Synthèse J Pharm Clin 2011 ; 30 (3) : 129-35 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Kératites amibiennes : rôles du pharmacien d’officine et du pharmacien hospitalier dans la prévention et le traitement Acanthamoeba keratitis: involvement in prevention and treatment for pharmacist in primary care and hospital pharmacy Marie-Laure Brandely-Piat 1 , Cécile Cadot 1 , Jean-Louis Bourges 2 , François Chast 1 1 Service de pharmacie-pharmacologie-toxicologie, APHP Hôtel-Dieu, Paris <[email protected]> 2 Université Paris Descartes, Faculté de médecine, Service d’ophtalmologie, APHP Hôtel-Dieu, Paris Résumé. La kératite amibienne stromale est une affection rare mais grave qui peut entraîner des séquelles visuelles irréversibles. Son incidence a augmenté régulièrement depuis 1970 parallèlement au nombre croissant de porteurs de lentilles de contact. L’infection est liée à un mauvais entretien ou une utilisation inappropriée des lentilles de contact. De symptomatologie peu spécifique, le diagnostic est souvent posé tardivement retardant d’autant la mise sous traitement. La prise en charge repose sur l’association d’au moins deux collyres amoebicides. Parmi ceux-ci, peu sont commercialisés en France nécessitant le recours à la procédure d’obtention par ATU nominative ou la réalisation de préparations magistrales ou hospitalières par les PUI. C’est dans ce cadre qu’interviennent les pharmaciens. Le pharmacien d’officine a un rôle de conseil vis-à-vis des porteurs de lentilles de contact et d’orientation des patients se présentant pour un problème oculaire. Le pharmacien hospitalier doit vérifier l’adéquation de la prescription à la pathologie et fournir au patient les traitements qui ont un statut particulier. Officinaux et hospitaliers ont enfin un rôle important à jouer dans l’observance du traitement. Mots clés : kératite amibienne, prévention, traitement, observance Abstract. Acanthamoeba stromal keratitis is a rare but severe disease which can lead to permanent visual impairment. Since the 70’s, its incidence has continuously increased, proportionally to the growing popularity of contact lens wear. Infections are mainly generated by infringement to hygiene’s basic rules or inappropriate contact lens use. The wide range of clinical presentation contributes delaying the diagnostic and the subsequent treatment. Two synergic anti-amoebic eye-drops should be associated to treat such a condition. Few are commercially available in France. Others are either subjected to import procedure or should be prepared by the hospital pharmacy. Pharmacists take part of the process at that time point. Primary care pharmacists have a unique opportunity to deliver critical advice to contact lens wearers and to send patients having ocular symptoms to the appropriate care unit. The hospital pharmacist should control adequacy between prescription and disease, making drugs available under specific legal status. Eventually, both primary care and hospital pharmacists demonstrate a leading role in patient’s observance to drug regimens. Key words: Acanthamoeba keratitis, prevention, treatment, compliance Tirés à part : M.-L. Brandely-Piat Pour citer cet article : Brandely-Piat ML, Cadot C, Bourges JL, Chast F. Kératites amibiennes : rôles du pharmacien d’officine et du pharmacien hospitalier dans la prévention et le traitement. J Pharm Clin 2011 ; 30(3) : 129-35 doi:10.1684/jpc.2011.0179 129 M.-L. Brandely-Piat, et al. L Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. a kératite amibienne est une affection oculaire grave qui touche principalement des sujets jeunes, en majorité porteurs de lentilles de contact. Le diagnostic est souvent posé tardivement et le traitement nécessite plusieurs mois. Une bonne information des patients est indispensable pour prévenir ce type d’infection mais également pour le suivi du traitement lorsque les patients sont atteints. Elle repose sur une collaboration efficace et coordonnée des professionnels de santé. Dans ce domaine particulier, les pharmaciens en officine comme à l’hôpital ont un rôle essentiel à jouer. Les amibes La kératite amibienne est due à l’infestation de la cornée par un protozoaire du genre Acanthamoeba. Plusieurs espèces peuvent être à l’origine d’atteintes oculaires : A. polyphage, A. hatchetti, A. culbertsoni, A. rhysodes, A. lugdunensis, A. quina et A. griffini [1]. Ces amibes sont présentes dans l’air, le sol, l’eau de mer, l’eau courante et celle des piscines [2]. Les Acanthamoebas se divisent par fission binaire et se déplacent à l’aide de pseudopodes. Ils se présentent sous deux formes : – le throphozoïte qui constitue la forme végétative responsable des lésions cornéennes, capables de se déplacer, de se diviser et de se nourrir, l’amibe ne reste pas plus de 24 heures sous cette forme [3] ; – le kyste (figure 1) forme de résistance du microorganisme capable de persister plusieurs mois à des températures ou des pH extrêmes dans l’environnement ou dans les tissus [4]. Cette forme quiescente ne se nourrit pas, ne bouge pas et résiste au chlore et aux décontaminants habituels. Ces particularités illustrent la difficulté de traiter cette infection et de réussir à éradiquer les kystes. Contamination et symptômes L’infestation oculaire fait suite à un microtraumatisme cornéen dû dans la plupart des cas au port de lentilles de contact [5]. La contamination du porteur de lentille peut se faire : – par une lentille directement contaminée ; – par l’intermédiaire d’un étui infecté après un contact avec l’eau qui contamine in fine la lentille lors du temps de trempage ; – par un contact entre la lentille (ou l’étui) et l’eau, lors de baignades, de douches ou du nettoyage de la lentille à l’eau du robinet. De plus, les amibes se développent plus facilement dans un étui sale en présence de bactéries ou de champignons dont elles se nourrissent [3]. La kératite amibienne peut aussi survenir suite à un traumatisme oculaire avec contact d’un élément végétal ou tellurique souillé. La présentation clinique est très variable, mimant la symptomatologie d’autres affections, ce qui explique le diagnostic souvent tardif, parfois seulement au bout de plusieurs mois. Les symptômes associent de façon typique mais inconstante une baisse de l’acuité visuelle, une douleur oculaire extrêmement forte, une photophobie, un blépharospasme (contraction spasmodique des paupières), mais parfois uniquement une sensation de corps étranger [6]. L’évolution d’une kératite épithéliale cornéenne simple peut se faire vers une kératite stromale profonde puis vers la perforation cornéenne, imposant alors une kératoplastie à chaud. À ce stade, il faut redouter et prévenir tant que possible une panophtalmie voire une extension neuro-encéphalique catastrophique. Dans tous les cas compte tenu de la longueur du traitement, de la persistance de douleurs oculaires et de l’évolution engageant le pronostic visuel autant qu’esthétique, l’apparition d’un syndrome dépressif est fréquente et doit être pris en charge [7]. Enfin, plus le traitement est précoce, meilleures sont les chances de récupération visuelle. En cas de séquelles cicatricielles cornéennes gênant la vision (figure 2), une greffe de cornée (kératoplastie transfixiante) peut être pratiquée pour restaurer une transparence cornéenne fonctionnelle. Épidémiologie Figure 1. Kystes amibiens en microscopie. 130 Cette pathologie est d’apparition relativement récente puisque les premiers cas ont été décrits en 1974 aux ÉtatsUnis [8]. Depuis ce nombre est en progression constante lié à l’augmentation régulière des porteurs de lentilles de contact [1]. Elle reste heureusement une pathologie rare avec 1 cas pour 30 000 porteurs de lentilles de contact. J Pharm Clin, vol. 30 n◦ 3, septembre 2011 Kératites amibiennes d’infection car jusqu’à 8 % des étuis des porteurs de lentilles peuvent être contaminés par des amibes libres sans atteinte clinique cornéenne. Les résultats doivent donc être interprétés en fonction de l’aspect clinique [1, 2]. De nouvelles techniques devant permettre un diagnostic in vivo (la microscopie confocale et la PCR) peuvent en théorie être utilisées mais elles restent inconstamment disponibles et coûteuses [1, 10]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Traitement Figure 2. Exemple de kératite amibienne. En France, une enquête menée par l’Afssaps en 2006 [9] sur les kératites graves chez les porteurs de lentilles de contact a montré que ces pathologies touchent des sujets jeunes : la plupart des patients avaient 35 ans et plus, avec 32 % de patients entre 15 et 24 ans dans le cas des porteurs de lentilles de contact. Parmi les 1 485 cas recensés de kératites graves, 6 % avaient une origine amibienne. Diagnostic Le diagnostic clinique est difficile, car peu spécifique. Il peut être évoqué dans le cas d’une kératite évoluant sous un traitement antibactérien et/ou antifongique. Quelques signes sont néanmoins évocateurs d’une kératite amibienne : une douleur plus marquée que ne le suggérerait a priori l’examen biomicroscopique, une visualisation anormalement évidente du réseau nerveux cornéen à l’examen biomicroscopique : c’est la kératonévrite radiaire liée au tropisme nerveux du parasite [2, 7] et la présence d’un anneau cornéen œdémateux qui correspond à une réaction immunitaire antiparasitaire de la cornée [7]. Très souvent, il existe un aspect dendritique qui pourrait mimer une kératite herpétique dans les formes débutantes [2]. Les formes évoluées, quant à elles, présentent un aspect sémiologique proche des kératites fongiques [1]. Un prélèvement cornéen confirme le diagnostic : il s’effectue à l’aide d’un vaccinostyle stérile et doit être effectué très soigneusement en grattant assez profondément en périphérie des lésions. En effet, les amibes sont souvent localisées en profondeur dans le stroma c’est-àdire au niveau de la couche interne de la cornée, sous l’épithélium. Ce prélèvement doit être associé à la mise en culture des lentilles et/ou de leur étui sachant que la présence d’amibes à ce niveau n’est pas synonyme J Pharm Clin, vol. 30 n◦ 3, septembre 2011 Le traitement repose sur l’association d’au moins deux molécules ayant des propriétés anti-amibiennes. L’objectif est d’avoir une action à la fois sur les kystes et sur les trophozoïtes. Actuellement trois familles de molécules sont utilisées dans la prise en charge des kératites amibiennes : les biguanides, les dérivés diamidines aromatiques et les antibiotiques/antifongiques possédant des propriétés amœbicides. Le tableau 1 détaille les molécules présentes dans chacune de ces classes. La chlorhexidine et le PHMB sont les deux molécules possédant la meilleure activité kysticide [11]. Le traitement comprend au moins une association locale de collyres antiamibiens de deux molécules de famille différente dans l’hypothèse d’obtenir un effet amœbicide synergique et d’éviter l’apparition de résistance [12]. En effet, dans le cas du Brolène® on estime qu’en Grande-Bretagne, 50 % des souches amibiennes isolées sont résistantes ou de sensibilité diminuée [13]. Le rythme d’administration devra suivre le schéma suivant, par exemple dans le cas de l’association collyre de PHMB 0,02 % et Brolène® [7] : – 1 goutte par heure, y compris la nuit les 2 premiers jours ; – puis 1 goutte toutes les 2 heures de J4 à J8 (toutes les 4 heures pendant la nuit) ; – puis 8 fois par jour de J8 à M3 ; – puis 3 fois par jour de M3 à M6 ; – puis arrêt progressif entre M6 et M12. Tableau 1. Classification des molécules utilisées dans le traitement de la kératite amibienne. Biguanides Diamidines aromatiques Antibiotiques amoebicides Chlorhexidine PHMB (polyhexaméthylène biguanide) Picloxydine (Vitabact® ) Propamidine (Brolène® ) Hexamidine (Desomédine® ) Aminoglycosides Colimycine Polymyxine B Rifamycine Fluoroquinolones Imidazolés 131 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. M.-L. Brandely-Piat, et al. Un traitement antibiotique type néomycine ou polymyxine est souvent associé pour limiter le risque d’une co-infection bactérienne. Ces antibiotiques sont également choisis pour leur activité amœbicide sur les trophozoïtes qui contribue à renforcer encore l’action du traitement [12]. L’utilisation locale de corticoïdes est parfois envisagée en cas de phénomènes inflammatoires majeurs ou de néovascularisations cornéennes actives ou séquellaires [2]. Enfin, un traitement systémique est également associé comprenant des antalgiques et éventuellement des antidépresseurs. L’ajout d’agents imidazolés par voie systémique est limité aux cas pour lesquels il existe un risque de dissémination [2]. n◦ 2007-1428 du 3 octobre 2007) sous réserve d’une autorisation entre les différentes entités administratives. Dans le cas de la formulation de préparations destinées à l’usage ophtalmique, il faudra s’assurer que le pH et l’osmolarité sont compatibles avec une administration oculaire soit respectivement un pH compris entre 4,5 et 11,5 et une osmolarité entre 236 et 446 mOsm/kg. Les solvants principalement utilisés pour atteindre cet objectif sont le chlorure de sodium à 0,09 % et le BSS® (Balanced Salt Solution) (Alcon, France), solution d’électrolytes dont la composition est proche de celle de l’humeur aqueuse. Par ailleurs, les collyres doivent répondre aux exigences de la monographie de la Pharmacopée européenne 7e édition. Collyre de PHMB 0,02 % Principaux médicaments spécifiquement utilisés dans la prise en charge de la kératite amibienne Spécialités commercialisées Le collyre de désomédine 0,10 % (Bausch et Lomb, France) est indiqué dans le traitement des infections bactériennes de l’œil et de ses annexes à germes sensibles. L’hexamidine di-iséthionate, principe actif de cette spécialité est un antiseptique cationique présentant des propriétés tensioactives. Outre son activité antiamibienne, l’hexamidine est actif sur les bactéries à Gram +. Le Brolène® 0,10 % collyre (Sanofi-Aventis, Angleterre) est une spécialité anglaise dont le principe actif est l’iséthionate de propamidine. Elle est disponible dans le cadre d’une ATU nominative. Indiquée dans le traitement des infections peu sévères de l’œil et des paupières, en France, elle est utilisée spécifiquement dans la prise en charge des kératites amibiennes. Spécialités non commercialisées, disponibles sous forme de préparation magistrale ou hospitalière La mise en œuvre de ces préparations stériles doit se faire dans le respect des Bonnes pratiques de préparation, publiées en 2007 [14], ce qui implique de disposer des moyens en locaux, équipements de production et de contrôle et du personnel qualifié. Compte tenu de ces contraintes, il est également possible d’obtenir ces préparations dans le cadre d’une convention de soustraitance entre établissements depuis la parution des textes réglementaires encadrant la possibilité de soustraiter les préparations hospitalières (Décret n◦ 2000-1316 26 décembre 2000) et les préparations magistrales (Décret 132 Le PHMB (polyhexaméthylène biguanide) est un désinfectant qui se caractérise notamment par son activité sur les amibes. Pour cette raison, cette molécule est largement utilisée dans le traitement des eaux des piscines et en aquariophilie. Il est également présent dans la composition de plusieurs produits d’entretien des lentilles de contact. Il est aussi disponible sous forme de Cosmocil® CQ (Arch Personal Care Products, France) un conservateur utilisé dans l’industrie cosmétique. En médecine humaine, le PHMB est commercialisé dans certains pays européens pour le traitement antiseptique des plaies et le rinçage des cavités infectées en chirurgie. C’est le cas du Lavasept® (B Braun medical, Suisse), médicament disponible à plusieurs concentrations et du Lavasorb® (Fresenius-Kabi, Allemagne) qui a un statut de dispositif médical. Plus récemment, des pansements imprégnés de PHMB sont désormais proposés dans la prise en charge des plaies infectées (Kerlix® , Covidien, France). Enfin, la matière première sous forme de poudre est proposée par certains fournisseurs de matières premières pharmaceutiques comme la société Inresa (Bartenheim, France). Le pharmacien se trouve face à plusieurs sources potentielles d’approvisionnement. L’achat d’une matière première pharmaceutique ou l’importation d’un médicament se présentant sous une forme stérile sont les solutions les plus conformes à la réglementation. Dans ce dernier cas, il est toutefois nécessaire de disposer d’une autorisation d’importation délivrée par l’Afssaps. La concentration de 0,02 % est celle couramment décrite dans la littérature [1, 2, 15]. Collyre de chlorhexidine 0,02 % ou 0,05 % La chlorhexidine est un antiseptique largement utilisé en pharmacie en solution aqueuse ou alcoolique pour l’antisepsie des tissus ou comme conservateur de J Pharm Clin, vol. 30 n◦ 3, septembre 2011 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Kératites amibiennes nombreuses solutions notamment ophtalmiques. Disponibles sous de nombreuses formes et à différentes concentrations, les formes aqueuses stériles sont plus particulièrement adaptées à la réalisation d’une préparation de collyre. Selon les pharmacies hospitalières, plusieurs concentrations sont préparées : 0,02 ou 0,05 %. Néanmoins, la concentration de 0,05 % préparée en Suisse (service de pharmacie, Hôpitaux universitaires de Genève) est plus spécifiquement utilisée dans la prévention des accidents d’exposition au sang en cas de projection de sang dans les yeux et donc destinée au personnel soignant. Pour le traitement des kératites amibiennes, les publications [1, 2, 15] décrivent l’utilisation de collyre dosé à 0,02 %. Ce choix est confirmé par la notion que si la peau supporte aisément des concentrations de 1 %, les muqueuses ou séreuses sont souvent irritées dès que la concentration dépasse les 0,02 % [16]. Enfin, il faut souligner que le PHMB et la chlorhexidine sont présentés comme contre-indiqués pour la voie oculaire (RCP du Lavasept® , RCP chlorhexidine aqueuse stérile Gilbert® 0,05 % pour application locale). Néanmoins, dans ce cas précis d’atteinte oculaire où le pronostic visuel est engagé, la balance bénéfice-risque est en faveur de leur utilisation à des concentrations adaptées pour limiter le risque d’irritation oculaire. Rôles du pharmacien d’officine et du pharmacien hospitalier Prévention et conseil Le pharmacien d’officine a un rôle important d’éducation des porteurs aux conditions de manipulation des lentilles ainsi que d’utilisation des produits de nettoyage des lentilles [17]. Les principes importants à rappeler aux utilisateurs sont les suivants : – respecter la durée de port et d’utilisation des lentilles ; – bien se laver les mains et les sécher avant toute manipulation des lentilles ; – utiliser un oxydant pour nettoyer les lentilles souples ; – nettoyer régulièrement le boîtier des lentilles avec le liquide de conservation, l’essuyer et le laisser sécher ouvert ; le changer fréquemment et au moins chaque mois ; – ne pas mettre de lentilles sous une douche, dans les piscines ou en eau douce (jacuzzi, lac. . .) ; si le port est inévitable bien que fortement déconseillé, privilégier les lentilles journalières et les jeter rapidement après être sorti de l’eau ; – ne jamais nettoyer les lentilles avec autre chose que le liquide prévu à cet effet ; J Pharm Clin, vol. 30 n◦ 3, septembre 2011 – en cas de gêne ou de douleur (même augmentant au dépôt des lentilles), ôter les lentilles et consulter un ophtalmologiste en urgence en apportant ses lentilles, son boîtier et son liquide de conservation ; – toujours posséder une paire de lunettes correctrices adaptées en complément des lentilles. En cas de plaintes oculaires, le pharmacien a pour premier objectif d’éliminer une urgence ophtalmique. Les signes suivants doivent inciter à recommander une consultation immédiate chez l’ophtalmologiste ou aux urgences hospitalières : baisse de l’acuité visuelle, œil dur et douloureux, photophobie, impression d’éclairs lumineux et/ou de voile noir, ou plaie, corps étranger, brûlure ou traumatisme oculaire. Si le patient est porteur de lentilles, il faut lui conseiller de les retirer. S’il est déjà sous traitement ophtalmique notamment antibiotique, sans amélioration après 48 à 72 heures avec une bonne observance, une kératite amibienne doit être suspectée et donc le patient doit être incité à revoir immédiatement son ophtalmologiste. Validation pharmaceutique de la prescription, médicaments à statut particulier Le pharmacien hospitalier intervient au moment de la validation pharmaceutique de la prescription médicale en cas de suspicion de kératite amibienne ou de diagnostic avéré. L’analyse de la prescription repose sur la vérification de l’association de deux principes actifs amoebicides de deux familles différentes. Il va ensuite devoir s’assurer de la disponibilité des médicaments non commercialisés en France pour la voie ophtalmique : spécialité en ATU (Brolène® ), préparations de collyre de PHMB 0,02 % ou de chlorhexidine 0,02 %. Dans ce dernier cas, le pharmacien va soit réaliser la préparation s’il dispose des moyens adéquats ou s’adresser à une pharmacie hospitalière spécialisée dans ce domaine dans le cadre d’une convention de sous-traitance. Dispensation Les patients sont le plus souvent traités en ambulatoire, le traitement prescrit associant des médicaments agréés aux collectivités à des médicaments disponibles uniquement en milieu hospitalier, la dispensation du traitement sera effectuée pour partie par le pharmacien d’officine et par le pharmacien hospitalier en deux temps distincts. Dans le cadre de la dispensation en milieu hospitalier, le pharmacien doit expliquer le traitement au patient car celui-ci trouvera souvent peu d’informations sur les conditionnements. Le Brolène® , puisque commercialisé en Angleterre comprend une notice et un conditionnement rédigés en anglais. Pour les préparations, les informations portées sur le conditionnement vont être variables 133 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. M.-L. Brandely-Piat, et al. d’une PUI productrice à une autre. Cette hétérogénéité est source d’inquiétudes pour le patient et potentiellement de mauvaise observance. Dans le cas de la PUI de l’HôtelDieu (figure 3), le collyre est conditionné dans un boitage pré-imprimé comportant une notice d’information qui va permettre au patient de disposer des recommandations de bon usage, du schéma d’administration et des coordonnées complètes de la PUI. Enfin, le pharmacien doit préciser les modalités spécifiques de renouvellement des traitements. Le pharmacien officinal réexplique à cette occasion l’importance de l’observance, le schéma d’administration étant extrêmement contraignant pour le patient surtout les premiers jours. Dans tous les cas, les modalités de bon usage des collyres doivent être rappelées au patient. En effet, une bonne méthode d’instillation des collyres favorise l’efficacité du traitement et limite le risque d’effets indésirables systémiques. Les principes du bon usage des collyres sont les suivants : – se laver soigneusement les mains ; – instiller le collyre dans le cul-de-sac conjonctival de l’œil en tirant doucement la paupière inférieure vers le bas ; – éviter de toucher l’œil ou la paupière avec l’embout du flacon ; – fermer doucement les yeux pour répartir le collyre ; – appuyer pendant environ 1 minute sur le coin interne de l’œil pour limiter le passage systémique par le canal lacrymal ; – bien fermer le bouchon après utilisation ; – respecter un délai d’environ 15 minutes avant l’instillation d’un autre collyre (en cas de co-administration d’un collyre et d’une pommade ophtalmique, instiller d’abord le collyre puis la pommade) ; – respecter la période de conservation après ouverture du flacon (noter sur l’emballage ou le flacon la date de la première utilisation) ; – respecter les conditions de conservation (t◦ ambiante ou réfrigérateur) ; – ne jamais prêter son collyre (risque de contamination). Conclusion La kératite amibienne est une pathologie rare difficile à diagnostiquer. Or c’est une affection grave qui met en jeu le pronostic visuel fonctionnel, esthétique et de confort. Le traitement est long, de trois à six mois et particulièrement contraignant. La récupération visuelle est directement liée à la précocité et à l’efficacité du traitement. La mobilisation de l’ensemble des professionnels de santé et particulièrement des pharmaciens est essentielle pour un meilleur dépistage et une optimisation de la prise en charge. Le pharmacien d’officine a un rôle d’éducation des porteurs de lentilles de contact, de dépistage et de conseils aux patients se présentant avec des symptômes oculaires. Le pharmacien hospitalier intervient lors de la validation pharmaceutique de la prescription et de l’obtention de spécialités non commercialisées : importation de médicaments et préparation de formes ophtalmiques adaptées. Tous les deux vont contribuer par leurs conseils aux patients lors de la dispensation à une bonne observance du traitement. Ainsi pharmacien d’officine et pharmacien hospitalier sont synergiques pour une prise en charge optimale du patient atteint de kératite amibienne. Conflits d’intérêts : aucun. Références 1. Agla EK, Cornet M, Pierre-Khan V, Girard A, d’Hermies F, Legeais JM, et al. Kératites stromales amibiennes : épidémiologie et facteurs pronostiques. J Fr Ophtalmol 2005 ; 28 : 933-8. 2. Cardine S, Bourcier T, Chaumeil C, Zamfir O, Borderie V, Laroche L. Prise en charge clinique et pronostic des kératites amibiennes. Étude rétrospective à propos de 25 cas. J Fr Ophtalmol 2002 ; 25 : 1007-13. 3. Bloise L, Le Blond E. Entretien des lentilles de contact. In : Les lentilles de contact. Paris : Masson, 2009 : 809-69. 4. Schaumberg DA, Snow KK., Dana MR. The epidemic of Acanthamoeba keratitis : where do we stand ? Cornea 1998 ; 17 : 3-10. Figure 3. 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