Conférence internationale sur le renforcement de la cybersécurité et de la cyberdéfense dans l’espace francophone Grand-Bassam (Côte d’Ivoire), le 8 février 2016 Intervention de Monsieur Adama OUANE Administrateur de l’OIF Seul le texte prononcé fait foi ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE 19-21, AVENUE BOSQUET, 75007 PARIS TEL. : (33) 1 44 37 33 00 - TELECOPIE : (33) 1 45 79 14 98 www.francophonie.org Allocution de Monsieur l’Administrateur à l’occasion de l’ouverture de la Conférence internationale sur le renforcement de la cyber-sécurité et de la cyber-défense dans l’espace francophone Grand-Bassam, le 8 février 2016 Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur, Monsieur le Ministre de l'Économie numérique et de la poste, Monsieur le Directeur général de l’Autorité de Régulation des télécommunications de la Côte d’Ivoire (ARTCI), Honorables invités, Mesdames et Messieurs, en vos rangs, grades et qualités respectifs respectés, Chères participantes et chers participants, L’essor des technologies de l’information et de la communication a provoqué une transformation profonde et accélérée de nos modes de vie et de travail. Les progrès proposés par cette révolution numérique ont des effets bénéfiques que tout le monde peut apprécier. Dans le même temps, ils comportent des risques. De sorte que nous osons affirmer que les TIC sont comparables à la langue d’Ésope, le célèbre fabuliste grec. C’est dire que les TIC pourront être à la fois la meilleure et la pire des choses à l’époque contemporaine. Elles facilitent la vie, développent l’économie, l’innovation et les relations entre les hommes. Elles sont, dans le même temps, sources de criminalité ou de violation des droits fondamentaux des citoyens. La multiplication et la complexification des attaques informatiques et les vulnérabilités des réseaux et systèmes d’information commencent à inquiéter aussi bien les citoyens que les entreprises et les États et gouvernements. Face à ces inquiétudes, certains se posent la question de savoir pourquoi l’OIF s’intéresse à la lutte contre la cybercriminalité, la promotion de la cyber-sécurité et de la cyber-défense. L’OIF est une organisation multilatérale engagée dans la promotion 2 et la défense de la diversité culturelle et linguistique, mais aussi dans l’accompagnement du développement de ses États et gouvernements membres. C’est d’ailleurs pour cette raison que la promotion de l’économie et du numérique constituent les priorités de la Secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean. Mesdames, Messieurs, Distingués invités, Au regard de ce positionnement de l’OIF, il apparaît que l’augmentation croissante des pratiques cybercriminelles dans le monde en général, dans les pays francophones en particulier, devient un défi pour nos États et notre Organisation. En effet, les menaces cybernétiques et les infractions en ligne constituent un obstacle au développement économique et social de nos pays membres. En effet, la cybercriminalité entame la confiance dans le cyberespace et empêche nos pays et gouvernements membres de profiter pleinement de l’économie numérique comme une source de croissance économique. Par exemple, dans les pays francophones en développement, la démocratisation de l’utilisation des téléphones portables a permis l’émergence de certains services comme les transactions bancaires et financières, le marketing et les services de distribution, le commerce électronique et beaucoup de services de TIC pour le développement comme l’e-santé et l’e-éducation. Le développement de la cybercriminalité constitue un véritable handicap pour l’accélération de la croissance dans ces secteurs. La cybercriminalité se révèle également comme un obstacle aux investissements. L’expansion du fléau détruit l’image des pays et dissuade des investisseurs potentiels. On connaît le cas de plusieurs pays africains dont les domaines internet sont « blacklistés » par les grandes plateformes internationales. Une telle situation provoque la baisse de l’attrait du pays et entraîne un ralentissement des investissements. Or, une telle situation limite les opportunités de croissance économique et d’emploi pour les populations. 3 La cyberfraude provoque également des pertes de ressources financières pour les individus et les États. Selon une étude de la Compagnie Européenne d'intelligence Stratégique (CEIS), en 2013, le coût estimé de la cybercriminalité en Côte-d’Ivoire est de 26 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros) et de 15 milliards de F CFA (2,2 millions d’euros) au Sénégal. En France, cette criminalité affecte le PIB à hauteur de 0,11%. La cybercriminalité constitue aussi une menace pour la paix et la stabilité des pays. En plus de la professionnalisation de la cybercriminalité, certains États ou groupes organisés utilisent des attaques informatiques à des fins stratégiques. Ces cyberattaques touchent des infrastructures critiques de nos pays. On se rappelle l’attaque subi sans précédent par notre opérateur de la Francophonie TV5 Monde. Des cyber-hacktivistes paralysent des sites des pouvoirs publics. Par exemple, en juin 2015, tous les sites gouvernementaux et parapublics du Burkina-Faso ont subi une attaque de « défacement ». Le Sénégal, le Cameroun et d’autres pays africains ont subi des attaques de même type ou de déni de services. On peut évoquer ici la question du cyber-terrorisme avec la radicalisation des jeunes sur Internet. Mais, plus grave encore, les cyberattaques peuvent être dirigées contre des infrastructures physiques comme des réseaux d’énergie, de transport, des chaînes de production, etc. A l’avènement de l’Internet des objets et le développement des logiciels de supervision et de contrôle SCADA, les risques encourus par les individus, les entreprises et les États vont s’accroître de façon vertigineuse. On ne peut négliger aussi les opérations de renseignement ou de surveillance massive des populations. Le développement du cyber-espionnage met en danger les secrets industriels et commerciaux. Mesdames, Messieurs, Au vu de ces enjeux économiques, politiques et sociaux, les chefs d’États et de gouvernement de l’OIF ont clairement exhorté l’OIF à accompagner les États et gouvernements membres à lutter contre la cybercriminalité et à promouvoir la cyber4 sécurité. La Stratégie de la Francophonie numérique, « Horizon 2020 » et la Stratégie économique pour la Francophonie constituent les sièges de ces résolutions des hauts dirigeants de notre Organisation. Sur la base de ces documents politiques, l’OIF a adopté une programmation quadriennale 2015-2018 qui a pris en compte la question de la criminalité et de la cyber-sécurité. Quelques actions ont commencé par être déployées. Une coopération avec AfricaCERT permet de renforcer les capacités des experts africains dans le domaine des équipes d’alerte et de réponses aux incidents de sécurité informatiques. Nous travaillons aussi avec l’Association francophone des autorités de protection des données personnelles (AFAPDP) pour veiller à la protection des données à caractère personnel dans nos pays. Avec le Réseau Francopol, la coopération permet le développement des cyberpolices dans les pays africains. Mais, ces actions se révèlent insuffisantes pour faire face à la montée en puissance des pratiques de criminalité en ligne et des nouvelles vulnérabilités informatiques des réseaux et systèmes d’information. De plus, de nombreux États francophones sont de plus en désarmés face à la complexification et la professionnalisation de la criminalité cybernétique. Quelques-uns commencent à prendre conscience des menaces et esquissent des politiques de lutte à travers l’adoption de cyberlégislations ad’hoc. La majorité se pose bien des questions. Devant cette situation perturbante, la Secrétaire générale de l’OIF a souhaité prendre une initiative francophone de renforcement du continuum sécurité/défense dans le cyberespace francophone. La présente conférence s’inscrit dans ce cadre. Comme vous le savez, cette conférence vise trois objectifs, à savoir : 1. Échanger sur les meilleures pratiques dans le monde ; 2. Élaborer, à l’intention des hauts dirigeants de la Francophonie, un projet de déclaration de principes sur la cyber-sécurité et la cyber-défense dans l’espace francophone ; 3. Proposer une Initiative Francophone de renforcement de la cyber-sécurité et de la cyber-défense (: un plan d’action et un guide pratique qui proposera une 5 batterie d’actions et des combinaisons que les États mettront en œuvre selon leurs écosystèmes spécifiques). Je voudrais dire ici que toute la Francophonie se trouve unie et réunie pour se mobiliser dans ces domaines. Je pense au rôle essentiel des parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) pour faire évoluer les législations. Je pense également au rôle essentiel des chercheurs de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) pour mieux comprendre, décrypter et anticiper des phénomènes complexes dans tous leurs aspects sociétaux. Et c’est la Francophonie toute unie, dans la diversité de ses acteurs, qui s’appropriera les conclusions qui ressortiront de vos travaux. Des conclusions très attendues qui ne manqueront pas de nourrir notre réflexion et notre action dans la durée, et notamment en perspective de la Conférence francophone sur le terrorisme qui aura lieu à Paris au deuxième trimestre de cette année. Distingués invités, Mesdames, Messieurs, La haute qualité des experts invités à la rencontre me rassure sur le niveau élevé des résultats que nous pouvons en attendre. En effet, avec ses partenaires de l’organisation, l’OIF a réuni de nombreux spécialistes confirmés dans les domaines de la cyber-sécurité et de la cyber-défense. Je voudrais, au nom de Madame la Secrétaire générale de la Francophonie les remercier pour avoir accepté de faire le déplacement de la Côte d’Ivoire pour éclairer de leurs lumières scientifiques et pratiques les débats de la conférence. Mes remerciements vont également au gouvernement de la Côte d’Ivoire, à Son Excellence le Président de la République, le Dr Alassane Dramane Ouattara pour la mobilisation de la Côte d’Ivoire pour faire front à la criminalité en ligne. Messieurs les 6 ministres, veuillez recevoir pour vous-mêmes et transmettre, au Président de la République, notre reconnaissance pour le partenariat qui a permis l’organisation de la présente conférence. Permettez-moi de dire également merci au Directeur général de l’Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire et au Directeur de l’Informatique des Traces technologiques du Ministère de l’Intérieur et à toutes leurs équipes pour leur implication active dans l’organisation pratique de la conférence. Je remercie également la Direction de la Francophonie économique et numérique de l’OIF. Je ne saurais terminer mes propos sans vous transmettre les chaleureuses salutations de la Secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, qui se mobilise jour et nuit en faveur d’une Francophonie innovante au service des pays et des peuples, et plus particulièrement en faveur des jeunes et des femmes de l’espace francophone. Elle prône la Francophonie des solutions. Espérant que son enthousiasme communicatif et son engagement vous inspirera pour nous proposer des solutions innovantes dans les domaines de la cyber-sécurité et de la cyber-défense. Je souhaite pleins succès à vos travaux. Merci pour votre aimable attention. 7