ALLEZ SAVOIR! / N°18 OCTOBRE 200038
SANTÉ
Un vaccin pour tuer l’envie de fumer. Définitivement
plaisir». Chez le fumeur, l’apport
régulier de nicotine provoque une
sorte de dérèglement de cette chaîne.
L’un des messagers chimiques
impliqués dans le mécanisme du
plaisir, la dopamine, est
notamment présente en plus grande
quantité que chez le non-fumeur.
Une interruption brusque de
l’apport de nicotine provoque un
déséquilibre. C’est le syndrome du
Le mécanisme
de la dépendance.
La nicotine entraînée par le sang
du fumeur parvient dans le
cerveau. Elle y déclenche une cas-
cade de réactions très proches de
celle du plaisir que les Américains
désignent par l’expression «the
highway to pleasure» –
littéralement «l’autoroute du
manque et ses nombreuses
manifestations: besoin irrépréssi-
ble de fumer, altération de
l’humeur, tendance à la déprime.
Le plus souvent, le fumeur
s’arrange pour restaurer ses taux
de nicotine, afin de faire cesser les
symptômes de manque. Voici le
mécanisme de la dépendance.
publique, le bénéfice potentiel saute
aux yeux. Erich Cerny cite ainsi une
estimation selon laquelle une diminu-
tion de 10% du nombre de fumeurs
aurait autant d’effets bénéfiques que
tous les soins prodigués actuellement
par l’ensemble des oncologues (spé-
cialistes du cancer).
Malgré cela, à écouter le chercheur
indépendant raconter l’histoire de son
aventure, on se rend compte que ses
recherches ont toujours peiné à obte-
nir le financement nécessaire. «L’idée
d’utiliser la vaccination pour lutter
contre toutes sortes de dépendances
n’est pas nouvelle, rappelle-t-il. En
1974 déjà, une équipe avait rendu
compte dans la fameuse revue
«Nature» de ses tentatives de vaccina-
tion contre l’héroïne. Les options théo-
riques choisies alors par les auteurs
de ces travaux ne leur permirent pas
d’aboutir et ils conclurent à une impos-
sibilité. C’est en reprenant le problème
sous un autre angle que nous sommes
parvenus à mettre au point, au début
des années 90, un conjugué qui pro-
voquait la création d’anticorps contre
l’héroïne chez l’animal.»
De l’héroïne à la nicotine
Mais, pour poursuivre la recherche,
Erich Cerny a besoin de moyens. C’est
alors qu’il rencontre Ronald Lévy. Ce
dernier n’est pas de formation scienti-
fique, mais il peut apporter son aide
dans les domaines stratégiques et com-
merciaux. Les deux hommes ne trou-
vent pas le soutien espéré. Les inves-
tisseurs privés estiment que la
toxicomanie est affaire de pouvoirs
publics. Ces derniers, de leur côté, ne
jugent pas opportun d’entrer en
matière.
Face au manque d’intérêt pour le
vaccin antihéroïne, les deux hommes
réorientent la recherche et décident de
s’attaquer, en utilisant le même prin-
cipe, à la nicotine. Ce créneau leur
paraît en effet plus porteur. Leur choix
s’avérera judicieux. Ensemble, ils
créent une structure pour faire abou-
tir le projet. C’est la naissance de
Chilka SA. Aujourd’hui, l’entreprise
est financée – mais à un niveau nette-
ment insuffisant – par des investisseurs
privés. L’Etat pour sa part se montre
toujours aussi discret.
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Erich Cerny, chercheur indépendant
et «inventeur» du vaccin
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