Bien entendu,l’emploi élargi de cesmal-aimésdesnaturalistes,dont on peut parfaitement
comprendreet même partagerlesréticences,nedoit passefaireavec lesmêmeserreurs que
parle passé:iln’est plus question de créerou recréerde grandesmonocultures,maisde
constituerou reconstituerdesforêts mixtes,mélangées:sil’essence ou lesessencesprincipales
de production sont unou desexotiques,imposésen quelquesortepar unclimat dont nous ne
pouvonsmaîtriserlesexcèsànotreniveau,lesessences tellesquelesChênespubescents, verts,
kermès, toutesles“secondaires” non directement productivesen termesde bois,maisl’étant,
parcontre, en termesde biodiversité, d’amélioration de l’humus,de variétédespaysageset des
ambiances,devront êtresystématiquement conservées,ou,ellesaussi, introduitesdansces
nouvellesforêts :ils’agit bien de faire une sylviculturedemm ii ll ii ee uu
,
non de pp rr oo dd uu ii tt.
Ne pourrait-on espérer,ceci dit,quecertainesde nosessencesindigènes,spontanées,parles
jeux mystérieux et savants de l’évolution génétique, évoluent suffisamment rapidement pour,
d’elles-mêmes,s’adapteraux nouveaux climats ?C’est une hypothèseavancée parcertains,opti-
mistes;considérée comme peu probable, pard’autres,enraison de l’extrême rapiditédeschan-
gements en cause.
L’État asansdoutelesmoyens,et le temps,delaisserde grandessuperficiesde forêt doma-
niale évoluerspontanément,et d’en tirerlesconclusionsscientifiqueset sylvicoles,dansce qui
devient alors un“laboratoire”àciel ouvert. C’est même hautement souhaitable, et l’on connaît
l’extraordinaire valeur biologiquedesgrandesréservesintégrales,insuffisantesen nombreet
surface unitaire;maislespropriétairesprivésn’en ont pasla possibilité, quand bien même en
auraient-ilsla volonté.
Le débat,sain et normal, entrearbresexotiques,indigènes,acclimatés, vase trouver,sansnul
doute, revivifié parle contexted’unhorizon climatiquepour le moinsdéboussolant. Ànous de
ne pasperdrelenord… et de savoirécouter,convaincre, sansselancerdansdesaventuressylvi-
coleshasardeusesou mal conçues. L’écologie, le respect desmilieux associés,leprincipe de
précaution sont desatouts majeurs pour le forestier. La nécessitééconomique, sescontraintes,
doivent être tout autant expliquées.
La sylviculturededemain devraêtreàlafoisdynamiqueet douce, intégrée, n’oubliant jamais
où elle s’exerce, c’est-à-diresur l’écosystème.Maislesdéfenseurs de ce dernierdoivent aussi
intégrerl’ensemble desobjectifsfinaux de cettesylvicultureet lesobligationsdespropriétaires,
quisont de gérer unbien d’une manièreaussiefficace quepossible.Recommanderl’élimination
du sous-étage au nom de la concurrence en eau,pour certainspeuplements,dansl’avenir;envi-
sagersous-solageset labours profondsen pleine forêt,semblent releverde l’erreur écologique
majeure;maisrejeterabsolument,en tous lieux,l’emploi d’exotiques,ou d’essencesen dehors
de leur airejusqu’alors connuederépartition, danslescirconstancesquenous commençonsà
connaître, c’est-à-direpour répondreaux dépérissements en tous genresdus aux sécheresseset
aux canicules,peut releverégalement d’une erreur de principe.
Lesmenacessérieusespesant sur nosforêts et nosbois vont-ellespermettrederelier,deréunir
autour d’unmême objectif, scientifiques,gestionnaires,défenseurs de la nature, sansnaïveténi
coupsde force ?
552 Rev. For. Fr. LVII - 6-2005
A LAIN P ERSUY
Alain PERSUY*
Technicien supérieur forestier
*Auteur du
Guide de la forêt en Poitou-Charenteset Vendée
.—
La Crèche :GesteÉditions, 2003.