revue
Virologie 2012, 16 (3) : 148-57
Les récepteurs d’entrée du HTLV-1 :
un ménage à trois
Sophie Lambert1,2,3,4
Manuella Bouttier1,2,3,4
David Ghez1,2,3,4
Oliver Hermine1,2,3,4
Claudine Pique1,2,3,4
1Institut Cochin, Inserm, U1016, 22 rue
Méchain, 75014 Paris, France
2CNRS, UMR8104, Paris, France
3Université Paris-Descartes,
Sorbonne-Paris-Cité, Paris, France
4CNRS, UMR8147, université
Paris-Descartes, Sorbonne-Paris-Cité,
Paris, France
Résumé. L’identification du récepteur d’entrée pour un virus est toujours un défi
et à l’heure actuelle, certains virus importants en pathologie humaine restent tou-
jours sans récepteur connu. Le virus T-lymphotrope humain de type 1 (HTLV-1),
seul rétrovirus responsable d’un cancer chez l’homme fut identifié au début des
années 1980. La nature de son récepteur resta un mystère pendant plus de 20 ans,
jusqu’à l’identification par différents laboratoires de trois protéines présentant les
critères attendus : le transporteur de glucose Glut1, La neuropiline 1, un récep-
teur du VEGF, et les héparanes sulfates protéoglycanes. Cette revue décrit les
différentes étapes qui ont conduit à l’identification de ces trois récepteurs et pro-
pose un modèle intégré dans lequel ces protéines interviennent successivement
au cours du processus d’entrée.
Mots clés : leucémie, rétrovirus, étapes précoces, protéoglycanes, neuropiline,
Glut1
Abstract. The identification of the cellular receptor used by viruses to enter their
target cells is always a challenge and to date entry receptors remain to be iden-
tified for a variety of pathogenic human viruses. Human T-lymphotropic virus
type 1 (HTLV-1), the unique oncogenic retrovirus in human, was identified in
the early 1980’s. The nature of its entry receptor has remained a mystery for
over 20 years, until the independent identification of three proteins presenting
the expected criteria, the glucose transporter Glut1, Neuropilin 1, a VEGF recep-
tor, and heparan sulfate proteoglycans. In this review, we summarize the data
pertaining to HTLV-1 entry molecules and present a new model, in which these
three proteins successively intervene during the entry process.
Key words: leukemia, retrovirus, early steps, proteoglycans, Neuropilin, Glut1
HTLV-1, l’autre rétrovirus humain
Le virus T-lymphotrope humain de type 1 (human T-cell
lymphotropic virus, type 1 [HTLV-1]) fut le premier rétro-
virus pathogène découvert chez l’homme, environ deux
ans avant la découverte du virus de l’immunodéficience
humaine de type 1 (VIH-1). HTLV-1, dans un premier
temps reconnu comme l’agent étiologique de la leucémie
aiguë de l’adulte (adult T-cell leukemia, [ATL]) fut ensuite
associé à une pathologie de type inflammatoire, la para-
parésie spastique tropicale/myélopathie associée à HTLV-1
(TSP/HAM). À la différence du VIH-1, HTLV-1 n’est pas
responsable d’une pandémie mais est uniquement retrouvé
Tirés à part : C. Pique
dans certains foyers endémiques bien définis (Afrique,
Amérique centrale et du Sud et Iles Caraïbes, Mélané-
sie, Japon), représentant environ 20 millions d’individus
infectés dans le monde [1].
HTLV-1 fut isolé à partir d’une culture de lymphocytes T
CD4 + établie d’un patient atteint d’un lymphome cutané
à cellules T [2]. Bien que les lymphocytes CD4 + soient
les cibles majoritaires du virus, d’autres types cellulaires
sont infectés in vivo incluant les cellules T CD8 + [3], les
monocytes et les lymphocytes B [4]. L’infection des cel-
lules dendritiques (DC) et leur capacité à infecter dans
un second temps des lymphocytes T CD4 + ont été éga-
lement mises en évidence [5, 6]. Enfin, l’ADN proviral
du HTLV-1 a été détecté dans les cellules endothéliales
[7] ainsi que dans les astrocytes de patients atteints de
TSP/HAM [8].
148 Virologie, Vol 16, n3, mai-juin 2012
doi:10.1684/vir.2012.0452
Pour citer cet article : Lambert S, Bouttier M, Ghez D, Hermine O, Pique C. Les récepteurs d’entrée du HTLV-1 : un ménage à trois. Virologie 2012; 16(3) : 148-57 doi:10.1684/vir.2012.0452
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017.
revue
Contrairement au VIH-1, les virions HTLV-1 ne sont pas
capables d’infecter directement un lymphocyte T cible et la
transmission du HTLV-1 entre lymphocytes T nécessite un
transfert de cellule à cellule. Deux modes de transmission
cellule-cellule ont été mis en évidence : la synapse virolo-
gique (SV) et les biofilms (figure 1). La SV, qui présente des
analogies avec la synapse immunologique est une jonction
membranaire délimitant un espace intercellulaire au sein
duquel les particules virales sont libérées juste au contact
de la cellule cible [9]. Les biofilms sont des structures adhé-
sives présentes à la surface de la cellule infectée qui sont
formées de particules virales enchâssées dans une matrice
d’origine cellulaire [10].
L’acteur viral : les glycoprotéines
d’enveloppe
Le cycle de réplication des virus débute par l’entrée du
virus dans la cellule hôte. Chez les rétrovirus, le processus
d’entrée se décompose en deux étapes majeures :
liaison de la particule virale au(x) récepteur(s) présent(s)
à la surface de la cellule cible ;
fusion de l’enveloppe virale avec la membrane plasmique
de la cellule cible (figure 2).
Du côté rétroviral, l’entrée fait intervenir les glycoprotéines
d’enveloppe virales (Env), enchâssées dans l’enveloppe
lipidique entourant la nucléocapside virale (figure 2). Les
protéines Env sont constituées d’une sous-unité de sur-
face (SU) et d’une sous-unité transmembranaire (TM),
toutes deux issues du clivage dans l’appareil de Golgi d’un
précurseur préalablement synthétisé au niveau du réticu-
lum endoplasmique. La SU, exposée à la surface de la
particule virale est liée à la TM qui, par son domaine
transmembranaire, ancre le complexe ainsi formé dans
l’enveloppe virale. La TM porte également dans sa partie
N-terminale un peptide hydrophobe capable de s’insérer
dans les membranes (peptide de fusion, figure 2). La
SU intervient en premier dans le processus d’entrée en
recrutant le(s) récepteur(s) cellulaire(s). Cette interaction
SU/récepteur(s) déclenche un changement de conformation
qui déplace la SU au sein du complexe SU/TM, permettant
ainsi l’exposition de la TM et de son peptide de fusion et
finalement, la fusion des membranes virale et cellulaire.
Dans le cas des gammarétrovirus, le processus d’entrée fait
intervenir un seul récepteur. En revanche, dans le cas des
lentivirus, le VIH-1 notamment, deux récepteurs sont enga-
gés, le récepteur de liaison (CD4) utilisé par l’ensemble
des souches virales et un corécepteur qui diffère selon la
souche virale et le type de cellule cible (CCXCR4 ou CCR5)
[11, 12].
Pour ce qui concerne HTLV-1, le précurseur Env correspond
à une protéine de 61 kDa, clivée en SU/gp46 et TM/gp21
[13]. Aucune donnée structurale directe n’est disponible à
ce jour pour la SU du HTLV-1. En revanche, les études
A. Synapse virologique
Cellule
infectée
Cellule
cible
COMT
Actine
Cellule
infectée
Cellule
cible
B. Biofilms
Zone synaptique
COMT : Centre Organisateur
des microtubules
ICAM-1
lFA-1
Env
Virions HTLV-1
Capside virale
Récepteur(s) d'entrée
Matrice extracellulaire
Figure 1. HTLV-1 se transmet de cellule à cellule par la synapse virologique (SV) ou au sein de biofilms. A) Représentation schématique
de la SV formée entre un lymphocyte T infecté par HTLV-1 et un lymphocyte T cible. Les protéines virales (Env) et cellulaires (récepteurs,
molécules d’adhérence ICAM-1 et LFA-1) impliquées dans la formation de la SV ainsi que la polarisation du centre organisateur des micro-
tubules (COMT) induite dans la cellule infecté sont représentées. B) Représentation schématique des biofilms produits par le lymphocyte
T infecté et transmis au lymphocyte T cible. Les particules virales enchâssées dans une matrice extracellulaire collées à la cellule sont
représentées.
Virologie, Vol 16, n3, mai-juin 2012 149
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A-LIAISON DE LA SU AU RÉCEPTEUR
Particule
rétrovirale
Milieu
extracellulaire
Protéine
transmembranaire (TM)
Protéine de surface
(SU)
Membrane cellulaire
Récepteur d´entrée
Env
B-CHANGEMENT DE CONFORMATION DE LA SU ET
EXPOSITION DU PEPTIDE DE FUSION DE LA TM
Peptide de fusion
D-FORMATION ET ELARGISSEMENT DU PORE ET LlBÉRATION
DE LA NUCLÉOCAPSIDE DANS LE CYTOPLASME
C-ANCRAGE DU PEPTIDE DE FUSION ET FUSION DES
MEMBRANES VIRALE ET CELLULAIRE
Figure 2. L’entrée des particules rétrovirales dans la cellule hôte est gouvernée par les glycoprotéines d’enveloppe qui correspondent
à un complexe formé entre une glycoprotéine de surface (SU) et une glycoprotéine transmembranaire (TM). La SU porte le domaine de
liaison au récepteur et la TM contient le peptide de fusion dans sa partie N-terminale. A) La SU enchâssée dans l’enveloppe virale se
lie au récepteur d’entrée. B) L’interaction SU/récepteur induit un changement de conformation de la SU qui aboutit à un déplacement de
celle-ci et à l’exposition de la TM, en particulier de son peptide de fusion. C) Le peptide de fusion s’insère dans la membrane plasmique
et déclenche la fusion de l’enveloppe virale et de la membrane plasmique. D) Enfin, le pore ainsi formé s’élargit et permet la libération de
la nucléocapside virale dans le cytoplasme.
structurales et fonctionnelles réalisées sur les rétrovirus
murins de type Murine Leukemia Virus (MLV) ont montré
que la SU est organisée en trois modules :
un domaine N-terminal portant la région minimale de
liaison au récepteur (Receptor Binding Domain [RBD]) ;
une courte région riche en proline (Proline Rich Region
[PRR]) ;
un domaine C-terminal (C-terminal Domain [CTD]) [14]
(figure 5).
L’alignement des séquences d’acides aminés des SU de
HTLV-1 et MLV montre que la SU du HTLV-1 est organi-
sée de fac¸on similaire [15]. La région 25-180 de la SU de
HTLV-1, correspondant au domaine RBD, est bien res-
ponsable de la liaison des glycoprotéines d’enveloppe à
la surface des cellules cibles [15, 16]. Cependant, des
domaines situés en dehors du RBD sont également impli-
qués dans cette interaction [17].
La contrepartie cellulaire : données
initiales sur le récepteur du HTLV-1
Bien avant l’identification du récepteur du HTLV-1, diffé-
rentes propriétés de celui-ci avaient été mises en évidence.
Il avait ainsi été montré, que ce ou ces récepteur(s) étaient
exprimés de fac¸on ubiquitaire et étaient très conservés
parmi les vertébrés [18] : en effet, la presque totalité des
lignées de laboratoires s’avéraient capables de fusionner
avec des cellules exprimant les glycoprotéines d’enveloppe
du HTLV-1 (formation de cellules géantes multinuclées
appelées syncytia), cette fusion étant dépendante des inter-
actions Env/récepteur. Cette large expression a constitué
un obstacle majeur dans la découverte du récepteur, empê-
chant d’utiliser la stratégie classique d’introduction d’ADN
complémentaire de cellules permissives dans une lignée non
permissive.
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D’autres informations concernant les modalités de liaison
du HTLV-1 furent ensuite obtenues grâce à la génération
de protéines SU solubles. Cela permit de définir une large
série de lignées cellulaires exprimant un ou des récepteurs
capables de lier directement la SU [19] et d’identifier la
seule lignée connue à ce jour pour ne pas lier la protéine
de surface du virus, la lignée de cellules de drosophile S2.
D’autres travaux montrèrent que l’expression du récepteur
du HTLV-1 est induite lors de l’activation des lymphocytes
T [20, 21].
Des molécules impliquées dans l’entrée du HTLV-1 ont été
recherchées dès la découverte du virus. Il a été initialement
proposé que la région q23 du chromosome 17 contienne
un gène codant le récepteur du virus [22]. Ces données ont
été remises en question ultérieurement [19] et l’hypothèse
actuelle est que ce gène code plutôt pour un co-facteur de
l’entrée. Certains candidats initialement identifiés en tant
que cibles d’anticorps neutralisant la formation de syncytia
se sont avérés être plutôt des facilitateurs des contacts cellu-
laires (molécules d’adhérence) ou des protéines associées à
Env (CD82) [23, 24]. Il a été également montré que la pro-
téine HSP70 (Heat Shock Protein 70) est capable de lier la
SU et que des anticorps anti-HSP70 inhibent la formation
de syncytia [25]. Ces résultats ont été cependant nuan-
cés par des travaux ultérieurs montrant que l’expression
de HSP70 dans des cellules peu permissives à l’infection
par HTLV-1 ne restaure pas l’entrée du virus [26]. Enfin,
la molécule DC-SIGN, déjà connue pour permettre la liai-
son aux cellules du VIH-1, a été récemment impliquée dans
l’infection des DC par des particules HTLV-1 [27].
Trois récepteurs identifiés
Les premières données solides concernant l’identification
d’un récepteur d’entrée furent publiées en 2003, soit plus
de 20 ans après la découverte du virus (voir pour revue
[28, 29]). Deux molécules furent ainsi identifiées indépen-
damment :
le transporteur de glucose Glut1 ;
un récepteur du VEGF165, la neuropiline 1 (NRP1).
La contribution directe d’un troisième acteur, les héparanes
sulfates protéoglycanes (HSPG), dans le processus d’entrée
fut également démontrée (figure 3).
Glut1 est une perméase constituée de 12 hélices hydro-
phobes transmembranaires qui forment un véritable « pore »
responsable du transport passif du glucose (figure 3A) [30].
Cette protéine est exprimée dans de nombreux tissus et
dans la majorité des lignées de laboratoires. L’identification
du rôle de Glut1 débuta par une observation macrosco-
pique surprenante. L’expression du domaine N-terminal
de la SU du HTLV-1 (H1-RBD) dans des cellules empê-
chait l’acidification du milieu et induisait ainsi un « effet
rouge » [31]. Sachant que les SU d’autres rétrovirus forment
des complexes intracellulaires avec leurs récepteurs, les
auteurs émirent l’hypothèse que la SU était capable de lier
une protéine impliquée dans le processus d’acidification,
lui-même lié à la production de lactate. Des investigations
plus poussées montrèrent que Glut1 était le transporteur
impliqué. Les données de cette étude montraient ainsi
que l’expression du H1-RBD altère le métabolisme gluci-
dique et que la liaison du H1-RBD à la surface des cellules
ABC
Glut1
Core protéique
Chaîne d´héparanes
sulfates
Milieu
extra cellulaire
Bicouche
lipidique
Héparanes sulfates
protéoglycanes
Neuropiline 1
Domaines
a
a
c
COOH
NH2
Figure 3. L’entrée du HTLV-1 fait intervenir trois protéines de surface. A) Glut1, un transporteur de glucose ubiquitaire à 12 domaines
transmembranaires. B) La neuropiline 1 (NRP-1), protéine à un seul domaine transmembranaire composée de 3 domaines extracellulaire,
a, b et c, et d’un court domaine cytoplasmique. C) Les Héparanes sulfates protéoglycanes (HSPG), constitués d’un squelette protéique sur
lequel sont fixées des chaînes d’héparanes sulfates chargées négativement. Les HSPG existent sous formes ancrées dans la membrane
ou solubles dans le milieu extracellulaire.
Virologie, Vol 16, n3, mai-juin 2012 151
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cibles, tout comme l’infectiosité des pseudoparticules, sont
dépendantes du taux d’expression de Glut1 [31]. Une autre
étude montra ensuite que la surexpression de Glut1 aug-
mente la capacité des cellules à former des syncytia avec
des cellules infectées par HTLV-1 [32]. Enfin, les domaines
responsables de la liaison de Env ou d’événements posté-
rieurs à la liaison furent identifiés au sein de Glut1 [33].
Bien que le rôle de Glut1 dans le processus d’entrée fut
bien établi par ces premières données, des travaux d’autres
groupes suggérèrent ensuite que cette protéine ne soit pas
l’unique récepteur du HTLV-1.
Ainsi, les cellules de la lignée de glioblastome/astroglyome
U87 exprimant un faible niveau de Glut1 à la surface cellu-
laire restent pourtant permissives à l’infection par HTLV-1
[34]. De même, une expression faible ou forte de Glut1 par
les cellules cibles module en retour l’efficacité d’infection
de particules portant les glycoprotéines d’enveloppe de
HTLV-1, sans pourtant affecter leur liaison [35]. Ces don-
nées apportaient une première indication de l’implication
d’au moins une autre protéine cellulaire dans l’entrée du
HTLV-1.
NRP-1 est impliquée dans la liaison aux cellules de la
sémaphorine-3A (facteur impliqué dans le guidage axo-
nal), et de la forme majoritaire du facteur de croissance
endothéliale vasculaire (VEGF165) [36]. Dans les deux
cas, NRP-1 agit en tant que corécepteur, facilitant la
liaison des deux ligands au récepteur de signalisation,
plexine A dans le cas de la Sema3 et récepteur au VEGF
(VEGF-R) dans le cas du VEGF165. Au niveau struc-
tural, NRP-1 présente trois domaines extracellulaires (a,
b et c), un domaine transmembranaire et un domaine
intracytoplasmique court (figure 3B). Le domaine b est
capable de lier le VEGF165 mais également les chaînes
d’héparanes sulfates, (HS) des HSPG. En 2006, nos labo-
ratoires se sont intéressés à NRP-1 après avoir noté de
forts points communs entre cette protéine et le récep-
teur du HTLV-1. NRP-1 est en effet hautement conservée
parmi les vertébrés, mais n’a pas d’homologue chez les
insectes [37]. Elle est principalement exprimée par les
cellules T, les DC et les cellules endothéliales, cibles privi-
légiées du HTLV-1 in vivo. Les DC plasmacytoïdes (pDC),
capables (contrairement aux lymphocytes T) d’être infec-
tées par des particules HTLV-1 libres in vitro expriment
fortement NRP-1 [5]. NRP-1 n’est pas présente sur les
cellules T naïves mais son expression est rapidement
induite lors de leur activation [38]. Enfin, en vertu de
son rôle dans l’angiogenèse, l’expression de NRP-1 est
induite lors de la transformation cellulaire. NRP-1 est
donc exprimée aux niveaux des cellules tumorales in vivo
et donc des lignées de laboratoire établies à partir de
tumeurs [39].
Nos équipes ont d’abord montré que NRP-1 est un parte-
naire physique et fonctionnel de Env [40]. Plus précisément,
Env et NRP-1 interagissent au sein d’un même complexe et
la protéine NRP-1 endogène contribue à la liaison de la SU
à la surface des cellules cibles. En outre, le taux de NRP-1
module la formation de syncytia et l’infection dépendante
de Env du HTLV-1. De fac¸on remarquable, Glut1, NRP-1
et Env forment un complexe ternaire quand elles sont sur-
exprimées dans la même cellule. Enfin, NRP-1 colocalise
avec Env dans les jonctions formées entre lymphocytes T
infectés par HTLV-1 et lymphocytes T cibles (figure 4).
D’autres données de cette étude, confirmées par ailleurs,
montraient également que le VEGF165, bloque la liaison
et l’internalisation de particules HTLV-1 [41, 42]. Ce pre-
mier travail suggérait un lien fonctionnel entre deux des
récepteurs, Glut1 et NRP-1, et mettait en lumière l’existence
d’une compétition entre la SU et le VEGF165 pour la liaison
à NRP-1.
Les HSPG sont des glycosaminoglycanes constitués d’un
squelette protéique sur lequel sont greffées une ou plu-
sieurs chaînes polysaccharidiques de HS, portant une forte
densité de charges négatives (figure 3C) [43]. Ils existent
sous formes ancrées dans la membrane cellulaire par
leurs domaines hydrophobes ou bien libres dans le milieu
extracellulaire. Leur expression ubiquitaire et leur capa-
cité à interagir avec tout ligand chargé positivement leur
confèrent un rôle primordial dans l’attachement aux cel-
lules de nombreux composants extracellulaires, notamment
les particules virales [44]. L’interaction avec les HSPG
permet non seulement l’adsorption des particules virales
à la surface mais également leur agrégation, augmen-
tant ainsi l’avidité des interactions ultérieures. Citons par
exemple, la syndécane-3, capable de capturer spécifique-
ment les particules VIH-1, augmentant ainsi la survie
des particules virales et favorisant la transmission aux
cellules T [45].
Une première étude a montré que la déplétion enzyma-
tique des HSPG de la surface des cellules cibles diminue de
fac¸on très importante la liaison de la SU [46]. Ces résultats
étaient néanmoins délicats à interpréter dans la mesure où
les cellules T CD4 + non activées expriment peu ou pas de
HSPG. Cela fut clarifié par une étude ultérieure montrant
que l’expression des HSPG augmente au cours de la phase
de prolifération des lignées cellulaires T ou des lympho-
cytes T primaires activés [47]. Bloquer l’interaction avec
les HSPG ou retirer chimiquement les chaînes d’HS à la
surface des lymphocytes T activés ou des lignées T inhibe
presque totalement la liaison de la SU ainsi que la liaison et
l’internalisation de particules virales HTLV-1. Ces résultats
identifient donc les HSPG comme des acteurs à part entière
de l’entrée du HTLV-1.
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