
Jean-Marie Merle
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de se matérialiser est un accord entre le verbe-copule et le sujet. En français, la
relation d’incidence6 du prédicat adjectival (merveilleux) à son support (elle) ré-
git également l’accord en genre et en nombre (merveilleuse).
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La qualification peut être également intégrée à un syntagme :
6. She was a wonderful woman. / He was such a stupid man.
7. ‘Sit down, Claudia. It’s a poor murderess who can’t bear to hear her crimes re-
cited.’
‘Poisoning a slave is not murder!’ (S. Saylor, Catilina’s Riddle, 444)
Wonderful, dans l’exemple 6, est une épithète, intégrée dans un syntagme nomi-
nal attribut et qui, à l’intérieur de ce syntagme, caractérise une occurrence de
woman, tandis que a wonderful woman qualifie She. Ce qui syntaxiquement op-
pose la fonction d’épithète et celle d’attribut, c’est que la caractérisation fournie
par l’épithète est intégrée dans un syntagme nominal, alors que celle fournie par
l’attribut est prédiquée à l’intérieur d’une relation susceptible de recevoir une
modalité énonciative (Be careful / You are never too careful / Were you careful
enough? / etc.). La relation d’incidence entre l’élément qualifiant et l’élément
qualifié s’opère différemment dans les deux cas. La caractérisation épithétique,
logée à l’intérieur d’un syntagme nominal, tend à être acquise, puisqu’elle est
solidaire de son support, et que théoriquement ce n’est pas elle qui motive
l’énoncé. Dans les faits, ce n’est pas toujours le cas, comme le montrent les
exemples 6, qui contiennent l’un et l’autre une épithète appréciative (dont le sup-
port nominal renvoie à une occurrence, entre quelconque et non-quelconque, ap-
6 Le terme d’incidence désigne la mise en relation d’un apport et d’un support. Ainsi, dans The
poor man stood in the corner, à l’intérieur du syntagme the poor man, le déterminant the et le
syntagme adjectival poor sont l’un et l’autre incidents au noyau nominal man ; le prédicat stood
in the corner est quant à lui incident au syntagme nominal sujet the poor man. Je conserve sur
ce dernier point l’approche guillaumienne (cf. Guillaume 1964 ou Joly & O’Kelly 1990), qui ne
calque pas la relation d’incidence prédicative sur le schéma actanciel du verbe, ce qui permet de
rendre compte et de l’antériorité référentielle (prototypique) du support nominal (du sujet), et de
la dissymétrie des mises en relation en général et de celle de la relation prédicative en particu-
lier, et du fait qu’une relation prédicative ne comporte pas nécessairement de verbe. Le fait de
reconnaître l’assemblage de base constitué par la relation prédicative, et ses constantes – distinc-
tes de celles de la structure thématique –, ne revient pas à nier les caractéristiques du verbe. La
fonction verbale est nodale, modale et prédicative ; nodale : le premier élément verbal est
l’élément relateur r dans la relation de base arb, autrement dit l’élément qui noue la relation
prédicative ; modale : le verbe est porteur de modalité et contribue à déterminer le statut modal
de l’énoncé ; prédicative : le verbe permet de mettre en place l’assignation des rô-
les sémantiques et permet aussi d’assigner une propriété à son support. La fonction prédicative
est prototypiquement centrée sur le verbe, mais tout prédicat n’est pas verbal. La relation
d’incidence est donc un phénomène syntaxique, qui contribue à la construction du sens et de la
référence : sans mises en relation, ni sens ni référence ne peuvent se structurer ; les relations
d’incidence sont donc des relations structurantes, à l’interface entre syntaxe et référence, et à
l’interface entre syntaxe et interprétation de la syntaxe. Sur les deux façons d’appréhender
l’incidence constitutive de la prédication, cf. Merle 2009a : 5-12.