Économie et
mobilisation sociales :
vers un contre-pouvoir
économique ?
Entreprendre autrement au Nord et au Sud
n° 127
Ed. Resp.: Raphaël Ernst, Autre Terre asbl, 4eavenue 45, 4040 Herstal – Bureau de dépôt: NSC Liège X - P 501015
L’économie solidaire
Entre économie
sociale et mouvements
sociaux (P. 24)
Banco Palmas
Une banque brésilienne
créée par les habitants
d’un quartier défavorisé
(P. 5)
Trimestriel
Hiver 2009
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Cette publication est soutenue par :
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terre n°127 • hiver 2009
Coordination :
David Gabriel
Secrétariat de rédaction :
Geneviève Godard, Nathalie Talmasse
Comité de rédaction :
Raphaël Ernst, David Gabriel,
Geneviève Godard, Quentin Mortier,
Xavier Roberti et Salvatore Vetro
Ont collaboré à ce numéro :
Nathalie Delaleeuwe, Louis Dessart,
François Foguenne, Alice Friser,
Corinne Gendron, Loïc Géronnez,
Vincent de Grelle, Jean-Louis Laville,
Christian Legrève, Charles Martinov et
Benoît Naveau.
Correction :
Cédric De Lievre
Photos de couverture :
C1 : PDG
Manifestation des communautés
rurales du sud de l’île de Négros
Occidental (Philippines).
C4 : Q. Mortier (Mali)
Création graphique :
Agence À3/Herstal
Impression :
Imprimerie Fortemps
Imprimé à 7.000 exemplaires sur
papier 45% labellisé FSC et
55% recyclé
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Édito
Pour un changement social…
et économique !
5
Banco Palmas
Une banque créée par les
pauvres relance l’économie
d’une favela brésilienne
10
Une société économique
qui se repense
Par Corinne Gendron
13
Éthiquable
ou le poids du commerce
équitable
18
L’insertion par le travail :
pour qui et pour quoi ?
22
Les maisons médicales
Utopie et pragmatisme
24
L’économie solidaire
Entre économie sociale et
mouvements sociaux
28
Terre libre
Nord
Terre vient de fêter ses 60 ans !
Entretien avec Louis Dessart
Sud
Un visa de tourisme pour aller
dire bonjour.
Retour sur un ancien projet
de Terre en Algérie.
40 ans plus tard…
Sommaire
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terre n°127 • hiver 2009
Retracer l’histoire de notre société sans y inclure
les mouvements sociaux n’aurait pas de sens.
Ceux-ci l’ont façonnée et ont joué un rôle déter-
minant en termes de changement social et d’avan-
cées non seulement sociales, mais aussi politiques,
culturelles et économiques.
Ces mouvements, des plus anciens (comme le mou-
vement ouvrier) aux plus récents (les mouvements
féministe, écologiste ou les mouvements d’exclus tels
les « sans-papiers », les « sans-terre »...), sont des
forces indispensables d’interpellation et de contre-
pouvoir. Ils sont acteurs au niveau des différentes
sociétés et ont pour effet d’agir en profondeur sur cer-
taines politiques tout en offrant un espace d’expres-
sion aux personnes moins visibles ou laissées-pour-
compte. Bref, ils ont pleinement influencé la
construction des différentes sociétés et continuent à
y avoir une place centrale.
Un mouvement social 1, c’est aussi une possibilité de
mettre en discussion des enjeux sociaux, de chercher
à dire le juste et l’injuste.
Mouvements sociaux et modes
de fonctionnement économiques
Notre hypothèse est de dire que bon nombre de mou-
vements sociaux ont suivi — en s’y opposant — les
évolutions des modes de fonctionnement économiques
et principalement celui du capitalisme. La grande majo-
rité des mobilisations actuelles sont liées, de manière
plus ou moins directe, aux effets du capitalisme, tel
qu’il se vit dans le monde entier.
Dans cette optique, il est important de prendre en
compte les transformations des modes de fonction-
nement économiques opérés ainsi que l’évolution des
idéologies (croyances et représentations) qui les jus-
tifient. C’est ce que Corinne Gendron a initié à travers
un article (p.10) qui met en avant la puissance de
transformation sociale contenue dans les concepts
de «commerce équitable», de «responsabilité sociale
de l’entreprise» et d’ «économie sociale».
En outre, les mouvements sociaux sont probablement
édito
Pour un changement social…
et économique !
> La grande majorité des mobilisations actuelles sont
liées aux effets du capitalisme.
B. Schoonbroodt
1. E. Neveu, Sociologie des mouvements sociaux,
Ed. La Découverte, Paris, 1996.
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à la base de l’émergence de bon nombre d’initiatives
d’économie sociale et les principes portés par celles-ci
sont privilégiés par la majorité des mouvements sociaux.
Pour illustrer ce propos, nous pouvons considérer
l’exemple de Banco Palmas au Brésil (p.5). Cette
banque, créée par des personnes économiquement
pauvres via une mobilisation sociale de grande enver-
gure, a permis, grâce à différents mécanismes, de
rendre un souffle nouveau à une banlieue défavori-
sée. L’idée était de créer une nouvelle monnaie qui ne
peut être utilisée que localement — évitant ainsi toute
spéculation — pour permettre le développement éco-
nomique d’une zone déterminée qui en a vraiment
besoin.
De nouveaux mouvements sociaux
économiques
S’arrêter sur l’évolution de l’économie sociale en fai-
sant un parallèle avec celle des mouvements sociaux
n’est pas non plus fortuit lorsque l’on regarde de plus
près la dynamique à l’œuvre dans le cadre du com-
merce équitable.
Dans ce sens, les pratiques de consommation peuvent
devenir la cible ou le moyen de l’action collective de
mouvements sociaux 2. L’article sur l’organisation
«Éthiquable» (p.13) nous montre en partie comment
elle a su créer un cadre qui rend possible l’expres-
sion d’opinions politiques à travers des actes d’achat.
En tout cas, il faut souligner qu’[…] un des résultats de
ces mobilisations dans le marché […] est la constitution
en offre de biens «éthiques» - verts, bio, socialement
responsables - qui se met en place par des initiatives mili-
tantes (comme la plupart des organisations du com-
merce équitable), mais aussi avec le concours de régu-
lations étatiques et l’adaptation de l’offre marchande2.
Vers un contre-pouvoir économique ?
Le pouvoir se serait-il en partie déplacé du politique
vers l'économique (le capital financier et l’économie
de production) ? C’est ce qu’on pourrait croire lorsqu’on
observe le poids grandissant des entreprises privées
capitalistes et de leurs actionnaires. En réponse à
cette constatation, de plus en plus de groupes sociaux
édito
semblent considérer qu’il est temps de se réappro-
prier l'économie pour avoir leur mot à dire dans ce
domaine et créer, de cette manière, une forme de
contre-pouvoir économique (voir article de Jean-Louis
Laville, p. 24).
Mais est-ce le cas de l’ensemble des organisations
d’économie sociale ? Pas si sûr. On voit que dans cer-
tains secteurs – qui ne sont de surcroît pas toujours très
valorisants – l’insertion des gens par le travail via l’éco-
nomie sociale permet surtout de reprendre pied dans
le système économique traditionnel (P.18). Sans condam-
ner ce dernier, il est néanmoins important que le sec-
teur de l’économie sociale se positionne par rapport à
lui afin de rester en accord avec ses propres finalités.
La remise en cause de nos modèles rigides doit pou-
voir se faire de manière structurée et sur le long terme
si on veut qu’elle puisse s’inscrire dans la durée.
C’est ce que les maisons médicales ont compris
(p. 22) en proposant, dans le domaine de la santé,
une réflexion en profondeur suivie de la mise en place
d’organisations aux modes de fonctionnement et aux
principes éthiques allant clairement dans le sens de
l’économie sociale.
Pour une plus grande coordination
des agendas
Les mouvements sociaux d’aujourd’hui renouvellent
leurs propositions vers le monde politique, social,
environnemental mais aussi économique. Pour sa
part, l’économie sociale a redéfini ses principes
éthiques et de plus en plus d’organisations s’en
revendiquent, désirant donner un sens nouveau à
leurs activités de production de biens et de services.
Il y a donc une appropriation du monde de l’écono-
mie par les mouvements sociaux et une volonté de
changement prônée par certaines organisations d’éco-
nomie sociale. Espérons que ces nouvelles dyna-
miques pourront prendre leur envol et concourir à la
mise en œuvre de réels projets de société pour le
Nord et le Sud. I
David Gabriel
2. Dictionnaire des mouvements sociaux, Dir. O. Fillieule,
L. Mathieu, C. Pechu, Presses de la Fondation Nationale des
Sciences Politiques, Paris, 2009 (P. 140).
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Banco Palmas
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terre n°127 • hiver 2009
Une banque créée
par les pauvres
relance l’économie
d’une favela brésilienne
Une banque qui accorde aux plus pauvres des crédits à la
consommation sans intérêt et qui soutient grâce à des prêts à
des taux minimaux la production locale, vous y croyez ? Et si
l’on vous dit que la même banque émet une monnaie locale qui
relance l’économie d’un quartier tout en répondant aux besoins
de ses habitants, là vous vous dites : c’est de l’utopie ? Eh bien
pas tout à fait. Ce sont quelques-uns des outils financiers mis
en place par les habitants d’une favela au Brésil.
La gravité de la crise financière
et économique qui nous frappe
rappelle que la question des
richesses reste au centre de la ques-
tion sociale. Les partager plus équita-
blement, les créer là où elles manquent,
les faire reconnaître là où seule la valeur
monétaire est prise en compte, voici
un enjeu brûlant d’actualité.
Dans le Nordeste du Brésil, les habi-
tants du Conjunto Palmeiras, un bidon-
ville de Fortaleza, ont refusé la misère
et nous ont démontré comment se
doter des outils nécessaires en vue de
l’autonomie économique.
C’est grâce à leur audace et à une expé-
rience en cours en France — le Sol —
qu’une soixantaine de personnes du
réseau Capacitation Citoyenne1se sont
réunies le 26 octobre à Namur à l’ini-
tiative de Periferia2et d’«Arpenteurs»3.
S’inspirer et réfléchir collectivement
aux manières de s’approprier cet esprit
de lutte contre la pauvreté est un des
enjeux de ce réseau pour qui la richesse
est aussi le fruit de nos intelligences
collectives.
De la relégation à la lutte
Quand en 1984 Joaquim Melo, jeune
séminariste déjà rebelle et aux ten-
dances politiques clairement à gauche,
arrive dans le Conjunto Palmeiras, il
découvre un bidonville où la mortalité
est très élevée. «Au Brésil, on obser-
> Au Banco Palmas, les prêts
sont accordés avec l'accord
de la communauté
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