Face au réchauffement climatique,
faudra-t-il réhabiliter certains exotiques ?
La conservation desressourcesgénétiqueslocales,desécotypeset autresexpressionsbiolo-
giquesdesparticularitésde telle région, la nécessitédeconsidérerlarbreen tant qu’essence,
bien sûr,maiségalement en tant quesimple composanted’ucosystème particulièrement
complexe:laforêt toutescesévidences vont-ellesêtresérieusement bousculéesparlesconsé-
quences,malheureusement trèsplausibles,du réchauffement climatique?
Il est certain queleChêne pédonculé, quireprésentequand même en France quelque 2,4 millions
dhectares,napas toujours étéinstallé ou favorisésur desstationsluiconvenant:desmilliers
dhectaressont en train de dépérir,aprèslesalertesde 1976,pour ne citerquel’une des
dernièresgrandessécheressesavant cellesde 2003 à 2005;dansla région de Vierzon, dans
celle de Montmorillon (Vienne), lesdégâts sont en cours.
Lesétudesde lINRA (CentredeNancy), et le colloquedu GIP ECOFOR de décembre 2005àParis
en alargement débattu,annoncent unchangement drastiquedesairesde répartition desprinci-
palesessencesforestresde notrepays :lePin maritime, réputécoriace sur dessolssecset
filtrants,commence luiaussiàdépérir,dansle Sud-Ouest ;il serafavoriséplus au Nordqu’ac-
tuellement. Le Pin sylvestre, dansle Sud-Est,souffreconsidérablement;le Sapin pectiné, le
tre, lÉpicéa vont devoirentamerdesmigrationsmontagnardes vers desaltitudesplus fraîches
et plus arrosées,du moinsen principe… Bref,avec une bonne marge dincertitude quant àla
rapiditéet lintensitédu phénomène, le paysage forestier vachangerextrêmement vitepar
rapport aux échellesde tempsauxquellesnous étionshabitués.
Cela veut direquenossylvicultures vont devoirévoluer,réagir,presquedansl’urgence.Mais
quelsconseilsdonner(et quelsmoyens)aux proprtaires,confrontésàcettenouvelle et inquié-
tantedonne climatiqueet économique?Si lon veut conserver,ou créer,desforêts dont lob-
jectif principal est bien de produiredu boisdont on connaît lesformidablesavantages
écologiques,sansdoute va-t-il falloirreconsidérerla question desexotiques,du moinsde
certainsdentreeux. Si lEucalyptus nest passouhaitable en raison de sesgravesinconvénients
sur le plan de la biodiversité, le Cèdre, parexemple, serasansdoute utile pour desmilliers
dhectaresde terrainssecs,calcaires,où Pinset Chênesne pourront plus constituerdespeuple-
ments économiquement “soutenables”. Bien entendu,ils’agiraalors de raisonnerleslocalisa-
tions:leshabitats rareset lesespècesmenacées,quisouvent en dépendent,devront être
sauvegars.
Bien entendu également,laprioritéabsoluedevrtreaccordée àl’utilisation desautresessences,
naturellement présentes;mais toutesne pourront passeprêterà une sylviculture véritable.
Si le Sapin pectiné doit dispartredemaints espaces,silePin sylvestrenepeut plus résister,
çà et là, simême lesmagnifiquestraies-sapinières,symbolessil en est de la forêt irrégulière,
abondantesen forme de vies variées,bien adaptéesaux reliefs,sont menacéesdansleurs terres
de prédilection, ne sera-t-on pasobligé, bon grémal gré, denvisagerdintroduire, avec précau-
tion, dautresessencesjusqu’alors en disgrâce, Sapin de Céphalonie ou autres?Ou dinstaller
desessencesindigènes,maisméditerranéennes,dansle Centreou le Sud-Ouest, voirelOuest ?
Rev. For. Fr. LVII - 6-2005551
LIBRE EXPRESSION
Bien entendu,lemploi élargi de cesmal-aimésdesnaturalistes,dont on peut parfaitement
comprendreet même partagerlesréticences,nedoit passefaireavec lesmêmeserreurs que
parle passé:ilnest plus question de créerou recréerde grandesmonocultures,maisde
constituerou reconstituerdesforêts mixtes,mélangées:silessence ou lesessencesprincipales
de production sont unou desexotiques,imposésen quelquesortepar unclimat dont nous ne
pouvonsmaîtriserlesexsànotreniveau,lesessences tellesquelesChênespubescents, verts,
kers, toutesles“secondaires” non directement productivesen termesde bois,maislétant,
parcontre, en termesde biodiversité, damélioration de lhumus,de vartédespaysageset des
ambiances,devront êtresystématiquement conservées,ou,ellesaussi, introduitesdansces
nouvellesforêts :ils’agit bien de faire une sylviculturedemm ii ll ii ee uu
,
non de pp rr oo dd uu ii tt.
Ne pourrait-on esrer,ceci dit,quecertainesde nosessencesindigènes,spontanées,parles
jeux mystérieux et savants de lévolution génétique, évoluent suffisamment rapidement pour,
delles-mêmes,s’adapteraux nouveaux climats ?Cest une hypotseavancée parcertains,opti-
mistes;considérée comme peu probable, pardautres,enraison de lextrême rapiditédeschan-
gements en cause.
LÉtat asansdoutelesmoyens,et le temps,delaisserde grandessuperficiesde forêt doma-
niale évoluerspontanément,et den tirerlesconclusionsscientifiqueset sylvicoles,dansce qui
devient alors unlaboratoireàciel ouvert. Cest même hautement souhaitable, et lon connaît
lextraordinaire valeur biologiquedesgrandesréservesintégrales,insuffisantesen nombreet
surface unitaire;maislesproprtairesprivésnen ont pasla possibilité, quand bien même en
auraient-ilsla volonté.
Le débat,sain et normal, entrearbresexotiques,indigènes,acclimatés, vase trouver,sansnul
doute, revivifié parle contexted’unhorizon climatiquepour le moinsdéboussolant. Ànous de
ne pasperdrelenord… et de savoirécouter,convaincre, sansselancerdansdesaventuressylvi-
coleshasardeusesou mal conçues. Lécologie, le respect desmilieux associés,leprincipe de
précaution sont desatouts majeurs pour le forestier. La nécessitééconomique, sescontraintes,
doivent être tout autant expliquées.
La sylviculturededemain devrtreàlafoisdynamiqueet douce, intégrée, noubliant jamais
où elle s’exerce, cest-à-diresur lécosystème.Maislesdéfenseurs de ce dernierdoivent aussi
intégrerlensemble desobjectifsfinaux de cettesylvicultureet lesobligationsdesproprtaires,
quisont de gérer unbien d’une manièreaussiefficace quepossible.Recommanderlélimination
du soustage au nom de la concurrence en eau,pour certainspeuplements,danslavenir;envi-
sagersous-solageset labours profondsen pleine forêt,semblent releverde lerreur écologique
majeure;maisrejeterabsolument,en tous lieux,lemploi dexotiques,ou dessencesen dehors
de leur airejusqu’alors connuederépartition, danslescirconstancesquenous commençonsà
connaître, cest-à-direpour répondreaux dépérissements en tous genresdus aux sécheresseset
aux canicules,peut releverégalement d’une erreur de principe.
Lesmenacessérieusespesant sur nosforêts et nosbois vont-ellespermettrederelier,deréunir
autour d’unmême objectif, scientifiques,gestionnaires,défenseurs de la nature, sansnaïveténi
coupsde force ?
552 Rev. For. Fr. LVII - 6-2005
A LAIN P ERSUY
Alain PERSUY*
Technicien surieur forestier
*Auteur du
Guide de la forêt en Poitou-Charenteset Vendée
.
La Crèche :Gestditions, 2003.
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