01 Décembre 2009
Autour d'une toxine
BACTERIES: Une petite toxine, l'anthrax, a beaucoup à révéler sur la façon
d'agir des maladies infectieuses humaines. Fonctions physiologiques,
structure, mode d'action, le Laboratoire de Gisou van der Goot, en Faculté des
sciences de la vie, l'étudie sous de nombreux angles.
Comment les agents pathogènes mortels entrent-ils dans la cellule et s'y
multiplient-ils? Les bactéries produisent des toxines qui se fixent sur la paroi des
cellules hôtes grâce à des molécules réceptrices. Elles s'y introduisent et prolifèrent,
empêchant les cellules de communiquer à l'extérieur, grandir, ou se nourrir. Dans le
laboratoire de Gisou van der Goot, les microscopes sont braqués sur la façon dont
procède la toxine de l'anthrax, car elle représente un système modèle intéressant
dont les règles seront applicables à d'autres toxines ou pathogènes. «On sait depuis
plusieurs années que deux récepteurs: le CMG2 et le TEM8 sont en jeu, explique la
professeure. Mais peu de choses sont connues sur la structure et les fonctions
physiologiques de ceux-ci sauf que des mutations génétiques dans le gène de
CMG2 donne lieu à une maladie génétique sévère.» Précisons que le laboratoire ne
travaille pas sur l'anthrax, mais sur les toxines dérivées. «Peu de laboratoires dans
le monde travaillent réellement dans le même domaine, par contre certains l'utilisent
dans la description de leurs projets pour bénéficier des subventions pour la
recherche contre le terrorisme», souligne-t-elle.
COMMENT IL TUE LES CELLULES
«L'anthrax se trouve à l'état naturel dans la terre de certaines régions», explique
Laurence Gouzi Abrami, collaboratrice scientifique. Les personnes principalement
touchées sont donc les agriculteurs et les vétérinaires. Les bactéries inhalées,
libérées de leurs spores, produisent la toxine qui provoque une infection pulmonaire,
rapidement létale si elle n'est pas détectée. La chercheuse travaille à comprendre le
mode d'action de ces bactéries sur les cellules humaines. «Notre domaine de travail,
à la frontière entre la biologie, la microbiologie cellulaire et les toxines bactériennes,
nous permet, en plus de l'étude de leur rôle comme facteur de virulence, d'étudier
des processus cellulaires de base essentiels», explique-t-elle.
LA SYSTEMIQUE HYALINOSE ET L'ANTHRAX COMME OUTIL D'ANALYSE
Les résultats obtenus dans les recherches sur l'anthrax ont ouvert d'autres champs
de recherche passionnants. CMG2, par exemple, est le nom de l'un des deux
récepteurs de l'anthrax étudié par le laboratoire depuis 2004. Or il est apparu que les
gènes qui encodent ce récepteur, s'ils sont mutés, sont aussi à l'origine d'une
maladie rare appelée Hyalinose systémique. Seuls une centaine de cas ont été
recensés depuis le XIXe siècle. Elle est caractérisée par l'accumulation d'une
substance, non identifiée appelée hyaline, au niveau de la peau et des autres
organes dès la naissance et s'amplifie lorsque le patient se cogne. La forme la plus
sévère entraine la mort de l'enfant avant l'âge de 2 ans, alors que d'autres patients
peuvent atteindre la cinquantaine. «On sait encore peu de chose sur la fonction de
ce récepteur dans la maladie », explique Julie Deuquet, doctorante. «Le but de mon
travail est de comprendre les conséquences des mutations impliquées dans la
Hyalinose systémique sur la localisation, les propriétés et la fonction physiologique
de ce récepteur».
DEUX PAR DEUX OU L'UNE APRES L'AUTRE
Pour perforer la cellule, sept toxines s'agglutinent et creusent un trou. Le travail de
doctorat de Mirko Bischofberger porte sur la manière dont elles procèdent.
Arrivent-elles les unes après les autres? Deux par deux, puis une? Sept ensembles?
Impossible d'observer ce phénomène à l'aide d'un microscope, même électronique.
Le jeune chercheur teste donc toutes ces hypothèses à l'aide de modèles
informatiques et mathématiques. «Cela nous permet déjà de voir théoriquement
quelle option est la plus probable. Comme l'effet sur la cellule (le trou) est
observable, on calcule le temps que mettent les toxines à le creuser. La
comparaison de celui-ci avec celui des modèles théoriques donne également une
bonne indication sur la probabilité qu'il soit le bon.» Son collègue Ioan Iacovache
s'intéresse, lui, à la façon dont ces toxines agissent sur la membrane cytoplasmique.
«Les deux premières années de mon doctorat ont servi à générer différentes toxines
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