1.3 La formation est au service de la carrière
Attachons-nous d’abord au problème de la formation. La formation a des statuts différents par
rapport à ces trois dimensions de la carrière. Tout d’abord, la formation n’a de pertinence qu’articulée
à des problèmes généraux, ce que Marcel Lesne (1984) appelle la théorie des trois champs. Elle est
très rarement un objectif en soi. Elle constitue beaucoup plus fréquemment un moyen pour la
réalisation d’autres fins, et notamment professionnelles. Or, depuis l’exacerbation des problèmes
d’emploi et compte tenu de la place centrale que tend à occuper le travail, il paraît de moins en moins
acceptable de poursuivre d’autres fins en formation que celles de la sphère professionnelle.
Mais l’articulation de la formation et de la carrière n’est pas, non plus, automatique. La
formation se révèle un moyen pertinent pour atteindre un certain type de finalités et perd de sa
pertinence quand l’individu poursuit d’autres finalités. Ainsi les liens qui unissent la formation et la
carrière peuvent être plus ou moins lâches, caractérisés par leur aspect structurel ou conjoncturel.
En effet, pour certaines formes de carrière, la formation entretient des relations structurelles :
c’est le cas des évolutions ascendantes. Dans ce cas, la formation se révèle toujours un moyen adéquat
pour atteindre des objectifs d’évolution, même si ce n’est pas le seul moyen utilisable pour le faire.
Comme il peut y avoir concurrence et substitution des moyens disponibles pour accéder à ces
positions, la relation est structurelle sur la durée tout en pouvant être potentielle seulement à un instant
t. Disons-le plus clairement, les individus peuvent être de tous temps intéressés par une évolution
ascendante et la formation constituer, pour un observateur extérieur, un moyen toujours efficace pour
atteindre ces finalités, rien ne dit que l’individu fera appel à la formation à toutes les étapes de sa vie.
Son appétence pour l’évolution peut être plus ou moins forte à certains moments et d’autres moyens
(apprentissage sur le tas, tissage de réseaux relationnels…) peuvent lui sembler préférables à la
formation à d’autres moments.
Pour les carrières centrées sur l’emploi, la formation se révèle un moyen adéquat seulement à
certains moments : à l’entrée dans l’emploi, la formation est un moyen d’obtenir une embauche. Dans
le cours de l’activité, quand l’emploi semble menacé, la formation peut se révéler un moyen de garder
son emploi. Dans ce cas, la relation de la formation est purement conjoncturelle. Dès l’emploi obtenu
ou dès le danger écarté, la formation tend à perdre de sa pertinence pour l’individu.
Pour les carrières centrées sur l’activité, la formation remplit le même rôle mais avec une
différence de nature. Alors que dans le cas précédent, c’était le statut de l’emploi, et donc les
conditions sociales de la situation professionnelle, qui était important, ici, c’est la nature de la relation
que les individus ont avec leur activité professionnelle qui est centrale. La formation peut se révéler un
moyen performant pour trouver une activité professionnelle qui satisfasse l’individu. Mais cette
satisfaction remplie, la formation peut perdre, dans ce cas aussi, toute pertinence.
2. Les « mobiles » : des raisons de s’inscrire en formation
En gardant ces orientations à l’esprit, on peut alors s’intéresser aux raisons pour lesquelles les
individus s’inscrivent en formation.
En premier, s’intéresser à l’entrée des individus en formation revient à analyser la manière dont
les individus font des arbitrages en faveur de la formation, analyser ce qui les porte à s’investir dans ce
processus à un moment donné plutôt que de se consacrer totalement à leur travail par exemple. Les
objectifs explicites formulés par les auditeurs en réponse au questionnaire ne sont pas suffisants pour
comprendre ces raisons (Correia, Pottier, 1998). Pour comprendre la décision de s’inscrire en
formation, il faut additionner aux objectifs clairement définis que porte une partie de notre public, des
raisons beaucoup plus complexes qui ne peuvent apparaître qu’à l’issue de l’analyse d’un ensemble de
variables. Nous utilisons ce mode d’analyse pour produire des mobiles, notion dont la définition,
comme son usage dans les procédures quantitatives, ont été décrits dans d’autres articles (Correia,
Pottier, 1998, 1999, 2002). Rappelons simplement que comprendre les « mobiles » des individus