De 1948 à 1970, le secteur secondaire avait connu une croissance de sa contribution
au PIB, passant de 39% à 42%. Une extension vive du marché – tant intérieur qu’extérieur –
ainsi qu’une forte progression du progrès technique expliquent la croissance pendant la
première phase, au cours de laquelle l’industrie lourde traditionnelle (sidérurgie, verreries,
chantiers navals) n’avait pas encore dû affronter la concurrence croissante des nouveaux pays
producteurs de ce type de bien. C’est surtout à partir des années soixante-dix que ces grands
secteurs industriels vont devoir restructurer, parfois même disparaître sous la pression de
concurrents plus compétitifs. De 1970 à 2004, la part de l’industrie manufacturière dans la
VA totale passera de 31,6% à 18,7%. En ce qui concerne les industries légères, «labour
intensive», telles que l’agro-alimentaire, la confection, le travail du cuir ou du bois, ce sont
surtout les NPI (nouveaux pays industrialisés) qui ont concurrencé leurs produits grâce à un
coût de main-d’oeuvre, largement inférieur au coût européen. Les firmes multinationales ou
transnationales (FTN) tirent avantage de cette situation : elles transfèrent des segments de
production dans les «pays-ateliers». Quels segments ? Ceux qui exigent beaucoup de travail et
surtout de travail peu qualifié. Dans ces pays, les conditions de travail (niveau des salaires,
rotation de la main-d’oeuvre, sécurité sociale, protection des travailleurs…) sont la plupart du
temps épouvantables et le facteur travail est abondant.
Les secteurs à haute technologie et exigeant des niveaux élevés de qualification de la main-
d’œuvre n’échappent plus aux délocalisations d’activité vers les pays à croissance rapide tels
que la Chine ou l’Inde : la main-d’œuvre qualifiée y est de plus en plus abondante.
C’est à partir des années soixante-dix que la part des services dans le PIB va s’accroître
considérablement. Ceci résulte à la fois d’une diminution de l’importance du secteur
manufacturier – les grandes restructurations industrielles et le déclin de l’industrie lourde
datent de cette époque – et de la croissance très forte de la production de services, à
destination des entreprises et des particuliers.
De 1948 à 1970, la part des services dans le PIB avait relativement peu évolué, à
l’exception des services aux particuliers, notamment les services publics. Entre 1970 et 2004,
le tertiaire passe de 50% à 72% du PIB. La part des services aux particuliers, parmi lesquels
les services publics, collectifs et de Santé représentent la quasi-totalité, s’est accrue de 50%,
passant de 12% à 18% du PIB. Depuis 1948, ces services s’étaient accrus fortement : la
satisfaction des besoins collectifs – enseignement, santé, culture,… – était relativement basse
en début de période. Il y avait donc place pour une «explosion» : on en reparlera dans
l’optique des dépenses. L’accroissement le plus important est cependant celui des services
aux entreprises et services de transports, qui croissent de 23% à 39% du PIB. En début de
période, l’entreprise de productions de biens, d’électricité, la distribution… organisaient en
leur sein l’intégralité des services comptables, des services de gestion du personnel, la
facturation, la gestion des stocks, etc. Petit à petit, ces sphères se sont autonomisées. Et ce
sont des entreprises de «gestion de personnel», par exemple, qui vendent leurs services
devenus marchands, aux entreprises de production.
A première vue, on assiste donc uniquement à une «tertiarisation» de l’économie. Les
chiffres de la comptabilité nationale l’indiquent. Au demeurant, ils masquent certaines réalités
plus profondes. Une très grande partie des «services rendus aux entreprises» aurait été
cataloguée jadis dans le secondaire et une partie non négligeable des «services rendus aux
ménages» est intimement liée à la production de biens. Plus profondément, il y a également
«secondarisation» du tertiaire, en ce sens que le tertiaire, aussi bien privé que public, utilise de
plus en plus de capital fixe : ordinateurs, machines à traitement de textes, photocopieuses