
Mariages mixtes et rite religieux
Le Concile in Trullo (691) décrète que les mariages entre chrétiens et hérétiques
sont interdits et que, là où ils ont été stipulés, ils sont considérés comme nuls et à
dissoudre, sous peine d’expulsion de la communauté des croyants (can. LXXII)
(Cf. Mahfoud 1965, 86, 87; Ceccarelli-Morolli 1995, 141, 142). En réalité, le
décret ne semble pas avoir été appliqué uniformément dans le sens de la nullité
,
dans le monde chrétien occidental comme oriental (cf. Mahfoud 1965, 87),
reconnaissant, au contraire, la constante validité de ces mariages, bien
qu’interdits, et donc illicites (cf. Gaudemet 1989, 49).
S’il existe une préoccupation pastorale envers les dangers liés aux mariages
mixtes, nous pouvons toutefois suggérer que l’Eglise ancienne n’avait pas
envisagé le problème d’un point de vue formel et juridique, en utilisant, au moins
relativement à la célébration des mariages, les lois et coutumes romaines (cf.
Fuchs 1984, 101).
La législation de l’Empire christianisé influence le problème de son propre point
de vue. Par exemple, les empereurs Constantin (339) et Valentinien (388)
décrètent la peine de mort pour les mariages entre chrétiens et juifs (cf. Mahfoud
1965, 86), alors que Justinien, n’interdisant pas le mariage avec les hérétiques,
impose toutefois l’éducation chrétienne des enfants, sous peine de refus des droits
de succession (cf. Gaudemet 1989, 49).
Avec le temps, parallèlement à la juridisation progressive de l’Eglise catholique,
en particulier à partir du pape Alexandre III (1159–1181) (cf. Fantappiè 1999,
123), le droit canonique formalise les empêchements pour disparitas cultus, c’est-
à-dire pour un mariage entre un baptisé dans l’Eglise catholique et un non-baptisé
(c’est-à-dire non-chrétien), et pour mixta religio, dans le cas d’un mariage entre
un baptisé dans l’Eglise catholique et un baptisé dans une autre Eglise chrétienne
(hérétique ou schismatique). Ce dernier empêchement a assumé une signification
particulière pour l’Eglise catholique à partir de la Contre-Réforme du XVIe siècle,
par rapport aux mariages avec les protestants. Les réformés, tout en refusant une
grande partie des empêchements canoniques, reproduisent en revanche un tel
empêchement dans leur propre droit ecclésial en interdisant le mariage avec les
« papistes », sous peine d’exclusion de la sainte Cène pour les époux et de
sanctions disciplinaires pour le ministre la célébrant (cf. Rimoldi 2003a, 54 ;
Rimoldi 2004, 9–11).
Il y a encore et toujours une certaine défaveur envers les mariages mixtes, mais
aujourd’hui la rigueur des normes confessionnelles s’est beaucoup adoucie et, à
partir des années 1960, ces normes on fait l’objet de modifications, soit grâce au
développement des relations œcuméniques et au dialogue interreligieux, soit à
cause de l’élaboration théologique qui s’est développée dans certains endroits
religieux, comme par exemple dans l’Eglise catholique, dans laquelle les
Pour une synthèse des commentaires des trois canonistes byzantins du XIIe siècle Balsamon,
Zonaras et Aristenos sur le can. LXXII, voir Coppola 1998.