Une planète sans déchets ?
On entend souvent les termes "produit intérieur brut", "expansion à l'international" et
"profit" lorsqu'on traite de la santé économique des pays, mais on parle peu de leurs effets
sur la santé de la planète. Le 13 novembre dernier, Action RE-buts constatait une «
mobilisation historique » pour la 13e édition de la Semaine québécoise de réduction des
déchets. Toutefois, les montagnes grossissantes de détritus produits par l'être humain
témoignent d'un monde toujours malade.
C'est ce que croit le Mouvement pour une décroissance conviviale (MDC). Selon Hervé Philippe, membre du comité
de coordination et professeur de biochimie à l'Université de Montréal, la croissance économique est alimentée par
les crises de l'humanité. « Par exemple, un accident de voiture contribue à la croissance économique : les services
d'urgence et la compagnie d'assurance seront sollicités, une nouvelle auto sera peut-être nécessaire. Les
catastrophes sont positives pour l'économie. Comme l'ouragan Sandy aux États-Unis qui a relancé l'activité
économique », explique-t-il. Selon le MDC, cette dynamique du capitalisme se répercute malheureusement sur tous
les aspects de la société.
La production de déchets est fondamentalement liée au dogme néolibéral de la croissance économique. Pour
continuer à fonctionner, la société capitaliste a besoin de produire de plus en plus. « Pour accommoder le système
de consommation, la solution rentable est le recyclage et l'enfouissement. Le ramassage et le tri rapportent
beaucoup d'argent et de taxes, en plus de créer de l'emploi », critique Hervé Philippe. Il ajoute qu'il faut aussi
considérer les dépenses en énergie liées à la gestion des déchets, notamment par le transport et le recyclage des
matières.
La solution dans la science ?
L'économie n'est pas le seul aspect remis en question par les objecteurs de croissance : le progrès scientifique l'est
également. Alors que plusieurs pensent que les progrès technologiques constituent la solution pour contrer les
problèmes environnementaux, Hervé Philippe croit au contraire que l'impact positif des avancées scientifiques n'est
pas automatique. « On assiste souvent à une augmentation de la consommation d'énergie. Comme le produit est
plus efficace, plus de personnes vont s'en servir. C'est ce qu'on appelle ''l'effet rebond'' », explique-t-il. Il donne en
exemple les télévisions à écran plat, légères et peu énergivores, qu'on peut maintenant retrouver un peu partout
dans les lieux publics. Leur présence massive entraine toutefois une grande consommation d'énergie, en plus
d'envoyer plusieurs télévisions toujours fonctionnelles au dépotoir.
L'effet rebond s'applique aussi aux objets biodégradables. Pour Hervé Philippe, il y a un certain effet pervers à ce
type de marketing vert. « Encore une fois, on justifie l'utilisation de produits jetables, parce qu'ils sont
biodégradables. Il est beaucoup plus intéressant d'utiliser des choses qu'on ne va pas jeter, ou encore de fabriquer
des produits durables mais aussi biodégradables », insiste-t-il.
S'inspirer de la nature
À mi-chemin entre le progrès scientifique et le retour vers la terre, une nouvelle façon de concevoir l'environnement
est en vogue depuis 15 ans : le biomimétisme. Il s'agit d'une discipline qui vise à imiter le génie de la nature, dans un
but de durabilité. « Le biomimétisme est un retour à des valeurs plus simples d'humanité, de reconnexion avec la
nature. Et on utilise la technologie pour ça », explique Moana Lebel, professionnelle-consultante en biomimétisme et
fondatrice de l'Institut Biomimétisme Québec. Par exemple, pour fabriquer la colle du contre-plaqué, qui peut être
cancérigène, des chercheurs se sont inspirés de la moule, dont l'adhésif pour se coller aux rochers dans l'eau est
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