LA LETTRE
de la Fondation de la Résistance
N° 33-juin 2003-4,50
Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République
Politique de répression,
systèmes judiciaires
et internements en France
sous l’Occupation (1940-1944)
Dossier :
Politique de répression,
systèmes judiciaires
et internements en France
sous l’Occupation
Le lundi 12 mai à l’auditorium Austerlitz du Musée de l’Armée, la Fondation de la Résistance s’est
associée au Musée de la Résistance nationale, à l’Office national des anciens combattants et à l’éditeur
Tallandier pour présenter l’ouvrage La vie à en mourir. Lettres de fusillés.1941-1944 (cf. compte rendu
p.4) aux présidents des associations issues de la Résistance et de la Déportation.
Après les allocutions de M. Victor Convert, directeur général de la Fondation de la Résistance repré-
sentant le président Jean Mattéoli et de M. Serge Barcellini, directeur général de l’Office national des
anciens combattants; M. François Marcot, professeur à l’université de Besançon, préfacier de l’ouvrage,
a présenté les enjeux des lettres de fusillés pour l’historien tandis que M. Guy Krivopissko, conserva-
teur du Musée de la Résistance nationale a exposé la méthodologie qui a présidé à la réalisation
de cet ouvrage de 120 lettres à partir d’un corpus de près de 500 documents.
L’émotion fut à son comble lorsque les membres de la famille et des camarades de Résistance,
présentés par Denis Peschanski, ont commencé la lecture de ces dernières lettres.
Se sont ainsi succédées Mmes Rose de Beaufort, fille d’Honoré d’Estienne d’Orves; Marie-José
Chombart de Lauwe qui a lu les lettres d’Alexandre Fourny du réseau Georges France 31 et de
France Bloch-Sérazin qu’elle a côtoyée en prison; Jacqueline Olivier-Timbaud, fille de Jean-Pierre
Timbaud; Edith Desaleux, membre du réseau Alliance, qui nous fit entendre les lettres de deux
membres de son réseau: Roger Speybroeck et l’abbé Bonpain; Charitas-Waroquier, sœur de Claude
Waroquier.
À l’issue de cette cérémonie, la Fondation de la Résistance a accueilli les participants qui ont pu
ainsi rencontrer les présentateurs de l’ouvrage. F.M.
Inauguration de la place Pierre Archambault à Tours
Le samedi 12 avril dernier à Tours, M. Jean Germain, maire de l’agglomération inaugurait
la place Pierre Archambault.
Agent du réseau « Confrérie Notre-Dame » et membre du mouvement «Libération-Nord»,
Pierre Archambault consacra sa vie à la presse. À la Libération sous la présidence de son
ami Jean
Meunier, il fonda La Nouvelle République du Centre Ouest, journal dont il fut le
directeur général jusqu’en 1972. En 1951, il créa le Syndicat national de la presse quoti-
dienne régionale dont il aura la charge pendant une vingtaine d’année. Pierre Archambault
présida également à partir de 1970 la Confédération de la presse française et de 1964 à 1972,
à la demande du général
de Gaulle, représenta la presse écrite au Conseil d’administration
de l’ORTF. Il fut également membre du Haut Conseil de l’audiovisuel.
Le DrJack Vivier, fils du préfet de la Libération de l’Indre-et-Loire et historien de Touraine
ainsi que M. Charles Pot, président national de «Libération Nord» ont prononcé l’éloge de
Pierre Archambault en soulignant sa personnalité attachante.
Charles Pot a rappelé ainsi que Pierre Archambault «était très sympathique, mais surtout ce
chrétien, combattant de la Résistance (…) était surtout un homme de conviction, un huma-
niste, fidèle à ses pensées, fidèle à ses amitiés, ardent défenseur des libertés républicaines».
Enfin, son fils François Archambault a clôturé cette cérémonie en remerciant au nom de la
famille la municipalité et toutes les personnalités qui avaient tenu à s’associer à cet hommage.
F.M.
Les Relais de la Mémoire
Le 18 juin, le secrétariat d’État aux Anciens Combattants organise
«les relais de la Mémoire » visant à transmettre à la jeunesse la mémoire des
conflits du
XX
esiècle et les valeurs qui furent alors défendues.
Cette année l’histoire de la Résistance intérieure et extérieure a été
choisie comme thème à cet événement médiatisé qui se déroulera sur onze sites
emblématiques de la Résistance dont un en Outre-Mer. Sur chaque site, une
classe de seconde, accompagnée de professeurs suivra un parcours reliant dif-
férents lieux de mémoire où elle rencontrera des témoins de l’époque. Cette
initiative décentralisée est due à M. Hamlaoui Mekachera.
Pour plus d’information se connecter sur notre site Internet
www.fondationresistance.org
2La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 33 - juin 2003
LA VIE DE LA FONDATION EN IMAGES
En couverture:
Lecture de la sentence avant l’exécution de deux résistants : G.Bourreau et E. Billon, à Chef de Baie (Charente Maritime)
le 29 novembre 1941 et dernière lettre d’un condamné à mort à ces parents. (Coll. ministère de la Défense-SGA/DMPA-DR)
Présentation du livre
La vie à en mourir. Lettres de fusillés.1941-1944
Deux membres du bureau
de la Fondation de la Résistance
chevaliers de la Légion d’honneur
M. Jean Mattéoli, président de la Fondation de la
Résistance, vient de remettre les insignes de chevalier de
la Légion d’honneur à M. Erwin Rosenberg, trésorier de
la Fondation de la Résistance et président de son comité
financier.
Il remettra prochainement les insignes du même grade
à M. François Archambault, secrétaire général de la Fon-
dation de la Résistance et président de « Mémoire et
Espoirs de la Résistance ».
Photos Musée de la Résistance nationale.
Photos
Nouvelle République
/Jean Decosse
SOMMAIRE
LE MOT DU PRÉSIDENT
Éditeur:
Fondation de la Résistance
Reconnue d’utilité publique par décret
du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage
du Président de la République
30, boulevard des Invalides - 75007 Paris
Téléphone: 0147057369
Télécopie: 0153599585
Site internet:
www.fondationresistance.org
Courriel:
Directeur de la publication: Jean Mattéoli,
Président de la Fondation de la Résistance
Directeur délégué: François Archambault
Rédacteur en chef: Frantz Malassis
Rédaction: Victor Convert, Bruno Leroux,
Frantz Malassis, Cécile Vast.
Maquette, photogravure et impression:
SEPEG International, Paris XVe.
Revue trimestrielle. Abonnement pour un an: 16
.
N° 33: 4,50
Commission paritaire
n° 4124 D73AC - ISSN 1263-5707
Mémoire et réflexions
- Dossier : Politique de répression,
systèmes judiciaires et internements
en France sous l’Occupation
(1940-1944) ............................... p. 4
L’activité des associations
partenaires
- Mémoire et Espoirs
de la Résistance ......................... p. 8
- AERI .......................................... p. 10
Autour d’une photographie
- La manifestation du 10 mars 1943
à Romans-sur-Isère
dans la Drôme........................... p. 12
Livres
- Vient de paraître ...................... p. 14
- À lire ........................................ p. 15
La vie de la Fondation
de la Résistance ................... p. 16
- Le préfet Victor Convert, nouveau
directeur général de la Fondation
- Nouvelles d’archives
Ce numéro comporte un questionnaire
Monument Jean Moulin, dit le glaive brisé à Chartres. Œuvre conçue et réalisée par le sculpteur Marcel Courbier (DR)
La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 33 - juin 2003 3
Éditorial
Le 27 mai 1943, il y a soixante ans, se tenait en plein Paris occupé la première réunion du
Conseil national de la Résistance présidée par Jean Moulin.
Ardemment souhaité par le général de Gaulle, mis en place dans des conditions excessive-
ment difficiles et dangereuses par Jean Moulin, la création de ce «parlement clandestin» où se
faisait la synthèse des différentes sensibilités de la Résistance donnait la preuve que la Résistance
avait réussi son unité.
Rapidement connu du Monde libre, cette première réunion du CNR
confortait la position du général de Gaulle à l’égard des Alliés.
Quelques mois plus tard, l’adoption par le CNR d’un programme
politique et sociale, reflet même des valeurs largement partagées
et défendues par les résistants, jetait les bases de la France sociale
moderne que nous connaissons aujourd’hui.
C’est précisément pour le symbole que représentait pour nous cette
date qu’il y a dix ans, le 27 mai 1993, nous avons réuni l’assemblée
des fondateurs pour leur présenter les grandes lignes de l’action de
la Fondation de la Résistance.
À cette époque, s’étendaient devant nous de vastes horizons.
Nous avions tout à bâtir, tout à prouver pour asseoir notre cré-
dibilité.
Je dois dire que le bilan de ces dix années d’activité de la Fondation de la Résistance n’est pas mince
puisqu’elle a confirmé le bien fondé de ses buts statutaires par des actions concrètes
qui sont:
la participation à la formation civique des jeunes grâce au Concours national
de la Résistance
et de la Déportation,
la création de notre site Internet, réunion en un lieu «unique» du maximum
d’informations relatives aux faits, hommes et valeurs, fondées notamment
sur les travaux universitaires,
la collecte, la préservation et la valorisation des archives de la Résistance,
les nombreuses actions de sensibilisation, notamment culturelles et civiques,
menées par Mémoire et Espoirs de la Résistance,
les rencontres cinématographiques autour des images de la Résistance
et de la Déportation,
l’opération «des CD-ROMs sur la Résistance dans tous les départements»
dirigée par l’Association pour des études sur la Résistance intérieure,
la constitution d’une bibliothèque dédiée à l’Histoire de la Résistance…
Maintenant reconnue par l’ensemble des pouvoirs publics et des milieux résistants, je suis sûr que
notre institution qui aura le lourd privilège de veiller aux intérêts matériels et moraux de la Résis-
tance française lorsque les derniers témoins auront disparu ne faillira pas dans sa mission!
Car, comme l’écrivit Vercors: «Quand la mémoire faiblit, quand elle commence, comme une fra-
gile falaise rongée par la mer et le temps, à s’effondrer par pans entiers dans les profondeurs de l’ou-
bli, c’est le moment de rassembler ce qui reste, ensuite, il sera trop tard.»
Jean MATTÉOLI
Président de la Fondation de la Résistance
Qui étaient les résistants? De la Résistance,
les faits ont été établis, les structures, les
organisations, les combats, les formes
d’engagement et les stratégies politiques lar-
gement analysés. Parfois les acteurs, hommes et
femmes, s’effacent de ces histoires. Mais que pen-
saient-ils, que ressentaient-ils, que vivaient-ils?
Tenter de restituer une part de l’univers men-
tal et affectif des résistants, donner à compren-
dre aujourd’hui leurs «modes de présence au
monde» (2) d’alors, c’est à cette approche sen-
sible de l’histoire de la Résistance que nous invite
cette édition critique de 120 lettres de fusillés,
ultimes messages adressés par ceux qui vont
mourir à ceux qu’ils aiment, et rédigés entre
1941 et 1944. Hommage aux résistants et aux
familles des fusillés, ce livre se distingue des publi-
cations à caractère associatif qui l’ont précédé.
Destiné à un plus large public, il est avant tout
le fruit d’une démarche d’historiens (Guy
Krivopissko,
François Marcot et Denis Peschanski),
à la fois soucieux de renouveler la connaissance
de la Résistance, de la rendre accessible à tous (3),
et de redonner à ces lettres leur statut de docu-
ments d’histoire. Et quels documents!
Dans ce livre sont décrites les conditions mora-
les et matérielles dans lesquelles chaque lettre a
été écrite; les notices biographiques rédigées par
Guy Krivopissko, conservateur au Musée de la
Résistance nationale de Champigny, renseignent
sur l’identité du fusillé, son âge, son lieu de nais-
sance, sa nationalité, son appartenance politique,
ses idéaux, son statut dans la répression (otage,
condamné par un jugement). Dans sa belle pré-
face François Marcot, professeur d’histoire
contemporaine à l’Université de Besançon,
conseiller historique du Musée de la Résistance
et de la Déportation de Besançon, replace cet
ensemble de lettres dans le contexte de l’Occu-
pation, du système de répression allemand com-
biné à celui de Vichy, et de la lutte contre la Résis-
tance. Il rappelle combien le choix de la lutte
armée par ces résistants, qu’ils aient été commu-
nistes, plus ou moins jeunes, agents d’un réseau,
membres d’un mouvement, FFI ou maquisards,
a été difficile, qu’il a fallu parfois un long mûris-
sement, et que l’enjeu d’un tel choix n’était pas
seulement militaire. Il revient sur ce que disent
des résistants leurs dernières lettres. «Au moment
de mourir, écrit-il, le héros est un fils ou une fille,
un mari ou une femme, un père ou une mère.
L’histoire, qui est l’histoire des hommes et des
femmes, doit reconnaître et redire cette réalité
première.» (p. 18).
Comme documents d’histoire que signifient ces let-
tres, quels ont été leurs usages, leur devenir, leur
fonction? Leur portée symbolique n’a pas échappé
aux mouvements de Résis-
tance; quelques-unes de
ces lettres, courageusement
transmises par les familles,
recopiées, dactylographiées,
ont été diffusées dans la
presse clandestine et à la
radio. Pourtant, bien au-
delà de sa dimension héroï-
que, du combat et des
valeurs qu’elle symbolise, la
lettre du fusillé demeure,
comme toute lettre destinée
à des proches, «trace
de l’intime et des senti-
ments»(4), elle est l’ultime
lien, le lieu où le condamné s’écrit, se raconte, enve-
loppant les siens dans l’écriture, dans la pensée et
les émotions qu’il y exprime. Cette dernière lettre
est aussi un testament, une sorte de tombeau. Parmi
les écrits clandestins (presse, circulaires, etc.) cette
lettre est d’autant plus «précieuse» qu’elle est pour
une grande partie des résistants fusillés, qui d’or-
dinaire n’écrivent pas, qui ne l’auraient sans doute
jamais fait, le seul témoin écrit de leur existence,
l’unique trace du sens donné à leur engagement
résistant et à leur vie, la seule fois où ils se disent,
s’inscrivent dans le monde, dans une communauté,
dans un passé, dans la mémoire de ceux qui les
liront. Et c’est face à la mort. Peut-être dans les der-
niers moments le résistant condamné jouit-il
d’une liberté absolue; la liberté du choix qui l’a
conduit à s’engager et à risquer sa vie jusqu’à la per-
dre, la Liberté pour laquelle il a combattu, la liber
d’une écriture de soi à ceux qu’il aime? Face à la
mort imminente, la lettre concentre et libère les sen-
timents les plus forts et tout se précipite.
«Que d’idées se heurtent
dans ma tête douloureuse»
(Michel Rolnikas, 19 septembre 1941),
«Tu vois, je ne trouve plus,
le cerveau est vide. Ô! que j’ai peur de souffrir
[…] Mes idées se brouillent. […] Je ne sais plus
quoi mettre.» (Roger, à son épouse
et à sa fille, 20 février 1942).
La mort est une dimension essentielle du temps
des résistants et de leur rapport au monde. Avant
de mourir le résistant, en l’écrivant, tente de l’ap-
privoiser et de lui donner un sens, pour soi, et
pour ceux qui restent. Tous disent la certitude
de l’utilité de leur mort, l’impérieux espoir mis
dans l’avenir (5), toujours imaginé meilleur, qu’il
s’agisse du bonheur personnel des survivants ou
du futur du pays et de la société.
«Embrasse bien notre fils qui aura
une plus belle vie que moi»
(Eric Texier à sa femme, 17 septembre 1941),
«Ton mari tombera la tête haute,
le cœur solide, confiant dans l’avenir
de bonheur qui régnera dans le monde.»
(Jean Poulmarch’ à son épouse,
22 octobre 1941).
(1) Les notes sont placées p. 15
4La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 33 - juin 2003
Mémoire et réflexions
La sortie de l’ouvrage
La vie à en mourir. Lettres de fusillés
.
1941-1944
est pour nous l’occasion de proposer à nos lecteurs un dossier
sur la répression de la Résistance par les autorités d’occupation allemande et le gouvernement de Vichy.
La répression en France sous l’Occupation a fait l’objet de récentes études renouvelant l’historiographie en ce domaine.
S’appuyant uniquement sur trois de ces ouvrages, ce dossier ne prétend pas à l’exhaustivité mais se propose de dresser succinctement
l’état des connaissances d’un phénomène finalement assez méconnu ayant pourtant frappé de nombreux résistants.
LES LETTRES DE FUSILLÉS : L’ULTIME ET POIGNANT MESSAGE
DES VICTIMES DE LA RÉPRESSION
La vie à en mourir.
Lettres de fusillés. 1941-1944
Lettres choisies et présentées
par Guy Krivopissko.
Préface de François Marcot(1)
POLITIQUE DE RÉPRESSION, SYSTÈMES JUDICI
en FRANCE SOUS L’OCCUPATION (1940-1944)
Tract franc-comtois reproduisant la dernière lettre d’Henri Fertet.
Coll. musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon-La Citadelle-DR
La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 33 - juin 2003 5
LA POLITIQUE DE RÉPRESSION ALLEMANDE
Q
uelle a été la réalité de l’attitude de l’armée
allemande en France? Quelles ont été la
nature et l’ampleur des politiques de
répression? Quel était leur fondement idéo-
logique? Quelle représentation les militaires alle-
mands avaient-ils de la Résistance? C’est à cet
ensemble de questions que l’historien allemand
Ahlrich Meyer tente de répondre, à travers une
étude parue en 2002 aux éditions Privat.
En appuyant ses recherches sur les archives alle-
mandes, il établit une chronologie fine de l’évo-
lution de l’occupation allemande en France, en
la situant toujours dans le contexte plus large de
l’occupation de l’Europe. Trois organes allemands
d’occupation se chevauchent. Au commandement
militaire en France (Otto von Stülpnagel jusqu’en
février 1942, remplacé ensuite par son cousin
K. H. von Stülpnagel), qui détient le véritable pou-
voir territorial, s’ajoutent l’ambassade d’Allema-
gne à Paris et le kommando spécial de la Sipo-SD
(police de sûreté et de sécurité). Ahlrich Meyer
confirme la séparation de la chronologie en deux
grandes périodes, qui correspondent certes à
l’évolution de la guerre, mais aussi à un durcis-
sement de nature idéologique de la répression et
à la mise en place de la «Solution finale».
Il invite à penser la politique de répression alle-
mande en France dans un contexte plus large,
tant idéologique que d’exploitation
de l’Europe nazie. En effet la lutte
contre la Résistance, à partir du
milieu de l’année 1941 est étroite-
ment liée à la mise en place pro-
gressive de la «Solution finale». Ces
deux aspects de la répression sont,
selon lui, indissociables et s’expli-
quent en particulier par un fonde-
ment idéologique marqué, qui
rejoint en France le volontarisme
idéologique et antisémite du gou-
vernement de Vichy.
Par ailleurs, autant pour les persé-
cutions antisémites que pour la
répression des résistants, Ahlrich
Meyer met à mal l’idée selon
laquelle la répression a été moins
brutale à l’Ouest qu’à l’Est. Il
démontre au contraire que la
logique de violence est inhérente
à l’idéologie nazie, qu’elle est par-
tagée aussi bien par les militaires
que par les fonctionnaires alle-
mands à Paris, et que le lien est
étroit entre la lutte contre la
Résistance, la déportation à partir
de 1941, et la brutalité des mas-
sacres de l’année 1944. «Le pro-
gramme européen d’extermination
des Juifs relie les différentes stratégies d’oppres-
sion des populations non-juives des pays occu-
pées» (p. 69).
De même, concernant l’image que les Allemands
avaient de la Résistance, Ahlrich Meyer montre
combien cette image était «surdéterminée
L’occupation allemande en France.
1940-1944
d’Ahlrich Meyer(8)
IAIRES ET INTERNEMENTS
Tous savent qu’ils abandonnent en mourant ceux
qu’ils aiment, expriment leur immense angoisse
de la peine et de la souffrance que causera leur
sacrifice.
«Mais, ma Suzanne adorée, c’est pour toi
que je suis inquiet. C’est de te laisser seule,
sans appui, toi et mon Marcel chéri, qui me brise
le cœur. C’est ta douleur à toi que je ressens»
(Maurice Pillet à son épouse Suzanne,
15 décembre 1941).
Dans l’attente de sa propre mort le résistant
condamné, avec courage, console, réconforte les
êtres aimés, demande le respect et la recon-
naissance de ses choix, de son engagement.
«Je suis sûr que vous me comprendrez, Papa et
Maman chéris, que vous ne me blâmez pas.»
(Tony Bloncourt à ses parents, 9 mars 1942)
«C’est dur quand même de mourir», écrit le jeune
Henri Fertet à sa famille le 26 septembre 1943.
Face à la mort, la dernière lettre relie comme
en communion le résistant aux siens, l’écriture
comble leur absence, recrée
leur présence.
«
Je me serre contre toi une
dernière fois afin d’être plus
fort et de sourire gentiment
quand la mort viendra
pour me prendre.»
Fernand Zalkinow à sa sœur,
9 mars 1942),
il meurt parmi eux
(6)
, avec ce
qui est unique, intime, commun et familier, les
souvenirs, les objets, la photographie.
«J’embrasse bien fort ta photographie
et je la serre sur mon cœur»
écrit Georges Pitard à sa femme
(19 septembre 1941)
Appréhender les lettres des fusillés comme des
documents d’histoire c’est s’efforcer de sur-
monter une émotion qui, par un effet d’empa-
thie absolue, nous submerge entièrement. Lire
ces ultimes lettres, ces derniers messages, est si
éprouvant! Le faire c’est un peu, avec une crainte
et un respect presque religieux, douloureuse-
ment, aborder un monde, à peine l’entrevoir,
juste l’effleurer, avec le sentiment de toucher à
l’essentiel, cet essentiel pour lequel ces résistants
ont choisi le risque, la mort: la dignité
humaine, la liberté, la foi, l’espoir mis dans un
idéal, le bonheur, l’avenir et l’amour des siens.
C’est accepter de se sentir profondément
«dépassé» (7), démuni et sans voix devant ce qui
est à la fois grand et demeure mystérieux.
Cécile Vast
Avis d’exécution bilingue d’Honoré d’Estienne
d’Orves, de Maurice Barlier et de Jan Doornik.
Tandis que les autorités allemandes s’emploient à susciter
la crainte des populations par l’affichage des exécutions,
la Résistance dans la presse clandestine magnifie ses martyrs.
Ainsi, le numéro 25 de
Libération sud
du 1er mars 1943, présente
une photographie d’une scène d’exécution avec cette légende :
«Un martyr parmi tant d’autres. Un jeune Français de 17 ans
qui avait coupé des fils téléphoniques à Brest est exécuté
par la
Wermacht
. Il est mort très courageusement. »
DR
DR
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