revue
cibles, tout comme l’infectiosité des pseudoparticules, sont
dépendantes du taux d’expression de Glut1 [31]. Une autre
étude montra ensuite que la surexpression de Glut1 aug-
mente la capacité des cellules à former des syncytia avec
des cellules infectées par HTLV-1 [32]. Enfin, les domaines
responsables de la liaison de Env ou d’événements posté-
rieurs à la liaison furent identifiés au sein de Glut1 [33].
Bien que le rôle de Glut1 dans le processus d’entrée fut
bien établi par ces premières données, des travaux d’autres
groupes suggérèrent ensuite que cette protéine ne soit pas
l’unique récepteur du HTLV-1.
Ainsi, les cellules de la lignée de glioblastome/astroglyome
U87 exprimant un faible niveau de Glut1 à la surface cellu-
laire restent pourtant permissives à l’infection par HTLV-1
[34]. De même, une expression faible ou forte de Glut1 par
les cellules cibles module en retour l’efficacité d’infection
de particules portant les glycoprotéines d’enveloppe de
HTLV-1, sans pourtant affecter leur liaison [35]. Ces don-
nées apportaient une première indication de l’implication
d’au moins une autre protéine cellulaire dans l’entrée du
HTLV-1.
NRP-1 est impliquée dans la liaison aux cellules de la
sémaphorine-3A (facteur impliqué dans le guidage axo-
nal), et de la forme majoritaire du facteur de croissance
endothéliale vasculaire (VEGF165) [36]. Dans les deux
cas, NRP-1 agit en tant que corécepteur, facilitant la
liaison des deux ligands au récepteur de signalisation,
plexine A dans le cas de la Sema3 et récepteur au VEGF
(VEGF-R) dans le cas du VEGF165. Au niveau struc-
tural, NRP-1 présente trois domaines extracellulaires (a,
b et c), un domaine transmembranaire et un domaine
intracytoplasmique court (figure 3B). Le domaine b est
capable de lier le VEGF165 mais également les chaînes
d’héparanes sulfates, (HS) des HSPG. En 2006, nos labo-
ratoires se sont intéressés à NRP-1 après avoir noté de
forts points communs entre cette protéine et le récep-
teur du HTLV-1. NRP-1 est en effet hautement conservée
parmi les vertébrés, mais n’a pas d’homologue chez les
insectes [37]. Elle est principalement exprimée par les
cellules T, les DC et les cellules endothéliales, cibles privi-
légiées du HTLV-1 in vivo. Les DC plasmacytoïdes (pDC),
capables (contrairement aux lymphocytes T) d’être infec-
tées par des particules HTLV-1 libres in vitro expriment
fortement NRP-1 [5]. NRP-1 n’est pas présente sur les
cellules T naïves mais son expression est rapidement
induite lors de leur activation [38]. Enfin, en vertu de
son rôle dans l’angiogenèse, l’expression de NRP-1 est
induite lors de la transformation cellulaire. NRP-1 est
donc exprimée aux niveaux des cellules tumorales in vivo
et donc des lignées de laboratoire établies à partir de
tumeurs [39].
Nos équipes ont d’abord montré que NRP-1 est un parte-
naire physique et fonctionnel de Env [40]. Plus précisément,
Env et NRP-1 interagissent au sein d’un même complexe et
la protéine NRP-1 endogène contribue à la liaison de la SU
à la surface des cellules cibles. En outre, le taux de NRP-1
module la formation de syncytia et l’infection dépendante
de Env du HTLV-1. De fac¸on remarquable, Glut1, NRP-1
et Env forment un complexe ternaire quand elles sont sur-
exprimées dans la même cellule. Enfin, NRP-1 colocalise
avec Env dans les jonctions formées entre lymphocytes T
infectés par HTLV-1 et lymphocytes T cibles (figure 4).
D’autres données de cette étude, confirmées par ailleurs,
montraient également que le VEGF165, bloque la liaison
et l’internalisation de particules HTLV-1 [41, 42]. Ce pre-
mier travail suggérait un lien fonctionnel entre deux des
récepteurs, Glut1 et NRP-1, et mettait en lumière l’existence
d’une compétition entre la SU et le VEGF165 pour la liaison
à NRP-1.
Les HSPG sont des glycosaminoglycanes constitués d’un
squelette protéique sur lequel sont greffées une ou plu-
sieurs chaînes polysaccharidiques de HS, portant une forte
densité de charges négatives (figure 3C) [43]. Ils existent
sous formes ancrées dans la membrane cellulaire par
leurs domaines hydrophobes ou bien libres dans le milieu
extracellulaire. Leur expression ubiquitaire et leur capa-
cité à interagir avec tout ligand chargé positivement leur
confèrent un rôle primordial dans l’attachement aux cel-
lules de nombreux composants extracellulaires, notamment
les particules virales [44]. L’interaction avec les HSPG
permet non seulement l’adsorption des particules virales
à la surface mais également leur agrégation, augmen-
tant ainsi l’avidité des interactions ultérieures. Citons par
exemple, la syndécane-3, capable de capturer spécifique-
ment les particules VIH-1, augmentant ainsi la survie
des particules virales et favorisant la transmission aux
cellules T [45].
Une première étude a montré que la déplétion enzyma-
tique des HSPG de la surface des cellules cibles diminue de
fac¸on très importante la liaison de la SU [46]. Ces résultats
étaient néanmoins délicats à interpréter dans la mesure où
les cellules T CD4 + non activées expriment peu ou pas de
HSPG. Cela fut clarifié par une étude ultérieure montrant
que l’expression des HSPG augmente au cours de la phase
de prolifération des lignées cellulaires T ou des lympho-
cytes T primaires activés [47]. Bloquer l’interaction avec
les HSPG ou retirer chimiquement les chaînes d’HS à la
surface des lymphocytes T activés ou des lignées T inhibe
presque totalement la liaison de la SU ainsi que la liaison et
l’internalisation de particules virales HTLV-1. Ces résultats
identifient donc les HSPG comme des acteurs à part entière
de l’entrée du HTLV-1.
152 Virologie, Vol 16, n◦3, mai-juin 2012
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