La F EUILLE ROUGE supraconductivité SUPER SILICIUM Contact : Christophe Marcenat - SPSMS - [email protected] En collaboration avec des équipes du CNRS et de différentes universités françaises, nous venons de montrer que le silicium, dopé par 5 à 9 % d’atomes de bore, devenait supraconducteur, phénomène quantique macroscopique où le courant électrique se propage avec une résistance nulle, à des températures très basses de l’ordre de 0,4 K. Surprenant car le silicium, matériau omniprésent dans la microélectronique d’aujourd’hui, est l’archétype du semi-conducteur : isolant à très basse température, il devient conducteur à température ambiante. L’introduction d’autres espèces chimiques, tel le bore ou le phosphore jouant le rôle d’accepteurs ou de donneurs d’électrons, à très petites doses permet de contrôler localement la conductivité électrique et par là même de fabriquer des dispositifs électroniques. Une longue quête (Gas Immersion Laser Doping). Un échantillon de silicium, à la surface duquel est adsorbé un gaz contenant du bore, est soumis à une impulsion laser très brève (25 ns) qui provoque sa fusion superficielle sur une épaisseur de quelques nanomètres. Le bore diffuse dans le silicium liquide, puis reste figé dans le silicium lors de la phase de cristallisation qui suit l’impulsion laser (figure 1). En répétant cette opération 200 fois, nous avons ainsi obtenu du silicium contenant jusqu’à 9% de bore. … d’échantillons supraconducteurs L’idée de rendre le silicium supraconducteur date de la fin des années 40 mais les tentatives avaient été jusque-là infructueuses. Il devient bien supraconducteur sous des pressions proches de 10 GPa, mais sous une autre forme cristalline. La découverte en avril 2004 de la supraconductivité du diamant très fortement dopé au bore a relancé la problématique, la structure électronique des deux matériaux étant très similaire. Des calculs très récents prédisaient que la supraconductivité du silicium dopé serait mesurable, toutefois pour des taux de dopage bien supérieurs à la limite de solubilité du bore (de l’ordre de 1% atomique), pour laquelle un matériau homogène ne peut pas être obtenu à l’équilibre thermodynamique. Une synthèse assistée par laser… Pour dépasser cette limite et réussir à substituer des taux aussi élevés d’atomes de silicium par du bore, nos collègues d’Orsay ont mis en oeuvre une technique de dopage appelée GILD Placés dans un cryostat à dilution (figure 2) qui permet d’abaisser leur température jusqu’à 0,05K, les échantillons les plus dopés ont vu leur résistance électrique diminuer jusqu’à s’annuler. Ils ont également présenté à basse température des propriétés d’écrantage magnétique typique de la supraconductivité de type II (voir figure 3 et l’encart). Des calculs ab initio faits à Lyon en admettant que les atomes de bore sont en site substitutionnels, indiquent une origine « conventionnelle » de la supraconductivité. L’hypothèse sur la localisation des atomes de bore a été validée par des mesures de diffusion Raman au CNRS de Grenoble. La maturité de la technologie associée au silicium laisse présager le développement prochain de dispositifs supraconducteurs innovants utilisant des microstructures hybrides semiconductrices et supraconductrices. Ces dispositifs permettront de tester des modèles théoriques sur la supraconductivité. Figure 1 : Principe de la synthèse d’un échantillon de silicium (Si) fortement dopé au bore (B). Figure 2 : Mise en place de l’échantillon dans le cryostat à dilution. Propriétés magnétiques des supraconducteurs Outre leur résistance électrique nulle, les supraconducteurs présentent une autre propriété importante : ils écrantent parfaitement le champ magnétique dans leur volume, pourvu que le champ extérieur soit inférieur à une valeur limite dépendant du matériau et appelée champ critique. Dans la majorité des cas il existe également un deuxième champ critique. On parle alors de supraconducteur de type II. Entre ces deux champs, un état mixte apparaît avec des régions où le matériau est supraconducteur et d’autres où il est normal. Ces propriétés magnétiques sont mises à profit pour la détection d’un état supraconducteur. Un écrantage total du champ magnétique dans le matériau confère à ce dernier une susceptibilité χ’ égale à -1 pour des champs suffisamment petits. On considère que la susceptibilité magnétique est une meilleure caractérisation d’un matériau supraconducteur que la résistivité. En effet il peut suffire qu’une très faible fraction du volume de l’échantillon soit supraconductrice pour annuler la résistance entre les électrodes de mesure tandis que, dans la géométrie utilisée ici, la susceptibilité magnétique sonde mieux l’échantillon. Figure 3 : Dépendance en température de la susceptibilité χ‘, mesurée en champ alternatif, et de la résistance R relative à celle observée à l’état normal Rn pour une couche mince de 35 nm de Si:B. Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), Th. Douki (SCIB), G. Prenat (SPINTEC), O. Robach (SPrAM), R. Vallcorba (SBT), P. Warin (SP2M) - Secrétaire de rédaction : C. Bellavia (DIR) tél. 04 38 78 99 68