La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 49
MISE AU POINT
sera pas reconnue, le patient disant ne jamais avoir vu
cet objet, ou considérant qu’il s’agit d’une sorte de clé ;
le contexte souvent ne l’aide pas à identier l’objet).
Lorsque ces difficultés d’identification sur entrée
visuelle sont retrouvées, en association avec le manque
du mot et les troubles de compréhension des mots,
on se situe d’emblée dans le cadre de la DS. Si l’iden-
tication visuelle est préservée, on pourra parler d’AS
(ou de DS atypique selon les critères GRECO 2008).
Néanmoins, la conrmation du trouble sémantique et
de l’éventuelle préservation de l’identication visuelle
nécessite l’utilisation de tests longs et standardisés
(comme la batterie BECS-GRECO par exemple) [15].
Pour simplier, il est donc d’usage d’utiliser préféren-
tiellement le terme de DS.
Il est nécessaire ensuite de s’assurer de l’absence de
troubles associés, car, dans la DS (et l’AS), le trouble
sémantique est isolé. On doit donc vérier l’absence de
troubles de la mémoire au jour le jour (mais attention :
des troubles dans les tests de mémoire verbale sont
possibles, et peuvent faire, à tort, envisager un décit
de la mémoire épisodique), l’absence de troubles du
comportement pouvant faire évoquer une démence
frontotemporale (DFT) comportementale, l’absence
de troubles visuoperceptifs et constructifs, et l’absence
de troubles phonologiques et de troubles moteurs du
langage (14). L’autonomie est préservée assez longtemps
dans le courant de l’évolution du syndrome, en dehors
des difcultés générées par les troubles sémantiques.
Si le comportement n’est pas sufsamment altéré
pour parler de DFT comportementale, il est cependant
fréquent d’observer des troubles du comportement
dans le courant de l’évolution d’une DS (encadré). Le
plus frappant de ces troubles est la tendance à l’égo-
centrisme, qui fait que les patients sont totalement
centrés sur eux-mêmes, incapables de tenir compte
des pensées et des croyances d’autrui. Il est même
parfois totalement impossible de les faire accéder à
la moindre demande venant de leur interlocuteur.
Ils ne semblent capables d’amorcer des comporte-
ments que s’ils l’ont décidé par eux-mêmes, sans être
le moins du monde inuençables par autrui. Il peut
pour cette raison (en association avec les troubles de
compréhension) devenir difcile de leur proposer des
tests. Ces troubles du comportement peuvent devenir
prépondérants dans l’évolution de la DS et poser de
sérieux problèmes au quotidien.
L’imagerie cérébrale (IRM, SPECT, TEP) retrouve
dans la majorité des cas une atrophie et/ou un
hypo métabolisme temporal marqués, internes et
externes, prédominant dans les régions antérieures,
et asymétriques. La prédominance gauche est nette
dans les cas d’AS (figure, p. 50).
La majorité des DS et des AS sont en rapport avec une
TDP-43pathie. Néanmoins, certaines formes focales
de MA peuvent donner le même syndrome. Il n’est pas
recommandé, à l’heure actuelle, de proposer systé-
matiquement l’utilisation de biomarqueurs (dosage
des dérivés amyloïdes et tau dans le liquide céphalo-
rachidien [LCR], marquage amyloïde en TEP), mais ces
examens deviennent essentiels dans tous les proto-
coles de recherche. Néanmoins, il peut être intéressant
chez certains patients de préciser le diagnostic lorsqu’il
y a des implications génétiques, par exemple, lorsque
l’imagerie cérébrale est peu contributive, ou lorsque
Encadré. Critères GRECO de démence sémantique (14).
On peut retenir le diagnostic de DS typique chez un patient présentant les critères 1-1 à 1-3
1-1 Désorganisation des connaissances sémantiques
–attestée à la fois
•par un manque du mot pour les objets et/ou les personnes
•par un trouble de la compréhension des mots
•par un décit de l’identication des objets et/ou des personnes
•comme portant autant que possible sur les mêmes objets et/ou des personnes
–s’installant insidieusement et s’aggravant progressivement
1-2 En l’absence
–de troubles perceptifs, attestée par la normalité
•de la copie de dessins
•des performances dans les tâches perceptives
– de décit de mémoire au jour le jour (un décit dans les tests de mémoire n’exclut pas
lediagnostic) et de désorientation temporelle
–de réduction de la uidité du discours
– d’altération des composantes phonologiques (i.e. arthriques et phonémiques, attestée
parla normalité de la répétition des mots, de la lecture et de l’écriture des mots réguliers)
etsyntaxiques du langage
– d’altération du raisonnement non verbal, orientation spatiale, imitation de gestes, capacités
visuospatiales, calcul ; un décit dans les tâches exécutives n’exclut pas le diagnostic
–d’anomalies de l’examen neurologique
–de perte d’autonomie en dehors de celle générée par les troubles sémantiques
1-3 Avec anomalies temporales habituellement bilatérales et asymétriques à l’imagerie
morphologique (IRM si possible) et/ou fonctionnelle (SPECT)
La DS est atypique s’il existe
2-1 Un décit unimodal progressif attesté par
– soit un manque du mot pour les objets et/ou les personnes et un trouble de la compréhension
des mêmes mots, sans décit de l’identication des objets et/ou des personnes (forme
verbale)
– soit un manque du mot pour les objets et/ou les personnes avec décit de l’identication des
mêmes objets et/ou personnes, sans troubles de la compréhension des mots (forme visuelle)
–si critères 1-2 et 1-3 sont respectés
2-2 La présence au cours de l’évolution d’1 des signes suivants (qui doit rester discret et au second
plan)
–troubles perceptifs
–anomalies de la mémoire au jour le jour
–anomalies de la lecture et de l’écriture des mots réguliers
– altération du raisonnement non verbal, orientation spatiale, imitation de gestes, capacités
visuospatiales, calcul
–anomalies de l’examen neurologique
–perte d’autonomie dépassant celle générée par les troubles sémantiques
–si critères 1-1 et 1-3 sont respectés
Ils sont en faveur du diagnostic de DS, mais non indispensables
• Modications de la personnalité et du comportement, comme : égocentrisme, idées xes,
rigidité mentale, diminution du répertoire comportemental, modications des goûts et
habitudes (par exemple religiosité, changement de goût alimentaire), parcimonie,
perte de la notion de danger
•Présence dans le discours de paraphasies sémantiques
•Réduction de la uence catégorielle plus marquée que l’atteinte de la uence formelle
•Dyslexie et dysorthographie de surface