Après vous avoir présenté le personnage de Charles Landrain lors des éditions du « bulletin
communal » précédentes, il me parait maintenant utile de revenir vers une autre personnalité
contemporaine particulièrement marquante pour Wasseiges et ses environs. Il s’agit de Joseph Zaman
dont je vais vous conter le parcours. Cette biographie sera évoquée en trois parties. En voici donc la
première.
Joseph- Emmanuel Zaman
Joseph Zaman, un personnage mythique au 19e pour Wasseiges et
sa région.
S’il est un personnage qui a marqué de son empreinte la vie de Wasseiges et des environs, c’est Joseph
Emmanuel Zaman.
Le lien de Zaman avec Wasseiges fut de courte durée (pas plus de 2 décennies) mais l’homme
révolutionna le quotidien des gens pour devenir à la fin du 19e siècle un véritable mythe.
Ce chevalier d’industrie, pseudo-baron, sénateur, est un produit typique du 19e, ce siècle des pionniers
qui vit se faire et se défaire gloires et fortunes. Son parcours, exceptionnel à plus d’un titre, est
révélateur de la révolution industrielle qui fit de la Belgique une puissance économique de 1er plan à
l’échelle mondiale.
Qui donc était cet homme singulier ?
1ère partie : Le « baron d’industrie »
Le milieu familial.
On trouve des traces de sa famille au début du 16e s., époque à laquelle les Zaman occupent des
charges héréditaires en vue au « pays de Waes ».
Joseph Emmanuel Jérôme Zaman naît, lui, le 10 mai 1812 à Bruxelles où ses parents sont venus
s’installer. Son père, Joseph Bernard Zaman est avocat. Il décédera en 1826 laissant orphelin cet
adolescent de 14 ans.
Son oncle maternel, le chevalier François Wyns de Raucour, avocat en vue de Bruxelles, homme
politique libéral qui fut vice-président du Sénat et bourgmestre de Bruxelles de 1841 à 1849, le
prendra dès ce moment sous son aile protectrice pour en faire, à son décès en 1857, son légataire
universel.
En 1840, il épouse la comtesse Cécile du Monceau de Bergendal dont le père, Jean-François, n’est rien
de moins que lieutenant-général, aide de camp et chef de la maison militaire du roi des Pays-Bas et le
grand-père, Jean-Baptiste, général d’Empire, puis maréchal de Hollande (famille prestigieuse s’il en
est…).
Ils auront 4 enfants : Cécile (1841) qui épousera le baron Paul de Fierlant, Jules (1844-1845), Félix
(1846) qui épousera la comtesse Mathilde d’Oultremont et Anne (1848) qui sera l’épouse du baron
Charles d’Huart.
Les mariages dans la famille Zaman traduisent cette volonté de l’époque d’union de la haute
bourgeoisie à la noblesse afin, vraisemblablement, de légitimer leur statut et d’élargir, par là-même,
leur champ d’influence.
J.-F. du Monceau de Bergendal, beau-père de Zaman
Industriel dans l’âme.
Maître de carrières
Entre 1844 et 1851, jeune homme d’affaires, il devient « maître de carrières » en rachetant les
différentes carrières de Quenast extrayant le porphyre, une pierre de haute qualité qui a servi,
notamment, à paver la Grand-Place de Bruxelles.
La vingtaine de carrières acquises sera gérée par la « Société Zaman et Cie » qui deviendra, par la
suite, la « SA des carrières de porphyre », dont Zaman fut l’administrateur-gérant jusqu’en 1869. Elle
occupait 1200 à 1400 ouvriers à cette époque.
Les carrières de Quenast - 1840
Cet ingénieur de formation se révèle également un gestionnaire avisé. Il innove, il modernise,
il mécanise les procédés d’extraction de la pierre et de production du produit fini. En 1858, il fait
même breveter une nouvelle machine à concasser les pierres (la « casse-pierre ») de son invention.
Les carrières disposent, dès lors, des instruments nécessaires à une exploitation systématique de
l’immense veine de porphyre. Ce sont les carrières à ciel ouvert les plus grandes d’Europe. Le pavé de
Quenast acquiert une réputation internationale. Il s’exportera dans le monde entier.
Reste le problème du transport de cette production.
En 1848, Zaman innove en obtenant une concession pour l’installation d’une ligne de chemin de fer
privée permettant l’acheminement des pavés jusqu’au quai du « canal de Charleroi » à
Clabecq. Rappelons que c’est en 1835, soit une dizaine d’années seulement auparavant, que le roi
Léopold Ier a inauguré la première ligne de chemin de fer continentale, la fameuse ligne «Malines-
Bruxelles».
Le ferroviaire.
Rapidement, Zaman transforme le simple dépôt du matériel roulant de sa ligne de chemin de fer en
atelier de réparation.
Ce dernier, sous la houlette de l’industriel, va bientôt évoluer vers la construction de matériel
ferroviaire, notamment de locomotives. En 1854, les ateliers sont cédés à la société « Zaman-
Sabatier » créée pour la circonstance. En 1855, ses locomotives sont déjà visibles à l’« Exposition
universelle de Paris » où elles obtiennent la médaille de 2e classe. Elles seront primées à plusieurs
reprises à l’occasion de salons internationaux qui lui apporteront une renommée mondiale.
La société devient en 1863 la « SA de Construction de Tubize ». En 1864, Zaman a revendu ses parts
car il ne figure plus parmi les actionnaires.
Locomotive de la "SA Zaman Sabatier"
A titre indicatif, signalons qu’en 1870, la société occupait près de 350 ouvriers et qu’elle enregistrait la
fourniture de 200 locomotives.
Quant à Zaman, en 71, on le retrouve comme administrateur-délégué dans la « Cie anonyme de
chemins de fer de Tamines à Landen » qui dispose d’une concession pour l’exploitation de cette ligne.
La politique et les honneurs
Dès les années 1850, la réputation de Joseph Zaman n’est plus à faire. C’est devenu un industriel
connu et respecté. Léopold Ier va d’ailleurs reconnaître ses mérites en lui octroyant en 1858 un titre de
noblesse héréditaire. Il le fait écuyer.
En 1857, son oncle et protecteur, François Wyns de Raucour décède en lui léguant toute sa fortune.
Zaman veut-il perpétuer la tradition familiale ou rendre un hommage posthume à son bienfaiteur ?
Toujours est-il qu’en 1858, il se lance en politique sous la bannière du parti libéral.
Il devient, en juin de la même année, sénateur de l’arrondissement de Nivelles en remplacement du
comte Coghen qui vient de décéder. Il sera élu directement au suffrage censitaire aux élections de
1859 et réélu en 1867. Son mandat prendra fin en août 1870.
Joseph Zaman devient donc « monsieur le sénateur », lui qui était déjà surnommé le « baron Zaman »
(sans doute en référence au « chevalier d’industrie » qu’il était).
Léopold II, qui a accédé au trône en 1865, lui décerne, en juin 1867, la distinction honorifique de
« chevalier de l’ordre de Léopold ».
La rumeur raconte que Zaman était apprécié du monarque et qu’il avait ses entrées à la Cour.
Rien d’étonnant que des affinités aient pu exister entre les deux personnages lorsqu’on sait que
Léopold II voulait faire de la Belgique « un pays fort, prospère et beau… ». Zaman devait être pour lui
le prototype même de l’industriel visionnaire, innovateur et ingénieux. Il symbolisait le modernisme
pour ce roi qui contribua incontestablement à faire de la Belgique de l’époque un pays riche doté d’une
industrie de pointe, d’infrastructures décentes, de bâtiments prestigieux.
Le sénateur Zaman
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