Hommage à ton père
Au jour de ta naissance as-tu vu cet homme ? Cette figure de père ? Qui t’accueillait avec tant
d’incertitudes quant à sa fonction ?et tant d’amour
Lorsque tu quittes mon giron maternel pour appréhender ce monde ce sont ses mains qui t’ont
recueillies. Celles d’un homme qui va alors te transmettre l’écho d’un autre monde, ses
saveurs, ses odeurs et son code.
Mais au fondement de sa paternité il y a cette incertitude fondatrice. Oui ! La paternité
relève d’un acte de foi.
Toi seul sorti de cet espace fusionnel tu dois alors intégrer cet autre, cet étrange….et changer
d’univers
Quitter la sensation, pour t’ouvrir et intégrer la différenciation
Non pas quitter mais plus justement intégrer par tes sens qu’il existe un autre, un tiers qui fait
rupture avec tout ce que tu croyais être ton monde jusqu’à ce jour !
Tu ouvres un œil sur cet autre que tu ne reconnais pas mais ….il y a tout de même un quelque
chose de déjà vu ou plus exactement de déjà perçu, au travers de mon ventre maternel. Tu
percevais ses vibrations, le ton de sa voix, les échos et les résonances…..et surtout tu
percevais combien moi, ta mère, vibrais en présence de cet autre.
Tu ne peux le nier, il fait déjà parti de toi, de ton histoire intra-utérine et de tes perceptions :
subtiles mémoires inscrites déjà au plus profond de toi.
Alors ouvrir les yeux sur cet autre et le parcourir….puis apprendre qui il est, et peu à peu, pas
à pas, dans ton psychisme, intégrer les messages et les codes qu’il te transmet
Tu ne sais rien de lui mais pourtant tu sais l’essentiel, il est cet autre qui t’ouvre au monde et
te porte jusqu’à son seuil, à toi de le franchir ou non
Pour que s’opère en toi cette merveilleuse conversion de moi à lui, il faut que je le regarde et
le nomme. Que je le reconnaisse au plus profond de moi-même ….jusqu’à me délivrer de toi,
de mon désir de toute puissance sur toi !
Oui, si je pouvais pendant quelques temps encore te garder pour moi seule, t’incrémenter en
moi-même pour retrouver cette état de grâce, si je pouvais m’emparer….. Faire de toi ma
réplique, mon alter ego si tu es fille, ma chose si tu es garçon…
Mais je sais que tu es fils et fille de l’univers !
J’affronte mes gouffres et te rends au monde à travers celui qui est à l’origine de tout.
Oui, ton père à déjà sa place. Je dois l’honorer.
Il est le passeur par lequel s’accomplit la transformation de tes pulsions en cette matière
subtile qu’est le langage et qui est au fondement du lien social. Il est fondateur d’un
autre ordre.
Mais comment vais-je négocier ce nécessaire passage ? Cette négociation d’avec moi-même
où je te remets en ses mains, en son sein a lui, ton père ! Car au premier jour tu déchiffres
encore avec tes sens et tu reçois de plein fouet toutes ces informations tactiles, gustatives et
auditives sans pouvoir objectiver toutes tes sensations, sans pouvoir décoder, ni déchiffrer.
Je dois alors te permettre, par tes sens, de le reconnaître, lui, et ainsi de le faire naître au père
qu’il devient .
Il me faut accepter de créer un écart, un abîme entre toi et moi comme effet de transmission
de la fonction paternelle que je signe alors, comme on pose un sceau sur un parchemin de loi..
Je dois valider à tes yeux, à tout tes sens qu’il est lui, bien lui, ton père
Pour cela il me faudra apprendre à négocier sur mon droit de regard sur toi, accepter de le
laisser lui aussi entrer en autorité pour toi, accepter qu’il ai également des projets pour toi, des
attentes…qu’il soit éducateur au sens étymologique : te sortir hors de …
Quel qu’il soit, il est désormais et à toujours, le meilleur père pour toi.