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LINEE DI UNESPERIENZA SPIRITUALE
LES GRANDES LIGNES
D’UNE EXPÉRIENCE SPIRITUELLE :
GALATES 2, 19-20 ET PÈRE DEHON
P. André Perroux, scj
Les pages de cet article sont extraites d’une réflexion sur « Saint Paul et
le Père Dehon », proposée à l’occasion de l’année paulinienne 2008 – 2009.
Le Pape Benoît XVI avait alors invité l’Église à « approfondir l’héritage
théologique et spirituel laissé à l’Église par l’Apôtre des nations ».
Personnes et communautés à travers le monde, tous ont voulu répondre à ce
rassemblement des cœurs et des esprits dans la commémoration de saint
Paul. Pour communier, par une nouvelle prise de conscience, au service de la
mission aujourd’hui, à ce qui a été l’unique passion de l’Apôtre : « Connaître
le Christ, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses
souffrances…, poursuivre notre course pour tâcher de saisir, ayant été nous-
mêmes saisis par le Christ Jésus » (cf. Ph 3,10-12).
Innombrables ont été les initiatives à tous les niveaux : clercs et laïcs
dans les diocèses et les paroisses, parmi les communautés religieuses, dans
les universités et les groupes bibliques… Études et publications d’ordre
scientifique et pastoral, conférences et retraites, pèlerinages et célébrations
diverses, etc… : autant de manifestations qui ont marqué cette année
paulienne comme une grâce, un vrai « temps favorable » pour l’Église dans
la fidélité à la mission reçue de son Seigneur.
Notre Congrégation a pris part à ce grand rendez-vous du monde
chrétien. Parmi d’autres formes, des sessions ont été organisées. Ainsi celle
qui a eu lieu à Clairefontaine (Luxembourg), le 16 avril 2009. Les pages
présentées ici sont tirées d’une conférence intitulée « Pour moi, vivre c’est
Christ ». Cette ardente confidence de saint Paul, le Père Dehon l’a souvent
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faite sienne, il l’a vécue selon sa vocation de religieux, Prêtre du Sacré
Cœur. Il l’a transmise, comme une forte interpellation adressée à sa
Congrégation, à ceux et celles qui trouvent dans son exemple l’inspiration de
leur vie chrétienne.
La conférence proposait une étude du texte paulinien le plus souvent
cité par le Fondateur : « Je suis crucifié avec le Christ. Et ce n’est plus moi
qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis
dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,19-
20). L’examen des passages où ces versets sont cités dans l’œuvre du Père
Dehon introduit à un essai de synthèse : quelles sont, dans sa vie et pour la
nôtre, les grandes lignes d’une expérience spirituelle qui dessine l’identité de
notre réponse, de baptisés et de consacrés, à l’appel du Christ.
De très nombreux chrétiens ont aimé le Christ avec passion à la suite de
saint Paul ; c’est à partir de sa « gle » qu’ils ont éclairé leur choix de suivre
leur Maître et Seigneur. Parmi eux nous pouvons compter le Père Dehon.
Pour sa vie personnelle, pour la fondation de sa Congrégation, pour les
familles d’associés ou d’agrégés, il s’est inspiré du contenu doctrinal et du
dynamisme de vie qu’il trouve en saint Paul, surtout en Ga 2,19-20.
1. Une « promenade » dans la forêt dehonienne !
J’avais pensé vous proposer une sorte de « promenade » dans
l’immense forêt de l’œuvre écrite par notre Fondateur, méditations et
conférences données ou simplement esquissées , réflexions, notes de
lecture, surtout ses textes autobiographiques, sa correspondance, sans
négliger le témoignage de ses premiers compagnons. Ce n’est pas réalisable
dans les limites de cette rencontre. Il y a quelques années j’avais ébauché ce
travail, publié en un long article qui devait être le premier chapitre d’une
étude plus ample, Le Père Dehon médite la Parole de Dieu. L’article, traduit
en espagnol et en portugais, a été communiqué en français ; 20 pages sur 51
donnent une récolte provisoire à compléter désormais des principaux
passages où le Père Dehon cite Ga 2,19-20, en relation avec divers autres
textes bibliques proches par le sens. Avec la référence aux lieux de citations,
bibliques et dehoniens, et un court résumé du passage, souvent en reprenant
littéralement quelques phrases : c’était l’occasion de faire connaître des
textes suggestifs et qui souvent sont peu connus, j’en indiquerai l’un ou
l’autre par la suite. Je me limite ici à repérer quelques points qui ressortent
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de ce qui vient d’être exposé, pour tracer des pistes, des lignes plus
marquantes de notre « spiritualité ».
2. L’enquête sur le terrain, la récolte des matériaux
Les citations bibliques du Père Dehon sont très nombreuses, elles se
présentent sous des formes diverses. Les récolter, c’est entreprendre de
parcourir l’ensemble de son œuvre écrite, depuis ses premières années de
séminaire jusqu’à sa mort en août 1925. C’est nous confronter à la variété
des genres : œuvres « spirituelles » et « sociales », lettres, écrits
autobiographiques, projets de discours et de conférences, articles de revues,
réflexions, notes personnelles, extraits de lectures… Le plus souvent il s’agit
de citations très libres : ce n’est presque jamais une lecture de spécialiste,
c’est plutôt une assimilation qui caractérise un homme qui croit et qui prie,
quelqu’un qui en Église, surtout à partir de la liturgie, fait de la Parole de
Dieu la nourriture première de sa vie, la « lumière pour ses pas », et qui
partage le soutien qu’il y puise en toute situation. Lui-même nous indique
clairement l’intention de sa lecture : « Nous devons étudier l’Écriture sainte
d’abord, qui est la manifestation du Sacré Cœur ». Spécialement le saint
Évangile : « L’Évangile est, comme la sainte Eucharistie, le sacrement du
Cœur de Jésus. Ce divin Cœur est là, sous la lettre, caché avec son amour et
ses trésors de grâces. Ses paroles sont esprit et vie. Nous devons aimer et
étudier tous les Évangiles, il en est un pour lequel nous devons nous
passionner : c’est celui de saint Jean » (OSP 2, 238 et 261-262). Il nous
rappelle ainsi l’expression de la seconde lettre de Pierre, cité au début : « La
magnanimité de notre Seigneur » révélée comme œuvre de notre salut en
Christ…
Avec grande liberté, à la citation le Père Dehon ajoute maintes fois un
bref commentaire. Sans avertir il passe spontanément de la lettre du texte
biblique à son propre texte, volontiers il rapproche plusieurs textes bibliques
où il retrouve la même orientation. Pour lui, le meilleur commentaire de la
Parole est la Parole elle-même. Je le redis, ce n’est pas tant l’analyse
minutieuse, en vue d’une étude d’exégèse ; c’est plutôt l’invitation à la
méditation, à la prière, pour réchauffer et pour nourrir l’amour et l’action :
les nombreux « colloques » qui concluent les méditations en témoignent.
C’est bien pour cette raison que dans cette perspective un travail assez précis
et complet sur les citations bibliques dans la littérature dehonienne peut se
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révéler fructueux. Pour repérer plus exactement, dans la riche tradition
mystique de l’Église, les sources diverses auxquelles, porté par l’Esprit,
notre Fondateur a puisé les grandes lignes de son intention qu’il se précise
progressivement (Gertrude, l’«École française », Bérulle surtout et ses
disciples, Marguerite-Marie…) et pour y découvrir la place primordiale
accordée à la Parole de Dieu. Pour mieux caractériser ainsi l’originalité de
son tempérament spirituel : la spontanéité, la fraîcheur de sa « vie
intérieure » sans cesse à l’écoute de la Parole, la persévérance et la richesse
intellectuelle et affective de sa foi. Et pour recueillir ainsi les insistances
majeures de son inspiration qui reste la nôtre : elle nous reporte au cœur de
la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu en son Fils Jésus. N’est-ce pas un
gain, si nous voulons évaluer correctement l’actualité et la pertinence de
notre vocation : car « le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne
passeront pas », nous dit le Seigneur (Mc 13,31).
Rapidement identifions quelques-unes de ces insistances majeures à
partir de citations choisies entre bien d’autres possibles, en sachant qu’elles
vont ensemble, elles sont complémentaires pour dire à leur façon la
cohérence et l’équilibre d’une vie chrétienne qui part du cœur pour devenir
action.
3. « L’union à Notre Seigneur »
C’est une expression très brève : on la rencontre souvent chez le Père
Dehon, dans la mouvance de l’« École française de spiritualité ». Pour lui
elle résume la vie chrétienne de chaque baptisé, la « vie intérieure » et la
consécration du prêtre et du religieux. C’est ainsi qu’il comprend sa propre
vie, ce qu’il condense dans une confidence connue : « Je ne puis vivre que
dans l’union à Notre Seigneur. Autrement, c’est le désarroi, mon âme est un
navire désemparé » (NQT IV/1887, 1r).
Il s’agit d’une union qui mobilise toutes les ressources, énergies et
attentions d’un cœur plein de respect et de ferveur pour le Seigneur. Pour le
Père Dehon, parler d’amour ne suffit pas, c’est un mot trop banal, tellement
employé qu’il en perd de sa force d’implication personnelle. Cette « union à
Notre Seigneur » doit être plus précisément « familiarité », « amitié »,
« intimité », et souvent sont méditées alors les longues années de Nazareth,
la vie de la « sainte Famille » une amitié sincère, marquée de cordialité, de
simplicité, d’une confiance sans mesure.
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En excluant cependant, le Père Dehon le répète vigoureusement, le
sentimentalisme, la dévotion exagérée, mièvre et morbide, et « les grimaces
d’une sensiblerie sans consistance » (OSP 2, 146). Avec la même netteté il
dénonce la froideur rigide du jansénisme, la prétention volontariste du
pélagianisme, la sécheresse désolante du rationalisme. C’est une union qui
part de ce que nous sommes : elle nous saisit, nous transforme et nous
transfigure au plus profond de notre être, toute la personnalité, elle s’enrichit
de nos « sens spirituels » (cf. sainte Gertrude), elle renouvelle le regard que
nous portons sur Dieu, sur nous-mêmes, sur le prochain, sur le monde et sur
l’histoire. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ; pour
moi, vivre c’est Christ ». C’est bien autre chose qu’une union banale, il
s’agit d’une greffe, une transfusion d’être, à laquelle nous devons tout
rapporter, avec une largeur de vue d’autant plus ouverte et audacieuse
qu’elle a précisément un point d’attache, un cœur : « Tout est à vous, vous
êtes au Christ ! ». « Toute ma force, toute ma joie, toute ma vie est dans
l’amour de mon Sauveur et l’union à son divin Cœur » (OSP 3, 218).
4. « Il nous a tellement aimés ! »
Cette exclamation traduit spontanément l’abondance du cœur. Elle
revient maintes fois sous la plume du Père Dehon, souvent en référence
explicite à Ga 2,20 ; par exemple en OSP 5, 300, dans La vie intérieure :
« Jésus nous a tant aimés ! », ceci accompagné de 5 citations dont Ga 2,20 ;
mais déjà dans les conférences données aux tout premiers novices, selon les
notes des cahiers Falleur (Studia dehoniana, volume 10, III, 17). « On se
lasse de répéter qu’il [le Sauveur] nous a aimés sans mesure. Il a été bon et
s’est sacrifié pour nous, sans compter ; son Cœur sacré nous a aimés sans
mesure » (OSP 3, 340).
« Pour nous et pour notre salut » : voilà ce qui rend compte de la venue
du Verbe de vie dans notre chair mortelle, « l’incarnation rédemptrice ». Une
« vie-pour », une existence finalisée par le service des frères, le salut du
monde, notre propre salut. Cette affirmation est comme le cœur dans la
confession de la foi ecclésiale, elle est la lumière qui éclaire l’ensemble, elle
est l’intention sotériologique qui a inspiré toute la réflexion théologique et
les décisions conciliaires aux siècles des Pères de l’Église : propter nos et
propter nostram salutem. Précisément parce qu’elle renferme le cœur de la
Bonne Nouvelle de cet amour de Jésus pour nous, note le Père Dehon, les
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