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La toxicité des antibiotiques
Introduction [1, 2, 3, 4]
Les antibiotiques sont des médicaments antibactériens d'origine naturelle,
produits à partir des champignons ou des bactéries ou obtenus par synthèse ou
semi-synthèse. Ils ont en principe une toxicité sélective, c'est à dire qu'ils sont
toxiques pour les bactéries mais non pour l'organisme; ce qui malheureusement
n'est pas toujours vrai.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la mise sur le marché d’un
nouvel antibiotique est rarement retardée pour un problème de toxicité ou d’effet
indésirable. Une enquête réalisée entre 1964 et 1985 dans sept laboratoires
pharmaceutiques britanniques a montré que les causes principales d’arrêt de
développement sont liées à un manque d’efficacité ou à des problèmes
pharmacocinétiques.
D’ailleurs, le nombre de patients inclus dans les études cliniques de phase I
à III, est notoirement insuffisant pour mettre en évidence de tels effets (il faut en
effet 50000 patients pour observer un effet dont l’incidence est de 0,01 % et 500
000 pour une incidence de 0,001 %). Il est donc illusoire d’espérer connaître
toute la toxicité d’un nouvel antibiotique avant sa mise sur le marché.
En 1992, la témafloxacine était retirée du marché six mois après sa
commercialisation, en raison de la survenue du « syndrome de la
témafloxacine » caractérisé par une défaillance rénale et hépatique, une
hémolyse et un trouble de la coagulation. Trois ans après, la sparfloxacine voyait
ses indications se limiter à cause d’une phototoxicité particulièrement sévère.
1
La toxicité des antibiotiques
Plus tard, la trovafloxacine, mise sur le marché en décembre 1997, était retirée
du marché en juin 1999 en raison d’hépatites cytoytiques mortelles.
Enfin, la grépafloxacine, enregistrée en novembre 1997, était retirée du
marché en octobre 1999 par la firme exploitante en raison d’un allongement de
l’espace QT à l’origine de 7 décès en Allemagne.
Plusieurs molécules antibiotiques sont donc retirées du marché pour des
effets indésirables certes souvent très grave, voire mortels, mais dont la
fréquence de survenue est de plus en plus rare. De ce fait, il est impératif de
rester vigilant et de continuer à surveiller la tolérance de ces molécules dans le
long terme.
Ce travail a donc pour but de faire la synthèse de ces effets rapportés par la
littérature pendant ces dernières années, il va nous permettre d’aborder la
discussion
-toujours
ouverte-
sur l’intolérance des
antibiotiques, ses
manifestations cliniques et ses facteurs de risques, et ce en fonction des
différents systèmes d’organe atteints.
2
La toxicité des antibiotiques
I. Rappels historiques [5, 6, 7,8]
On ne peut évoquer la découverte des antibiotiques sans cité Alexander
Flemming.
En 1929, ce chercheur anglais découvre par hasard un principe actif
capable d’inhiber la croissance bactérienne. Une de ses boites de pétri contenant
une souche de staphylococus aureus est contaminé accidentellement par un
champignon appelé Penicillium notatum. Il observe que la bactérie est absente à
l’endroit où se trouve la moisissure. Il nomme alors cette substance
« pénicilline ». Cependant cette découverte restera longtemps dans l’ombre,
Flemming ne parvenant pas à isoler l’antibiotique.
Pourtant, Flemming n’est pas le premier à avoir « inventé » la pénicilline.
En effet, en 1897, Ernest Duchesne, médecin français, soutient dans
l’indifférence générale une thèse intitulée « Contribution à l’étude de la
concurrence vitale chez les micro-organismes » Il a découvert que Penicillium
glaucum était capable d’inhiber la croissance de certains micro-organismes.
Ce n’est qu’à la fin des années 30 qu’Howard Florey, biochimiste à
l’Université d’Oxford, entreprend avec son équipe d’essayer de purifier ce qui
n’est encore qu’un réactif de laboratoire. Avec le soutient de la fondation
Rockefeller, Howard Florey et Ernst Chain entament des travaux qui les
mèneront à isoler, en 1939, une protéine aux propriétés étonnantes : la
pénicilline G. Poussés par l’urgence médicale et sanitaire engendrée par le début
de la deuxième guerre mondiale, ils adaptent rapidement cette substance afin de
l’utilisation chez l’homme.
3
La toxicité des antibiotiques
C’est ainsi que le 12 février 1941, il y a juste 66 ans, un agent de police
d’Oxford victime d’une septicémie fut le premier patient
traité par la
pénicilline.
Malheureusement, l’antibiotique vient à manquer et le patient décède. En
effet, la production du principe actif est problématique.
Il faudra attendre 1942 pour que la puissance américaine et les besoins de
la guerre permettent de produire l’antibiotique à l’échelle industrielle. La
commercialisation de la pénicilline ne débutera qu’en 1944, aux Etats Unis.
L’âge d’or des antibiotiques a duré un demi-siècle. Jusqu’en 1990, la
recherche a produit un très grand nombre de nouveaux antibiotiques. Les
sulfamides avaient précédé la pénicilline, puis il y eut la streptomycine, en1947
le chloramphénicol et un an plus tard l’oxytétracycline qui furent les premiers
antibiotiques à large spectre.
Puis vinrent la polymyxine, l’érythromycine, l’isoniazide, la vancomycine,
la rifampicine, l’acide nalidixique, et bien d’autres. Au début des années
soixante, plus des trois quarts des familles d’antibiotiques d’aujourd’hui avaient
déjà un ou plusieurs représentants.
II. Définition [9]
Les antibiotiques sont des substances naturelles produites par des bactéries
du sol et certains champignons qui, à faibles concentrations, agissent sur
d’autres bactéries sans être toxique pour l’homme.
Ils peuvent aussi être obtenus par synthèse chimique totale ou partielle.
4
La toxicité des antibiotiques
Chaque antibiotique possède un mode d’action spécifique. En fonction de
leur concentration et du temps de contact avec les bactéries, ils peuvent tuer les
bactéries
« effet
bactéricide »
ou
ralentir
leur
croissance
« effet
bactériostatique ».
III. Critères de choix d'un antibiotique
Le choix de l’antibiotique occupe une place importante dans le traitement
et la guérison de la maladie infectieuse. De ce fait, un certain nombre de critères
doit être connu par les praticiens afin de guider ce bon choix.
1. Critères bactériologiques
1.1
Détermination de la bactérie en cause
[10]
Le choix d'un antibactérien suppose avant tout de connaître l'agent
infectieux causal. Malheureusement, en pratique, on doit le plus souvent décider
d'un traitement trop rapide (sans examen microbiologique préalable) pour
identifier le germe en cause ; dans ce cas, un diagnostic clinique précis permet
de présumer l'étiologie la plus probable de certaines infections communautaires.
Le diagnostic microbiologique demeure obligatoire lorsque l’infection est
sévère, le sujet est fragile (immunodéprimé...), les germes responsables sont
variés ou de sensibilité inconstante aux antibiotiques.
1.2
Détermination de la sensibilité
[11]
Le choix de l'antibiotique dépend ensuite de la sensibilité de la bactérie en
cause. En effet, les différentes espèces bactériennes sont classées en trois
catégories vis-à-vis d’un antibiotique:
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La toxicité des antibiotiques
 sensible : la probabilité de succès thérapeutique est forte dans le cas d’un
traitement par voie systémique avec la posologie recommandée ;
 intermédiaire : le succès thérapeutique est imprévisible ;
 résistante : forte probabilité d’échec thérapeutique, quel que soit le type
de traitement.
L’antibiogramme bactériostatique réalisé de façon courante par la méthode
des disques ou par automates permet cette évaluation. Dans certains cas
cependant, la détermination de la CMI peut être nécessaire.
2. Critère pharmacocinétique
[11]
L’antibiotique doit à l’évidence pénétrer au mieux sur le site que l’on
souhaite atteindre.
 Absorption et diffusion :
La connaissance de critères d'absorption et de diffusion permet le choix
d'un antibiotique efficace au niveau même du site de l'infection.
Les sites les plus difficiles d'accès pour les antibiotiques sont le LCR, l'os,
la prostate et les milieux oculaires.
 Demi-vie sérique :
La demi-vie sérique de l'antibiotique choisi doit être connue du praticien,
car elle permet de préciser l'intervalle d'administration de l'antibiotique.
6
La toxicité des antibiotiques
 Elimination :
L’élimination est urinaire et/ou biliaire, sous forme métabolisée ou non. Il
convient, dans la mesure du possible, d’éviter les antibiotiques à métabolisme
hépatique chez les insuffisants hépatocellulaires, car l’adaptation posologique ne
peut être qu’empirique. En revanche, en cas d’insuffisance rénale, on peut
utiliser des antibiotiques à métabolisme hépatique sans modifier la posologie ou
adapter à la clairance rénale du patient.
3. Critère toxicologique
[12]
Il est important de tenir compte de la toxicité de l’antibiotique choisi et des
facteurs de risque présents chez un patient soit à un moment précis de son
existence (âge, grossesse) soit de façon quasi permanente (allergie, par exemple)
ainsi que du (des) traitement(s) associé(s). La connaissance de ces éléments
permet d’établir ainsi le rapport bénéfice/risque et d’éviter qu’une prescription
ne se complique d’une réaction néfaste pouvant être grave, voire menacer la vie
du patient.
4. Critère économique
[10]
A efficacité et tolérance égales, le choix de l’antibiotique sera porté sur le
moins coûteux.
5. Critère écologique
[13]
Il faudra enfin tenir compte de l’impact écologique de la prescription. En
effet, l’antibiotique choisi ne sera pas uniquement actif sur le germe en cause
dans la manifestation clinique : les autres germes non pathogènes de
7
La toxicité des antibiotiques
l’organisme pâtiront de cette prescription et risqueront d’être à l’origine de
complications (comme la colite pseudomembraneuse), mais aussi de
l’apparition d’une diminution de sensibilité, voire d’une résistance (comme les
pneumocoques ou Escherichia coli). Il faudra donc essayer d’utiliser la
molécule dont le spectre est le plus étroit possible.
IV. Classification des antibiotiques
Les antibiotiques peuvent être classés selon leur structure chimique, leur
activité et leur propriété pharmacologique, ou comme suit, leur mécanisme
d’action.
Figure 1 : Schéma d’une bactérie à Gram positif (gauche) et à Gram négatif (droite) avec les
mécanismes d’action des principales familles d’antibiotiques. EP : espace périplasmique ;
ME :membrane externe ; MC : membrane cytoplasmique ; PG : peptidoglycane.
8
[5]
La toxicité des antibiotiques
Tout en adoptant la classification des antibiotiques, nous étudierons
également le mécanisme d'action ainsi que le spectre d'action des différents
antibiotiques.
1. Antibiotiques inhibant la synthèse de la paroi cellulaire
Trois classes d’antibiotiques sont concernées : les
bêtalactamines, les
glycopeptides et la fosfomycine.
1.1. Les bétalactamines
[14, 15, 16, 17, 18, 19]
La famille des bêtalactamines comporte de nombreuses molécules
bactéricides dont les particularités communes sont de posséder un noyau
bêtalactame et un mode d’action identique en inhibant la dernière étape de la
synthèse du peptidoglycane. On en distingue quatre grands groupes.
a. Les pénicillines
- les Pénicillines naturelles du groupe G et V: leur spectre est étroit et limité
aux bactéries Gram positif et les cocci à gram négatif à l’exception des bactéries
productrices de bêtalactamases.
- les pénicillines du groupe A ou aminopénicillines: Amoxicilline, Ampicilline
et dérivés : se caractérisent par une activité antibactérienne élargie
(entérobactéries comme Escherichia Coli, Salmonella sp, Shigella sp et Proteus
mirabilis), mais des résistances acquises fréquentes sont décrites.
- les Pénicillines du groupe M : ce sont des pénicillines antistaphylococciques.
Elles résistent en effet à l’enzyme pénicillinase sécrétée par les staphylocoques.
9
La toxicité des antibiotiques
- Carboxypenicillines : carbenicilline, ticarcilline. Leur spectre antibactérien
comprend les cocci Gram + et Gram - (Neisseria et Haemophilus non producteur
de beta lactamases).
- Ureidopénicilline : mezlocilline, azlocilline, piperacilline actives sur
Pseudomonas aeruginosa.
b. Les céphalosporines : elles sont classées par génération
- Céphalosporines de première génération (C1G) :
C1G à administration parentérale : Céfalotine, Céfazoline, Céfacétrile,
céfalopirine, céfaloridine.
C1G à administration per os : céfadrine, Céfadroxil, Céfalexine, Céfaclor,
Céfatrizine.
Elles ont un spectre étroit limité aux coques à Gram positif et quelques
bacilles à Gram négatif. Elles sont dégradées par l’enzyme céphalosporinase
sécrétée par les bacilles à Gram négatif.
- Céphalosporines de 2ème génération (C2G):
Céfoxitine
Céfamandole
Céfotiam
céfuroxime
10
La toxicité des antibiotiques
Leur spectre est identique à celui des C1G, mais elles possèdent une
résistance supérieure aux enzymes céphalosporinases des bacilles à Gram
négatif.
- Céphalosporines de 3ème génération (C3G):
Céfotaxime
Céftizoxime
Céftriaxone
Céfménoxine
Céfotiam
Ceftazidime
Céfopérazone
Cefixime
Leur résistance vis à vis des céphalosporines est encore accrue. Elles ont
une meilleure activité sur les souches sensibles (la concentration minimale
inhibitrice est très basse).
c. Carbapénèmes : Imipénème, méropénème.
Leur spectre est large et recouvre celui de l’ampicilline, avec quelques
souches de Pseudomonas et des entérobactéries plus nombreuses.
d.les monobactams : Aztreonam
Ils sont actifs uniquement sur les bacilles à Gram négatif.
11
La toxicité des antibiotiques
e. Les inhibiteurs des béta-lactamases
Acide clavulanique, Sulbactam et Tazobactam : ils sont dépourvus
d’activité antibactérienne propre mais ils élargissent le spectre d’activité de la
béta lactamine à laquelle ils sont associés.
1.2. Glycopeptides
[20]
La vancomycine et la teicoplanine : Ces deux molécules n'agissent que sur
les bactéries à Gram positif en inhibant la synthèse du peptidoglycane donc de la
croissance bactérienne.
1.3. La Fosfomycine
[14, 15]
La Fosfomycine est un antibiotique naturel à large spectre. Elle agit à la
phase la plus précoce de la synthèse du peptidoglycane et doit pénétrer à
l’intérieur de la cellule pour être active
2. Antibiotiques inhibant la synthèse protéique
2.1. Les Aminosides ou Aminoglycosides
Gentamycine
Streptomycine
Kanamycine
Tobramycine
Amikacine
Nétilmicine
Spectiomycine
12
[15, 20,21]
La toxicité des antibiotiques
Ce sont des antibiotiques bactéricides à large spectre. Les streptocoques et
les listeria sont peu sensibles, et les bactéries anaérobies sont résistantes.
Ils agissent en perturbant la synthèse des protéines au niveau de la fraction
30S du ribosome.
2.2. Les Macrolides et apparentés
[15, 20, 22]
-Les macrolides vrais :
Erythromycine
Azithromycine
Spiramycine
Oléandomycine
Midécamycine
Iosamycine
-Les Lincosamides :
Lincomycine
Clindamycine
-Les streptogamines ou synergistines :
Virginiamycine
pristinamycine
Ce sont des antibiotiques bactériostatiques qui agissent en inhibant la
synthèse des protéines au niveau de la sous unité 50S des ribosomes.
13
La toxicité des antibiotiques
Les Macrolides ont un spectre relativement étroit limité aux germes suivants:
 bactéries à Gram positif et coques à Gram négatif.
 Legionelle, Chlamydia, Mycoplasme.
Les lincosamides sont inactifs sur les Neisseria (gonocoques et
méningocoques) et les entérocoques, mais sont actifs sur les staphylocoques et
les anaérobies stricts.
Les synergistines sont essentiellement antistaphylococciques.
2.3. les Tétracyclines
[15, 20, 23]
Cyclines naturelles :
Chlortetracycline
Tétracycline base
Cyclines semi-synthétiques :
Oxytétracycline
Doxycycline
Minocycline
Les tétracyclines sont bactériostatiques, agissent en inhibant la synthèse des
protéines au niveau de la sous unité 30 S du ribosome.
Ils ont un spectre très large (nombreuses espèces Gram positif et négatif,
chlamydia, mycoplasmes).
14
La toxicité des antibiotiques
2.4. Les phénicolés
[14,20]
Représentés par chloramphénicol et thiamphénicol, ce sont des
antibiotiques bactériostatiques qui agissent en se fixant sur la sous-unité 50 S du
ribosome.
Leur spectre d'activité est très large englobant les bacilles à Gram positif,
les bacilles à Gram négatif, les cocci à Gram positif et les cocci à Gram négatif.
[14,20]
2.5. Acide fusidique
L’acide fusidique inhibe la synthèse protéique en stoppant l’incorporation
de nouveaux acides aminés dans la chaîne peptidique en cours de formation.
C’est un antibiotique antistaphylococcique majeur. Il est actif sur les
staphylocoques Méti S et Méti R.
3. Antibiotiques inhibant
la synthèse ou le fonctionnement de
l’ADN:
3.1. Les Quinolones
[15, 20, 24]
Quinolones de la première génération (quinolones non fluorées) :
Acide nalidixique
Acide pipémidique
fluméquine
Quinolones de deuxième génération (fluoroquinolones):
Norfloxacine
15
La toxicité des antibiotiques
Ofloxacine
Ciprofloxacine
Elles agissent en bloquant la synthèse de l’ADN. Elles sont bactéricides
(toutefois, à des doses plus élevées, on observe paradoxalement un effet
bactériostatique).
Les quinolones de 1ère génération ont à peu près le même spectre d'activité
dirigé essentiellement contre les bactéries à Gram négatif excepté Pseudomonas
spp.
Les fluoroquinolones ont un spectre élargi, on retrouve les bactéries à
Gram négatif, les cocci à Gram positif dont l’activité est 100 à 1000 fois plus
élevée que celles des quinolones de 1ère génération.
L’ofloxacine et la Ciprofloxacine ont une activité sur Mycobacterium
tuberculosis.
3.2. Les Rifamycines : rifamycine SV, rifampicine
[15,20]
Les rifamycines agissent en bloquant la transcription par inhibition de
l'ARN polymérase.
La rifamycine SV est active sur les bactéries à Gram positifs et les coques à
Gram négatif.
La rifampicine a un spectre plus large, puisqu’elle englobe aussi quelques
bactéries à Gram négatif (Brucella, Legionella, bactéroïde). De plus, elle agit
fortement sur le bacille de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis).
16
La toxicité des antibiotiques
3.3. Les nitro-imidazolés
[15,16]
Métronidazole, Secnidazole, Ornidazole, Tinidazole
Les nitro-imidazolés ont leur groupement nitro (NO2) réduit par les
systèmes transporteurs intracytoplasmiques des bactéries sensibles. Les dérivés
réduits diffusent vers l’ADN bactérien, l’oxydent et provoquent des coupures
des brins d’ADN provoquant ainsi la mort de la bactérie.
Le spectre est donc étroit, limité aux bactéries anaérobies à Gram négatif
non sporulées. Les bactéries anaérobies à Gram positif sont peu sensibles en
dehors des Clostridium.
3.4. Les Nitrofuranes
[15,20]
Nitrofuranes à visée intestinale :
Nifuroxazine
Nitrofurane à visée urinaire :
Nitrofurantoïne
Les nitrofuranes agissent en perturbant la réplication de l'ADN. Ils ont un
spectre large mais restent inactifs sur Pseudomonas aeruginosa, les proteus, les
serratia et les acinetobacter.
3.5. Les sulfamides et associations
 Les sulfamides :
sulfadiazine
Sulfaméthoxydiazine
17
[15, 20,25]
La toxicité des antibiotiques
Sulfaméthoxazole
Sulfaguanidine
Ils inhibent la synthèse des folates (acide folique) au niveau des bactéries.
Les bactéries ne peuvent capter l’acide folique exogène, elles doivent donc le
fabriquer. Grâce aux sulfamides, rendant impossible cette synthèse, les bactéries
ne peuvent plus synthétiser les acides nucléiques et ne peuvent pas se
reproduire. Les sulfamides ont un effet bactériostatique.
Ils ont un spectre large, malgré la résistance naturelle de certaines bactéries
(Lactobacilles, Pseudomonas aeroginosa). Leur spectre inclut des bactéries à
Gram positif et à Gram négatifs et certains parasites.
 Les sulfamides associés :
Il s’agit de l’association d’un sulfamide avec le triméthoprime (ou avec
pyriméthamine).
Cette association permet une meilleure synergie et surtout un effet
bactéricide. Ils ont un spectre large (sauf Pseudomonas et anaérobies).
4. Antibiotiques
entraînant la
destruction
de
la
membrane
cytoplasmique
4.1. Les polymyxines
[20]
Ils Agissent au niveau de la membrane cytoplasmique bactérienne
entraînant l'éclatement de la bactérie.
Antibiotiques bactéricides à spectre étroit. Ils agissent sur les
entérobactéries et le vibrion Cholerae sauf Proteus, Serratia, Providencia.
18
La toxicité des antibiotiques
5. Les antituberculeux
[15]
5.1. L’isoniazide
C’est un antituberculeux majeur, bactéricide et agissant sur les BK (Bacille
de Koch) intra et extracellulaires.
5.2. La rifampicine
C’est un antituberculeux majeur, actif sur les BK intra et extracellulaires.
5.3. La streptomycine
C’est un antituberculeux bactéricide qui n’agit que sur les BK
extracellulaires.
5.4. Le pyrazinamide
C’est un antituberculeux bactéricide qui n’agit que sur les BK
intracellulaires.
5.5. L’éthambutol
C’est un antituberculeux bactériostatique qui agit sur les BK intra et
extracellulaires.
V. Indication de l’antibiothérapie
1. Indications à titre curatif
La prescription d’antibiotiques doit être un acte mûrement réfléchi et non
pas décidé systématiquement devant tout état fébrile. En effet tous les états
19
La toxicité des antibiotiques
fébriles ne sont pas de nature infectieuse et toutes infections ne sont pas
bactériennes. [26]
D'une façon générale, l'antibiothérapie est indiquée lorsque des microorganismes naturellement pathogènes sont identifiés et persistent dans
l'organisme. L'indication peut être dictée par des symptômes cliniques et le plus
souvent les propositions de traitement antibiotique sont bien réglées. [27]
2. Indications à titre préventif : antibioprophylaxie
[28]
Le principe de l'antibioprophylaxie est de prévenir la survenue d'une
maladie
infectieuse,
soit
en
éradiquant
une
population
bactérienne
potentiellement pathogène déjà présente dans l'organisme, soit en empêchant
l'implantation d'une population bactérienne exogène.
L'antibioprophylaxie s'applique à de nombreuses situations médicales et
chirurgicales. Pour que l'indication soit reconnue et validée, elle doit avoir un
bon rapport efficacité/risque à l'échelon individuel, et coût/efficacité à l'échelon
collectif.
 Antibioprophylaxie chirurgicale
Le risque infectieux postopératoire qui est une des complications majeures
des gestes chirurgicaux a conduit, dans les années 1980, à mieux définir la place
de l’antibioprophylaxie en chirurgie. [29]
Ce type d’antibioprophylaxie, s'adresse essentiellement à la chirurgie
propre et propre contaminée. Elle a pour objectif de s'opposer à la pénétration
bactérienne exogène et/ou à la colonisation endogène au site opératoire au
20
La toxicité des antibiotiques
moment de l'intervention. Elle vise principalement à réduire la taille de
l'inoculum pour le rendre ou le maintenir accessible aux défenses naturelles. [27]
 Antibioprophylaxie médicale : [27]
A l'opposé de l'antibioprophylaxie chirurgicale, dans l'antibioprophylaxie
médicale,
la
cible
microbiologique
est
parfaitement
identifiée.
L'antibioprophylaxie peut être primaire ou secondaire. La prophylaxie primaire
s'adresse à des sujets non infectés, mais à très haut risque. Il peut s'agir de sujets
« contact », comme les proches d'un individu traité pour méningite à
méningocoques
ou
de
sujets
que leur
déficience
immunitaire
rend
particulièrement vulnérables à telle ou telle infection. La prophylaxie secondaire
vise essentiellement à prévenir les récurrences.
 Effets indésirables de l’antibioprophylaxie : [30]
Les inconvénients potentiels de ce type de traitement sont de deux ordres :
ceux de tout traitement médical prolongé: coût, difficultés de compliance,
effets indésirables classiques ;
ceux spécifiques de l’antibiothérapie : l’impact écologique.
Dans l’impact écologique de l’antibiothérapie, deux types de phénomènes
doivent être distingués : les modifications des flores physiologiques (digestive,
respiratoire, génitale…) et la sélection de bactéries résistantes.
Dans ce contexte, il est important de limiter la prescription d'une
antibioprophylaxie aux strictes indications où celle-ci a fait la preuve de son
efficacité.
21
La toxicité des antibiotiques
VI. Stratégie des indications
1. La monothérapie
La monothérapie à spectre étroit ou large compte de nombreuses
indications, en pratique de ville comme à l’hôpital. Elle sera d’autant plus
légitime que l’on se trouve en situation d’infection communautaire à germe
connu ou probable, de sensibilité accessible a l’antibiotique retenu et pour lequel
l’expérience clinique cautionne cette monothérapie. [31]
2. L’association d’antibiotiques
Le choix d'une association d'antibiotiques doit rester l'exception et réservé
aux patients hospitalisés. [10]
Elle est nécessaire dans trois circonstances: [11]
pour assurer certainement une bactéricidie lorsque l’infection est jugée
sévère ;
pour diminuer le risque d’émergence de mutants résistants ;
pour élargir le spectre d’activité lorsque, compte tenu des germes
suspectés, il n’est pas possible de trouver un seul antibiotique actif
répondant aux critères souhaités.
Cependant, l’association d’antibiotiques ne se résume pas à une simple
addition, voire une amplification, des effets antibactériens de chacun des
composants. En effet, associer des antibiotiques c’est parfois : [31]
aboutir à un échec par antagonisme d’action ;
22
La toxicité des antibiotiques
augmenter les risques d’effets indésirables (tolérance, toxicité,
interférence médicamenteuse, modification de l’écologie bactérienne) ;
augmenter le coût de l’antibiothérapie.
VII. Suivi et durée du traitement
1. Mise en route de l’antibiothérapie [32]
Dés la mise en route de l’antibiothérapie, il faut définir les critères qui vont
permettre d’apprécier son efficacité. Ces critères sont essentiellement cliniques,
pour les infections courantes (disparition des signes fonctionnels et généraux
notamment de la fièvre en moins de 48 heures le plus souvent), mais aussi
biologiques pour les infections sévères : les hémocultures doivent être négatives
en moins de 48 heures, la culture du LCR en moins de 36 heures, une uroculture
en moins de 24 heures.
2. Durée du traitement
[26]
Elle varie beaucoup en fonction de l’infection traitée. Elle peut être brève
dans les infections urinaires basses. Elle sera au contraire prolongée dans les
pyélonéphrites, les endocardites et plus encore dans les infections osseuses.
VIII. Les échecs de l’antibiothérapie
De nombreux travaux rapportent que les prescriptions antibiotiques sont
inappropriées dans 20 à 50% des cas, en ville comme à l’hôpital. [33]
La liste des causes d’échec est longue mais mérite d’être systématiquement
envisagée.
23
La toxicité des antibiotiques
 Echec d’origine bactériologique : [31]
Présomption bactériologique incorrecte.
Erreur d’identification bactérienne.
Résistance initiale de la bactérie (tolérance bactérienne).
Substitution de la flore en cours de traitement.
Surinfection.
persistance du même germe resté sensible (en cas de présence de
corps étranger, foyer d’accès difficile…).
Rôle de la pathogénie indirecte.
Mauvaise interprétation de l’antibiogramme.
 Echec d’origine pharmacologique : [31]
Mauvaise compliance du patient (traitement non pris).
Troubles digestifs au cours d’un traitement oral (vomissements..).
Mauvaise absorption ou résorption de l’antibiotique.
Sous-dosage thérapeutique (dose trop faible, trop espacées).
Modifications pharmacocinétiques dues à la pathologie ou aux
thérapeutiques associées.
Accès veineux insuffisant.
Absence de pénétration de l’antibiotique in situ (conditions locales
défavorables, ph, anaérobiose).
Mauvaise coopération des globules blancs et des autres défenses
immunitaires.
Mauvaise pénétration dans les macrophages.
Inactivation
de
l’antibiotique
interférences médicamenteuses
24
avant
son
administration,
La toxicité des antibiotiques
Remarque : Faux échecs [34]
Les faux échecs peuvent être définis comme la persistance d’un syndrome
infectieux non imputable à un échec du traitement antibiotique.
Ces causes, incluant l’intolérance médicamenteuse ou une infection
nosocomiale, doivent être évoquées systématiquement.
IX. La résistance bactérienne [35, 36, 37, 38]
Après l’introduction des sulfamides et de la pénicilline il y a plus de 70 ans,
le développement des antibiotiques a connu un essor spectaculaire pendant plus
de 50ans, permettant aux cliniciens de disposer de molécules toujours plus
efficaces. Ces progrès successifs avaient fait espérer l’éradication du risque
infectieux bactérien. Cet optimisme va rapidement être tempéré par l’apparition
de résistance des bactéries à ce nouvel environnement antibactérien avec des
mécanismes d’adaptation toujours plus subtiles.
Une souche est dite résistante à un antibiotique si sa CMI est supérieure à
la concentration sanguine maximale d’antibiotique obtenue lors du traitement
On distingue :
Résistance naturelle : C'est une insensibilité aux antibiotiques, existant
naturellement chez tous les membres d'un genre ou d'une espèce bactérienne.
Elle fait, donc, partie du patrimoine génétique normal du germe.
Résistance acquise : C'est l'acquisition de nouveaux gènes capables de rendre
la bactérie insensible à un antibiotique ou à un groupe d’antibiotiques.
25
La toxicité des antibiotiques
1. Déterminisme
génétique
de
la
résistance
acquise
aux
antibiotiques
La résistance aux agents antimicrobiens est due soit à la modification de
l’information génétique « endogène » par mutation chromosomique, soit à
l’acquisition de matériel génétique « exogène » tels que les plasmides et/ou les
transposons.
1.1. Les mutations chromosomiques
Des mutations chromosomiques peuvent modifier les cibles des
antibiotiques comme les transpeptidases, l'ADN gyrase, les protéines
ribosomales, l'ARN polymérase, ou encore les porines.
Ces mutations peuvent entraîner une modification de certaines structures
cellulaires, par exemple de la paroi, ou de certaines fonctions, comme la
perméabilité de la membrane externe.
1.2. L'acquisition de gènes de résistance
L'information
génétique est portée par des plasmides, transférables à
d'autres bactéries par conjugaison, transduction ou transformation ; ou par des
transposons qui sont des fragments d’ADN "sauteurs" qui peuvent s'intégrer soit
dans le chromosome soit dans des plasmides, en allant de l'un à l'autre.
Cette résistance entraîne la synthèse par les bactéries réceptrices de ce
matériel génétique de protéines nouvelles qui vont soit : modifier le système de
transport de l’antibiotique (efflux), inactiver l’antibiotique (enzymes), modifier
26
La toxicité des antibiotiques
la cible de l’antibiotique, ou encore substituer une cible insensible à une cible
sensible.
2. Mécanismes
biochimiques
de
la
résistance
acquise
aux
antibiotiques
Les conditions de l’activité d’un antibiotique peuvent être décrites de la
manière suivante : l’antibiotique doit pénétrer dans la cellule bactérienne,
trouver la cible moléculaire de son action, y parvenir sous forme active et se
maintenir en contact de la cible à une concentration suffisante pour inhiber
l’agent pathogène.
Les mécanismes principaux qu’utilisent les bactéries pour résister à l’action
d’un antibiotique sont de quatre types :
- Absence de pénétration de l’antibiotique par diminution ou suppression de
la perméabilité membranaire ou pariétale, interférence avec le transport de
l’antibiotique.
- Altération de la cible moléculaire par modification du site de fixation ou
dégradation enzymatique de la cible.
- Une sortie excessive de l’antibiotique hors de la bactérie ou efflux, ce qui
entraîne une concentration insuffisante pour exercer une action sur la cible.
- Modifications et inactivations enzymatiques de l’antibiotique par des
enzymes bactériennes.
Plusieurs de ces mécanismes peuvent coexister chez la même bactérie,
entraînant des multirésistances complexe et parfois difficiles à analyser.
27
La toxicité des antibiotiques
3. Prophylaxie de la résistance
[35]
Plusieurs solutions ont été suggérées pour limiter la résistance de bactéries
émergentes:
 réserver la prescription des antibiotiques aux seules infections
bactériennes et donc réduire la consommation d’antibiotiques de façon
sensible.
 à efficacité égale sur une bactérie présumée, choisir l’antibiotique qui a le
spectre le plus étroit afin de respecter l’écologie bactérienne et diminuer
la pression de sélection. En effet, l’antibiotique n’est pas responsable de
l’apparition de la résistance, mais il sélectionne les bactéries résistantes
en éliminant les espèces sensibles. Plus le spectre de l’antibiotique est
large, plus la place laissée libre aux bactéries résistantes à cet antibiotique
est importante et facilite leur développement.
 utilisation de molécules rapidement bactéricides, notamment sur le
pneumocoque dans les infections respiratoires.
 enfin, l’utilisation de schémas thérapeutiques courts va dans le même sens
tout en améliorant l’observance.
28
La toxicité des antibiotiques
Introduction [1, 39, 40, 41]
Comme pour tout médicament actif, les antibiotiques sont susceptibles de
provoquer des accidents plus ou moins importants. [1]
Avant de les aborder il faut signaler que ces accidents sont classés, selon
leur mécanisme et/ou leur prédictibilité, en accidents prévisibles ou
imprévisibles. Les premiers découlent d'un effet pharmacodynamique autre que
l'effet thérapeutique ou principal du médicament. Les seconds ne sont pas la
conséquence d'un effet pharmacodynamique répertorié de la molécule. On peut
les classer en effets allergiques, idiosyncrasie, manifestations d'expression
différée et interférence avec les mécanismes de défense naturels. [39,40]
 Effets allergiques :
Une sensibilisation immunologique antérieure déclenche une réaction
d'expression
variable
(anaphylaxie,
cytotoxicité)
lors
d'une
nouvelle
administration du médicament.
 Idiosyncrasie :
Il s'agit d'une susceptibilité particulière d'un sujet donné vis-à-vis d'un
médicament. Elle découle d'une particularité acquise (induction ou inhibition
enzymatique hépatique) ou constitutionnelle (déficit enzymatique érythrocytaire,
anomalies de certaines hydroxylases).
 Manifestations d'expression différée :
29
La toxicité des antibiotiques
Il peut s'agir d'une toxicité cumulative ou d'une accumulation insidieuse,
ou bien de réactions survenant ou s'exprimant parfois longtemps après
l'exposition aux médicaments.
 Interférence avec les mécanismes de défense naturels :
L'action des médicaments sur les mécanismes de défense non spécifiques
peut entraîner des effets indésirables. C'est ainsi que les antibiotiques peuvent
causer un développement excessif de la flore intestinale, avec des bactéries et
champignons non physiologiques.
La nature immuno-allergique des accidents des anti-infectieux est retrouvée
ou suggérée dans un tiers des cas. Les autres mécanismes sont liés à un facteur
intrinsèque préexistant tel qu’une insuffisance rénale à une interaction
médicamenteuse, ou encore à un facteur individuel prédisposant tel qu’un déficit
en glucose-6- phosphate déshydrogénase. [41]
Parmi les nombreuses manifestations d’organe ou de système observées,
les atteintes du tractus gastro-intestinal (nausée vomissement diarrhées) et celle
de la peau (exanthèmes et urticaires) sont les plus fréquentes. Ces réactions sont
souvent d’intensité et d’aspect mineur, mais il faudra néanmoins savoir prévenir
la transformation d’un simple érythème cutané survenu au début du traitement
en choc anaphylactique ou en syndrome de Lyell. De même, une banale diarrhée
devra toujours être suspecte d’annoncer une entérocolite pseudomembraneuse.
Les autres accidents rencontrés siègent, par ordre de fréquence
décroissante, au niveau des éléments figurés du sang, du rein, du foie et enfin de
système nerveux central. [41]
30
La toxicité des antibiotiques
A. Accidents allergiques
Tous âges confondus, 10 à 20 % des sujets traités par des antibiotiques
rapportent des réactions susceptibles d'évoquer une hypersensibilité à ces
médicaments, les anti-infectieux les plus fréquemment accusés étant les
bêtalactamines et les sulfamides. [1, 42, 43]
Si les urticaires et éruptions maculo-papuleuses sont parmi les
manifestations les plus nombreuses, les formes cliniques sont variées et des
formes sévères anaphylactiques, toxidermiques graves et/ou systémiques
existent et engagent le pronostic vital. [44]
Les accidents cutanés de nature immuno-allergique seront uniquement cités
dans cette partie, leurs détails seront développés dans le chapitre :
« toxidermies »
I. Manifestations
antibiotiques
cliniques et mécanisme d’allergie aux
[44, 45, 46, 47]
Les manifestations allergiques aux antibiotiques sont multiples, allant
d’une simple urticaire au grand choc anaphylactique ou au décollement cutané,
parfois mortels. Les mécanismes en cause sont variés et loin d’être parfaitement
élucidés. Lorsqu’elles sont authentiquement liées à une allergie, les réactions de
chronologie immédiate ou très accélérée, (réaction de type I, selon Gell et
Coombs) sont le plus souvent dépendantes des immunoglobulines IgE. Quant
aux réactions retardées (de type IV selon Gell et Coombs), elles impliquent une
activation de lymphocytes T spécifiques et répondent à plusieurs mécanismes
immunologiques (Tableau I).
31
La toxicité des antibiotiques
Tableau I : Classification des réactions immunologiques provoquées par les
antibiotiques [44]
1
2
sauf pour les réactions de type I
FcR : récepteur membranaire cellulaire pour les immunoglobulines
3
DRESS: Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms
32
La toxicité des antibiotiques
II. Démarche diagnostic
[42, 44, 45, 47, 48, 49, 50]
La première étape du diagnostic d’une allergie est l’interrogatoire. Il doit
être minutieux, et s’attacher à la description précise de la symptomatologie, de la
chronologie des symptômes, des autres médicaments pris au moment de la
réaction, des médicaments de même classe pris depuis, et des antécédents du
patient.
Après l’interrogatoire, le diagnostic repose essentiellement sur les tests
cutanés, et éventuellement sur des tests de réintroduction, les tests in vitro
(dosage des IgE sériques spécifiques, tests d’activation des basophiles sanguins
et de libération des médiateurs) n’ayant pas fait la preuve de leur valeur
diagnostique ni prédictive.
Trois types de tests cutanés peuvent être réalisés : [51]
*Le patch test, encore appelé test épicutané : il s'agit de déposer une goutte
de produit à tester dans une cupule en aluminium qui est appliquée sur la peau
du dos ou au niveau des sites cutanés antérieurement atteints par la toxidermie.
* Le prick test : une goutte de produit à tester est déposée directement sur la
peau. Une petite perforation est réalisée à l'endroit du dépôt de la goutte.
* L'intradermoréaction (IDR) : le médicament dilué (10-3 et 10-2 de la
solution utilisée pour les pricks tests) est injecté dans le derme.
Les prick tests et les IDR sont particulièrement importants pour les
haptènes réactifs, afin de mettre en évidence le mécanisme dépendant des IgE.
Ils sont classiquement réalisés 4 à 6 semaines après la réaction et en milieu
33
La toxicité des antibiotiques
spécialisé car ils peuvent induire à eux seuls une réaction anaphylactique
(observée pour les bétalactamines)
[52]
. Leur sensibilité et valeur prédictive
varient selon les médicaments : d’excellentes ou bonnes (pénicillines,
céfalosporines, pristinamycine) à mauvaises ou inconnues (quinolones,
macrolides). Lors des réactions retardées, des patchs tests avec le médicament
suspecté peuvent être réalisés.
Parfois, et parce que le médicament n’est pas disponible sous la forme
réactive adéquate (ce sont souvent des dérivés métaboliques du médicament qui
sont immunogènes), seuls les tests réalistes de provocation permettent de porter
le diagnostic. Ils sont réalisés à distance de l’épisode (au moins un mois),
utilisent le médicament et la voie d’administration initiale en cause. Ils ne
peuvent être réalisés que sous haute surveillance et donc uniquement dans
certains centres spécialisés associés à un secteur de soins intensifs ou de
réanimation.
Généralement, Les diverses étapes amenant à un diagnostic de certitude
peuvent être ainsi schématisées :
présence d’une histoire clinique compatible
avec une allergie
médicamenteuse;
tests cutanés positifs et validés (un test de provocation ne sera pas réalisé
; c’est le cas des pénicillines par exemple);
tests de provocation positifs (réalisés uniquement pour les médicaments
dont les tests cutanés sont négatifs et validés ou non validés ou
impossibles et en l’absence de contre indications).
34
La toxicité des antibiotiques
III. Allergies aux bêtalactamines
Les réactions allergiques aux bêtalactamines (BL) représentent la cause la
plus fréquente d’allergies médicamenteuses, compliquant près de 0,7 à 10 % des
traitements par pénicillines. La pénicilline G a été longtemps considérée comme
la BL la plus pourvoyeuse de réactions allergiques. Toutefois, des données
récentes suggèrent que l’amoxicilline est de plus en plus impliquée en raison de
l’inversion de la tendance de prescription en sa faveur. [44, 53]
1. Manifestations cliniques de l’hypersensibilité aux bêtalactamines
Les bêtalactamines sont capables d’induire tous les types de réactions
immunologiques de Gell et Coombs (Tableau I). [44, 53]
La majorité des réactions présumées allergiques aux BL sont des réactions
cutanées, les plus fréquemment rapportées étant les rashs maculo-papuleux
(RMP), dans 2 à 9,5 % des traitements, notamment par l’ampicilline ou
l’amoxicilline. Avec les éruptions plus ou moins bien identifiées, les RMP
représentent ainsi près de 75 % des réactions présumées allergiques aux
bêtalactamines. Viennent ensuite les réactions évoquant une hypersensibilité
immédiate, avec, principalement, des urticaires et oedèmes de Quincke. Les
réactions anaphylactiques généralisées sévères sont beaucoup plus rares, et les
chocs anaphylactiques mortels exceptionnels
[42]
. On estime toutefois que le
nombre des décès dus à des chocs anaphylactiques aux bêtalactamines est voisin
de 500 par an aux États-Unis, et représente les trois quarts des chocs mortels
d’origine médicamenteuse. [2, 42, 47]
35
La toxicité des antibiotiques
Les autres types de réactions (cytopénies sanguines, pseudo-maladies
sériques, eczémas de contact ou par ingestion, pustuloses exanthématiques
aiguës généralisées et autres toxidermies potentiellement sévères) sont plus
rarement rapportés. [42]
2. Déterminants antigéniques des bêtalactamines
Les
réactions immédiates et semi-retardées (accélérées) sont la
conséquence clinique d'un mécanisme d'hypersensibilité nécessitant un premier
contact avec l'allergène responsable d'une production d'anticorps spécifiques et
d'une mémoire immunitaire. Une seconde rencontre avec l'allergène est à
l'origine des manifestations cliniques [45,53].
La plupart des BL sont de faible poids moléculaire. A ce poids, la molécule
n’est pas immunogène. Pour qu’une sensibilisation vis-à-vis de la molécule se
produise, il faut qu’elle se lie à une protéine porteuse. Les BL ont la possibilité,
après l’ouverture du cycle bêtalactame, de se conjuguer aux protéines, donnant
ainsi
naissance
aux
déterminants
« majeurs »
(benzyl-pénicilloyl
ou
céphalosporoyl), qui représentent plus de 90 % des métabolites des BL.
L’ouverture du noyau thiazolidique (pénicillines) ou des noyaux équivalents
(céphalosporines et carbapénèmes) permet la formation des déterminants
« mineurs » (pénicillamine ; acides pénaldique, pénicillénique, pénicillanique,
etc.).[42, 45, 53, 54]
Les déterminants antigéniques mineurs sont à l’origine de réactions
médiées par les IgE et seraient les principaux responsables d’accidents
allergiques sévères et immédiats. Les déterminants majeurs, quant à eux, sont
responsables des réactions accélérées. [53]
36
La toxicité des antibiotiques
Par ailleurs, il a été suggéré par des études récentes que les chaînes
latérales sont tenues pour responsables d’une grande fréquence de réactions
d’hypersensibilité aux BL. [53]
3. Les réactions croisées
[42, 47,53]
Les réactions croisées ont été notoirement décrites entre les différentes
bêtalactamines (tableau II). Elles seraient secondaires à certaines homologies
structurales entre différentes molécules. En effet, à côté du noyau bêtalactame,
la chaîne latérale est commune pour certaines molécules.
L’hypersensibilité croisée entre les BL concerne, en général, les réactions
immédiates médiées par les IgE. En effet, ce type d’évènement risque d’être plus
grave avec éventuellement une mise en jeu du pronostic vital lors de l’exposition
à une molécule ayant un pouvoir antigénique similaire à celui du médicament
initialement impliqué. Pour les réactions retardées, le risque de réaction croisée
semble être moins important.
37
La toxicité des antibiotiques
Tableau II : Réactivités croisées entre bêtalactamines [42]
Bêtalactamine
suspecte (DCI)
Bêtalactamines de
même classe
Bêtalactamines de
classes différentes
Amoxicilline (péni A)
ampicilline,
bacampicilline,
pivampicilline,
pénicilline G
cefadroxyl,
imipenem
Ampicilline (péni A)
amoxicilline,
bacampicilline,
pivampicilline,
pénicilline G
cefaclor,
cefadroxil,
cefalexine
ceftazidime
Aztréonam (monobactame)
Bacampicilline
amoxicilline, ampicilline,
pivampicilline,
pénicilline G
Pénicilline G
oracilline, amoxicilline,
ampicilline,
bacampicilline,
pivampicilline
cefamandole,
cefalotine,
cefaloridine
Cefaclor (C1G)
cefalexine, cefadroxil,
cefradine
ampicilline
Cefadroxil (C1G)
cefaclor, cefalexine,
cefradine
amoxicilline,
ampicilline, imipenem
Cefalexine (C1G)
cefaclor, cefadroxil,
cefradine
ampicilline
Cefalotine (C1G)
cefaloridine
Pénicilline G,
cefamandole,
cefoxitine, cefotaxime
pénicilline G,
cefaloridine,
cefalotine, cefotetan
Cefamandole (C2G)
38
La toxicité des antibiotiques
Cefotaxime (C3G)
cefpodoxime,
ceftazidime,
ceftriaxone
cefamandole
Cefotetan (C3G)
Cefpodoxime (C3G)
cefotaxime, ceftriaxone,
ceftazidime
Cefradine (C1G)
cefaclor, cefadroxil,
cefalexine
Ceftazidine (C3G)
cefotaxime, cefpodoxime,
ceftriaxone
Ceftriaxone (C3G)
cefotaxime,
cefpodoxime,
ceftazidime
aztréonam
cefotaxime
Cefuroxime (C2G)
Cloxacilline (pénicilline M)
cefalotine, cefoxitine,
cefuroxime
Oxacilline
amoxicilline, cefadroxil
Imipenem (Carbapénème)
Oracilline (péni V)
pénicilline G
Oxacilline (péni M)
cloxacilline
Pipéracilline
(uréidopénicilline)
ticarcilline
Pivampicilline (péni A)
amoxicilline, ampicilline,
bacampicilline,
pénicilline G
Ticarcilline
(carboxypénicilline)
pipéracilline
39
La toxicité des antibiotiques
IV Allergies aux sulfamides
Les sulfamides antibactériens ont un noyau de base sulfanilamide et sont
responsables de fréquentes réactions allergiques (10 % des traitements), le plus
souvent cutanées retardées (après 1 à 3 semaines de traitement). L’allergie au
cotrimoxazole est beaucoup plus fréquente chez les patients VIH positifs (avec
50 à 80 % de réactions au cours du traitement des pneumocystoses et 10 à 30 %
estimées au cours de leur prophylaxie) que chez les autres patients immunodéprimés (5 %), ou ceux dont le système immunitaire est normal (< 3 %) [44,55].
Les mécanismes de cette allergie ne sont que partiellement connus ; ils font
intervenir des lymphocytes T CD8 activés et les métabolites réactifs de ces
antibiotiques. La molécule non métabolisée est également capable d’activer
directement les lymphocytes T, sans digestion ni préparation immunologique
préalables par les cellules présentatrices de l’antigène. Les dérivés réactifs des
sulfamides (principalement les métabolites hydroxylamines, pouvant non
seulement se comporter comme des haptènes mais aussi moduler la réponse
immune) seraient fabriqués en quantité plus importante chez les patients VIH
positifs (du fait de la fréquence accrue du profil d’acétylation lent, dérivant le
métabolisme des sulfamides de l’acétylation vers la voie des cytochromes P450
et de la myéloperoxydase) et moins efficacement détoxifiés (par déficit dans
l’activité de la glutathion-S-transférase).[44,54]
La plupart de ces réactions sont modérées et limitées (éruptions cutanées,
fébricules) tandis que les réactions hématologiques et hépatiques, les fièvres
retardées et certaines autres réactions sévères (syndromes de Lyell et de
Stevens-Johnson) sont rares mais plus fréquentes chez ces patients
40
[44]
. Aucune
La toxicité des antibiotiques
méthode de diagnostic in vivo ou in vitro n’a été validée. Une induction de
tolérance est en général réalisable (en cas de nécessité absolue et en l’absence de
lésions muqueuses et/ou bulleuses) et efficace chez la plupart (60 à 95 %)
[47]
.
Les réactions croisées entre sulfamides (antibactériens, diurétiques et
hypoglycémiants) ne semblent pas exister [44, 47].
V Allergies aux quinolones
L’allergie aux quinolones est considérée comme rare (0,1 à 2 % des
traitements) mais son incidence est sous-estimée
[56]
. Les réactions observées
sont évocatrices de mécanismes dépendants des IgE (urticaire, œdème de
Quincke, choc anaphylactique), et la présence d’IgE spécifiques a récemment
été démontrée dans une série italienne chez 54 % des patients testés
autres réactions sont plus rares, mais de tout type
[56]
[57]
. Les
et notamment des
exanthèmes maculopapuleux avec présence de lymphocytes T spécifiques
activés
[47,
58]
.
Aucune
méthode
de
diagnostic
in
vitro
disponible
commercialement n’a été validée. La pratique des tests cutanés et tests de
provocation lorsque l’indication de cet antibiotique est formelle reste de mise
[59]
. Des réactions croisées entre quinolones étant décrites, l’éviction de
l’ensemble des quinolones s’impose alors. Lorsque l’indication est formelle
(pour certaines mucoviscidoses notamment), une induction de tolérance peut
être tentée et est efficace [44].
VI Allergies aux macrolides
On rapporte peu de cas d’allergie aux macrolides dans la littérature
médicale, et l’incidence de ce type de réaction semble être faible (moins de 3 %)
41
La toxicité des antibiotiques
[60]
. Les réactions allergiques rapportées, dues à l’érythromycine, sont de type 1
ou de type 4. Le risque d’allergie croisée entre macrolides est faible et de l’ordre
de moins de 10 % selon le petit nombre de cas évalués
[61]
. La télithromycine,
seul représentant de la classe des kétolides, a une structure chimique semblable
aux macrolides. La réaction allergique croisée entre les kétolides et les
macrolides n’a pas été investiguée. L’administration de la télithromycine à un
patient ayant une hypersensibilité à un macrolide demeure donc une contreindication [47].
VII Allergies aux autres antibiotiques
Le risque de réactions immuno-allergiques anaphylactiques ou non avec
d’autres antibiotiques est toujours possible mais plus rare. La démarche
diagnostique est stéréotypée et superposable à celle précédemment décrite. Les
outils biologiques font également défaut. Cependant, un diagnostic de certitude
ne s’impose qu’en cas d’indication absolue de cet antibiotique, en l’absence
d’alternative (éventualité rare). Dans certains de ces cas d’ailleurs (vancomycine
et antituberculeux notamment), des inductions de tolérance ont pu être réalisées
avec succès [44].
Le cas de la vancomycine est lui même intéressant. Perfusée trop
rapidement, elle induit par histaminolibération non spécifique et de façon quasi
constante un érythème intense prurigineux, principalement de la partie
supérieure du corps connu sous le terme anglo-saxon de red man syndrome. Des
anaphylaxies IgE-dépendantes, démontrées par tests cutanés, ont été décrites
Les réactions croisées à la teicoplanine ne sont pas constantes [44].
42
[62]
.
La toxicité des antibiotiques
La rifamycine SV utilisée localement a également fait l’objet de
publications d’anaphylaxies [63].
Les aminosides sont de fréquents pourvoyeurs d’allergies de type IV
lorsqu’ils sont utilisés en topiques. Des cas anaphylactiques ont également été
décrits [44,64].
43
La toxicité des antibiotiques
B. Toxidermies
Les toxidermies sont les complications cutanéomuqueuses secondaires à
l’administration
par
voie
entérale,
intraveineuse,
sous-cutanée
ou
intramusculaire de médicaments. [65, 66]
Elles figurent parmi les plus fréquents effets indésirables des antibiotiques.
Les manifestations les plus habituelles sont les exanthèmes maculopapuleux et
l'urticaire
[44]
. Elles ont pratiquement toujours une évolution favorable. Les
accidents graves sont rares mais ils peuvent être extrêmement spectaculaires
voire mortels ; c’est le cas de choc anaphylactique, syndromes de Lyell,
syndrome de Stevens-Johnson et syndrome d'hypersensibilité.
I. Différentes manifestations des toxidermies et antibiotiques
responsables
1. Exanthème maculopapuleux
[65, 66, 67, 68]
Les exanthèmes maculopapuleux constituent la forme de toxidermie aux
antibiotiques la plus fréquente (figure 2). Ils surviennent 24 heures à 10 jours
après le début du traitement responsable.
Cliniquement, ces exanthèmes sont très variés. Ils débutent le plus souvent
aux coudes, aux genoux et au tronc et s'étendent progressivement à la majeure
partie du corps en 3 à 5 jours. Ils sont constitués de lésions maculopapuleuses.
Ces exanthèmes de coloration rose-rouge, parfois légèrement purpuriques, à
limites imprécises, peuvent être nettement plus scarlatiniformes en larges
plaques ou morbilliformes à petits éléments. Les deux aspects sont souvent
associés chez un même malade. Fièvre et prurit les accompagnent fréquemment.
44
La toxicité des antibiotiques
Une hyperéosinophilie peut être présente. L'évolution est le plus souvent
favorable, en général en moins d’une semaine, avec fine desquamation
secondaire. Au cours de ces éruptions, certains signes de gravité sont à
rechercher systématiquement : sévérité des signes fonctionnels (prurit, brûlures
cutanées), éruption touchant une surface cutanée étendue, survenue de lésions
muqueuses, œdème du visage, décollement cutané avec signe de Nikolsky,
altération de l'état général, fièvre, adénopathies. De telles manifestations
cliniques font craindre l'évolution vers une toxidermie grave, syndrome de Lyell
ou de Stevens-Johnson, érythrodermie et syndrome d'hypersensibilité qui
mettent en jeu le pronostic vital.
Beaucoup d’antibiotiques peuvent être en cause mais les plus incriminés
sont : les aminopénicillines, les sulfamides antibactériens, les céphalosporines,
et les antituberculeux.
Figure 2 : Exanthème maculopapuleux dû à l’amoxicilline [65]
45
La toxicité des antibiotiques
2. Urticaire et angio-œdème
[65, 66, 69, 70, 71]
Ils sont parfois dus à une hypersensibilité immédiate médiée par des
immunoglobulines
IgE
spécifiques
anti-médicaments.
En
l'absence
d'investigations complémentaires, la réintroduction des médicaments suspects
est formellement contre-indiquée puisqu'ils peuvent induire une libération
d'histamine plus importante et déclencher une urticaire plus sévère, voire un
choc anaphylactique. Toutefois, certaines urticaires et angio-oedèmes ne sont
pas liées à la présence d'IgE spécifiques mais à un mécanisme pharmacologique
non allergique.
L’urticaire se caractérise par des papules pouvant confluer en plaques à
contour géographique. Ces papules érythémateuses, oedémateuses, sont
disséminées sur le tégument et ont un aspect ortié (figure 3) . Ces lésions sont
mobiles et fugaces, accompagnées d'un prurit.
Figure 3: Urticaire médicamenteux [69]
46
La toxicité des antibiotiques
L'angio-oedème peut survenir seul ou être associé à l'urticaire. Il s'agit d'un
oedème de l'hypoderme et du derme donnant une sensation de tension. La peau
est de couleur normale ou blanche, et non prurigineuse. L'angio-oedème atteint
tous les territoires cutanés mais aussi les muqueuses. Le pronostic vital peut être
engagé par asphyxie en cas de localisation oropharyngée. Des signes généraux,
fièvre, arthralgies, troubles digestifs ou neurologiques peuvent accompagner
l’urticaire et l’angio-oedème ; le choc anaphylactique avec collapsus
cardiorespiratoire et bronchospasme en est une complication potentiellement
mortelle en l'absence de traitement.
Les antibiotiques le plus fréquemment en cause sont les bétalactamines.
Les délais les plus caractéristiques entre l'introduction du médicament et
l'apparition de l'urticaire et/ou de l'angio-oedème sont de quelques heures, voir
quelques minutes. Parfois, le délai de « sensibilisation » est de l'ordre d’une
semaine.
3. Photosensibilisation
[67, 69, 72, 73]
La photosensibilisation médicamenteuse correspond à une réaction
anormalement exagérée de la peau à une exposition solaire en relation avec la
prise d'un médicament.
La photosensibilisation se traduit par deux types de réactions :
3.1. Réactions phototoxiques
Les réactions phototoxiques sont fréquentes, survenant chez tous les
individus sans prédisposition particulière à condition que le médicament
photosensibilisant s’accumule dans la peau et que l’irradiation soit suffisante.
47
La toxicité des antibiotiques
Quelques heures après l’exposition apparaissent un érythème, un œdème et des
bulles, évoluant les jours suivants vers la desquamation et la pigmentation. La
réaction perdure si l’irradiation et la prise médicamenteuse persistent.
3.2. Réactions photoallergiques
Les réactions photoallergiques ne surviennent que chez les sujets
préalablement sensibilisés. Elles débordent les zones exposées. L’éruption peut
être érythémateuse, œdémateuse, eczématiforme. L’évolution est habituellement
favorable, après éviction de la molécule photoallergisante. Rarement, après un
épisode photoallergisant et après élimination du médicament inducteur, certains
individus présentent une photosensibilité persistante ou rémanente.
Le délai entre l’introduction du médicament et les symptômes est de 5 à 21
jours lors de la première prise. En cas de réadministration, le délai est de l’ordre
de 24 heures. Des photopatch-tests permettent de confirmer le diagnostic si
nécessaire.
3.3. Les Antibiotiques les plus fréquemment en cause
Deux classes sont essentiellement en cause : les cyclines et les quinolones.
 Cyclines
Leur pouvoir photosensibilisant est connu depuis très longtemps et relève
essentiellement d’un mécanisme phototoxique, le spectre d’action semble se
situer dans l’UVB.
Les manifestations cliniques sont extrêmement variées, rash maculeux,
éruption lupus-like, porphyrie-like ou lichénoïde, ainsi qu’une photo-onycholyse
48
La toxicité des antibiotiques
distale (figure 4). Le potentiel photosensibilisant des différentes cyclines varie
avec la structure de la molécule. La déméclocycline (qui n’est plus
commercialisée en France) et la doxycycline sont les photosensibilisants les plus
puissants tandis que la minocycline et la méthacycline montrent un potentiel
inférieur. L’activité phototoxique de la doxycycline est liée à un de ses
photoproduits la lumidoxycycline.
Figure 4: Photo-onycholyse après prise de doxycycline [72]
 Quinolones
Elles sont clairement connues comme pouvant induire des accidents de
photosensibilisation extrêmement brutaux et particuliers par leur évolution
clinique. Le spectre d’action se situe dans l’UVA. Le mécanisme de
photosensibilisation paraît phototoxique comme le montre la négativité
habituelle des photopatchtests. Cependant, il a pu être montré que ces molécules
avaient la potentialité de se comporter comme des haptènes.
49
La toxicité des antibiotiques
 Sulfamides
Leur pouvoir photosensibilisant est connu depuis de très nombreuses
années avec un mécanisme essentiellement photoallergique et un spectre se
situant dans l’UVB (figure 5).
Figure 5 : Photoallergie après prise d’un dérivé sulfamidé. [72]
4. Érythème pigmenté fixe (EPF) [65, 66, 67, 68, 69, 70, 74]
C’est la seule éruption qui soit toujours d’origine médicamenteuse. Il est
composé de lésions papuleuses en plaques ovalaires bien limitées (figure 6),
érythémateuses ou rouges violacées parfois bulleuses en leur centre. A l'arrêt du
médicament inducteur, elles guérissent en laissant une pigmentation sur le site
préalablement atteint. Lorsque le médicament est réintroduit, les lésions
50
La toxicité des antibiotiques
ovalaires érythémateuses réapparaissent en 1 à 4 jours sur les sites pigmentés
préalablement atteints. Parfois, de nouvelles localisations se surajoutent aux
localisations initiales.
Lorsque les lésions sont nombreuses et bulleuses, il ne faut pas confondre
l’EPF avec un syndrome de Stevens-Johnson. Dans l’EPF, il n’y a pas de lésions
maculo-papuleuses entre les médaillons ovalaires bien limités. Les tests
épicutanés peuvent être intéressants pour explorer les EPF s’ils sont réalisés sur
les sites pigmentés séquellaires.
Les
principaux
antibiotiques
inducteurs
sont
les
sulfamides+++
(triméthoprim-sulfaméthoxazole), et les cyclines. Le délai d'apparition des
lésions après introduction est de l'ordre de quelques heures.
Figure 6 : Érythème pigmenté fixe dû à une cycline [66].
5. Purpura vasculaire
[65, 66, 68, 69]
Il s’agit de lésions purpuriques prédominants aux membres inférieurs,
souvent infiltrées. Certaines peuvent évoluer vers la nécrose (figure 7) ou la
51
La toxicité des antibiotiques
bulle. Des signes systémiques, en particulier fièvre, arthralgies, douleurs
abdominales ou une neuropathie périphérique peuvent les accompagner. Une
atteinte rénale ou hépatique survient occasionnellement. Contrairement aux
idées reçues, les médicaments sont une cause rare des purpuras par vascularite.
Les antibiotiques le plus fréquemment impliqués sont les pénicillines et les
sulfamides. La ré-administration du médicament responsable est formellement
contre-indiquée.
Figure 7: vascularite médicamenteuse [69]
6. Pustulose Exanthématique Aiguë Généralisée
[65, 66, 67, 68, 69, 70, 75]
La pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) est caractérisée par
la survenue soudaine d'une fièvre élevée, d'une éruption disséminée
œdémateuse, rapidement couverte de centaines de pustules non folliculaires
superficielles de petite taille (0,3 à 0,5 mm de diamètre) (figure 8) prédominant
52
La toxicité des antibiotiques
au tronc et aux grands plis ; un purpura et des cocardes atypiques peuvent être
associés. Une hyperleucocytose franche est quasi constante, liée à une
neutrophilie. La pustulose est rapidement spontanément résolutive ; fièvre et
pustules durent de 7 à 10 jours et sont suivies d'une desquamation. L'évolution
est donc généralement favorable en moins de 15 jours. L'examen histologique
cutané montre des pustules intraépidermiques ou sous-cornées accompagnées
d'un
oedème
dermique,
d'une
vascularite,
d'un
infiltrat
éosinophile
périvasculaire ou d'un foyer de nécrose kératinocytaire. Le principal diagnostic
différentiel est le psoriasis pustuleux.
Contrairement à beaucoup de toxidermies, le début de l’apparition est très
court par rapport à la prise médicamenteuse surtout s’il s’agit d’un antibiotique.
Pour les autres médicaments, ce délai est en général nettement plus long (3 à 15
jours).
Figure 8: Pustulose Exanthématique aiguë généralisée à la pristinamycine [66]
53
La toxicité des antibiotiques
Les principaux antibiotiques en cause sont rassemblés dans le tableau III,
ils sont responsables de 80% des cas de PEAG d’origine médicamenteux [75].
Tableau III: PEAG : Antibiotiques incriminés [75]
Ampicilline
Isoniazide
Amoxicilline
Pristinamycine
Céphalosporines
Quinolone
Co-trimoxazole
Roxithromycine
Doxycicline
Spiramycine
Erythromycine
Ticarcilline
Imipénem
Vancomycine
7. Syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse ou « drug rash with
eosinophilia and systemic symptoms » (DRESS)
[65, 66, 67, 69, 70]
Il s’agit d’une toxidermie sévère d’origine immunologique, survenant
brutalement 2 à 6 semaines après le début de traitement responsable.
Cliniquement, il s'agit d'une éruption maculopapuleuse étendue, parfois
d'une érythrodermie, souvent accompagnée d'un œdème du visage et du cou
(figure 9). L’éruption est parfois initialement parsemée de pustules. L’atteinte
muqueuse est fréquente. Une polyadénopathie douloureuse, parfois une
hépatosplénomégalie l’accompagnent avec des signes généraux marqués, fièvre
élevée, altération de l’état général. Une hyperlymphocytose, parfois avec atypie
cellulaire, est fréquente associée à une hyperéosinophilie. L’évolution peut être
fatale (par hépatite surtout, pneumopathie ou myocardite). La dénomination de
54
La toxicité des antibiotiques
syndrome drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS) a
été proposée pour souligner la sévérité de ce « syndrome éosinophilique »
médicamenteux. La guérison est lente, environ 1 mois, parfois entrecoupée de
poussées.
Figure 9 : Syndrome d’hypersensbilité médicamenteuse [69]
L'histologie cutanée montre un infiltrat lymphocytaire, parfois dense, voire
épidermotrope et avec des atypies cellulaires pouvant alors faire évoquer un
diagnostic de lymphome.
Les antibiotiques le plus souvent responsables sont les sulfamides et la
minocycline.
8. Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell
[65, 66, 67, 69, 76, 77, 78]
Ce sont les formes les plus graves de toxidermies. Elles surviennent plus
fréquemment chez les sujets immunodéprimés, particulièrement chez les
patients infectés par le VIH.
55
La toxicité des antibiotiques
Histologiquement et cliniquement, il existe un continuum entre Syndrome
de Stevens-Johnson (SSJ) et syndrome de Lyell qui ne sont actuellement
distingués que par la surface d’épiderme nécrosé, facteur majeur de gravité. Les
mêmes médicaments sont responsables de tous les grades de sévérité et chez de
nombreux patients l’éruption s’étend en quelques jours, se transformant de SSJ
en Syndrome de Lyell.
La réaction débute une dizaine de jours après le début du traitement
inducteur, par des manifestations peu spécifiques (fièvre, pharyngite, éruption
érythémateuse). En quelques heures à quelques jours, le tableau devient
caractéristique par l’association d’érosions muqueuses multifocales et de bulles
cutanées. Le signe de Nikolsky est positif et des lambeaux d’épiderme se
détachent à la moindre pression. Au cours du SSJ, bulles et vésicules
disséminées restent distinctes et de petite taille, les zones de décollement par
confluence sont limitées (figure 10). Dans le Syndrome de Lyell de vastes
lambeaux d’épiderme sont décollés mettant à nu le derme suintant rouge vif, ou
« décollables » restant en place avec un aspect de linge fripé (figure 11).
L’atteinte conjonctivale et muqueuse associée est très fréquente. Le patient
présente une altération de l’état général, une fièvre, parfois des arthralgies et/ou
très rapidement une défaillance polyviscérale.
Les examens biologiques montrent une leucopénie, l’élévation de multiples
enzymes, parfois des troubles hydroélectrolytiques résultant des déperditions
cutanées.
56
La toxicité des antibiotiques
La biopsie cutanée montre un épiderme nécrosé sur toute son épaisseur, se
détachant
d’un
derme
peu
modifié
(discret
infiltrat
lymphocytaire).
L’immunofluorescence directe est négative.
Figure 10: Syndrome de Stevens Johnson [67]
Figure 11: Syndrome de Lyell. [69]
La mortalité est de 20 à 25 % pendant l’hospitalisation. Elle varie de 5 à
10% en cas de SSJ à plus de 30 % en cas de syndrome de Lyell. Elle est surtout
due aux complications infectieuses et pulmonaires.
57
La toxicité des antibiotiques
En cas d’évolution favorable, la ré-épidermisation est rapide (10 à 30jours)
avec des séquelles assez fréquentes : troubles de la pigmentation et cicatrices
muqueuses en particulier oculaires.
Les antibiotiques à risques identifiés sont les sulfamides antibactériens.
Un risque beaucoup plus faible a été démontré pour de nombreux antibiotiques
(Bêtalactamine, Quinolones et Tétracyclines).
II. Conduite à tenir immédiate lors de la survenue d'une
toxidermie médicamenteuse [65, 69]
Il faut interrompre tous les médicaments qui peuvent être imputables dans le
déclenchement de la toxidermie ; un retard d'interruption du médicament
responsable s'accompagnant d'une gravité accrue de la toxidermie.
Il est nécessaire de décrire la toxidermie et si possible d'en faire une
photographie.
Il faut immédiatement faire un examen clinique à la recherche des signes de
gravité de cet accident d'iatrogénie. Devant une urticaire, un antihistaminique
est administré. En cas d'oedème de Quincke, d'asthme ou d'une chute
tensionnelle associés, une hospitalisation est indispensable avec si nécessaire
mise en route du traitement de choc anaphylactique.
Toute toxidermie sévère doit faire l'objet d'une déclaration auprès du Centre
régional de pharmacovigilance.
Il faut donner immédiatement des consignes écrites au patient vis-à-vis des
classes médicamenteuses suspectes qui sont contre-indiquées jusqu'à la
poursuite du bilan.
58
La toxicité des antibiotiques
Il faut rappeler au patient de conserver le (s) médicament (s) responsable (s)
car ils pourront être utiles si des investigations complémentaires sont réalisées
ultérieurement.
Il faut, si possible, programmer dans les 6 mois qui suivent un bilan
dermato-allergologique afin d'aboutir à des conseils précis pour le patient visà-vis des molécules contre indiquées de façon définitive et celles qui peuvent
être prises en remplacement.
59
La toxicité des antibiotiques
C. Accidents digestifs
Les troubles digestifs sont les effets secondaires le plus souvent rencontrés
au cours des traitements par antibiotiques. Les mécanismes à l'origine de ces
désordres digestifs sont de mieux en mieux compris et des modifications des
fonctions sécrétoires, motrices ou des perturbations de la flore intestinale
interviennent parfois de façon intriquée. L'incidence des effets secondaires
digestifs des antibiotiques est très variable, en fonction de la classe des produits,
du terrain sur lequel ils surviennent et de la définition des symptômes. [79]
I. Diarrhées post-antibiotiques: diarrhée « simple »
Par convention, la diarrhée post-antibiotique (DPA) est définie par toute
diarrhée apparaissant au cours du traitement antibiotique ou dans les deux mois
suivant son interruption. [80]
Leur incidence varie dans la population générale de 5 à 25 % en fonction
de l’antibiotique prescrit : 5 à 10% pour l’ampicilline, 10 à 25 % pour
l’association
amoxicilline–acide
clavulanique,
15
à
20
%
pour
les
céphalosporines de troisième génération, 2 à 5% pour les fluoroquinolones, les
macrolides et les tétracyclines. [81, 82]
1. Physiopathologie et principales causes infectieuses
la DPA peut être liée à un effet direct des antibiotiques sur l'intestin ou être
secondaire
aux
perturbations
de
l'écologie
microbienne
induites
par
l’antibiothérapie. Dans ce dernier contexte, la DPA peut être due à l'altération
60
La toxicité des antibiotiques
des fonctions physiologiques de la flore commensale, ou à l'émergence dans la
flore intestinale de micro-organismes pathogènes. [80]
1.1. Effets directs des antibiotiques sur l’intestin
a. Entéropathie de l’intestin grêle avec malabsorption
[80, 81]
Cette pathologie est très rare, car les antibiotiques en cause sont anciens et
peu utilisés.
La néomycine donnée par voie orale est susceptible d'induire des troubles
digestifs et une malabsorption des aliments pour des doses quotidiennes > 2
g/jour. Elle précipite le contenu des micelles et induit des
altérations
histologiques de la muqueuse intestinale.
b. Effet prokinétique de l’érythromycine
[79, 80, 81]
L’érythromycine se fixe en partie sur les récepteurs de la motiline et active
ainsi ce puissant peptide prokinétique. Le résultat est une stimulation des
contractions antrales avec raccourcissement du temps de vidange gastrique.
Parallèlement, l’érythromycine semble peu modifier la motricité de l’intestin
grêle et allonge même le temps de transit duodéno-caeca.
c. Modifications de la motricité intestinale
L’amoxicilline–acide
clavulanique
péristaltisme de l’intestin grêle.
61
est
[79, 80, 81]
susceptible
de
majorer
le
La toxicité des antibiotiques
1.2. Diarrhées métaboliques par modification de la flore
commensale
[80, 81]
Les DPA sont le plus souvent la conséquence d’un déséquilibre de la flore
digestive normale entraînant une réduction du métabolisme des hydrates de
carbone et des sels biliaires par les bactéries anaérobies digestives.
La réduction de la fermentation des hydrates de carbone non digérés par la
flore colique conduit à une diminution de la synthèse des acides gras à chaînes
courtes; comme ces acides gras favorisent l’absorption hydroélectrolytique par
la muqueuse colique, la réduction de leur production entraîne la survenue de
diarrhées hydrosodées. En outre, l’accumulation d’hydrates de carbone dans le
côlon s’accompagne de diarrhées osmotiques. Les sels biliaires, qui ne sont plus
déconjugués, ni déhydroxylés par les bactéries anaérobies de la flore digestive
normale, peuvent stimuler la sécrétion colique et provoquer des diarrhées
sécrétoires. Ces diarrhées métaboliques par modification de la flore digestive
normale sont le plus souvent bénignes et régressent à l’arrêt de l’antibiothérapie.
Ce sont les antibiotiques à large spectre, actifs sur les bactéries anaérobies, qui
sont les principaux pourvoyeurs de ces diarrhées.
1.3. Diarrhées infectieuses
[80, 81, 82, 83, 84]
Les antibiotiques, en modifiant la flore intestinale, créent une niche
permettant à divers agents infectieux de proliférer.
Une infection à Clostridium difficile est en cause dans 10 % à 25 % des
cas. Klebsiella oxytoca, Candida albicans ou Staphylococcus aureus sont plus
rarement en cause. [82, 83, 84]
62
La toxicité des antibiotiques
2. Facteurs de risque des DPA
[81]
Les facteurs de risque des DPA, représentés dans le tableau IV, peuvent
être regroupés en deux catégories: ceux liés à l’antibiothérapie et ceux liés à
l’hôte. L’âge est un facteur de risque significatif de DPA, puisque leur fréquence
varie selon une courbe en «U», avec un taux élevé chez les enfants de moins de
six ans et chez les personnes âgées de plus de 65ans.
Tableau IV : Facteurs de risque des diarrhées associées aux antibiotiques [81].
3. Conduite à tenir devant une DPA
[81]
En pratique, l’antibiothérapie devra être arrêtée si son indication n’est pas
formelle et la diarrhée a toutes les chances de céder rapidement. Si la poursuite
de l’antibiothérapie est indiquée, mais proche de son terme, elle pourra être
associée à des modulateurs de la flore et à des antidiarrhéiques antisécrétoires.
63
La toxicité des antibiotiques
Si l’antibiothérapie est indispensable et doit être poursuivie pendant encore un
certain temps, un changement de classe d’antibiotique exposant à un risque
moindre de DPA peut être proposé. Une recherche de toxine de C. difficile
devra être effectuée et, en cas de positivité, un traitement par métronidazole sera
instauré pendant au moins dix jours et jusqu’au terme de l’antibiothérapie.
Comme la majorité des DPA de cause infectieuse sont dues à C. diffıcile, l’arbre
décisionnel proposé par Högenauer mérite d’être retenu et de servir de base à
toute démarche diagnostique devant une DPA (Figure 12).
Figure12 : Arbre décisionnel proposé par Högenauer devant une diarrhée
associée aux antibiotiques. [81]
64
La toxicité des antibiotiques
II. Colite pseudomembraneuse post antibiotiques à
Clostridium difficile
La colite pseudomembraneuse (CPM) est la forme la plus sévère des
complications digestives de l’antibiothérapie, et est potentiellement grave car
susceptible de mettre en jeu le pronostic vital du malade [80, 83, 85].
La plupart des antibiotiques peuvent la provoquer mais certains d’entre eux
sont plus responsables que d’autres : c’est le cas pour les céphalosporines, la
clindamycine, et les aminopénicillines. [15, 79, 80, 81, 86, 87]
1. physiopathologie et agent responsable
[15, 80, 81, 83, 84, 85, 86]
Le Clostrudium difficile est actuellement reconnu comme l’agent
responsable de plus de 95 % des cas de CPM post antibiotiques [15, 81, 83, 85, 86]
Par leur action sur la flore de barrière, les antibiotiques facilitent
l’implantation de C. difficile dans le tube digestif et/ou son émergence.
La virulence des souches de C. difficile est liée à la sécrétion de deux
toxines protéiques :
- La toxine A (entérotoxine) se fixe sur les récepteurs des cellules
intestinales (entérocytes) entraînant des lésions cellulaires.
-
La toxine B (cytoxine) achève la destruction du cytosquelette des
entérocytes.
65
La toxicité des antibiotiques
2. Manifestations cliniques
[15, 79, 86]
Les symptômes apparaissent le plus souvent 5 à 10 jours après le début du
traitement; il s'agit le plus souvent d'une diarrhée profuse associée à un
météorisme abdominal, une hyperthermie avec altération de l'état général. En
endoscopie, on observe souvent une pancolite à fausses membranes. Ces dépôts
blanchâtres sont constitués par des exsudats fibrinoleucocytaires sur une
muqueuse abrasée en surface. La mortalité atteint 10-20 % en raison des
complications locales (colectasies, perforations, hémorragies) ou générales
(toxi-infections). Des signes alarmants sont fréquents, avec une perte pondérale
de plus de 10 % du poids du corps liée à la déshydratation. L'hyperleucocytose
supérieure à 15 000/mm3 existe dans 40 % des cas.
3. Diagnostic
[15, 79, 86]
En dehors de la visualisation des lésions pseudomembraneuses par la
rectoscopie ou la coloscopie, la bactériologie permet d’isoler le germe.
L'isolement de Clostridium difficile dans les selles est réalisé à l'aide de
milieux sélectifs et demande quelques jours avant de porter un diagnostic de
certitude. La recherche de toxine est plus rapide et les tests récents de type
enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) sont plus intéressants avec une
spécificité de 97 % et un délai d'interprétation de quelques heures.
4. Traitement et prévention
[15, 84, 86, 87, 88]
Le traitement repose sur l’arrêt de l’antibiothérapie en cause, la
rééquilibration hydroélectrolytique et la prescription d’un traitement antibiotique
visant à éradiquer le C.diffıcile.
66
La toxicité des antibiotiques
Le métronidazole, à une dose de 500 mg administré 3 fois par jour par voie
orale, représente le traitement initial de choix. La solution de rechange à cette
thérapie est la vancomycine à une dose de 125 mg administrée 4 fois par jour
par voie orale durant une période allant de 10 à 14 jours. [84, 87, 88]
La prévention repose sur l’abstention de la prescription de l’antibiotique
causal chez les sujets ayant déjà fait une CPM, et sur l’association d’un
modulateur de la flore intestinale comme Saccharomyces boulardii. C’est la
capacité de S.boulardii à secréter une protéase anti-A et B qui a justifié sa
prescription. [15, 86]
III. Colites hémorragiques post-antibiotiques à Klebsiella
oxytoca
A côté des colites post-antibiotiques à Clostridium difficile, des colites
hémorragique, associées à Klebsiella oxytoca ont été décrites.
1. hypothèse pathogéniques
L’hypothèse que Klebsiella oxytoca soit l’agent infectieux responsable des
colites hémorragiques sous pénicillines, céphalosporines et pristinamycines
(antibiotiques dont elle est naturellement résistante) prévaut dans la littérature
française et japonaise, mais n’est pas admise dans la littérature anglo-saxonne.
Pourtant, une équipe japonaise a isolé une toxine produite par les souches de
klebseilla oxytoca des
patients ayant une colite hémorragique sous
antibiotiques. Il s’agit d’une toxine de faible poids moléculaire, cytotoxique
pour plusieurs lignées cellulaires en culture et entrainant une sécrétion
67
La toxicité des antibiotiques
hydroélectrolytique et des lésions muqueuses hémorragiques dans des anses
iléales de lapin isolées. [80, 81, 89, 90]
Malgré ces arguments, le niveau de preuve de la responsabilité de
Klebsiella oxytoca dans les colites hémorragiques n’atteint pas encore celui de
la responsabilité de Clostridium difficile dans les colites pseudo-membraneuses.
2. Manifestations cliniques
[81, 84, 88, 89, 90]
Les symptômes, à type de crampes abdominales et de diarrhées
hémorragiques, apparaissent quelques jours après le début du traitement
antibiotique.
L’endoscopie digestive ne retrouve pas de fausse membrane, mais visualise
des hémorragies muqueuses, parfois des érosions et des ulcérations coliques
droites.
3. Traitement
[84, 88]
Les colites hémorragiques à Klebsiella oxytoca régressent en général
rapidement à l’arrêt de l’antibiothérapie responsable. Si ce n’est pas le cas, un
traitement par quinolones est indiqué.
IV. Nausées et vomissements
[1, 2, 91]
Les nausées et les vomissements font partie des effets secondaires
classiques de nombreux antibiotiques. Ces effets sont souvent d’intensité et
d’aspect mineurs mais il ne faut pas sous-estimer leur rôle dans la mauvaise
compliance et la moindre efficacité thérapeutique.
68
La toxicité des antibiotiques
Les antibiotiques le plus souvent en cause sont les macrolides, la majorité
des bêtalactamines (surtout les carbapénèmes) et les tétracyclines.
V. Stomatites
Ce sont les antibiotiques à large spectre (tétracyclines, ampicilline…)
administrés par voie orale, qui détruisent les bactéries produisant la vitamine B
nécessaire à la trophicité des muqueuses. Ils déséquilibrent aussi globalement la
flore digestive favorisant de cette manière la prolifération anormale des candidas
albicans. Ceci entraîne
une grande sécheresse buccale avec sensation de
brûlure, une rougeur, une perlèche, un muguet; quelques fois même une glossite
dépapillante médiane ou villeuse noirâtre. Le diagnostic est confirmé par la
richesse des cultures en candida albicans après prélèvement local. Ces
complications peuvent même quelquefois s’observer après un traitement
prolongé administré
par voie parentérale. Elles sont prévenues par les
antifongiques. [92, 93]
69
La toxicité des antibiotiques
D. Accidents rénaux
La toxicité rénale d’un médicament est un événement grave car elle est
associée à une importante morbimortalité. La mortalité est liée principalement
au terrain sur lequel la défaillance rénale survient, mais également à l’altération
de la filtration glomérulaire en elle-même, qui met la vie du patient en danger en
l’exposant
à
de
multiples
complications.
Les
néphropathies
aiguës
médicamenteuses représentent 20 % des insuffisances rénales aiguës (IRA)
avec, comme principales substances en cause, les antibiotiques (surtout les
aminosides) [94].
I. Rappel physiologique
[94, 95, 96, 97]
Le rein est un organe particulièrement sensible à la toxicité des
médicaments circulant dans l’organisme, car il reçoit chaque minute 25 % du
débit cardiaque dans un réseau capillaire qui représente une très importante
surface endothéliale. La surface filtrante est égale à 1m2/100 g de tissu, soit 4 m2
chez un adulte. Le débit de filtration glomérulaire (DFG) (ou clairance de la
créatinine) est égal à 100 à 120 ml/min soit 140 à 180 l/ 24 heures, d’où un
contact massif entre le rein et les médicaments et/ou leurs métabolites. De plus,
l’existence d’un gradient osmotique corticomédullaire favorise l’accumulation
interstitielle de toxiques au niveau de la papille et de la médullaire.
Enfin, le rôle fondamental du tubule rénal dans la réabsorption/ sécrétion
des solutés l’expose à une concentration particulièrement élevée de médicament
dans la lumière tubulaire, mais aussi dans la cellule tubulaire.
70
La toxicité des antibiotiques
L’élimination des molécules par le rein est la somme de trois mécanismes :
la filtration glomérulaire, la sécrétion et la réabsorption tubulaires.
 Filtration glomérulaire
La filtration glomérulaire dépend de la fixation protéique des médicaments.
En effet, seule la fraction libre du médicament est filtrée si son poids
moléculaire est inférieur à 68 000 kD. Les médicaments filtrés sont présents
dans la lumière tubulaire où ils se concentrent du fait de la réabsorption de l’eau.
Les médicaments non filtrés se concentrent dans les artères efférentes et
péritubulaires.
 Sécrétion tubulaire
La sécrétion tubulaire se fait de l’artériole péritubulaire vers la lumière
urinaire. Elle n’est pas limitée par la fixation protéique, et peut être compétitive
entre deux substances. Elle s’effectue contre un gradient de concentration; c’est
un phénomène actif nécessitant des transporteurs et de l’énergie.
 Réabsorption tubulaire
La réabsorption tubulaire se fait de la lumière tubulaire vers l’artériole
péritubulaire. Elle peut être active (nécessitant transporteurs et énergie) ou
passive (elle concerne le plus souvent les substances liposolubles).
Ainsi, tous les facteurs susceptibles d’élever la concentration intrarénale de
substances toxiques (variations de débit sanguin, déshydratation, néphropathie,
etc.) favorisent la survenue d’une insuffisance rénale médicamenteuse.
71
La toxicité des antibiotiques
II. Principaux types d’atteinte rénale secondaires à la prise
d’antibiotiques
[94, 95, 96]
Les néphropathies aux antibiotiques
sont généralement des atteintes
rénales aigues qui ne persistent que le temps du traitement. On distingue :
1.
Néphropathies tubulaires
Elles sont dues, en général, à une atteinte toxique directe se manifestant le
plus souvent par des troubles hydroélectrolytique et une insuffisance rénale
aigue secondaire à une nécrose tubulaire aigue. La toxicité tubulaire peut ne
s’exprimer que sous la forme d’une tubulopathie proximale (syndrome de
Fanconi).
Le tableau de nécrose tubulaire aigue est classiquement pauvre, représenté
par la phase d’insuffisance rénale aigue dont la durée est plus ou moins
prolongée en fonction de la sévérité de l’atteinte. Il n’existe ni protéinurie ni
hématurie. En revanche, l’apparition de cylindres tubulaires granuleux dans le
sédiment urinaire conforte le diagnostic de la nécrose tubulaire aigue. La
seconde phase de la nécrose tubulaire aigue correspond à la phase de
régénération des cellules tubulaires entraînant la restauration de la capacité
d’épuration et une diminution de la créatininémie.
2.
Néphropathies tubulo-interstitielles
Elles sont généralement secondaires à un mécanisme immunoallergique,
avec des manifestations extrarénales (fièvre, éruption cutanée, arthralgies, ictère,
thrombopénie, hémolyse auto-immune, hyperéosinophilie, hyperéosinophilurie)
72
La toxicité des antibiotiques
associées à une insuffisance rénale aigue. Dans le sédiment urinaire, l’existence
d’une éosinophilie est très évocatrice mais n’est présente que dans un tiers des
cas seulement. L’hématurie macroscopique, signe classique de la maladie, est
également loin d’être systématique. Habituellement, on observe une leucocyturie
sans pyurie et une hématurie microscopique. Une protéinurie de débit modéré
(<1g/l) avec un tracé tubulaire complète le tableau.
3.
Néphropathies glomérulaires
Elles ne sont pas les plus courantes et sont très souvent secondaires à des
processus immunologiques. A la différence des néphropathies interstitielles
aigues, il s’agit de néphropathies chroniques, sans signes extra rénaux de la
lignée allergique, se traduisant par une protéinurie isolée ou un syndrome
néphrotique chez l’adulte, et/ou des œdèmes.
4.
Cristallurie et lithiases
Lorsqu’il s’agit d’une lithiase, c’est souvent une colique néphrétique ou
une hématurie macroscopique qui va révéler le calcul; en cas de cristallurie, il
existe souvent une IRA associée. Dans tous les cas, l’échographie est essentielle,
montrant soit le calcul et la dilatation des voies urinaires, soit un aspect de
néphrocalcinose en cas de cristallisation médicamenteuse intraparenchymateuse.
III. Facteurs favorisants [94, 98, 99]
La connaissance des facteurs favorisant la néphrotoxicité des antibiotiques
permet d’être plus vigilant et de prendre des mesures permettant de diminuer la
fréquence des atteintes rénales.
73
La toxicité des antibiotiques
Les facteurs peuvent être dus, d’une part à l’antibiotique lui-même :
administration inadaptée : trop prolongée ou à des doses trop fortes ;
association à des traitements pouvant altérer la fonction rénale :
diurétiques, produits de contrastes iodés, amphotéricine B, ciclosporine,
cisplatine, vancomycine
D’autre part, il convient de tenir compte des caractéristiques du malade :
insuffisance rénale préexistante même mineure ;
néphropathie chronique même sans insuffisance rénale ;
âge avancé ou prématurité ;
cirrhose hépatique ;
déshydratation ;
diabète mal équilibré ;
hypovolémie, hypotension
IV.
Physiopathologie et profil clinique des effets rénaux des
antibiotiques
Le diagnostic de toxicité rénale d'un antibiotique est le plus souvent posé
devant une altération aiguë de la filtration glomérulaire, une des présentations
cliniques les plus fréquentes, les autres (atteinte tubulaire isolée, syndrome
néphrotique) étant probablement largement sous-estimées car moins bien
diagnostiquées par les cliniciens. La gravité du problème est soulignée par la
possibilité d'évolution vers l'insuffisance chronique terminale. [94]
74
La toxicité des antibiotiques
Les mécanismes responsables des anomalies rénales aux antibiotiques sont
variés. Ils sont illustrés dans le Tableau V :
Tableau V: Antibiotiques impliqués dans la toxicité rénale des médicaments [94].
Mécanisme physiopathologique impliqué
Médicament
Aminosides
Toxicité tubulaire directe
Pentamidine
Sulfonamides
Nitrofurantoïne
Tétracyclines
Pénicillines
Céphalosporines
Néphropathie immunoallergique
Sulfonamides
Rifampicine
Ciprofloxacine
Tétracyclines
Obstruction intratubulaire par précipitation
Du médicament ou de ses métabolites
Sulfonamides
Glomérulopathie
Rifampicine
Cefixime
75
La toxicité des antibiotiques
1. Aminosides
Ils sont responsables d’environ 25 % des insuffisances rénales aiguës.
100]
[94,
Le mécanisme de la toxicité est lié à un effet cytotoxique direct, dose-
dépendant, dû à l’accumulation excessive de ces médicaments dans le cortex
rénal. Cette accumulation est par ailleurs corrélée aux concentrations sériques de
l’aminoside. Plusieurs types d’atteinte rénale ont été décrits suite à
l’administration des aminosides: nécrose tubulaire aigue, néphropathie
interstitielle aigue, syndrome de Fanconi, diabète insipide néphrogénique ou
encore hypokaliémie associée à une hypomagnésémie. [95]
La néphrotoxicité est le plus souvent cliniquement silencieuse. La polyurie,
due à un défaut de concentration des urines, peut être l’un des signes précoces.
C’est l’élévation de l’urée et de la créatinine sanguines qui fait découvrir
l’atteinte rénale, laquelle apparaît habituellement entre le cinquième et le
huitième jour de traitement. [94, 95, 99]
Les atteintes tubulaires sont prédominantes et sont secondaires à une
fixation de l’aminoside sur les récepteurs de la bordure en brosse des cellules
tubulaires rénales et à son accumulation dans les lysosomes. Cette accumulation
entraîne une libération d’enzymes qui détruisent les cellules tubulaires. Les
examens histologiques mettent en évidence d’importantes lésions tubulaires
siégeant principalement dans la partie proximale du néphron. Les tubules
perdent leur bordure en brosse, l’épithélium tubulaire est en partie nécrosé, les
lumières sont élargies et encombrées de débris cellulaires. [95]
L’évolution après arrêt du traitement est généralement favorable,
aboutissant à une guérison spontanée sans séquelles. La biopsie rénale n’est
76
La toxicité des antibiotiques
donc pas indispensable. Quand elle est faite, elle montre une récupération
complète de l’architecture du cortex. Parfois, on peut observer des cicatrices
fibreuses résiduelles autour des tubules atrophiques. [99]
Le respect des doses, la réduction de la durée de traitement (quatre à cinq
jours au maximum), une hydratation adéquate, une surveillance étroite des taux
résiduels du médicament et l’administration d’une dose unique journalière
(DUJ) sont des moyens de prévention de la néphrotoxicité des aminosides. En
effet, une seule administration du médicament aboutit à un pic de concentration
plasmatique et urinaire très élevé qui dépasse la capacité de réabsorption du
tubule proximal de telle sorte que la plus grande partie du médicament est
excrétée et n’est pas réabsorbée par les cellules tubulaires. A l’inverse, si la dose
du médicament est fractionnée, la réabsorption tubulaire n’est pas limitée et la
récupération du médicament par les cellules tubulaires proximales est plus
importante sur une période de 24heures [95, 100, 101]. Récemment, la néphrotoxicité
de la DUJ versus dose fractionnée de la tobramycine a fait l’objet d’une étude
prospective randomisée portant sur 54 patients en soins intensifs. Cette étude a
confirmé la moindre néphrotoxicité de la dose unique. [102]
Le traitement comporte l’arrêt des aminosides et des mesures
symptomatiques. En cas de surdosage, la dialyse peut permettre de diminuer de
30 % le taux circulant en 4 heures mais, dans la majorité des cas, le maintien
d’une diurèse supérieure ou égale à 3 l/24 h est suffisant. [94]
77
La toxicité des antibiotiques
2. Les antituberculeux
Depuis le premier cas d’IRA publié en 1971, de nombreux effets rénaux
dus à la rifampicine ont été publiés dans la littérature internationale
[103]
. Ces
effets relèvent le plus souvent d’un mécanisme immunoallergique, en particulier
lors d’un traitement discontinu, intermittent et/ou interrompu. Les principales
caractéristiques cliniques de ces insuffisances rénales sont un syndrome grippal,
une oligoanurie quasi-constante, des troubles gastro-intestinaux, douleur
lombaire, rash, œdèmes. L’atteinte rénale se manifeste le plus souvent par une
néphrite interstitielle aiguë et/ou une nécrose tubulaire aiguë. Une atteinte
glomérulaire de type glomérulonéphrite rapidement progressive peut aussi être
observée [104]. L’atteinte rénale peut être sévère nécessitant parfois un traitement
temporaire par dialyse. L'évolution est généralement favorable et impose
souvent l'arrêt définitif du traitement. Dans la plupart des cas, la fonction rénale
récupère complètement en 1 à 3 mois après l'épisode d'IRA [95].
L’isoniazide peut être responsable de glomérulonéphrite extracapillaire.
Dans un cas, les manifestations rénales sont apparues un mois après le début du
traitement chez une jeune fille de 13 ans. L’arrêt de l’isoniazide et le traitement
par corticoïdes et cyclophosphamide ont permis une récupération complète de la
fonction rénale. Par ailleurs, il existe deux cas d’IRA associée à une
hyperéosinophilie chez des patients recevant de l’isoniazide et de l’éthambutol
[95]
.
La néphrotoxicité due à l’éthambutol est également rare (quatre cas dans la
littérature) et de type immunoallergique. Les manifestations rénales étaient les
suivantes : augmentation de la créatininémie, oligurie, protéinurie, hématurie,
78
La toxicité des antibiotiques
glycosurie. La biopsie rénale effectuée chez trois patients a mis en évidence des
lésions tubulaires et un infiltrat lymphocytaire interstitiel. Dans un cas, le
recours à l’hémodialyse a été nécessaire. L’évolution a été favorable, mais la
récupération complète de la fonction rénale peut être retardée et durer quelques
mois [95, 105].
Il existe deux observations rapportant une IRA au pyrazinamide. Dans ces
deux cas, l’insuffisance rénale se caractérisait par une atteinte tubulointerstitielle et l’évolution a été favorable à l’arrêt du médicament. Dans un des
cas, l’insuffisance rénale s’accompagnait d’une rhabdomyolyse [95].
3. Vancomycine
La vancomycine peut être à l’origine d’une néphrite interstitielle aiguë
immunoallergique, ainsi que d’une néphrotoxicité directe par nécrose tubulaire
aigue.[106] Cependant, la fréquence de cette dernière est faible lorsque le
médicament est administré seul et ne devient réellement significative qu’en
présence de facteurs de risque dont le plus important est la coadministration
d’autres agents néphrotoxiques, en particulier les aminosides [94, 95, 98, 107].
4. Pénicillines
La toxicité rénale des pénicillines s'exprime principalement par une
néphropathie tubulo-interstitielle aiguë
[94, 95]
. La néphrotoxicité des pénicillines
est rare et généralement non prévisible. Quand elle survient, cette néphrotoxicité
résulte d'un accident immunoallergique touchant l'interstitium rénal (néphrite
interstitielle aiguë). Les signes rénaux associent de façon variable hématurie
micro- ou macroscopique, protéinurie et augmentation de la créatinine. Des
79
La toxicité des antibiotiques
signes généraux sont possibles: fièvre, arthralgies, éruption cutanée.
Biologiquement, outre la dysfonction rénale, on peut constater une
hyperéosinophilie, une cytolyse hépatique, une éosinophilie. Sauf exception, ce
type d'accident doit faire renoncer à l'utilisation ultérieure de l'ensemble des
bétalactamines car des réactions croisées sont possibles [94, 96].
5. Céphalosporines
Quand elles étaient administrées à fortes doses, la céfaloridine et la
céfalotine (C1G) ont été rendues responsables d’accidents rénaux à type de
nécrose tubulaire. Pour les autres céphalosporines, la toxicité rénale, de type
immunoallergique, est très rare [94].
6. Sulfamides
Les sulfamides peuvent induire de façon rare des accidents rénaux
immunoallergiques. La sulfadiazine peut entraîner la formation de cristaux
médicamenteux dans les tubules rénaux. La précipitation de ces cristaux peut
induire une obstruction tubulaire ou la formation d'une véritable lithiase
médicamenteuse. Une hydratation abondante et alcaline favorise la solubilité de
ces cristaux dans les urines [94].
7. Quinolones
La néphrotoxicité des quinolones se manifeste principalement par une
néphrite interstitielle aiguë
[95, 108]
. Cependant, d’autres types d’atteinte rénale
ont été décrits suite à l’administration de la ciprofloxacine: un syndrome
80
La toxicité des antibiotiques
hémolytique et urémique, une hématurie isolée, une cristallurie, un syndrome de
sécrétion inappropriée de l’ADH et une vascularite nécrosante [109].
8. Macrolides
Comme les autres antibiotiques, les macrolides peuvent êtres responsables
d’une néphrite interstitielle se manifestant par une IRA peu de temps après
l’introduction du médicament. Ce type d’atteinte rénale a été rapporté pour
l’azithromycine
[94,110]
et l’érythromycine
[95]
. L’évolution est généralement
favorable si le diagnostic est précoce et suivi de l’arrêt du médicament.
81
La toxicité des antibiotiques
E. Accidents hépatiques
Les hépatites médicamenteuses présentent un défi pour le clinicien en
raison de la difficulté de leur diagnostic et des conséquences de la poursuite d'un
traitement susceptible d'aggraver des lésions aiguës ou d'aboutir au
développement des lésions chroniques. Les antibiotiques seraient responsables
d'environ 15 % des cas [111].
I. Mécanisme de l’hépatotoxicité
[112, 113, 114, 115, 116]
Généralement, l’hépatoxicité est dose-dépendante et donc prévisible,
apparaissant après un court délai (1-12 semaines) après exposition au toxique.
Plus rarement, elle est idiosyncrasique, dose-indépendante et apparaît avec une
période de latence plus longue (jusqu’à 12 mois)
[112, 113]
. Deux mécanismes
peuvent y conduire :
 Le premier fait intervenir une hépatotoxicité directe, c’est le cas de
substances qui entraînent directement ou le plus souvent par l’intermédiaire
d’un métabolite actif une altération de structure et/ou de fonctionnement
d’une organelle ou d’un type cellulaire hépatique.
 Le second fait appel à une réaction immunoallergique dirigée contre un
Néoantigène
résultant
de
la
fixation
covalente
d’un
métabolite
médicamenteux à une protéine cellulaire.
II. Facteurs de risque
L’hépatotoxicité des médicaments peut être favorisée par différents
facteurs :
82
La toxicité des antibiotiques
1. Le jeune, la dénutrition et la polymédication
[114]
Ils peuvent diminuer la quantité de glutathion hépatique nécessaire pour la
détoxication des métabolites réactifs.
2. La consommation chronique d’une quantité excessive d’alcool
[113]
Le mécanisme de cette potentialisation correspond probablement à une
induction du cytochrome P450 par l’alcool et à une réduction de la réserve
hépatique de glutathion.
3. L’âge avancé
[113]
Chez les sujets âgés, les réactions d’oxydation sont les plus touchées en
raison de la réduction de la masse hépatique et de la diminution de l’activité des
enzymes microsomales, en particulier du cytochrome P450.
4. L’induction enzymatique
[114]
Elle peut augmenter la transformation d’un autre médicament en métabolite
réactif, ainsi la rifampicine augmente la toxicité de l’isoniazide en augmentant la
transformation de ce médicament en métabolites réactifs.
5. Facteurs génétiques
[114,117]
L’hépatotoxicité des médicaments est, dans certains cas, influencée par des
facteurs génétiques intervenant dans le métabolisme médicamenteux ou dans les
capacités de détoxication des métabolites produits.
83
La toxicité des antibiotiques
III.
Principaux type d’atteintes hépatiques liées à la prise
d’antibiotiques [112, 113, 114, 115]
1. Hépatites cytolytiques
Elles sont définies par une augmentation de l’ALAT supérieure à deux fois
la limite supérieure de la normale sans augmentation des PAL ou par un rapport
R= ALAT/PAL supérieur à 5. L’atteinte hépatique peut être asymptomatique ou
bien révélée par des symptômes non spécifiques tels qu’une asthénie, une
anorexie, des vomissements et des douleurs abdominales modérées associées ou
non à un ictère. Le principal caractère anatomopathologique est la nécrose
hépatocytaire généralement associée à un infiltrat inflammatoire lobulaire.
Dans la plupart des cas, l’interruption de l’administration du médicament
responsable est suivie d’une amélioration rapide de la symptomatologie clinique
et d’une guérison complète clinique et biologique en quelques semaines.
Cependant, il existe parfois une insuffisance hépatique caractérisée par des
troubles de la coagulation et une encéphalopathie hépatique. Dans ce cas,
l’hépatite est décrite comme fulminante.
2. Hépatite cholestatique
Elles sont caractérisées par une augmentation de PAL isolée à plus de deux
fois la limite supérieure de la normale sans anomalies de l’ALAT ou par un
rapport R inférieur à 2. La symptomatologie clinique associe un ictère, un prurit,
une décoloration des selles et des urines foncées. En plus, des manifestations
d’hypersensibilité sont fréquemment associées.
84
La toxicité des antibiotiques
Dans la majorité des cas, l’interruption du traitement responsable est suivie
d’une guérison complète en quelques semaines. Rarement, une cholestase
chronique peut survenir avec la destruction progressive des petits canaux
biliaires.
3. Hépatite mixte
Cette atteinte se caractérise par un rapport R compris entre 2 et 5. Les
manifestations cliniques, biologiques et histopathologiques associent celles
observées au cours des hépatites cytolytiques et cholestatiques. L’ictère est
souvent présent.
4. les autres formes d’atteinte hépatique
[112, 114]
La plupart des autres formes se caractérisent par un cours évolutif
prolongé. On distingue : cholangites, stéatose, cirrhoses, hépatites chroniques
actives.
IV. Différentes familles d’antibiotiques et les atteintes qu’elles
peuvent produire
1. Les antituberculeux
 L’isoniazide
L’atteinte hépatique induite par l’isoniazide est généralement imprévisible
et de type cytolytique
[118]
. Il s’agit le plus fréquemment d’une augmentation
modérée des taux des transaminases sériques [119]. Elle s’observe chez 10 à 20%
des malades prenant de l’isoniazide seul. Cette fréquence est plus élevée en cas
d’association à la rifampicine. Cependant, la fréquence de survenue d’une
85
La toxicité des antibiotiques
hépatite symptomatique est nettement inférieure, elle varie de 0,5 à 2 % des
malades sous isoniazide seul et de 2,5 à 6 % en cas d’association à la
rifampicine [120].
L’hépatite de type mixte est beaucoup plus rare et survient généralement
dans les trois premiers mois du traitement. Elle peut être associée à des signes
d’hypersensibilité. L’atteinte hépatique secondaire à l’isoniazide est régressive à
l’arrêt du traitement, l’évolution mortelle est exceptionnelle. La prise d’alcool,
l’âge avancé et le phénotype acétyleur lent constituent les principaux facteurs
favorisants de la toxicité hépatique induite par l’isoniazide [119].
 La rifampicine
Elle est susceptible d’entraîner une cholestase hépatique par compétition
avec la bilirubine. Il peut s’agir également d’une augmentation modérée et
précoce des transaminases [119, 120].
 Le Pyrazinamide
L’hépatite cytolytique est l’atteinte la plus fréquente. Elle est imprévisible
mais dose dépendante ce qui suggère son mécanisme plutôt toxique. Elle est très
fréquente pour des posologies supérieures à 3 g/j, autrefois prescrites.
Actuellement, la fréquence des atteintes hépatiques est nettement réduite avec
des posologies de 20 à 30 mg /kg par jour [121].
Elle est estimée, pour une durée de traitement de deux mois, entre 0,5 et
10% d’hépatites symptomatiques selon les études et les associations
médicamenteuses. Les hépatites secondaires au pyrazinamide sont, dans la
grande majorité des cas, réversibles à l’arrêt du traitement
86
[120]
. Toutefois, elles
La toxicité des antibiotiques
peuvent être graves voire fulminantes. Récemment, plus de quatre cas
d’hépatites mortels secondaires au pyrazinamide ont été rapportés dans la
littérature lors de l’utilisation de l’association rifampicine–pyrazinamide en
traitement préventif de l’infection tuberculeuse latente [122]. Par ailleurs, il peut
s’agir d’une simple élévation des taux sériques des transaminases pouvant être
régressive même à la poursuite du traitement. Enfin, un cas d’hépatite
granulomateuse suite à l’administration du pyrazinamide a été rapporté [119].
 L’Éthambutol
[119]
Il s’agit souvent d’une simple hyperbilirubinémie modérée sans ictère,
découverte au bilan hépatique de contrôle et ne nécessitant pas l’arrêt du
traitement.
Exceptionnellement, il a été décrit de véritables atteintes hépatiques
cholestatiques mais qui restent réversibles à l’arrêt du traitement.
2. les bétalactamines
 amoxicilline-acide clavulanique : [111, 123]
L’association amoxicilline-acide clavulanique est impliquée dans la
survenue d'hépatites et de cholangites.
Les hépatites aiguës sont le plus souvent cholestatiques, mais des atteintes
cytolytiques ou mixtes sont possibles. Elles peuvent se révéler plusieurs jours,
voire plusieurs semaines, après l'arrêt du médicament, rendant le diagnostic
d'autant plus difficile. Les principaux signes cliniques sont l'ictère et le prurit.
Les atteintes des petits canaux biliaires (cholongite) sont plus rares.
Comme pour les hépatites aiguës, elles se traduisent par un ictère simulant
87
La toxicité des antibiotiques
parfois une angiocholite lorsqu'elles s'associent à des douleurs abdominales. La
distinction entre hépatite et cholangite repose essentiellement sur l'aspect
anatomopathologique, mais les deux types de lésions peuvent coexister.
L'évolution est habituellement favorable et la guérison complète s'observe en
quelques semaines. Le mécanisme physiopathologique est inconnu mais
plusieurs arguments sont en faveur d'une origine immuno-allergique. La
réadministration d'amoxicilline n'est pas contre-indiquée.
Des cas moins fréquents de cholangite ont été observés avec l’ampicilline
et la flucloxacilline. [123]
3. Les Tétracyclines
[124, 125]
Les tétracyclines et leurs dérivés sont susceptibles d’entraîner une stéatose
microvésiculaire surtout à fortes doses et lors d’injection par voie veineuse. Ces
lésions sont dues à un double effet stéatogène de ces antibiotiques qui inhibent à
la fois la bêta oxydation mitochondriale des acides gras et la sécrétion hépatique
des lipoprotéines de très faible densité.
L’atteinte hépatique peut être très grave, voire mortelle. Cependant, aux
doses usuelles recommandées maintenant, il est rare que les tétracyclines
entraînent une stéatose et celle-ci n’a en général pas de gravité.
4. Les macrolides
Il peut s’agir d’une simple élévation des transaminases, voire d’un ictère ou
d’une hépatite cholestatique réversible survenant les dix premiers jours. Ces
troubles imposent l’arrêt immédiat du traitement [22].
88
La toxicité des antibiotiques
5. Les sulfamides
Les sulfamides peuvent être responsables de quelque cas
d’hépatite
granulomateuse et plus rarement d’hépatite mixte [114, 126].
La toxicité des sulfamides est génétiquement modulée. Elle est favorisée
par une faible capacité d’acétylation et par une diminution des capacités à
détoxiquer les métabolites réactifs des sulfamides [117, 126].
La toxicité de l’association sulfaméthoxazole-triméthoprime est fortement
augmentée chez les patients atteints du syndrome de l’immunodéficience
acquise (sida). L’hépatotoxicité est attribuée beaucoup plus au sulfamide qu’au
triméthoprime [126].
6. Autres antibiotiques
Des cas rares d’hépatite ont été attribués aux quinolones (ofloxacine et
norfloxacine) [126], à l’acide fusidique [113] et au chloromephénicol [114].
89
La toxicité des antibiotiques
F. Accident hématologiques
Les accidents hématologiques des antibiotiques peuvent être d’origine
centrale ou périphérique et peuvent intéresser une ou plusieurs lignées, rouge
granuleuse ou plaquettaire. La liste des accidents comporte :
 Des accidents rares, mais graves : les agranulocytoses, les neutropénies,
les thrombocytopénies, et pire les anémies aplasiques ;
 Des accidents évitables, dont les conséquences peuvent être minimisées
quand on en connaît l’existence; c’est le cas des anémies hémolytiques
liées à un déficit en glucose-6- phosphate déshydrogénase [17].
I. Mécanismes d’hématotoxicité
[127, 128]
Deux mécanismes principaux sont en cause :
Le premier est la toxicité directe, elle est dose dépendante, avec des
variations individuelles importantes, et intéresse le plus souvent plusieurs
lignées sanguines. Chaque antibiotique a son propre mécanisme de toxicité.
Le deuxième est le mécanisme immunologique, il repose sur une réponse
humorale et cellulaire induite par l’antibiotique, pouvant être responsable d’une
inhibition de la granulopoïèse ou d’une destruction des polynucléaires.
90
La toxicité des antibiotiques
II. Principaux
types
d’atteintes
hématologiques
et
antibiotiques responsables
1. Neutropénie, Agranulocytose et thrombopénie
 Neutropénie
[127, 129, 130]
La neutropénie se définit par une diminution du nombre absolu des
polynucléaires neutrophiles (PNN) dans le sang circulant. On parle de
neutropénie en dessous de 1 500 polynucléaires/mm3. Plusieurs antibiotiques
peuvent être en cause mais les plus incriminés sont les bétalactamines, les
sulfamides et les phénicolés.
Classiquement, le tableau diffère selon le mécanisme. En cas d'atteinte
immunologique induite par les bétalactamines et les sulfamides, le début est
brutal. Le myélogramme peut montrer soit une hypoplasie globale de toute la
lignée granuleuse, soit un blocage plus tardif au stade du promyélocyte. En cas
d'atteinte toxique comme c’est le cas des phénicolés, la neutropénie peut
s'installer plus progressivement. Le myélogramme montre alors une hypoplasie
médullaire globale, avec une disparition des précurseurs granuleux.
A l'arrêt de l’antibiotique, la récupération se fait en 2 semaines environ,
parfois plus, en particulier avec le chloramphénicol.
 Agranulocytose
[131, 132, 133,134]
L'agranulocytose correspond théoriquement à l'absence de PNN circulants.
Elle est définie, en pratique, par un effondrement brutal du chiffre des PNN
inférieur à 500 polynucléaires/mm3. Elle est généralement diagnostiquée devant
la survenue brutale d'un tableau infectieux sévère, avec fièvre élevée, frissons,
91
La toxicité des antibiotiques
plus ou moins accompagné de lésions buccopharyngées ulcéro-nécrotiques ou
de points d'appel infectieux (ORL, cutané, pulmonaire, digestif).
L’agranulocytose aux antibiotiques est un effet secondaire peu fréquent
mais potentiellement grave, qui présente certaines particularités rendant son
diagnostic positif et son traitement plus délicat que dans le cas des
agranulocytoses secondaires aux autres médicaments. Toutes les classes
d’antibiotiques peuvent en pratique être à l’origine d’une agranulocytose.
Cependant, les bêtalactamines et le cotrimoxazole restent de loin les plus
pourvoyeurs de cette complication.
Dans une étude rétrospective, réalisée aux hôpitaux universitaires de
Strasbourg, portant sur l’ensemble des observations de patients ayant développé,
entre 1985 et 2005, une agranulocytose médicamenteuse secondaire à la prise
d’un traitement antibiotique, vingt-et-un cas ont été identifiés. Les antibiotiques
incriminés étaient les bêtalactamines dans 10 cas (47,6 %), l’association
trimetoprime-sulfamethoxazole (cotrimoxazole) dans 9 cas (42,8 %), la
vancomycine dans 1 cas (4,8 %) et le tinidazole dans 1 cas (4,8 %). L’évolution
a été favorable chez 20 patients et fatale dans un cas [132].
Au plan thérapeutique, les auteurs s’accordent pour recommander une prise
précoce et codifiée des agranulocytoses médicamenteuses. Cette dernière se doit
en effet de comprendre une prévention efficace des infections, la réalisation
rapide
de
prélèvements
bactériologiques
multiples
et
systématiques,
l’administration des facteurs de croissance hématopoïétiques et la mise en route,
à la moindre suspicion clinique d’infection, d’une antibiothérapie empirique par
une bêtalactamine type C3G, imipénème ou piperacilline-tazobactam. Ce dernier
92
La toxicité des antibiotiques
volet thérapeutique, dans le contexte d’une agranulocytose aux antibiotiques,
pose la problématique du risque éventuel d’aggravation de la neutropénie par le
biais d’une iatrogénécité croisée avec l’antibiotique ayant causé initialement
l’agranulocytose.
 Thrombopénie
[135, 136]
La Thrombopénie se définit par une diminution du nombre de plaquettes
dans le sang circulant. On parle de thrombopénie quand le nombre des
plaquettes se situe au-dessous de 150 000 par mm3.
Plusieurs antibiotiques ont été cités comme pouvant donner une
thrombopénie. Certains semblent donner en plus de syndromes hémorragiques
sévères.
La rifampicine, le cotrimoxazole, la pénicilline sont les antibiotiques qui
ont fait l’objet du plus grand nombre de publications.
Dans le Tableau VI, les principaux antibiotiques sont classés en fonction de
la fréquence de survenue et la sévérité clinique de la thrombopénie [135].
93
La toxicité des antibiotiques
Tableau VI : principaux antibiotiques responsables de thrombopénie [adaptée
d’après 135]
Antibiotiques (par ordre de
Hémorragies graves
fréquence de thrombopénie)
Rapportées
Rifampicine,
Cotrimoxazole,
Cotrimoxazole,
Rifampicine,
Vancomycine,
Vancomycine,
Acide nalidixique, Novobiocine,
Ethambutol,
Ethambutol, Isoniazide,
Ampicilline
Céphalotine, Pipéracilline,
Méthicilline, Tétracycline,
, Ampicilline
2. Anémies hémolytiques
Les anémies hémolytiques provoquées par un antibiotique peuvent être de
types et de mécanismes différents :
 Anémie hémolytique par déficit en G6PD
Le glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) est une enzyme qui
protège l’hémoglobine de l’oxydation. Dans le déficit en G6PD, la demi-vie de
l’enzyme est très raccourcie. Dans les hématies les plus âgées, l’hémoglobine
précipite sous forme de corps de Heinz, qui se collent à la membrane et la
fragilisent. Des médicaments oxydant peuvent donc déclencher une hémolyse
chez les déficitaires en G6PD.
[137]
94
La toxicité des antibiotiques
Les antibiotiques usuels pouvant déclencher l’hémolyse chez les sujets
prédisposés sont : Les sulfamides et les nitrofuranes. [25, 128]
 Anémie hémolytique due à un mécanisme immunitaire : [119, 128, 138]
L’hémolyse est due à la formation de complexe immun qui se fixe à la
surface des globules rouges, entrainant leur agglutination et l’hémolyse.
Parmi les antibiotiques impliqués on retient: les pénicillines surtout après
l’administration
de
forte
dose
pendant
des
durées
prolongées,
les
céphalosporines et la rifampicine.
3. Anémie aplasique
[17, 139, 140]
L’anémie aplasique désigne une atteinte des cellules souches des trois
lignées sanguines aboutissant à une pancytopénie sans possibilité de
régénération ; l’évolution est donc irréversible sauf succès d’une greffe de
moelle.
Elle est spécifique du chloramphénicol. Cet accident grave potentiellement
mortel est peu fréquent (1/20 000 à 60 000 traitements). Il s'agit d'une aplasie
médullaire profonde et prolongée survenant de façon imprévisible, parfois des
semaines ou des mois après l'arrêt du traitement, et indépendante de la dose
reçue. Son mécanisme est mal connu. Il semble que les traitements par voie
générale soient plus fréquemment mis en cause, mais des pancytopénies
consécutives à des administrations locales, notamment sous forme de collyre,
ont été rapportées.
95
La toxicité des antibiotiques
Le tableau clinique de début peut être insidieux ou brutal, c’est celui d’une
anémie aplasique avec complications infectieuses ou hémorragiques :
- La NFS révèle un effondrement des trois lignées sanguines ;
- Le myélogramme révèle l’existence de « zones désertes » et de « zones
hypercellulaires » avec anomalies morphologiques ;
- l’évolution est mortelle dans 8 à 9 cas sur 10 au bout d’un temps plus ou
moins long ;
- des associations à une hépatite, et des cas d’évolution vers une leucémie
myéloblastique ont été décrites.
Il n’y a pas de traitement certainement efficace quand la leucopénie est
déclarée ; il n’ya pas de surveillance valables. La seule prévention possible
consiste à n’utiliser le chloramphénicol, sous quelque forme que ce soit, que
lorsqu’il est absolument nécessaire pour sauver la vie du malade : cette règle ne
doit pas souffrir d’exception.
4. Insuffisance médullaire précoce et réversible
[17, 139]
Elle concerne le chloramphénicol et le thiamphénicol. Cette manifestation
toxique survient en début du traitement, elle est caractérisée par une altération
de l’hémopoïèse, par définition réversible et curable avec l’arrêt du traitement
Cet événement est
fréquent et dose-dépendant, il survient lorsque la
posologie est excessive (posologie journalière supérieure à 4 g), ou tout au
moins dépasse les possibilités de détoxification et d’élimination du malade, cas
d’insuffisance hépatique par exemple. L'atteinte des différentes lignées peut être
96
La toxicité des antibiotiques
dissociée. Sa fréquence impose la réalisation d'une numération formule sanguine
hebdomadaire lors de traitements prolongés.
III.
Conduite pratique et prévention
[17]
Ces accidents hématologiques étant rares, graves et imprévisibles, une
attitude de prévention éclairée est seule efficace; il faut :
 Connaître le risque, lorsqu’on fait le choix du médicament, et ne pas le
faire courir au malade sans nécessité clairement établie (exemple :
prescription de chloramphénicol) ;
 Eviter absolument de prescrire simultanément plusieurs médicaments à
risque hématologique ;
 S’enquérir des antécédents du malade et éviter de prescrire un
médicament « à risque hématologique » en cas de maladie hématologique
en évolution, d’antécédents d’agranulocytoses, d’antécédents d’allergie
médicamenteuse sévère, en cas d’insuffisance rénale ou hépatique ;
 Eviter, dans la mesure du possible, la prescription au long cours de
médicaments à risque hématologique. Sinon, surveiller la NFS à
intervalle régulier ;
 Devant des symptômes anormaux (fièvre, angine, stomatite) faire
pratiquer une NFS;
 Arrêter immédiatement le médicament à risque en cas de fléchissement du
nombre des polynucléaires ou des plaquettes.
97
La toxicité des antibiotiques
G. Accidents neuro-sensoriels
Les accidents neurosensoriels induits par les antibiotiques sont dans leur
grande majorité de nature toxique. Les manifestations neurologiques
sont
d’origine centrale, périphérique ou mixte. Elles sont de type de troubles
mentaux, de convulsions et de neuropathies périphériques. Les manifestations
sensorielles traduisent une atteinte de l’appareil cochléo-vestibulaire comme
dans le cas des aminosides. Elles peuvent aussi résulter d’une atteinte du nerf
optique comme les névrites optiques occasionnées par l’éthambutol. Enfin, les
manifestations neuromusculaires sont représentées par les myasthénies
provoquées par les aminosides.
I. Différentes
familles
d’antibiotiques
et
les
accidents
neurosensoriels qu’elles peuvent produire
1. Les antituberculeux
 L’isoniazide
L’isoniazide peut être responsable de neuropathies périphériques dose
dépendante. Il s’agit de l’effet indésirable neurologique le plus fréquent (2% des
patients)
[141]
. Cliniquement, elles se manifestent par des paresthésies et un
engourdissement des membres inférieurs. Ces manifestations seraient rattachées
à un déficit partiel en pyridoxine (vitamine B6). L’isoniazide réduit, d’une part,
la sécrétion de la pyridoxine en se fixant sur l’enzyme clé de synthèse et
favorise, d’autre part, l’excrétion urinaire du pyridoxal, précurseur de la
pyridoxine [142].
98
La toxicité des antibiotiques
Bien que rarement, l’isoniazide pourrait être à l’origine de névrite optique
rétrobulbaire
[141]
. Ainsi des convulsions peuvent apparaître surtout chez les
sujets épileptiques ou ayant des antécédents de traumatisme crânien [119].
Il peut s’agir par ailleurs, de troubles psychiques à type d’excitation,
d’insomnie
voire
une
psychose
réversible
[143]
.
Le
mécanisme
physiopathologique de l’atteinte neuropsychique bien que mal élucidé, pourrait
s’expliquer par l’analogie de structure chimique de l’isoniazide et celle de
l’iproniazide qui est un puissant inhibiteur de la monoamine-oxydase
[119, 144]
.
Par cette voie, on peut assister à la survenue d’un syndrome sérotoninergique
qui se traduit par divers symptômes comme l’état confusionnel ou l’état
maniaque. Les sujets à risque seraient les acétyleurs lents, les malnutris, les
diabétiques, les insuffisants hépatocellulaires, les éthyliques, mais aussi ceux
ayant des antécédents familiaux ou personnels de troubles neuropsychiques [119].
 L’Ethambutol
L’atteinte la plus fréquemment observée est la névrite optique
rétrobulbaire. Son incidence passe de 3 % pour une posologie 25 mg/kg à 10%
pour 45 mg/kg par jour
[119]
(posologies hors AMM). Elle a été même rapportée
pour des posologies inférieures à 15 mg/kg. Elle apparaît souvent dans un délai
variant de 40 à 360 jours après le début du traitement ou 20 à 30 jours après
l’arrêt de ce dernier
[145]
. Cette atteinte est souvent bilatérale et implique
l’ensemble maculopapillaire. Elle se manifeste par une baisse de l’acuité
visuelle, des scotomes centraux et une perte de la vision de couleurs intéressant
l’axe jaune-bleu [146]. Cette atteinte peut être réversible en 3 à 12 mois si la prise
de l’éthambutol a été interrompue au stade fonctionnel. Ainsi, la poursuite de
99
La toxicité des antibiotiques
l’utilisation du médicament est susceptible d’engendrer des lésions optiques
irréversibles [119].
Dans une étude prospective contrôlée et randomisée incluant 60 patients
tuberculeux traités par éthambutol, la prévalence de la toxicité oculaire était de
10%. Les lésions étaient régressives six à huit mois après l’arrêt de l’éthambutol
[147]
.
Outre son effet sur le nerf optique, l’éthambutol est susceptible d’induire
une toxicité vis-à-vis des structures rétiniennes périphériques avec comme
conséquences la baisse de la vision en périphérie (surtout en bitemporal) ainsi
que la vision des couleurs [148].
2. Les aminosides
 Atteinte cochléovistibulaire
[21, 149, 150]
L’usage de n’importe quel aminoglycoside comporte un risque potentiel
d’ototoxicité. Cette dernière serait irréversible dans près de 50 % des cas.
L’incidence de cet effet indésirable varierait entre 1 et 30 % pour
l’ototoxicité auditive, 1 et 75 % pour la toxicité vestibulaire, et serait d’environ
10 % pour une atteinte mixte, cochléovestibulaire. On considère la néomycine
comme le médicament le plus toxique pour la cochlée, alors que la
streptomycine léserait plus volontiers le vestibule. Les symptômes cliniques
surviennent généralement dès les premiers jours, les acouphènes précédant
volontiers la perte auditive. Celle-ci s’avère généralement bilatérale et
symétrique et prédomine initialement sur les hautes fréquences, ce qui la rend
alors peu perceptible par le sujet. La toxicité vestibulaire, source d’instabilité et
100
La toxicité des antibiotiques
d’ataxie, survient, quant à elle, indépendamment ou en association avec la lésion
auditive.
Le mécanisme de l’ototoxicité des aminosides résulterait de l’accumulation
du médicament dans les liquides de l’oreille interne, responsable d’une
destruction toxique des cellules ciliées de la cochlée et du vestibule. Ce
mécanisme reste cependant discuté. Les facteurs de risque en sont les fortes
posologies quotidiennes, la dose totale cumulée, la durée du traitement,
l’existence
d’une
insuffisance
rénale
associée,
l’âge,
l’administration
concomitante d’autres médicaments potentiellement ototoxiques.
[21, 149]
 Blocage neuromusculaire
Au niveau de la plaque motrice, les aminosides peuvent réduire à la fois la
libération d’acétylcholine et la sensibilité des récepteurs nicotiniques. Des
apnées ont été déclenchées par l’administration d’aminosides à des malades
venant de subir une intervention chirurgicale comportant l’utilisation de
curarisants. Ils peuvent déclencher un syndrome myasthénique ou aggraver
sérieusement une myasthénie qui est une contre indication.
 Toxicité intra vitréennes
[151]
Après injection des aminosides en sous-conjonctival, on note une toxicité
locale, se caractérisant par une hyperhémie importante du tissu dans lequel on
pourra retrouver des macrophages abondants contenant une grande quantité de
lysosomes, chargés d’inclusions de nature lipidique. De plus, ces mêmes
inclusions lipidiques se retrouvent au niveau du rein et sont le témoin de la
toxicité tubulaire de ces drogues.
101
La toxicité des antibiotiques
 Effets neurologiques
[149,152]
Les aminosides peuvent être rarement à l’origine des troubles de la
vision. Ainsi, quelques cas de syndromes confusionnels et des tableaux
psychotiques ont été rapportés.
3. Les quinolones
 Acide nalidixique
[152]
Cette molécule possède une activité psychoanaleptique expliquant les
troubles du sommeil fréquents. Sa structure voisine de celle des amphétamines a
pu provoquer des états confusodélirants avec agitation ainsi que des
hallucinations.
 Fluoroquinolones
Les effets sur le système nerveux central (vertiges, céphalées, somnolence)
surviennent avec une fréquence de 1 à 2 %. Plus rares sont les manifestations à
type d’agitation, délire, confusion, psychose et troubles de la vision. [2]
De rares convulsions peuvent se voir en cas d’affections sous-jacentes du
système nerveux central (épilepsie, traumatisme cérébral, anorexie) et lors
d’association avec un anti inflammatoire non stéroïdien (classiquement le
Fenbufen®, non commercialisé en France) ou avec la théophylline. Le
mécanisme proposé reste l’interaction au niveau des récepteurs centraux de
l’acide gamma aminobutyrique (GABA). Toutes les fluoroquinolones présentent
ces risques, mais il semblerait que pour des raisons structurales en position 7 de
leur formule, les lévoflo, moxiflo et gémifloxacine soient moins concernées
102
[153]
.
La toxicité des antibiotiques
Plusieurs cas de neuropathies périphériques plus ou moins sévères ont été
rapportés avec la lévo, l’oflo et la ciprofloxacine. Les symptômes surviennent
dès les premiers jours de traitement et peuvent persister pendant plus d’un an
[154]
.
Dans une étude qui analyse les cas des effets indésirables psychiatriques
dus aux fluoroquinolones notifiés, entre janvier 1985 et juin 2002, à la
pharmacovigilance française, les principaux EI psychiatriques étaient :
confusion (51 %), hallucinations (27 %), agitation (13 %), délire (12 %),
insomnie (8 %), somnolence (4 %) (Total supérieur à 100 %, car plusieurs EI
pouvaient être rapportés pour chaque patient). Les autres EI moins fréquemment
notifiés étaient amnésie (16 cas), anxiété (11 cas), manie (neuf cas), troubles de
la pensée (sept cas), dépression (six cas), troubles de la personnalité (six cas) ;
d’autres EI étaient présents dans moins de 1 % des cas [155].
Ainsi, une étude italienne comptabilisant les déclarations spontanées,
rapporte une incidence supérieure : 12,2 % comparée aux 3,6 % relevés avec
d’autres antibiotiques [156].
4. Les bétalactamines
[149, 152, 157, 158]
Les bêtalactamines sont connues pour leur propriété épileptogène. Chez
l’animal, l’administration périphérique ou cérébrale de pénicilline détermine une
activité comitiale à la fois clinique et révélée sur L’électroencéphalogramme
(EEG) ce qui a permis la création de modèles expérimentaux d’épilepsie. Chez
l’homme, on estime la fréquence de cet effet indésirable à moins de 1 %. L’âge,
les posologies élevées, les antécédents d’épilepsie et l’insuffisance rénale
103
La toxicité des antibiotiques
constituent des facteurs de risque classiques. Le potentiel épileptogène de ces
antibiotiques pourrait être attribué à leur action antagoniste GABA.
D’autres troubles neuropsychiatriques graves peuvent survenir, mais ils
sont rares : troubles de la vigilance, confusion mentale, états confusodélirants,
hallucinations isolées. Ils sont plus fréquents en cas de doses élevées
administrées par voie veineuse. Par voie orale, certaines céphalosporines ont pu,
très rarement, donner lieu à des tableaux confusodélirants réversibles dès l'arrêt
du traitement.
Occasionnellement, l'administration de procaïne pénicilline par voie
intraveineuse entraine des réactions psychotiques aiguës (syndrome de Hoigné)
avec peur de la mort, confusion, hallucinations visuelles et auditives, anxiété,
comportement agressif (apparition rapide en quelques minutes à 1 h et
disparition, rarement au-delà de 24 h).
5. Macrolides
Exceptionnellement, des troubles transitoires de l’audition peuvent survenir
dès les 48 premières heures de traitement avec l’érythromycine. Ils régressent
dès l’arrêt du traitement [22, 149].
Ainsi, des cas de psychose aigus, apparus rapidement (quelques jours après
le début du traitement), réversibles à l'arrêt et réapparus à la réintroduction, ont
été observés avec la Clarithromycine. [159]
104
La toxicité des antibiotiques
6. Nitrofurantoïne
[149, 160, 161]
Il peut causer une neuropathie axonale sensitivomotrice symétrique à début
distal et d'extension progressive nécessitant l'arrêt immédiat du traitement dès
l'apparition des premiers signes. Bien que la neuropathie ait été rapportée au
cours des traitements au long cours, elle peut débuter quelques jours après le
début du traitement et sa sévérité n'apparaît pas en rapport avec la dose totale.
Les patients avec une insuffisance rénale et les gens âgés sont particulièrement à
risque. Des séquelles sont possibles.
7. Tétracyclines
[149, 152]
Chez l'enfant et plus rarement chez l'adulte, les tétracyclines peuvent
provoquer une hypertension intracrânienne bénigne, réversible
traitement.
105
à l'arrêt du
La toxicité des antibiotiques
H. Autres accidents
I. Accidents rhumatologiques aux Fluoroquinolones
Les tendinites et arthropathies sont des réactions indésirables bien étranges.
Elles sont à l’évidence plus fréquentes avec les Fluoroquinolones qu’avec les
autres antibiotiques [2].
1. Tendinopathies
Ces tendinopathies s'installent dès les premières semaines, voire le premier
jour de traitement. Le tendon d'Achille est le plus fréquemment touché mais
d'autres localisations sont possibles tant aux membres inférieurs qu'aux membres
supérieurs. Leur survenue impose l'arrêt immédiat de l'antibiotique et la mise au
repos du segment concerné, ce qui permet habituellement la guérison en un à
trois mois. Ces précautions n'évitent pas toujours la rupture tendineuse, qui
existe dans un tiers des cas et qui peut d'ailleurs être inaugurale. [162, 163]
Leur fréquence a été évaluée à 0,32 %. Mais d’autres études donnent des
fréquences beaucoup plus basses [2].
Contrairement aux phénomènes chondrotoxiques touchant surtout les
adolescents et les adultes jeunes, les tendinopathies dues aux Fluoroquinolones
affectent préférentiellement une population plus âgée (6 ème décennie et au-delà),
ce qui permet d'envisager l'intervention du vieillissement tissulaire comme
deuxième élément
prédisposant. D'autres facteurs favorisants, comme
l'insuffisance rénale chronique au stade d'hémodialyse ou la corticothérapie
prolongée,
interviennent
très
vraisemblablement
supplémentaires de fragilisation. [164]
106
comme
éléments
La toxicité des antibiotiques
Toutes les Fluoroquinolones sont potentiellement en cause, mais la
Fluoroquinolones la plus fréquemment responsable est de très loin la
pefloxacine. La levofloxacine arrive ensuite en deuxième position suivie par
l'ensemble des autres Fluoroquinolones. [2, 163]
2. Arthropathies
[2]
Les arthropathies (douleurs, raideurs, œdèmes) sont moins fréquentes. Elles
siègent au niveau des articulations porteuses et surviennent pendant les premiers
jours pour disparaître rapidement à l’arrêt du traitement. Le mécanisme proposé
repose sur la chélation du magnésium résultant en un fonctionnement anormal
des récepteurs de surface de l’intégrine des chondrocytes.
II. Accident cardiaque
Deux classes des antibiotiques sont essentiellement en cause: les
macrolides et les fluoroquinolones.
 Les macrolides
L’allongement de l’espace QT et le risque associé de torsade de pointe ont
fait l’objet d’une abondante littérature
[165]
. Un QTc de plus de 500 ms ou une
augmentation de 60 ms par rapport à la ligne de base ont été associés à un risque
de torsades de pointe. Le mécanisme repose sur le blocage de la composante
rapide du courant Ikr. les récentes données d'électrophysiologie moléculaire
cardiaque et de génétique permettent de mieux peser un risque qui dépend de
multiples facteurs individuels susceptibles de déclencher une torsade de pointe
[2,165]
. (Figure 13)
107
La toxicité des antibiotiques
Figure 13: Association des risques cumulés susceptibles d’être à l’origine
d’une torsade de pointe.
Ce risque cardiaque reste rare, parfois dû à certaines interactions
médicamenteuses. Les macrolides représentent néanmoins la majorité des
médicaments impliqués dans la survenue de torsades de pointes : plus de 40 cas
ont été publiés
[165]
. Certains ont été rapportés avec la clarithromycine et avec
l'azitromycine, macrolide à 15 chaînons. Cet effet était déjà bien connu après
administration veineuse de lactobionate d'érythromycine, apparentant cet
antibiotique aux molécules anti-arythmiques du groupe XI de la classification de
Vaughan-Williams. Cette activité pro-arythmogène est facilitée par des troubles
hydroélectrolytiques, un surdosage ou une administration intraveineuse trop
rapide, les âges extrêmes de la vie et une atteinte des organes émonctoires ou
108
La toxicité des antibiotiques
encore par la coprescription avec un autre médicament prolongeant le QT [166]. A
titre d'exemple, l'association d'un macrolide à un puissant inhibiteur du
cytochrome P450 (CYP) 3A tels que les nitro-imidazolés, le diltiazem ou le
vérapamil, augmente le risque de mort subite d'origine cardiaque [167].
 Les fluoroquinolones
[2, 163]
Les fluoroquinolones sont à priori moins à risque d’entraîner des torsades
de pointes que les macrolides car, contrairement à eux, elles n’inhibent pas le
CYP 3A4. En revanche, elles interagissent à divers degrés avec le courant Ikr
[2]
.
Ces troubles surviennent surtout chez des patients prédisposés, présentant une
insuffisance rénale, des troubles métaboliques, des cardiopathies sous-jacentes et
surtout recevant des antiarythmiques de classe IA et III de la classification de
Vaugham et Williams. Il faut donc éviter d'associer ces antiarythmiques avec la
levofloxacine et la moxifloxacine. Notons en revanche qu'il ne semble pas
exister de risque avec la ciprofloxacine [163].
III. Trouble de la coloration des dents par la Tétracycline
[23, 168]
La tétracycline produit une coloration intense (grisâtre, jaunâtre, verdâtre
ou brunâtre) des dents. L'incorporation des pigments fluorescents dans les tissus
calcifiés se fait par leur affinité pour les cations polyvalents et par la formation
de complexes insolubles avec les cristaux de la dentine. Au fur et à mesure de
l'exposition des dents à la lumière du jour, la couleur jaune se change en gris
ou brun et la fluorescence diminue graduellement. La tétracycline passant la
barrière placentaire, les deux dentures peuvent être atteintes puisque la
coloration marque la dentine en formation lors de la prise du traitement
antibiotique.
109
La toxicité des antibiotiques
Introduction [17, 38, 169]
La toxicité des antibiotiques est plus fréquente chez les patients qui
présentent un risque physiologique ou physiopathologique.
Chez le sujet âgé, les effets indésirables ne sont pas de nature différente par
comparaison au sujet jeune mais la fréquence avec laquelle ils apparaissent
semble plus élevée et les conséquences peuvent être plus sérieuses.
Concernant l’enfant, la tolérance des antibiotiques est comme chez l’adulte
mais certains antibiotiques sont contre indiqués du fait de leur risque pour
l’enfant et le nourrisson.
Pour la femme enceinte, certains antibiotiques sont très mal tolérés,
notamment ceux qui sont potentiellement hépatotoxique (risque accru en raison
de l’imprégnation hormonale).
Durant la lactation, le passage des médicaments dans le lait maternel peut
contre-indiquer soit l’allaitement, soit l’administration des médicaments
toxiques pour l’enfant. Le choix du médicament doit être basé sur ses
concentrations lactées et sur sa toxicité potentielle chez le nourrisson allaité.
Enfin, les modifications pharmacocinétique en cas d’insuffisance rénale ou
hépatique entrainent une sensibilisation accrue à certains effets secondaires.
Pour toutes les raisons citées auparavant, nous allons, dans ce chapitre,
envisager la particularité de la prescription des antibiotiques chez le sujet âgé,
l’enfant, la femme enceinte, la femme allaitante, les insuffisants rénaux et les
insuffisants hépatiques.
110
La toxicité des antibiotiques
A.
Antibiothérapie et personnes âgées
Les infections sont fréquentes et graves en gériatrie et représentent la
troisième cause de mortalité. Elles sont 3 à 5 fois plus fréquentes que chez
l’adulte jeune, en raison notamment d’un déficit relatif du système immunitaire
au cours du vieillissement, d’une dénutrition très fréquente et des maladies
chroniques sous-jacentes. [170, 171, 172]
L’antibiothérapie est donc une urgence chez les sujets âgés, mais la
prescription, si elle suit les règles habituelles du choix d’un traitement, doit tenir
compte de certains facteurs dépendant de l’âge du malade : la pharmacologie
des antibiotiques est modifiée chez les sujets âgés. Les risques toxiques sont
plus importants. Les interactions médicamenteuses sont fréquentes et liées à la
polymédication
habituelle. La prescription, les posologies dépendent de la
gravité de l’infection, de la compliance des patients, de l’état nutritionnel et des
pathologies associées. [38, 173]
I. Influence
de
médicaments
l'âge
sur
la
pharmacocinétique
des
[38, 171, 174]
1. Modifications de la biodisponibilité
La résorption digestive peut être ralentie par hypochlorhydrie gastrique,
ralentissement de la vidange gastrique, modification de la motilité intestinale et
diminution du flux sanguin splanchnique. La résorption parentérale est aussi
diminuée pour les voies intramusculaires et sous-cutanées par diminution de la
perfusion régionale, mais demeure inchangée pour la voie intraveineuse.
111
La toxicité des antibiotiques
2. Modifications du transport et de la distribution
A poids constant, le vieillissement entraîne une diminution de la masse
maigre et une augmentation de 30 à 50 % de la masse grasse. Il en résulte une
augmentation du volume de distribution et de la demi-vie des médicaments
liposolubles, augmentant les risques d'accumulation et de relargage prolongé. Le
vieillissement s'accompagne également d'une diminution de la quantité totale
d'eau de l'organisme : le volume de distribution alors diminué des médicaments
hydrosolubles majore le risque de surdosage. Par ailleurs, la fréquente
dénutrition des patients âgés peut s'accompagner d'une hypoalbuminémie, qui
diminue la fixation des médicaments fortement liés à l'albumine augmentant
ainsi leur fraction libre active et donc potentiellement, leur toxicité au pic
sérique.
3. Modifications du métabolisme
La masse hépatique diminue de 35 % chez l'homme âgé. La diminution du
flux sanguin hépatique est proportionnellement plus élevée que celle de la masse
hépatique. Ces deux facteurs expliquent à eux seuls la diminution de la clairance
hépatique d'un grand nombre de médicaments chez les sujets âgés.
L'activité des voies enzymatiques de la phase I (oxydation, réduction,
hydrolyse) peut être diminuée chez le sujet âgé, la phase II (glycuroconjugaison,
acétylation et sulfatation) n'est généralement pas modifiée. Il reste aussi
indispensable dans ce cadre de bien connaître les médicaments inducteurs ou
inhibiteurs enzymatiques.
112
La toxicité des antibiotiques
4. Modifications de l'excrétion rénale
La diminution du flux sanguin rénal et de la filtration glomérulaire chez le
sujet âgé rend compte des principales modifications des paramètres cinétiques et
de la nécessité d'utiliser des posologies adaptées à la fonction rénale
II. Tolérance des antibiotiques chez les sujets âgés
Les effets indésirables des antibiotiques sont plus fréquents chez les sujets
âgés.
Ils sont surtout plus graves du fait des perturbations qu’ils ajoutent chez un
patient fragilisé. [38]
Le tableau ci-dessous résume les différents accidents aux antibiotiques chez
le sujet âgé et leur fréquence par rapport à l’adulte jeune.
113
La toxicité des antibiotiques
Tableau VII : Principaux accidents aux antibiotiques chez le sujet âgé [adaptée
d’après 38, 173,175, 176]
Accidents
Antibiotiques les plus
fréquemment en cause
Bêtalactamines
Fréquence par rapport à
l’adulte jeune
Idem adulte jeune mais plus de
réactions croisées (20%)
Crise
convulsive
Fluoroquinolone,
pénèmes, pénicilline
Fréquence plus élevée chez le
sujet âgé mais pas d’étude
spécifique
Digestifs
Bêtalactamines,
lincosamides,
macrolides
Colite à clostridium difficile et
troubles gastro-intestinaux plus
fréquents chez le sujet âgé
Tendinopathie
Fluoroquinolone
Plus fréquent chez le sujet âgé
Néphrotoxicité
Aminosides /
Glycopeptides
Plus fréquent et plus sévère
chez le sujet âgé*
Ototoxicité
Aminosides/
Glycopeptides
érytthromycines
5à10% plus fréquent chez le
Sujet âgé *
Anémie
leucopénie
Co-trimoxazole,
Fluoroquinolones
Plus fréquent chez le sujet âgé*
Cutanés
Co-trimoxazole,
Bêtalactamines,
Fluoroquinolones
20% plus fréquent chez le sujet
âgé
Hépatiques
Fluoroquinolone
Macrolides
Idem sujet jeune
Allergie
carboxypénicillines
troubles du rythme chez le sujet
fosfomycine
âgé
* : Rôle connu des associations médicamenteuses et de l’insuffisance rénale
Ionique
114
La toxicité des antibiotiques
III. Interactions médicamenteuses des antibiotiques
Les interactions médicamenteuses ne sont pas propres au sujet âgé mais
elles revêtent chez lui une gravité particulière à cause de la polymédication, fruit
à la fois de la prescription médicale et de l'automédication. Les interactions
peuvent être dans le sens de l’inactivation d’un médicament, ou de la révélation
ou de l’aggravation d’un effet toxique [38,174].
Il faut être particulièrement vigilant avec les anticoagulants oraux qui ont
de nombreuses indications en gériatrie. En cas d’infection, il existe déjà un
risque de surdosage en AVK, mais en plus, la grande majorité des antibiotiques
peuvent également entrainer une augmentation de l’INR, soit par leur
métabolisme, soit par action sur la flore [170].
IV. Ajustement posologique des antibiotiques
courante chez les sujets âgés [38, 173, 174]
d’utilisation
Si tous les antibiotiques peuvent être utilisés chez les sujets âgés, en
pratique, la question de l’ajustement de la posologie se pose rapidement. Il
concerne principalement les antibiotiques ayant une potentialité toxique. Pour
les médicaments essentiellement éliminés par voie rénale, il est relativement
facile d’extrapoler les modifications sur les résultats de la clairance de
créatinine ; l’adaptation est plus difficile pour les antibiotiques métabolisés et
éliminés par voie hépatique.
Quand il n’y a pas de modifications de la liaison protéique ou de
modifications pharmacodynamiques chez le sujet âgé, les modifications
posologiques, pour les médicaments avec un index thérapeutique large, peuvent
être faites en diminuant la dose sans modifier les intervalles d’administration,
115
La toxicité des antibiotiques
ce qui a pour effet de diminuer la différence entre les concentrations maximales
et minimales. On peut également augmenter l’intervalle entre les doses sans
modifier la quantité du produit administré : ceci augmente la différence entre les
valeurs de pics et de vallées des concentrations.
Pour les médicaments ayant un index thérapeutique étroit, avec un risque
toxique augmenté, il est nécessaire de doser les concentrations sériques en
particulier pour les aminosides, la vancomycine et la teicoplanine.
Généralement, Les trois antibiotiques de première intension chez les sujets
âgés sont l’amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines de troisième
génération et les quinolones. [170]
116
La toxicité des antibiotiques
B.
Antibiothérapie chez le nourrisson et l'enfant
L'antibiothérapie
est,
après
les
antipyrétiques,
la
prescription
médicamenteuse la plus fréquente en pédiatrie. Cela est souvent justifié par la
fréquence des infections bactériennes chez l'enfant, en particulier au cours des
deux premières années de la vie, et par la difficulté à cet âge d'une approche
diagnostique étiologique, le plus souvent probabiliste, entre infections virales et
infections bactériennes dans un contexte où de plus les infections mixtes sont,
par ailleurs, très souvent redoutées [177].
I. Contraintes de l’antibiothérapie en pédiatrie
[38, 178]
Certaines particularités pédiatriques imposent une adaptation et une
surveillance rigoureuse du traitement antibiotique des infections bactériennes de
l'enfant. En effet, de nombreux facteurs rendent compte des différences qui
existent avec le traitement des infections chez le patient adulte :
les fragilités importantes du grand prématuré et du nouveau-né aux
défenses de l'organisme physiologiquement immatures ;
les risques spécifiques de complications et de localisations secondaires
(osseuses en particulier) nécessitant une action rapide et bien adaptée ;
l'épidémiologie bactérienne sensiblement différente selon l'âge et les
localisations ;
la pharmacologie particulière liée au développement compliquant la
variabilité interindividuelle ;
la toxicité et la tolérance différentes selon les antibiotiques ;
117
La toxicité des antibiotiques
un mode d'administration des antibiotiques et une durée de traitement
parfois différente ;
le rôle de l'écosystème bactérien intestinal dans la survenue de
septicémies, d'origine endogène par translocation.
Tous ces facteurs expliquent la rigueur indispensable dans la conduite
thérapeutique des infections de l'enfant, nécessitant une antibiothérapie adaptée
d'emblée au germe responsable de l'infection et une bactéricidie rapide dans le
sang et au niveau du site infectieux.
II. Posologie des antibiotiques en pédiatrie
Le traitement antibiotique chez l’enfant nécessite une adaptation des
posologies du fait des différences de maturation des systèmes enzymatiques en
fonction de l’âge. [31]
La posologie des antibiotiques chez l’enfant est déterminée par rapport à
son poids, comme la plupart des autres médicaments administrés par voie
générale. Il serait plus logique d’exprimer la posologie par m2 de surface
corporelle et c’est pour une raison de commodité qu’on ne le fait pas. Il faut
toujours s’assurer que la dose prescrite ne dépasse pas la dose usuelle par 24
heures chez l’adulte, en particulier chez l’enfant pesant plus de 30 kg [179].
Au cours du premier mois de vie, l’immaturité hépatique et rénale impose
un maniement particulier des antibiotiques [38].
118
La toxicité des antibiotiques
En cas d’infection chez les enfants fragiles, les dosages sériques de certains
antibiotiques à index thérapeutique étroit doivent être pratiqués ; c’est le cas des
aminoglycosides et des glycopeptides. [31]
III. Antibiotiques à particularités pédiatriques
1. Les Tétracyclines
[23, 169]
L’accumulation des cyclines dans les os et dans les dents peut entraîner un
risque de coloration jaune irréversible des dents et d’hypoplasie de l’émail
dentaire ; ils sont donc contre-indiqués chez l’enfant de moins de 8 ans.
2. Les Fluoroquinolones
[24, 169]
En raison de leur capacité à se lier aux cartilages, les fluoroquinolones sont
contre-indiquées chez les enfants moins de 15 ans (jusqu’à la fin de la
croissance). Leur usage peut toutefois se justifier dans le traitement d’infections
pulmonaires chez les enfants atteints de mucoviscidose et souffrant d’infections
récidivantes à germes Gram -, en raison du bénéfice thérapeutique qu’ils
peuvent en retirer.
3. Le chloramphénicol
[179]
La toxicité néonatale du chloramphénicol est très grave. Elle est
représentée par le « syndrome gris » du nouveau-né dont les signes sont une
pâleur, une cyanose, des troubles respiratoires, une diarrhée. La mort survient
dans environ 50% des cas. Ce syndrome est dû à
l’absence de
glucuroconjugaison par le foie immature et à une mauvaise élimination urinaire
du chloramphénicol actif non conjugué.
119
La toxicité des antibiotiques
Il faut donc éviter d’utiliser le chloramphénicol dans l’infection néonatale ;
si cela est nécessaire, il faut pouvoir disposer de dosages quotidiens du
chloramphénicol pour réajuster la posologie tous les jours.
4. Les sulfamides
[1, 15, 179]
Chez le nouveau-né, le métabolisme des sulfamides se fait en compétition
avec celui de la bilirubine et c’est en raison de l’immaturité hépatique. Des
ictères peuvent donc survenir ; ce qui contre-indique l’utilisation des sulfamides
pendant la période néonatale.
5. Autres antibiotiques
La tolérance des autres antibiotiques est généralement bonne. Toutefois et
comme chez l’adulte, des effets secondaires peuvent se rencontrer.
En conclusion, pour limiter la survenue d'effets indésirables et l'émergence
croissante de résistances bactériennes, la prescription des antibiotiques chez
l'enfant, plus encore que chez l'adulte, doit être réservée aux seules situations
cliniques où leur efficacité est démontrée. [177]
L'utilisation de molécules de référence reste la règle. Toutefois, de
nouveaux médicaments ont apporté des progrès incontestables dans les
infections primitives, et surtout dans les infections hospitalières. Certains d'entre
eux ne disposent pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pédiatrique,
soit globalement chez l'enfant, soit dans certaines tranches d'âge (imipenème,
quinolones). [38]
120
La toxicité des antibiotiques
C.
Antibiothérapie chez la femme enceinte et allaitante
L’antibiothérapie chez la femme enceinte ou allaitante interagit avec la
mère et son enfant. Les craintes des praticiens dans la prescription des
antibiotiques sont liées à une méconnaissance des modifications de la
pharmacocinétique induites par la grossesse ainsi que par la médiatisation de
quelques cas rares de tératogénicité d’origine médicamenteuse. Pourtant, de
nombreuses classes d’antibiotiques ont montré une innocuité totale de leur
utilisation [180].
I. Modifications physiologiques de la grossesse
[38, 180, 181]
Toutes les étapes de la pharmacocinétique des antibiotiques sont
susceptibles d’être influencées par les modifications physiologiques entrainées
par la grossesse. L’augmentation du volume plasmatique, de 40 à 50 %,
provoque un accroissement du volume de distribution et une diminution de la
concentration des protéines plasmatiques.
L’augmentation du débit cardiaque, du flux plasmatique rénal ainsi que du
taux de filtration glomérulaire entraîne une augmentation de la clairance des
antibiotiques excrétés par voie rénale. Il en résulterait donc des concentrations
sériques plus faibles pour de nombreux antibiotiques.
L’imprégnation en progestérone induit une augmentation du métabolisme
hépatique, une diminution de la motilité intestinale, un retard à la vidange
gastrique et l’absorption des antibiotiques donnés par voie orale se fait souvent
de manière imprévisible.
121
La toxicité des antibiotiques
Enfin, Le passage transplacentaire des antibiotiques, qui varie selon le
terme de la grossesse, détourne un pourcentage important de l’antibiotique du
compartiment maternel vers le compartiment fœtal.
Ces notions sont cependant très théoriques car il n’existe que peu de
données qui évaluent les concentrations sériques et tissulaires des différents
antibiotiques au cours de la grossesse. Quoi qu’il en soit, il semble que les taux
sériques des antibiotiques soient inférieurs à ceux qui sont obtenus en dehors de
la grossesse ; et le corollaire est que les doses devraient être augmentées, ce qui
est rarement le cas, par inquiétude vis-à-vis de la mère et de son fœtus. Il est
néanmoins important de noter que les taux sériques obtenus sont la plupart du
temps supérieurs aux concentrations minimales inhibitrices et peu de
publications relatent des échecs dus à des doses insuffisantes d’antibiotiques.
II. Différentes classes d’antibiotiques et conséquences fœtales
pendant la grossesse
[38, 180, 181]
L’expérience de l’utilisation des antibiotiques a permis de mettre en
évidence le caractère rarissime de la tératogénicité des antibiotiques.
Néanmoins, la connaissance des quelques contre-indications à l’utilisation des
antibiotiques pendant la grossesse permet un usage adéquat de l’antibiothérapie.
1. Bêtalactamines
Parmi les antibiotiques qui ont fait la preuve de leur innocuité, les
bêtalactamines sont au premier plan. Les pénicillines sont les antibiotiques les
plus fréquemment prescrits. Elles traversent le placenta et donnent des taux
élevés dans le cordon ombilical et le liquide amniotique. Les céphalosporines
122
La toxicité des antibiotiques
(première, deuxième et troisième générations) sont également considérées
comme sans danger.
2. Macrolides
Ils ne présentent pas de toxicité majeure, mais certains produits apparentés
peuvent se trouver à des concentrations élevées au niveau hépatique.
3. Aminosides
Ces médicaments traversent rapidement le placenta, vers le liquide
amniotique et la circulation fœtale.
La grossesse n’est pas une contre-indication absolue pour les aminosides,
mais les risques potentiels d’ototoxicité et de néphrotoxicité ne doivent pas les
faire prescrire en première intention.
4. Antituberculeux
Tous les médicaments utilisés dans le traitement de la tuberculose
traversent le placenta. La rifampicine est tératogène à haute dose chez l’animal,
mais cela n’a jamais été retrouvé dans l’espèce humaine malgré un recul
important.
L’isoniazide, la rifampicine et l’éthambutol, dont l’expérience clinique est
grande maintenant, constituent les antituberculeux de choix chez la femme
enceinte
[1,2]
. A noter que sur de grandes séries, le déroulement de la grossesse
n’est pas affecté par l’existence d’une tuberculose pleuropulmonaire traitée.
123
La toxicité des antibiotiques
5. Fluoroquinolones
Les études sur l’animal ont montré que les quinolones se déposent au
niveau des cartilages et entraînent des lésions dégénératives provoquant des
arthropathies irréversibles.
Même si aucun effet tératogène n’a été rapporté à ce jour, les
fluoroquinolones demeurent contre-indiquées chez la femme enceinte.
6. Tétracyclines
Les tétracyclines traversent le placenta et se déposent au niveau des dents
et des épiphyses des os longs du fœtus. Il peut en résulter une hypoplasie ainsi
qu’une coloration jaune ou brune des dents de lait, voire un retard de croissance.
Les tétracyclines ne doivent donc pas être prescrites au cours de la grossesse.
7. Métronidazole
Il traverse le placenta. L’antibiotique est retrouvé dans le sang du cordon et
le liquide amniotique à des taux élevés. De plus, les imidazolés interfèrent avec
la synthèse de l’ADN et se sont révélés carcinogènes chez les rongeurs. Ce
médicament doit donc être évité au cours du premier trimestre même s’il n’y a
pas eu de malformations décrites au cours de la grossesse.
8. Phénicolés
Ils peuvent provoquer chez le fœtus une aplasie médullaire par
accumulation de la drogue et par effet inhibiteur des synthèses protéiques dans
les cellules immatures. En fin de grossesse, l’accumulation de chloramphénicol
124
La toxicité des antibiotiques
peut entraîner chez le prématuré un « syndrome gris ». Ils sont donc
formellement contre-indiqués.
9. Nitrofuranes
Ils sont largement prescrits pendant la grossesse. Aucune augmentation du
risque d’anomalies congénitales n’a été rapportée. Le médicament est contre
indiqué en cas de déficit maternel en G6PD.
10. Sulfamides
Les sulfamides traversent le placenta quel que soit le stade de la grossesse.
Leur effet tératogène, constant en expérimentation animale, n’a pas été prouvé
chez l’homme. Ils sont contre indiqués au premier trimestre de la grossesse, près
du terme et en cas de déficit en G6PD chez la mère du fait d’une fréquence
accrue d’ictère et d’anémie hémolytique.
11. Triméthoprime-sulfaméthoxazole
Aucune atteinte tératogène n’a été relevée lors de l’emploi de l’association
triméthoprime-sulfaméthoxazole. Néanmoins il s’agit d’un antibiotique peu
utilisé pendant la grossesse car il s’agit d’un antagoniste des folates.
125
La toxicité des antibiotiques
III. Antibiotiques et allaitement [180, 182, 183, 184]
La prise d’antibiotique lors de l’allaitement pour traiter une infection chez
la mère est parfois nécessaire. Cependant, elle pose le problème du passage du
médicament dans le lait ce qui peut causer des effets néfastes possibles pour le
nourrisson.
Il est donc indispensable avant de prescrire un antibiotique à une patiente
qui allaite, d’évaluer les conséquences fœtales pendant l’allaitement
différentes classes d’antibiotiques afin de choisir le plus adapté. Tableau VIII
126
de
La toxicité des antibiotiques
Tableau VIII : Différentes classes d’antibiotiques et conséquences fœtales
pendant l’allaitement [adapté d’après 180, 182, 183, 184]
classes
d’Antibiotiques
Bêtalactamines
Conséquences Fœtales pendant l’allaitement
Le passage dans le lait maternel est faible et sans risques en dehors de
la possibilité de sensibilisation et de développement ultérieur d’une
allergie
Macrolides
Le passage des macrolides dans le lait maternel est variable et dépend
de la molécule utilisée. La lincomycine et la clindamycine sont
contre-indiquées en raison du risque de colite pseudomembraneuse.
Les autres macrolides sont sans danger pour le nourrisson.
Aminosides
Leur passage dans le lait est faible. L’absorption digestive par
l’enfant est nulle, mais l’effet sur l’établissement de la flore digestive
n’a pas été étudié.
Antituberculeux
L’allaitement est classiquement contre-indiqué chez les patientes
porteuses d’une tuberculose bacillifère
Fluoroquinolones
Compte tenu de la toxicité ostéoarticulaire potentielle, les quinolones
doivent être évitées en période d’allaitement
Métronidazole
Son utilisation fait recommander l’arrêt de la lactation pendant 24
heures
Nitrofuranes
Ils ont une excrétion très faible. Les quantités présentes dans le lait
sont généralement très faibles. Ils sont considérés comme
compatibles avec l’allaitement
Sulfamides
Ils sont déconseillés lorsque l’enfant nourri est un prématuré ou un
nouveau-né en situation de détresse, ou lorsqu’il présente un déficit
en G6PD ou un ictère
Tétracyclines
Le passage dans le lait est modéré. Aucune atteinte de l’émail
dentaire n’a été mise en évidence lors de la lactation
127
La toxicité des antibiotiques
Pour conclure, aucun antibiotique n’a une tératogénicité reconnue et
prouvée. Contrairement aux idées reçues, les posologies chez les femmes
enceintes doivent être au moins égales à celles administrées chez les femmes
non enceintes, voire supérieures du fait des modifications physiologiques de la
grossesse. Certaines classes d’antibiotiques ont montré, avec un recul clinique
suffisant, une innocuité de leur administration pendant la grossesse et
l’allaitement. Le praticien peut donc les utiliser sans crainte : ce sont les
céphalosporines, nitrofuranes, macrolides et pénicillines.
128
La toxicité des antibiotiques
D.
Antibiothérapie et insuffisance rénale
Un sujet présentant une affection néphrologique peut être atteint de
n’importe quel type d’infection. Pour ces infections, la conduite thérapeutique
est fondée en premier lieu sur les résultats de l’antibiogramme. Par ailleurs une
adaptation de la posologie des antibiotiques en fonction du degré d’insuffisance
rénale devient nécessaire lorsque la filtration glomérulaire est inférieure à 40-50
ml/min pour 1,73 m2 et si l’antibiotique choisi est éliminé pour au moins 70%
par voie rénale. [38]
I. Modifications pharmacologiques liées à l’insuffisance rénale
chronique [94, 158, 185, 186]
L’insuffisance rénale chronique (IRC) se définit par une atteinte rénale ou
une baisse du taux de filtration glomérulaire (GFR) d'une durée d'au moins trois
mois.
Il entraîne diverses modifications pharmacologiques des médicaments :
 baisse de l’excrétion urinaire du médicament (et de ses métabolites),
proportionnelle ou non à la baisse de la filtration glomérulaire avec,
comme conséquence, une augmentation du pic plasmatique et un
allongement de la demi-vie d’élimination ;
 modifications de la fixation protéique des médicaments qui concerne
surtout l'albumine : hypoalbuminémie, modifications structurales qui
diminuent l'affinité de l'albumine pour les médicaments et présence
d'inhibiteurs endogènes qui se fixent en compétition sur l'albumine. La
conséquence est une augmentation de la fraction libre des médicaments.
129
La toxicité des antibiotiques
Ces modifications ont comme conséquence une augmentation anormale de
la concentration
du médicament et se traduisent par des manifestations
d’intolérance.
II. Règles d’utilisation des antibiotiques en cas d’insuffisance
rénale
Devant une insuffisance rénale, un certain nombre de règles doivent être
effectuées :
 mesurer ou évaluer le DFG
[94, 96, 185]
Le débit de filtration glomérulaire peut être calculé à partir de la valeur de
la créatinine sérique en utilisant des équations qui tiennent compte de l'âge, du
sexe, de la race et du poids du patient. Pour que cette estimation soit valide, la
fonction rénale doit être stable et la créatinine sérique constante.
Formule de Cockroft et Gault:
Clcr (ml/min) = (140-âge) × poids (kg) [× 1,2 pour l'homme] / créatininémie
(µmol/l)
 Apprécier le niveau de l’insuffisance rénale
[94, 185, 186]
Les récentes recommandations américaines et européennes définissent cinq
stades d’insuffisance rénale en fonction du DFG (clairance de la créatinine).
130
La toxicité des antibiotiques
Tableau IX : Classification insuffisance rénale chronique [94, 185, 186].
Stades
Description
DFG (ml/min/1,73 m2)
I
Maladie rénale avec GFR normal
II
Maladie rénale avec faible baisse GFR
60<DFG≤89
III
Baisse modérée GFR
30<DFG≤59
IV
Baisse sévère GFR
15<DFG≤29
V
Insuffisance rénale terminale
 Ajuster la posologie
DFG≥90
DFG<15
[94, 96, 185]
L’adaptation de la posologie des antibiotiques à élimination rénale est une
nécessité en cas d’insuffisance rénale modérée à sévère, elle permet d'éviter non
seulement les accidents de néphrotoxicité, mais aussi les effets secondaires
extrarénaux.
Schématiquement, l'adaptation posologique peut être obtenue en réduisant
la dose unitaire et en gardant le même intervalle entre les administrations ou en
espaçant les intervalles d'administration et en gardant les mêmes doses unitaires.
Pour un antibiotique devant maintenir pendant un temps suffisant une
concentration sanguine supérieure à la concentration minimale inhibitrice du
germe, il est souvent préférable de conserver les intervalles habituels et de
réduire la dose unitaire (bêtalactamines en général). Pour d'autres antibiotiques
(aminosides, fluoroquinolones), il semble plus intéressant d'espacer les
administrations (parfois de façon importante) en gardant la dose unitaire. Dans
tous les cas il est essentiel d'être en accord avec les recommandations figurant
dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et rapportées dans le Vidal.
131
La toxicité des antibiotiques
Cependant, les recommandations d’adaptation posologique à la fonction
rénale ne sont pas toujours suffisantes. De nombreux cas de troubles
neurologiques induits par les bêtalactamines ont été notifiés, au centre régional
de pharmacovigilance d’Amiens entre 1997 et 2007, chez des patients
insuffisants rénaux. Dans la plupart de ces cas les recommandations d’adaptation
posologique à la clairance de la créatinine aient été respectées. [158]
 Surveillance du traitement
[94, 97]
Dans les situations les plus complexes, le recours au suivi thérapeutique
pharmacologique s’avère nécessaire, il consiste en un ajustement individuel des
posologies en fonction des concentrations sériques des médicaments.
 Faire attention à une éventuelle interférence dans le dosage de la
créatininémie [94]
Il existe des antibiotiques susceptibles d’augmenter le taux plasmatique de
créatinine sans modification associée de la fonction rénale.
C’est le cas de Triméthoprime par interférence avec la sécrétion tubulaire
de créatinine et les céphalosporines par interférence avec le dosage de la
créatinine.
132
La toxicité des antibiotiques
E.
Antibiothérapie et insuffisance hépatocellulaire
Le foie exerce un rôle central dans le métabolisme et l’élimination des
médicaments. De ce fait, l’insuffisance hépatocellulaire s’accompagne de
conséquences pharmacologiques, dont l’intensité varie avec la nature et la
gravité de l’hépatopathie sous-jacente. L’antibiothérapie d’un patient atteint de
cirrhose et/ou d’une insuffisance hépatique aiguë nécessite la prise en
considération des altérations physiologiques spécifiquement induites par la
défaillance hépatique [187,188].
I. Conséquences pharmacologiques de l’insuffisance
hépatocellulaire [187, 188]
En cas de cirrhose et/ou d’insuffisance hépatique, plusieurs facteurs
coexistent et concourent à une réduction de la clairance hépatique des
médicaments (tableau X)
Tableau X : Conséquences pharmacologiques de l’insuffisance hépatocellulaire.
- Rétention hydrosodée: augmentation du volume de distribution
- Diminution de la synthèse protéique: diminution de la fraction liée aux protéines
-Diminution du débit sanguin hépatique fonctionnel: diminution de la clairance
-Diminution de l’activité enzymatique hépatique: diminution de la clairance
- Cholestase: augmentation de la demi-vie d’élimination
-Insuffisance rénale associée: augmentation de la demi-vie d’élimination
133
La toxicité des antibiotiques
Ces modifications entraînent une sensibilité accrue à certains effets
secondaires et des désordres physiologiques associés (en particulier rénaux) qui
augmentent le risque d’effets secondaires. [188]
II. Règles d’utilisation des antibiotiques en cas d’insuffisance
hépatocellulaire
Contrairement à l’insuffisance rénale où il existe des règles d’adaptation
posologique en fonction du degré de l’insuffisance rénale, il n’existe aucune
règle d’adaptation posologique en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Cela tient
au fait qu’il n’existe pas des paramètres biologiques ou cliniques évaluant le
degré d’insuffisance hépatocellulaire qui soit corrélé à la clairance hépatique des
médicaments [188, 189].
De ce fait, toute atteinte hépatique antérieure connue doit inciter à la plus
grande prudence dans le choix des antibiotiques prescrits, dans les doses
prescrites et dans la surveillance du traitement [17]. (Tableau XI)
A l’intérieur d’une même famille, il faut préférer les produits les moins ou
non métabolisés ; par exemple, préférer l’acide pipémidique, non métabolisé à
l’acide nalidaxique et à la fluméquine, fortement métabolisés. Parmi les
fluoroquinolones de deuxième génération, préférer l’ofloxacine (très peu
métabolisé) à la péfloxacine, fortement métabolisée [31].
Les antibiotiques potentiellement hépatotoxiques doivent être évités, sous
peine d’aggravation des lésions hépatiques. C’est le cas par exemple de
l’odoléodomycine, la tétracycline, la rifampicine et l’isoniaside [17].
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La toxicité des antibiotiques
La posologie des antibiotiques fortement métabolisés et ayant une
élimination biliaire importante doit être diminuée: c’est le cas par exemple de
péfloxacine et clindamycine [31].
Tableau XI : Antibiotiques et insuffisance hépatique
[31]
Antibiotiques utilisés sans restriction des doses
Aminoglycosides
Azétréonam
Céphalosporine non métabolisées
Fosfomycine
La plupart des pénicillines
Quinolones non ou peu métabolisées
Thiamphénicol
Vancomycine
Antibiotiques contre indiqués
Erythromycine
Isoniaside*,
Pyrazinamide
Tétracycline IV (grossesse)
Antibiotiques utilisés en réduisant la posologie
Ceftriaxone,
Céfopérazone
Céphalosporines métabolisées
Isoniaside
Péfloxacine
Pyrasinamide
Rifabutine
Ureïdopénicillines
Antibiotiques utilisés en surveillant la fonction hépatique
Acide fusidique
Clindamycine
Doxycicline
Triméthoprime
Nitrofurantoïne (tratement prolongé)
Sulfamides, sulfones
Pénicillines antistaphylococciques
*contre indication relative tenant compte de la nécessité du traitement et du degré de
l’insuffisance hépatique.
135
La toxicité des antibiotiques
Finalement, il est important de surveiller attentivement l’apparition des
effets secondaires possibles et de doser les taux plasmatiques des médicaments
lorsque cela est possible. Aussi, certaines classes de médicaments tels que les
aminosides doivent être systématiquement proscrites en raison d’un taux
particulièrement élevé d’effets secondaires et de l’existence d’alternatives
thérapeutiques [188].
136
La toxicité des antibiotiques
L’utilisation des antibiotiques en clinique depuis les années 1940, constitue
une étape importante dans l’histoire de la médecine. Grâce à eux, de nombreuses
vies sont sauvées chaque jour. Mais leur efficacité est fragile et régulièrement
remise en cause.
En fait, ces médicaments devraient agir uniquement sur les agents
infectieux et pas du tout sur l’organisme humain qui les héberge
momentanément. Autrement dit, ils devraient être dépourvus de tout effet
pharmacodynamique et de toute toxicité pour l’homme. Nous avons vu que cet
idéal est rarement atteint.
En effet, ils peuvent être responsables des accidents très divers. Certains,
sont mineurs et transitoires. Pour d’autres, ils sont graves et peuvent engager le
pronostic vital.
Ces accidents doivent être bien connus afin d'être pris en compte par les
prescripteurs dans le choix de la prescription et par les pharmaciens dans le
contrôle des prescriptions et le suivi des patients. Ils doivent être également
rapportés et identifiés par l'industrie pharmaceutique et par les autorités
responsables dont le rôle est d’ordonner
le retrait de substances qui
s'avéreraient être à l'origine d'accidents graves et répétés.
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