Liberté surveillée pour le Robinier Environnement - Septembre 2011 Le Robinier (communément appelé acacia) est une essence bien connue des forestiers. Autrefois très utilisé pour la fabrication de piquets de vigne et de clôture, il a gagné ces dernières années ses lettres de noblesse en étant de plus en plus utilisé en bois d??uvre. Grâce à la qualité de son bois, qui en fait une essence très appréciée en utilisation extérieure, et à la forte diminution des possibilités d?importation de bois exotiques, le robinier est de plus en plus prisé. Sa place dans la forêt française reste néanmoins bien imprécise : espèce autochtone ou exogène, envahissante ou invasive ? Le Robinier ; origines et caractéristiques C?est un arbre originaire des Appalaches, à l?est de l?Amérique du Nord. Il a été introduit en France en 1601 par Jean Robin, arboriste du roi Henri IV. Essence à caractère pionnier, il est peu exigeant. Il est assez plastique quant à l?acidité des sols et affectionne les sols légers et filtrants. Il redoute tout particulièrement les sols argileux, compacts et mal drainés. Le Robinier a surtout été utilisé pour coloniser les terrains pauvres qu?il enrichit grâce à sa capacité de fixation de l?azote de l?air qu?il stocke au niveau racinaire. Il a aussi été très employé pour stabiliser le ballast des voies de chemin de fer. Une essence autochtone ? Les termes autochtone et indigène sont indifféremment utilisés pour caractériser une espèce originaire du territoire sur lequel elle se développe. Dès lors que l?aire naturelle de répartition d?une plante se trouve en dehors du territoire considéré, il s?agit alors d?une espèce allochtone ou exogène. La véritable question qui se pose est de savoir jusqu?à quand doit on faire remonter l?origine d?une espèce pour pouvoir la considérer comme indigène ? Certains spécialistes s?accordent pour dire qu?une espèce peut-être considérée comme autochtone dès lors que sa présence sur un territoire est attestée avant 1500 ans après JC (Conservatoire Botanique National de Bailleul). Le choix de cette date semble toutefois difficile à justifier. En s?en référant à cette définition, le Robinier faux acacia, introduit en France en 1601 ne serait donc pas une essence indigène. Espèces invasives et espèces envahissantes Ces deux qualificatifs caractérisent l?aptitude de certaines plantes à développer une dynamique d?extension rapide en colonisant des espaces sur lesquels elles étaient absentes ou peu représentées, et en devenant dominantes au détriment d?autres espèces déjà en place. Le mode de dissémination, qu?il soit par multiplication végétative (drageons) ou par reproduction sexuée (graines) importe peu. Le caractère envahissant est ainsi inféodé aux espèces autochtones alors que celui d?invasif est lié aux espèces allochtones. Le Robinier essence invasive ? Le Robinier, s?il est considéré comme non indigène en France, en raison de ses caractéristiques d?essence pionnière et de ses capacités de colonisation rapide par drageonnement, devient alors une essence "invasive avérée". C?est dans cette catégorie que le classent la plupart des Conservatoires Botaniques Nationaux qui ont procédé à l?établissement de ces listes. Quelles sont les conséquences d?un tel classement ? Il faut au préalable rappeler que pour beaucoup de spécialistes du monde végétal, les espèces invasives, souvent appelées "pestes végétales", sont considérées comme la seconde cause d?érosion de la biodiversité au niveau mondial, après la dégradation et la disparition des habitats. Le Grenelle de l?environnement a bien identifié cette menace à l?échelon national et a émis le souhait de réglementer fortement l?utilisation de ces espèces invasives. Actuellement en France, seules deux espèces végétales invasives sont concernées par un arrêté datant de mai 2007 interdisant leur commercialisation, leur utilisation et leur introduction dans le milieu naturel ; il s?agit de deux Jussies, plantes aquatiques malheureusement bien connues. Un autre arrêté concernant une vingtaine d?autres plantes aquatiques invasives serait en réflexion. Si aucune des autres espèces invasives n?est pour l?instant soumise a une quelconque réglementation, il va de soi que l?importance des reproches formulés à leur encontre ne saurait rester très longtemps sans effets. Et le Robinier dans tout cela ? Les forestiers connaissent bien les propensions du Robinier a étendre son territoire notamment à l?occasion des coupes de taillis. Sa forte croissance juvénile en fait un compétiteur redoutable. Pour autant, il n?a tendance à envahir par drageonnement que les abords des zones sur lesquelles il est déjà implanté ; son caractère invasif est de ce fait limité. Il peut être contenu lorsqu?il est mis en concurrence avec d?autres essences à croissance rapide, ou lorsqu?il reste plus ou moins dominé dans les peuplements. Son caractère invasif est donc à relativiser en milieux forestiers et d?aucuns s?accorde à admettre que les menaces qu?il serait susceptible de faire peser sur la biodiversité sont sectorisées. Les spécialistes reconnaissent qu?en dehors des zones côtières, des zones humides et des zones de proximité d?espaces ouverts a forte valeur patrimoniale, telles que les landes sèches par exemple, le robinier ne représente pas de menaces réelles pour la biodiversité et notamment la biodiversité forestière. Les forestiers ne peuvent imaginer pour le Robinier, et ceci de façon indifférenciée, des restrictions aussi fortes que celles qui pèsent actuellement sur les Jussies. S?ils sont conscients de l?importance de la conservation de la biodiversité forestière dont ils se sentent dépositaires, ils ne sont pas prêts a sacrifier pour autant, et sans raison avérée, une essence aussi importante. En utilisant raisonnablement le Robinier sur des territoires forestiers sans forts enjeux environnementaux, le forestier contribue à la production d?un bois de substitution aux bois exotiques importés sans porter préjudice à la biodiversité remarquable de nos forêts. Il participe ainsi indirectement à la préservation des forêts tropicales et à la protection de l'environnement en contribuant à la réduction de l'utilisation de produits chimiques de préservation des bois. Du classement sans nuance de cette essence en espèce invasive ou non dépendra l?avenir du Robinier dans nos forêts. Patrick Blanchard Ingénieur Environnement CRPF