodon. Contrairement à ce que l’on observe chez S. ophiodon, chez S. zenkeri les trois plus grandes paires subtélocentriques sont à peu près de la même taille. Enfin, chez S. zenkeri, le chromosome Y ne semble pas avoir deux bras. Tant les préparations standard de chromosomes que les techniques de coloration des bandes chromosomiques ont révélé que l’espèce S. ophiodon est distincte des espèces apparentées de chauves-souris frugivores (Haiduk et al. 1980). Bien que les deux espèces de Scotonycteris aient des caryotypes similaires, il vaut mieux procéder à des études de coloration des bandes chromosomiques pour déterminer une quelconque homologie chromosomique. Références Aniskin, V.M., L.A. Lavrenchenko, A.A. Varshaviskii et A.N. Milishikov. 1997. Karyotypic differentiation of three harsh-furred mouse species of Genus Lophuromys (Murinae, Rodentia) from the Bale Mountains National Park, Ethiopia. Genetika 33: 967-973. Baker, R.J., M. Hamilton et D.A. Parish. 2003. 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