Université Paris – Sorbonne École Doctorale 2 : Histoire moderne et contemporaine Thèse pour obtenir le grade de docteur en histoire moderne de l’Université ParisSorbonne Guillaume Hanotin AU SERVICE DE DEUX ROIS L’ambassadeur Amelot de Gournay et l’union des couronnes (1705-1709) Thèse dirigée par Monsieur le Professeur Lucien Bély Date de soutenance : le 3 décembre 2011 Jury : Monsieur le Professeur Lucien Bély, Université Paris-Sorbonne Madame le Professeur Anne Dubet, Université Blaise Pascal (Clermont 2) Monsieur le Professeur Bernard Hours, Université Jean Moulin (Lyon 3) Monsieur le Professeur Alain Hugon, Université de Caen Madame le Professeur María Victoria López-Cordón Cortezo, Universidad Complutense (Madrid) Monsieur le Professeur Géraud Poumarède, Université Michel de Montaigne (Bordeaux 3) Positions de thèse Cette thèse a pour objet l’action d’un ambassadeur du roi de France à la cour de Madrid au début de la guerre de Succession d’Espagne. À l’heure, où le petit-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, tentait de s’imposer comme le souverain légitime à la suite de la mort de Charles II, le roi France confia à ses ambassadeurs à Madrid, dont Amelot de Gournay, la mission de conduire une politique fondée sur un rapprochement entre la monarchie hispanique et le royaume de France. Elle fut désignée par l’expression « union des couronnes ». Elle augurait de nouveaux rapports qui seraient pacifiés et qui signifieraient la fin d’une compétition ou d’une rivalité qui avait caractérisée leurs relations depuis les règnes de Charles Quint et François Ier. Elle résumait également les rapports renouvelés et fondés sur une confiance mutuelle et l’appui apporté à leurs intérêts respectifs. Louis XIV devait garantir l’intégrité de la monarchie hispanique tandis que l’accession de Philippe V au trône espagnol semblait valider la politique suivie par le roi de France depuis 1661. L’union des couronnes caractérisait également le changement dynastique survenu en Espagne au profit de la maison de Bourbon et la nature des relations qui découlait de cette transformation. Elle ouvrait une nouvelle période pour les deux pays, marquée par la concorde et l’amitié. Si l’union des couronnes était synonyme de paix pour les sociétés françaises et espagnoles, elle cristallisa en revanche les inquiétudes des élites négociantes des puissances maritimes et des gouvernants de nombreux États européens qui redoutaient un tel accroissement de puissance en faveur du royaume de France. Les pires craintes nourries par la politique agressive et belliqueuse de Louis XIV durant près d’un demi-siècle devenaient d’un coup une réalité. Les milieux marchands hollandais et anglais s’alarmaient d’une éventuelle mainmise des Français sur le commerce avec l’Amérique espagnole. L’union des couronnes demeurait donc ambivalente puisqu’elle incarnait autant la paix que la guerre. Défendue et mise en place par les ambassadeurs du roi de France à Madrid, elle conditionnait leurs négociations avec les autorités de la monarchie hispanique. Toutefois, elle ne fut pas l’apanage des négociateurs de Louis XIV puisqu’on la retrouve sous la plume des polémistes, qu’ils soient favorables ou adversaires au pouvoir de Philippe V, des officiers ou de grands dignitaires de la cour d’Espagne. Elle demeure en partie insaisissable, obligeant l’historien à recourir aux maigres définitions qui peuvent accompagner ses évocations dans les sources. Analyser l’activité déployée par un ambassadeur constitue la meilleure voie pour retrouver l’union des couronnes. Les correspondances d’Amelot de Gournay permettent de comprendre ce qu’elle signifiait réellement. C’est à travers les projets mais aussi dans le quotidien d’une négociation, dans les hésitations d’une décision ou d’un conseil à donner au jeune souverain, que l’on peut retrouver les implications concrètes de l’union des couronnes. La difficulté consiste à rechercher les traductions, les images et les réalités d’un principe politique fondé sur un lien de famille tellement explicite qu’il n’était plus besoin de le nommer, de le rappeler ou de s’en réclamer. Dans une première partie, l’objectif a été de reconstituer l’histoire récente des relations entre les deux monarchies. La perspective de la succession espagnole a focalisé l’attention des contemporains comme des historiens au détriment de l’étude des relations entre les cours de Madrid et de Versailles après 1659. Or, à partir du traité des Pyrénées, l’histoire de la monarchie hispanique s’apparente – trop ( ?) – souvent au récit des humiliations que Louis XIV lui fit subir, comme lors de l’incident de Londres (1661) ou lors des attaques lancées contre les Pays-Bas espagnols (1667-1668, 1685-1686), ou des traités qui s’imposaient à elles. Pourtant, en dépit de ce désintérêt trompeur, les années de conflit ouvert illustrent que l’antagonisme entre les souverains de la Maison d’Autriche et le royaume de France restait toujours aussi fort. Le roi de France ne concevait pas de pouvoir agrandir son royaume sans que cela soit au détriment de l’Espagne, tandis que ses souverains, Philippe IV puis Charles II, luttaient pour maintenir son unité. Rares sont les possessions espagnoles qui n’eurent pas à subir les assauts répétés des armées ou de la marine de Louis XIV. La guerre de Dévolution, la guerre de Hollande ou encore le soutien à la révolte de Messine matérialisent les multiples occasions que le roi de France saisit pour attaquer la monarchie hispanique et s’agrandir à ses dépens. S’ajoutant à cette longue suite de conflits, la guerre de la Ligue d’Augsbourg constitua une nouvelle étape de cet affrontement. La monarchie hispanique, et plus particulièrement les territoires de la couronne d’Aragon, souffrirent des opérations militaires. L’Amérique espagnole ne resta pas à l’écart de ces événements. Elle fut progressivement intégrée à cet affrontement au rythme du développement de la marine de guerre et des ambitions coloniales du roi de France. La prise de l’île de Saint-Domingue en est l’exemple le plus emblématique. L’affaiblissement militaire et diplomatique de l’Espagne était réel, mais cela ne signifiait pas pour autant que la monarchie hispanique cessait de compter dans l’Europe d’alors. Elle demeurait une puissance présente tant au Nord qu’au Sud du continent, et conservait de nombreuses possessions en Amérique, dans les Caraïbes et en Asie, avec les Philippines. Ces territoires constituaient autant de débouchés commerciaux qui attiraient la convoitise des milieux négociants français à l’heure de l’expansion maritime du royaume. La seconde moitié du XVIIe siècle fut marquée par la place croissante des intérêts commerciaux dans le cours des négociations et dans les règlements de la paix. Cela ne signifie pas qu’ils étaient inexistants auparavant mais on les repère moins systématiquement. Puisque l’Espagne demeurait une source d’approvisionnement conséquent en métal précieux et que les liens commerciaux entre les négociants français et espagnols étaient très forts, il est logique les préoccupations commerciales aient été davantage intégrés dans les négociations diplomatiques avec le roi d’Espagne que dans celles menées avec d’autres princes. Le rôle clé du commerce dans les relations entre les puissances apparaît clairement dès le début des hostilités de la guerre de Succession d’Espagne. Entre les cours de Madrid et de Versailles, on peut dire que le commerce a servi de ciment ou de catalyseur. La signature du contrat de l’asiento et les privilèges concédés aux négociants français offrirent un support au désir de rapprochement entre les deux cours. Ce n’était pas la première fois que des règles au bénéfice des Français étaient ainsi accordées. Déjà lors des négociations du traité des Pyrénées, puis durant le règne de Charles II, les négociateurs avaient obtenu quelques avantages pour les sujets du roi de France. Parallèlement à cette évolution, le souci de mieux connaître les besoins des milieux marchands favorisa la création ou le renouveau des institutions liées au commerce, comme le conseil du même nom en France après la paix de Ryswick ou la junta de comercio à Madrid. C’est précisément au sein de ce nouvel organisme que Louis XIV choisit un ambassadeur pour le représenter à la cour de son petit-fils à partir de 1705. Michel-Jean Amelot de Gournay appartenait au conseil de commerce depuis sa refondation en 1700 par Louis de Pontchartrain. Il put ainsi côtoyer les députés des principales villes marchandes du royaume et se familiariser avec leurs désirs et leurs aspirations. Il réunissait ainsi la profession de négociateur, puisqu’il avait déjà été ambassadeur à plusieurs reprises, et celle d’un homme des négociants marqué par la volonté de se tenir à l’écoute d’une partie des élites économiques du royaume. Puisque la politique d’union des couronnes demeure inséparable du contexte qui l’a vu naître, de ceux qui ont été chargés de la mettre en œuvre et d’une histoire des négociations qui se renouvelle, la seconde partie est donc consacrée à l’ambassadeur Amelot, ses méthodes et les caractéristiques de sa mission. La figure est ainsi analysée à partir de ses liens familiaux, de ceux qui travaillèrent avec lui, comme ses collaborateurs ou commis, et de ceux qui jouèrent un rôle dans sa carrière, à l’image de la princesse des Ursins et de Mme de Maintenon. L’objectif est de replacer cet acteur dans le panorama de ses relations personnelles, familiales ou professionnelles. Comme ces catégories et ces distinctions sont d’abord celles des sociétés contemporaines, il a fallu comprendre comment les réseaux de clientèles, de fidélité ou du lignage se superposaient ou se s’entremêlaient dans la conduite d’une carrière et plus particulièrement dans celle d’un négociateur. L’ambassadeur Amelot n’échappait pas aux règles qui conditionnaient l’existence de ses contemporains, comme par exemple le poids des structures familiales ou le rôle discret mais réel des femmes dans l’obtention des grâces ou des bénéfices. Il pouvait tout à la fois en bénéficier pour son ascension, ou en souffrir lorsqu’elles réduisaient au silence. Ces multiples liens affleurent dans les correspondances qu’il a entretenues. En fonction du ton employé, des formules et des mots utilisés, on décèle les relations de dépendance et d’amitié, ou encore les contraintes exercées par sa famille, comme lors de la mort de son fils en 1707 lorsque l’ambassadeur fut obligé de renoncer à demander justice. Si un individu initiait le plus souvent un cursus sous les auspices de son milieu familial, que ce soit celui dont il héritait par ses parents ou qu’il acquérait par son mariage, sa carrière lui donnait l’occasion de créer de nouveaux liens et d’établir d’autres relations plus personnelles. Ces dernières pouvaient être aussi essentielles dans la poursuite de sa carrière qu’un appui familial, mais elles sont souvent moins connues, car elles sont moins apparentes dans les sources ou moins évidentes que les héritages familiaux pour les historiens. Pourtant, l’ambassade d’Amelot à Madrid constitue un bon exemple de la renaissance de réseaux plus anciens formés lors de ses précédentes ambassades. De la même manière, l’activité qu’il déploya avec des négociants et des banquiers pour les fournitures de l’armée s’explique aisément par les nombreuses connaissances qu’il fit au conseil de commerce. L’ambassadeur Amelot, représentant de Louis XIV auprès de Philippe V, était moins l’héritier d’une famille de magistrats solidement établis au Parlement de Paris, que l’homme au service du roi qui avait mené de nombreuses missions et s’était frotté au milieu négociant des ports du royaume. Outre les relations et les liens qu’un ambassadeur maintenait avec son pays d’origine, l’analyse de sa mission exige de s’intéresser au déroulement de sa négociation, à ses méthodes de travail, à son inscription dans une nouvelle cour, et au cœur de son travail, c'està-dire à l’information. L’ambassade d’Amelot se distingue nettement de celle de ses prédécesseurs et de celles de ses successeurs durant la guerre de Succession, par sa durée. Il demeura à Madrid beaucoup plus longtemps que les autres représentants de Louis XIV, à l’exception de l’archevêque d’Embrun au milieu du XVIIe siècle mais c’était dans un contexte fort différent. En outre, il exerça une autorité jamais consentie à un ambassadeur du roi de France. Il réussit en effet à gagner la confiance des souverains et à s’imposer auprès des secrétaires d’État espagnols. Ses méthodes de travail, comme son emploi du temps ou sa présence à la cour, avec les nombreuses discussions informelles, les confidences échangées ou les indiscrétions auxquelles elle donnait lieu, permettent de mieux comprendre les pratiques de la négociation. Les archives recèlent ainsi de nombreux documents, lettres et mémoires, qui permettent de retrouver le cours de sa négociation, comme le fit en son temps Baudrillart, mais aussi d’aller plus loin et d’éclairer les méthodes d’une négociation. Le rapport à l’écrit, l’oral et l’information constituent des angles de vue à partir desquels nous pouvons mieux comprendre la réalité d’une mission et ses enjeux. Dans le cadre de la politique d’union des couronnes, les canaux traditionnels de l’information diplomatique, de l’espionnage et de la circulation des nouvelles étaient modifiés pour épouser – en partie seulement – les logiques des nouveaux liens qui unissaient dorénavant la monarchie hispanique et le royaume de France au temps de leurs rapports particulièrement étroits. Là encore, les frontières entre le champ du politique ou du pouvoir et ce qui serait davantage de l’ordre de la sphère économique nous ont paru bien poreuses. Ces catégories demeurent très académiques et l’ambassade d’Amelot révèle au contraire le poids des consuls ou des circuits marchands dans la diffusion de l’information, et le rôle des ports comme lieu d’échanges des nouvelles autant que des produits. Le commerce a servi l’union des couronnes par le canal des Français présents dans la péninsule et des négociants qui ont pu agir comme des relais de l’ambassadeur. La nature même des informations invite à franchir des frontières bien établies. L’attention portée aux rumeurs et aux nouvelles qui circulaient quant à la situation financière de la couronne souligne que les contemporains convenaient ou reconnaissaient déjà des enjeux politiques majeurs à la diffusion de nouvelles d’ordre économique et financière au début du XVIIIe siècle. Il ne s’agit plus seulement de comprendre comment l’information pouvait être rassemblée et collectée mais quelles utilisations l’ambassadeur pouvait en faire. Toutefois, pour ne pas réduire l’union des couronnes à une stratégie diplomatique qui aurait été uniquement développée et mise en place par les ministres du roi de France, rechercher les images et les traductions qu’on en a faites, ou les traces qu’elle a laissées dans les territoires de la monarchie hispanique constitue l’objet de la troisième partie. à travers l’immixtion de l’ambassadeur dans la cour de Madrid, son intrusion dans l’appareil gouvernemental de la monarchie de Philippe V et les choix des hommes sur qui il souhaitait s’appuyer, apparaît en creux une réalité encore largement inconnue de l’union des couronnes. S’il tentait de peser sur le mécanisme de décision en s’insérant dans le cours régulier des affaires, il évitait les conflits, contournait les oppositions et essayait de modérer les demandes des ministres de Louis XIV peu au fait de la situation à Madrid. Loin du Français imbus de maximes régalistes et centralisateur à souhait que l’historiographie a voulu en faire, Amelot apparaît comme un négociateur, homme du compromis et s’appuyant toujours sur les sujets de Philippe V qui pouvaient lui être les plus favorables – voire dociles ? Venu en Espagne avec la mission de rapprocher les deux monarchies afin de rendre leur combat contre la Grande Alliance plus efficace, il lui fallait assister le jeune monarque, travailler de concert avec les Espagnols pour la conduite de la guerre et tenter de favoriser le commerce des Français. Son intervention demeure encore complexe à interpréter : il suggérait, mais ses conseils ressemblaient à des ordres ; il donnait son avis, mais parlait au nom de Louis XIV. Il défendit ainsi les intérêts d’une politique de rapprochement en appuyant toutes les demandes ou les sollicitations pour une faveur ou grâce de la part des sujets de Philippe V qui avaient clairement manifesté leur soutien à cette union. Les postes, les charges et les dignités continuèrent à être vendues pour le bénéfice du trésor royal mais ils servirent également à promouvoir la politique d’union. L’union des couronnes ne fit pas seulement l’objet d’une mise en valeur de la part des Français ou des ministres de Louis XIV. On la retrouve également sous la plume de polémistes espagnols ou de prélats comme les archevêques de Saragosse ou de Murcie, qui l’employèrent dans des lettres pastorales adressées à leurs fidèles. Pour beaucoup, elle était synonyme de paix et de concorde entre les deux monarchies. Dans une société marquée par les guerres menées contre Louis XIV, cet argument était rempli de promesses pour l’avenir. Au nom du principe de l’union, on tenta de régler les vieilles querelles que ce soit les conflits entre les communautés locales dans la vallée des Alduides ou la division de l’ordre de la Mercy entre la branche française et le supérieur général espagnol. Elle fut aussi magnifiée à l’occasion de la naissance des princes dans la Maison de Bourbon. Représentée dans des gravures, elle eut une traduction dans le cérémonial tant à la cour de Madrid qu’à la cour du roi de France où le représentant de Philippe V jouissait d’honneurs rarement accordés. Elle fut plus souvent représentée et chantée en France mais les fêtes données lors de la naissance du prince des Asturies en 1707 constituent un bon exemple de sa traduction dans la péninsule. Enfin, c’est par quelques réalisations concrètes, comme le renouvellement d’un accord diplomatique, le financement de la guerre ou encore la circulation monétaire que l’union exista réellement. Sans être exhaustif, cet exposé des initiatives prises durant l’ambassade d’Amelot souligne combien elles étaient à la fois le fruit des nécessités militaires et du besoin d’argent, et un moyen de donner corps à l’idée d’union des couronnes. Sans confondre les deux monarchies, comme les alliés le redoutaient tant, elle consistait plutôt à les rapprocher. Cette politique ne fut pas inscrite dans la durée. À l’occasion des négociations de 1709 menées en Hollande, Louis XIV comprit qu’il ne pourrait obtenir la paix qu’au prix d’une séparation plus marquée entre ses intérêts et ceux de son petit-fils s’il souhaitait que celui-ci pût conserver sa couronne. Préférant se retirer plutôt que d’avoir à conduire une politique contraire à celle qu’il avait tant contribué à mettre en œuvre durant près de cinq années, Amelot demanda son rappel. La mission d’Amelot de Gournay apparaît dès lors moins comme celle d’un ambassadeur envoyé dans une cour étrangère pour représenter son prince qu’un homme au service de deux rois et de leur maison. Au terme de cette thèse, on peut donc dégager quatre principales conclusions. En premier lieu, l’union des couronnes apparaît moins pour Louis XIV comme un moyen d’imposer une forme de tutelle que comme un procédé pour former une association qui serait au bénéfice des deux souverains. Elle conforte ainsi l’idée que l’appartenance à la même famille souveraine ou à la même maison entraînait un rapprochement entre leurs cours. Cette proximité nouvelle pouvait également se prolonger par des dispositifs commerciaux et monétaires. En second lieu, il apparaît que le commerce est devenu une question essentielle des relations entre les princes à la fin du XVIIe siècle. Il s’est imposé au rythme du développement maritime et colonial de la France et de la monarchie hispanique. La défense d’intérêts commerciaux intervenait dans le déclenchement des conflits comme elle était prise en compte à l’heure du règlement de la paix. Elle constituait un élément clef des relations entre les deux monarchies. En troisième lieu, l’analyse d’une négociation révèle l’ambivalence d’un négociateur. Un ambassadeur était, par exemple, autant l’homme du roi qu’il servait que la personne issue d’une famille, appuyée par un réseau ou un clan. Son action est inséparable des liens tissés au cours de sa carrière ou des relations dont il a pu bénéficier grâce à son lignage. Un négociateur était le représentant de son prince dans une cour étrangère mais il demeurait aussi intéressé par l’obtention de grâces dans son pays. Le service du roi s’articulait donc avec des stratégies individuelles pour obtenir une promotion ou des bienfaits. Enfin, si les négociations sont connues par les nombreuses correspondances que les archives conservent, l’écrit ne doit pas occulter le rôle joué par l’oral à travers les conversations, les confidences et ce qui était dit sans être écrit. Si l’historien reste tributaire des sources dont il dispose, comme les dépêches diplomatiques, une négociation demeurait une discussion dont les traités étaient la dernière parole.