voltigent çà et là, des vers qui rampent dans la terre humide, si l'on songe que ces formes si
admirablement construites, si différemment conformées, et dépendantes les unes des autres d'une
manière si complexe, ont toutes été produites par des lois qui agissent autour de nous. Ces lois, prises
dans leur sens le plus large, sont : la loi de croissance et de reproduction ; la loi d'hérédité ; la loi de
variabilité ; la loi de la multiplication des espèces, qui a pour conséquence la sélection naturelle,
laquelle détermine la divergence des caractères, et l'extinction des formes moins perfectionnées. Le
résultat direct de cette guerre de la nature, qui se traduit par la famine et par la mort, est donc le fait
le plus admirable que nous puissions concevoir, à savoir : la production des animaux supérieurs. N'y
a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière d'envisager la vie, avec ses puissances diverses
attribuées primitivement [par le Créateur] à un petit nombre de formes, ou même à une seule? Or,
tandis que notre planète, obéissant à la loi fixe de la gravitation, continue à tourner dans son orbite,
une quantité infinie de belles et admirables formes, sorties d'un commencement si simple, n'ont pas
cessé de se développer et se développent encore ! »
Darwin réalise une sorte de synthèse entre l’idée que les espèces se transforment et l’idée qu’elles
s’éteignent. Il appuie sa théorie sur deux processus majeurs, la sélection naturelle et la divergence
(voir l’unique schéma figurant dans son ouvrage « De l’origine des espèces », un arbre
hypothétique, ne mentionnant aucune espèce). Le processus de sélection naturelle s'applique à
toutes les échelles de l'arbre phylogénétique, de la différence entre deux individus à celle entre deux
règnes, créant ainsi de la biodiversité, celle-ci étant ainsi davantage définie en terme de processus
en augmentation ou en régression qu'en terme de liste d'espèces. Notons que Darwin s’oppose à
l’idée « bigote » d’espèce. Pour lui, l’espèce se présente comme un rameau qui se détache de
l’arbre du vivant et qui a pris son autonomie. Elle est définie comme un moment plus ou moins
particulier d'une branche de cet arbre; il existe un passage insensible des différences entre individus
aux différences entre espèces. Les critères de séparation de deux espèces n'ont de sens que dans un
cadre restreint et ne sont pas généralisables à l'ensemble du monde vivant : par exemple, à diversité
égale, les insectes font des « branches » plus fines que les végétaux. Ajoutons que la façon dont les
différences entre individus se transmettent de génération en génération et la façon dont la
divergence des espèces peut se faire grâce à cette hérédité des différences sont des questions pour
lesquelles Darwin n’a pas de réponse2.
Concernant la biodiversité, il n'y a pas encore de définition globale. Elle prend du sens dans un
processus dynamique mettant en jeu des flux entrants (formation de nouvelles espèces) et sortants
(extinctions d’espèces) médiés par le génique et l’écologique. Si l’on raisonne sur son maintien, il
faut le concevoir comme un pool d’espèces en équilibre dynamique, comme un équilibre entre ce
qui disparaît et ce qui apparaît, et non comme un diagramme en secteurs (un « camembert ») figé ou
encore comme une listes d’espèces. Actuellement, tous les indicateurs aboutissent au même constat
que la biodiversité diminue à toutes les échelles.
On peut évoquer le cas de la Centaurée de la Clape (Centaurea corymbosa), qui s'éteint car elle n'est plus
dispersée, faute de Chouettes ; celle-ci est considérée comme une sous-espèce, mais il ne faut pas le dire
trop fort au risque de voir disparaître les aides du programme de protection des espèces…
Eléments de discussion avec la salle
- Le fixisme fut un progrès historiquement, pourquoi ne le serait-il pas pour les élèves ?
En effet, il a fallu « fixer » (ce ne sont pas les individus qui se transforment) pour « faire
varier » en termes d'espèces. Et enseigner, c'est rectifier !
2 Les travaux de Mendel (1822-1884), qui datent des années 1860, ne sont pas connus de Darwin.