Éditorial Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2016 ; 14 (1) : 57 Éditorial La pensée ne peut se développer qu’en combinant des mots à définition très précise avec des mots flous et imprécis, en extrayant des mots de leur sens usuel pour les faire migrer vers un sens nouveau. doi:10.1684/pnv.2016.0596 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 05/06/2017. Edgar Morin L’identité humaine Aborder la neuropsychologie de l’humour est un sujet difficile : bien que chacun possède une connaissance empirique de l’humour et qu’il ait été le sujet de multiples disciplines littéraires, philosophiques et scientifiques, sa définition et ses limites restent très incertaines. Dans cette introduction, la question est alors d’en délimiter le champ d’intérêt. Si la neuropsychologie est la discipline consacrée à l’étude des rapports entre activité psychique et fonctionnement cérébral, il nous est néanmoins apparu nécessaire d’aborder, dans un premier temps, les principales questions soulevées par la psychologie de l’humour avant d’envisager, dans un second article, ses rapports avec le fonctionnement cérébral. La multiplicité des champs de la psychologie de l’humour (linguistique, cognitif, émotionnel et social) ne peut fournir ici qu’un canevas réduit aux éléments qui nous ont paru essentiels pour aborder son rapport avec le fonctionnement cérébral, ce qui conduit notamment à réduire l’étude de sa dimension sociale, pourtant fondamentale. L’humour est caractérisé, avant tout, par une émotion positive dont le déclenchement est régi par des mécanismes cognitifs particuliers qui apparaissent et se développent parallèlement au développement des capacités cognitives et des rapports sociaux par conditionnement et imitation. Son étude dans la vie quotidienne se heurte à de nombreuses difficultés d’où la multiplication de nombreux travaux expérimentaux dont le caractère variable, mais toujours schématique et réducteur, laisse souvent planer un doute sur la validité de leur méthodologie et de leurs résultats et, a fortiori, de leur application à la vie quotidienne. L’objectif de cet article ne saurait viser à rendre compte de tous les travaux concernant la psychologie de l’humour : il se limite à en introduire les principaux éléments et à soulever les nombreuses interrogations qui restent sans réponse : comment comprendre le lien entre le(s) mécanisme(s) cognitif(s) et le déclenchement du plaisir que procure l’humour ? Quels sont les rapports de l’humour avec le comique et les autres émotions positives (rire, joie, bien-être. . .) ? Les différentes terminologies associées à l’humour (humour noir, ironie, sarcasme) relèvent-elles d’un mécanisme unique ou différencié ? Christina Calso et al. nous offrent une excellente mise au point sur les modèles actuels qui sous-tendent le vieillissement des fonctions cognitives et métacognitives en rapport avec l’activité des lobes frontaux, et soulignent l’hétérogénéité de l’effet du vieillissement sur ces fonctions. Claire Roubaud Baudron et al. livrent le deuxième volet de leur étude consacrée à l’hypothèse infectieuse de la maladie d’Alzheimer en résumant leurs travaux sur l’implication possible d’Helicobacter pylori. Le travail de Nouréddine Bouati et al., dont l’originalité est de combiner les approches systémiques et psychanalytiques, contribue à mettre en lumière les différents facteurs psychologiques et sociaux dont la compréhension permet de mieux prévenir l’épuisement des aidants familiaux de patients dépendants. Valentina La Corte et Pascale Piolino montrent le lien entre passé et futur au niveau de la mémoire personnelle qui assure le voyage dans le temps et le sentiment de la continuité du soi. L’altération de ce lien est toutefois différente dans la maladie d’Alzheimer et dans la démence sémantique, ce qui conduit les auteures à proposer un nouveau modèle distinguant deux types de continuité temporelle, phénoménologique et sémantique. Kevin Charras et al. ont essayé de répondre à la question difficile de l’évaluation des interventions non médicamenteuses et proposent une démarche qui veut améliorer les résultats des études publiées sur le sujet. Les études menées selon les critères d’évaluation de l’efficacité des médicaments se révèlent inadaptées pour évaluer cette efficacité ou comparer entre elles les différentes méthodes utilisées. Aux insuffisances d’élaboration méthodologique, s’ajoute le fait que beaucoup de ces interventions sont menées par des acteurs persuadés de l’efficacité de leur méthode dont témoigne l’amélioration rapportée par les patients ou les familles dans laquelle les phénomènes de transfert jouent un rôle essentiel. Il faut remarquer que la nécessité d’une évaluation objective est ainsi plus fondée sur des impératifs financiers (quelle technique recommandée, quel rapport bénéfice/coût ?) que sur le résultat subjectif des uns ou des autres. Pour citer cet article : Derouesné C. Éditorial. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2016 ; 14(1) : 57 doi:10.1684/pnv.2016.0596 Christian DerouesnÉ 57