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Association des Maires de Grandes Villes de France
Etude Hors série - Décembre 2007
ETUDE Hors série
Association des Maires de Grandes villes de France
ÉLECTIONS MUNICIPALES ET CANTONALES
DE MARS 2008
CONSEILS ET PRÉCAUTIONS À PRENDRE
COMMENT PRÉVENIR ET GÉRER LES
CONTENTIEUX ÉLECTORAUX ?
Dominique DEPORCQ
Docteur en droit public
Ancien Maître de conférence à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Ancien conseil juridique
Avocat au Barreau de la Guadeloupe
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Association des Maires de Grandes Villes de France
Etude Hors série - Décembre 2007
Introduction
Dans la perspective des prochaines élections municipales et cantonales, les élus locaux sortants qui se présenteront en mars 2008 doi-
vent porter une attention toute particulière aux contraintes juridiques incombant en matière de communication tant aux «collectivités
intéressées par le scrutin» qu’aux candidats eux-mêmes.
Le dispositif issu des articles L. 52-1 alinéa 2 et L. 52-8 du code électoral ayant un effet direct sur la communication des collectivités
publiques, ces dernières doivent intégrer cette contrainte juridique dans leurs plans de communication, sauf à prendre le risque pour
leurs exécutifs d’encourir l’inéligibilité dès lors que ceux-ci seraient candidats aux élections en cause.
Il est essentiel pour la sécurité des exécutifs des collectivités concernées par les scrutins de 2008, de veiller à encadrer leur communi-
cation au regard des leçons tirées de la jurisprudence électorale. An d’exclure tout risque d’inéligibilité, d’annulation de scrutin, voire
même de poursuites pénales, il est indispensable que les élus sortants, les candidats, leurs équipes administratives, de cabinet et de
campagne soient à même de prendre en considération les règles du jeu imposées pour les compétitions électorales.
La succession des textes mis en place depuis 1988 en vue d’organiser les procédures de contrôle et les sanctions ayant pour objet de
clarier et de moraliser les rapports de la vie politique à l’argent a établi un carcan légal et réglementaire ainsi qu’un arsenal répressif
conférant au droit une place prééminente dans la compétition électorale, inconnue jusqu’ici.
Au départ, les intentions du législateur étaient triples, à savoir :
- Mettre un terme à la débauche de propagande qu’occasionnaient les campagnes électorales et aux inégalités des candidats ;
- Limiter le phénomène de la « prime au sortant », en sanctionnant toute tentative d’association entre l’image d’une collectivité locale
et la campagne du candidat ou de la liste de candidats sortants ;
- Eviter que le coût de la campagne d’un candidat soit supporté par la (ou les) collectivité(s) publique(s) qu’il représente, et en dernier
ressort par les contribuables locaux.
Avec quinze ans de recul, l’appréciation que l’on peut porter sur ce dispositif doit être nuancée. La démocratie française a effectivement
tourné le dos aux campagnes électorales « à l’américaine » et la compression drastique des dépenses du fait des plafonds a contribué
à mettre sur un relatif pied d’égalité économique les candidats ; d’une manière générale les objectifs de moralisation, de transparence
et de mis en œuvre du principe d’égalité entre les candidats ont été atteints.
L’interprétation radicale des dispositions de l’article L. 52-1 alinéa 2 faite par le juge électoral, notamment dans la jurisprudence
« élections municipales de Bassens » (CE, 2 oct. 1996), prohibant toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la
gestion d’une collectivité intéressée par le scrutin, y compris lorsque cette campagne était réalisée par le candidat à ses frais, a conduit
le législateur à assouplir le mécanisme en autorisant désormais les « bilans de mandat », dès lors que leur coût est intégré au compte
de campagne (loi n°2001-2 du 03 janv. 2001). Il n’empêche qu’aujourd’hui nombre de candidats estime que cette disposition, destinée
à enrayer le phénomène de « prime au sortant », a en pratique conduit à favoriser les candidats d’opposition au sein des collectivités
locales et à instaurer en quelque sorte « une prime à l’entrant ». Notre droit électoral repose depuis 1990 sur une ction qui consiste,
au nom du principe d’égalité entre les candidats, « faire comme si » l’élu sortant ou l’élu titulaire d’un autre mandat se trouvait placé
dans les mêmes conditions de part qu’un candidat pourvu de mandat et donc de notoriété. L’élu sortant était jusqu’il y a peu
condamné au silence sur son action passée. Cette ction a fort heureusement été atténuée depuis 2001 avec les dispositions de l’alinéa
5 de l’article L.52-1 et la jurisprudence a levé l’essentiel des ambiguïtés qui ont longtemps caractérisé le nouveau dispositif électoral
pour opérer la distinction essentielle entre communication institutionnelle (I) et communication du candidat (II) et appréhender les
différentes sanctions encourues en cas de confusion entre ces deux types de communication (III).
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I- Les risques et les précautions à prendre en matière de communication
institutionnelle
En période pré-électorale, la communication des collectivités n’est pas condamnée au mutisme mais elle doit être sensée, pour éviter
d’être accusé par des adversaires et en particulier par les élus de l’opposition, de parti pris au prot des élus sortants.
La communication institutionnelle et toutes les actions qui s’y rattachent (magazines municipaux, réunions quartier, réception, mani-
festation, inauguration, vœux annuels, site internet, utilisation de chiers, …) constituent, comme l’a admis depuis longtemps le Conseil
d’Etat, une activité de service public. La circonstance qu’il y ait des élections ne signie pas que ce service public d’information des
administrés doive être mis entre parenthèse.
Mais ce service public, régi par le principe de continuité doit également respecter le principe de la neutralité. La communication
institutionnelle ne doit pas permettre de rompre le principe d’égalité entre les candidats et notamment entre l’élu sortant et ses
adversaires.
Concernant le cas d’un maire nouvellement élu précisément dans la période pré-électorale de l’année qui précède le mois où le scrutin
sera acquis, c’est-à-dire un maire désigné par son conseil municipal en mars 2007, le principe de continuité trouve bien sûr à s’appli-
quer. Il convient de se référer strictement à la pratique du maire précédent ou à celle des adjoints du secteur concerné pour chaque
type d’actions de communication envisagées. Certes, le juge ne sanctionne généralement pas la forme, mais essentiellement le fond.
Toutefois, au regard des principes qui régissent la communication institutionnelle en période électorale, évoqués ci-dessous (neutralité,
antériorité, régularité, identité), il convient de ne pas s’affranchir compte tenu de ce que nous sommes en période électorale des pra-
tiques établies par votre prédécesseur en matière d’actions de communication, hors période électorale.
Je ne peux donc que vous suggérer de vous écarter le moins possible des pratiques en matière d’actions de communication dont vous
avez hérité de votre prédécesseur, qu’ils s’agissent de la forme, du rythme, des volumes des actions engagées avant votre élection
qu’ils s’agissent notamment de magazines, de réunions de quartier, de manifestations et d’inaugurations.
Votre élection en tant que premier magistrat de la commune de Boulogne-Billancourt a une date correspondant précisément à l’ouverture
de la période pré-électorale telle que prévue par l’article L. 52-8 du code électoral, vous contraint à ne pas innover en matière d’actions
de communication, sauf à prendre le risque de voir vos adversaires vous attaquer à l’issue du scrutin municipal de mars 2008.
Les actions de communication d’une commune se doivent d’être neutres et objectives et un maire sortant candidat doit constamment
avoir en tête la question qui suit : s’il n’y avait pas d’élection, serais-je amené, oui ou non, à entreprendre une telle action ? Si la
réponse est négative cela signie qu’il n’est pas raisonnable d’engager en période électorale une telle action.
Le législateur a voulu faire en sorte que l’élu sortant ne bénécie pas de la prime que lui confère l’exercice de son mandat dans le cadre
de la campagne. Cela signie qu’en matière de communication l’élu sortant candidat doit constamment avoir comme préoccupation de
dissocier de manière pertinente :
- ce qui relève de l’exercice normal de sa fonction de maire, ce qu’il sera jusqu’au jour de l’élection et qui constitue le champ de la
communication institutionnelle ;
- de ce qui relève de la propagande électorale et qui répond à son légitime souhait de se faire réélire, ce qui constitue le champ de la
communication du candidat.
Cette distinction, aisée en théorie, soulève de nombreuses difcultés pratiques sur le terrain, dans la mesure où elle exige, dans le cas
spécique d’un maire sortant candidat à sa réélection, un comportement quasi schizophrénique dans un langage plus modéré, le maire
doit veiller à ne pas mélanger les genres, c’est-à-dire à ne pas confondre l’intérêt général dont il est le dépositaire et l’intérêt particulier,
privé, qui est le sien en sa deuxième qualité de candidat. Il doit constamment veiller à ce que le « dédoublement fonctionnel » que lui
impose ses deux rôles de maire et de candidat soient constamment respecté. En toute hypothèse il faut que le maire sortant candidat
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ne puisse pas se voir reprocher d’avoir utilisé sa «casquette» de maire pour se faire réélire.
Pour autant, si les textes et notamment les deux articles essentiels du code électoral en la matière, à savoir les articles L. 52-8 et L. 52-1
alinéa 2 ont pendant longtemps conduit à penser que par application du principe de précaution, on ne pouvait plus rien faire en période
électorale, la jurisprudence, au cours des quinze dernières années d’application et d’interprétation de ces dispositions, a sensiblement
assoupli le cadre de la communication institutionnelle en période électorale.
A titre d’exemple et notamment dans la période critique des six mois pendant lesquels les campagnes de promotion publicitaire de
la réalisation ou de la gestion d’une collectivité intéressée par le scrutin sont prohibées (article L. 52-1 aliéna 2 du code électoral),
certains élus sortants candidats, adoptant une position de type « risque zéro », ont renoncé à publier tout éditorial du maire, toutes
photos d’élu et toutes tribunes libres, ont renoncé à porter leur nom sur les cartons d’invitation et cartes de vœux, etc.
Or, la jurisprudence du Conseil d’Etat, comme celle du Conseil constitutionnel ont depuis longtemps démontré qu’une telle attitude relève
de l’extrémisme juridique et se trouve dépourvue de tout bon sens, le juge étant totalement indifférent à ce type d’auto-sanction par
les élus sortants et n’ayant jamais sanctionné le fait de maintenir un éditorial avec une photo du maire sortant ou encore le fait que le
maire sortant candidat ait porté son nom accompagné de sa qualité de maire sur un carton d’invitation ou sur une carte de vœux.
Ce qui importe, ce n’est pas forme de l’action de communication qui, lorsqu’elle est justiée n’est jamais mis en cause par le juge de
l’élection, c’est en revanche le contenu, l’importance normale ou anormale des moyens mis en œuvre au cours de la manifestation. Dès
lors que l’élu ne provoque pas une action de communication à des seules ns électoralistes, celle-ci ne pourra pas lui être reprochée,
hormis le cas particulier des campagnes de promotions publicitaires de la gestion communale nancées sur fonds communaux dans la
période des six mois.
Le juge ne sanctionne pas l’organisation d’une inauguration, dès lors que celle-ci se justie, même en période électorale, par l’ouver-
ture au public d’un nouvel équipement communal. Ce qui peut-être reproché, c’est une inauguration provoquée pour la circonstance
des élections et ce alors même que l’équipement fonctionne déjà depuis longtemps ou encore une inauguration organisée avec des
moyens matériels et nanciers communaux d’une importance très sensiblement supérieure à ceux qui sont mobilisés d’ordinaire, dans
des circonstances semblables.
Autrement dit, toute action, toute manifestation organisée par la commune ne doit en aucun cas pouvoir être considérée par le juge
de l’élection comme ayant été déviée, « récupérée » par le maire sortant qui serait candidat, à des ns électoralistes, soit pour pro-
mouvoir sa personne, soit, dans les six mois critiques pour promouvoir son action en faisant nancer cette promotion sur deniers
communaux.
Pour autant, an de bien identier les risques et les précautions à prendre lorsque, en période électorale, une commune met en œuvre
une action de communication institutionnelle, il convient de s’interroger successivement sur ce qu’est une collectivité intéressée par le
scrutin (1-1), sur les dispositions régissant la communication constitutionnelle dans cette période (1-2) et sur les critères utilisés par
le juge de l’élection pour distinguer la communication institutionnelle de la propagande électorale (1-3).
A partir de là, un certain nombre de recommandations doivent être prescrites à l’élu sortant candidat dans la conduite de la communi-
cation de la ville (1-4) an de ne pas s’exposer aux sanctions encourues pour des actions de communication illicites (1-5).
1.1. QU’EST QU’UNE COLLECTIVITÉ INTÉRESSÉE PAR LE SCRUTIN ?
Selon l’article L. 52-1 alinéa 2 du Code électoral : «(…) A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel
il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une col-
lectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin».
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Sont concernés :
Les collectivités
intéressées
Leurs établissements publics Leurs satellites publics ou privés
• Etat
• Régions
• Départements
• Communes
• Etablissements publics nationaux
• Établissements publics locaux
• Syndicats intercommunaux
• Communautés d’Agglomération ou de Communes
• Communautés urbaines
• SEM
• SEML
• Associations
Entreprises privées délégataires de service
public
• etc.
Par exemple :
- Interdiction pour un conseil municipal d’assurer la promotion de ses élus, candidats aux municipales ou aux cantonales.
- Une commune ne doit pas assurer la promotion de son maire candidat aux élections cantonales, un OPHLM ou une SEM ne peut orga-
niser la promotion personnelle du maire candidat à l’une des élections de 2007, président de l’OPHLM ou de la SEM ou des réalisations
de la collectivité.
L’article L. 52-1 s’applique à toute campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion d’une collectivité quelle que soit
l’origine de son nancement, à l’exception, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 2001, des bilans de mandat réalisés sur les
nances du candidat, dans les limites du plafond des dépenses autorisées.
1.2. QUELLES DISPOSITIONS RÉGISSENT LA COMMUNICATION INSTITUTIONNELLE EN PÉRIODE
ÉLECTORALE ?
Depuis 1990, l’article L. 52-8 du Code électoral interdit tout don ou avantage en nature de la part de personnes morales de droit public.
Cette disposition pose un problème particulier pour la communication institutionnelle des collectivités intéressées par les deux prochains
scrutins. En effet, si une campagne favorise un candidat, et notamment un élu sortant, ce dernier risque l’invalidation. Il convient donc
d’analyser les critères utilisés par le juge de l’élection pour faire la distinction entre communication institutionnelle et électorale.
Le cadre juridique mis en place en 1990, et renforcé en 1995, empêche les élus sortants de proter de leur position pour les avantager
auprès des électeurs. Toutefois, les critères utilisés par le juge de l’élection pour distinguer, dans la communication institutionnelle,
l’éventuelle part électoraliste lui laissent une large marge d’appréciation. Cette part d’incertitude est d’autant plus préjudiciable que les
sanctions encourues par les élus sont importantes. Deux dispositions principales régissent la communication institutionnelle en période
électorale :
L’article L. 52-8 du Code électoral indique que «les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent
participer au nancement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui
fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués».
Cet article interdit à toutes personnes morales, et donc aux collectivités publiques, de nancer une campagne électorale. L’interdiction
comprend bien évidemment les apports nanciers, mais aussi les avantages en nature, qui peuvent prendre la forme d’une campagne
de communication institutionnelle. En somme, une campagne qui valoriserait directement un élu sortant est prohibée.
L’article L. 52-1 alinéa 2 du même code dispose qu’«à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il
doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collec-
tivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin». Pris à la lettre, cet article interdit toutes les
actions de promotion visant les réalisations et la gestion des collectivités. En fait, le juge de l’élection a interprété les termes «promotion
publicitaire» non selon leur sens commercial (nature du message, type de support) mais plutôt comme interdisant toute valorisation
indirecte de l’action des élus. En dénitive, aucun article du Code électoral n’interdit les actions de communication institutionnelle en
période électorale. En revanche, ces actions ne doivent en aucun cas inuer sur la campagne électorale en cours et procurer un avantage
aux élus sortants. Toutefois, la loi du 3 janvier 2001 a levé toute ambiguïté en autorisant un candidat à faire un bilan de mandat, sous
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