Puisque la politique d’union des couronnes demeure inséparable du contexte qui l’a vu
naître, de ceux qui ont été chargés de la mettre en œuvre et d’une histoire des négociations qui
se renouvelle, la seconde partie est donc consacrée à l’ambassadeur Amelot, ses méthodes et
les caractéristiques de sa mission. La figure est ainsi analysée à partir de ses liens familiaux,
de ceux qui travaillèrent avec lui, comme ses collaborateurs ou commis, et de ceux qui
jouèrent un rôle dans sa carrière, à l’image de la princesse des Ursins et de Mme de
Maintenon. L’objectif est de replacer cet acteur dans le panorama de ses relations
personnelles, familiales ou professionnelles. Comme ces catégories et ces distinctions sont
d’abord celles des sociétés contemporaines, il a fallu comprendre comment les réseaux de
clientèles, de fidélité ou du lignage se superposaient ou se s’entremêlaient dans la conduite
d’une carrière et plus particulièrement dans celle d’un négociateur. L’ambassadeur Amelot
n’échappait pas aux règles qui conditionnaient l’existence de ses contemporains, comme par
exemple le poids des structures familiales ou le rôle discret mais réel des femmes dans
l’obtention des grâces ou des bénéfices. Il pouvait tout à la fois en bénéficier pour son
ascension, ou en souffrir lorsqu’elles réduisaient au silence.
Ces multiples liens affleurent dans les correspondances qu’il a entretenues. En
fonction du ton employé, des formules et des mots utilisés, on décèle les relations de
dépendance et d’amitié, ou encore les contraintes exercées par sa famille, comme lors de la
mort de son fils en 1707 lorsque l’ambassadeur fut obligé de renoncer à demander justice. Si
un individu initiait le plus souvent un cursus sous les auspices de son milieu familial, que ce
soit celui dont il héritait par ses parents ou qu’il acquérait par son mariage, sa carrière lui
donnait l’occasion de créer de nouveaux liens et d’établir d’autres relations plus personnelles.
Ces dernières pouvaient être aussi essentielles dans la poursuite de sa carrière qu’un appui
familial, mais elles sont souvent moins connues, car elles sont moins apparentes dans les
sources ou moins évidentes que les héritages familiaux pour les historiens. Pourtant,
l’ambassade d’Amelot à Madrid constitue un bon exemple de la renaissance de réseaux plus
anciens formés lors de ses précédentes ambassades. De la même manière, l’activité qu’il
déploya avec des négociants et des banquiers pour les fournitures de l’armée s’explique
aisément par les nombreuses connaissances qu’il fit au conseil de commerce. L’ambassadeur
Amelot, représentant de Louis XIV auprès de Philippe V, était moins l’héritier d’une famille
de magistrats solidement établis au Parlement de Paris, que l’homme au service du roi qui
avait mené de nombreuses missions et s’était frotté au milieu négociant des ports du royaume.
Outre les relations et les liens qu’un ambassadeur maintenait avec son pays d’origine,
l’analyse de sa mission exige de s’intéresser au déroulement de sa négociation, à ses
méthodes de travail, à son inscription dans une nouvelle cour, et au cœur de son travail, c'est-
à-dire à l’information. L’ambassade d’Amelot se distingue nettement de celle de ses
prédécesseurs et de celles de ses successeurs durant la guerre de Succession, par sa durée. Il
demeura à Madrid beaucoup plus longtemps que les autres représentants de Louis XIV, à
l’exception de l’archevêque d’Embrun au milieu du
XVII
e
siècle mais c’était dans un contexte
fort différent. En outre, il exerça une autorité jamais consentie à un ambassadeur du roi de
France. Il réussit en effet à gagner la confiance des souverains et à s’imposer auprès des
secrétaires d’État espagnols. Ses méthodes de travail, comme son emploi du temps ou sa
présence à la cour, avec les nombreuses discussions informelles, les confidences échangées ou
les indiscrétions auxquelles elle donnait lieu, permettent de mieux comprendre les pratiques
de la négociation. Les archives recèlent ainsi de nombreux documents, lettres et mémoires,
qui permettent de retrouver le cours de sa négociation, comme le fit en son temps Baudrillart,
mais aussi d’aller plus loin et d’éclairer les méthodes d’une négociation.
Le rapport à l’écrit, l’oral et l’information constituent des angles de vue à partir
desquels nous pouvons mieux comprendre la réalité d’une mission et ses enjeux. Dans le
cadre de la politique d’union des couronnes, les canaux traditionnels de l’information