Les vaisseaux francais en 1805, des budgets de 1799 a

LES VAISSEAUX FRANÇAIS EN 1805, DES BUDGETS DE 1799 À 1805
AUX ANALYSES DE BURGUE - MISSIESSY,
THEORICIEN ET MARIN DEVENU AMIRAL RENOMME
By Patrick Villiers
Résumé
En 1800, l'Angleterre dépensa 330 millions de francs et la France en l'an VIII (septembre 1799 -
septembre l800) 90,8 millions. En 1805, l'Angleterre dépensa 364 millions de francs et la France en l'an
XIII (septembre 1804 - septembre l805) 154 millions. Après avoir rappelé les budgets des marines
française et anglaise de 1799 à 1805 et la disproportion du nombre de vaisseaux et frégates entre la marine
anglaise et la marine française, je reviendrai sur l'adoption par les Français des «plans type» pour les
vaisseaux de 74, 80 et 110 canons par les Français en 1783-1786 sous l'impulsion du chevalier de Borda et
de l'ingénieur en chef Sané.
En 1805, la plupart des vaisseaux français de 74 canons ont été construits sur le plan type «Sané-Borda».
Comme Sané, la majorité des autres ingénieurs-constructeurs a juré fidélité à la République en 1792. Après
avoir échappé à la Terreur, ils ont été fidèles au Directoire puis au Consulat et à l'Empire. En 1805, tous les
directeurs des constructions navales de Brest, Lorient, Rochefort ou Toulon ont été formés sous l'ancien
régime dans l'école de Duhamel du Monceau. Vial du Clairbois, traducteur en France des travaux du suédois
Chapman et rédacteur de l'Encyclopédie méthodique Marine de 1786 est directeur de l'école du Génie
maritime à Brest et Sané inspecteur du Génie maritime.
Dès lors comment est-il possible de trouver des critiques sur les plans Sané et sur les qualités des
vaisseaux français dans la correspondance des ingénieurs-constructeurs des ports avec leur supérieur
hiérarchique, auteur des ces plans ?
Trois ouvrages écrits par Burgues de Missiessy de 1789 à 1803 peuvent nous aider dans cette recherche.
Né en 1756, volontaire en 1766 sur le vaisseau de son père puis garde de la Marine en 1770, Missiessy est
enseigne de vaisseau sur la Sultane, puis en 1778 sur le Vaillant dans l'escadre d'Estaing, second sur le
Réfléchi de 64 c en 1782, puis commandant des flûtes la Guyane et la Durance en 1784 et 1785, il embarque
avec Kersaint sur un des premiers plans Sané : le Léopard en 1787-1788. Il publie ses analyses dans
Arrimage des vaisseaux publié sur ordre de Castries en 1789. Comme Borda et Bougainville, il appartient à
ces officiers français à la fois technicien et praticien qui s'illustrent pendant la guerre d'Amérique.
Réintégré dans la Marine en 1795, il publie un nouvel ouvrage en l’an 6 (1796). Installation des vaisseaux qui
lui vaut d'être nommé directeur adjoint des constructions navales à Paris puis chef d'état-major de
Truguet à Cadix. Nommé par Bonaparte chef de la flottille de Boulogne puis préfet du Havre en 1802,
Missiessy publie en 1803, Moyens de procurer aux vaisseaux de différents rangs des qualités pareilles et
une égale activité dans leurs manœuvres et dans le service de l'artillerie. Le premier consul l'affecte
ensuite à Brest puis à Rochefort. Parti en 1804 pour les Antilles, il ravitaille la Guadeloupe et Saint-
Domingue, rançonne Saint-Christophe et Nevis et rentre sain et sauf à Rochefort. Ces ouvrages, peu connus
et rarement cités, sont d'autant plus à prendre en considération que Burgues-Missiessy est
indiscutablement un grand marin de Louis XVI à l'Empire.
Introduction
De 1782 à 1787, se produisit en France une révolution dans les constructions navales : l'adoption de 3 rangs
seulement pour les vaisseaux et l'adoption pour chaque rang d'un plan unique obligatoire : plan pour les 74
canons, pour les 80 canons et pour les trois ponts appelés tantôt 118 ou 120 canons. Contrairement à ce qui est
trop souvent écrit la Marine a joué un rôle décisif dans la Révolution en sauvant le régime de Robespierre. La
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famine menaçait de renverser le gouvernement de la Terreur. La flotte de Brest réorganisé par le conventionnel
Jean-Bon-Saint-André et sous les ordres de l'amiral Villeneuve était battue aux combats de Prairial (Glorious First
of June) mais permettait au convoi de blé venu des Etats-Unis escortés par Van Stabel de sauver Robespierre.
On retient de l'expédition d'Egypte le désastre d'Aboukir mais on oublie le tour de force de l'arsenal de Toulon
dévasté par l'occupation anglaise de 1793 capable d'armer vaisseaux et transports.
Si Nelson remporte Aboukir le 1er août 1798, il a néanmoins laissé le débarquement victorieux de Bonaparte qui
prend Alexandrie le 2 juillet puis le Caire. Après Aboukir, Desaix s'empare de la haute Egypte et Bonaparte
réprime le 22 octobre la révolte du Caire. Il faudra deux ans de combats terrestres pour anéantir les forces
françaises en Egypte et au Liban. En Atlantique, les arsenaux désorganisés par les troubles révolutionnaires
tentent de maintenir la flotte en activité voire de construire quelques vaisseaux. Avant de passer à l'étude des
ouvrages de Missiessy, un rapide rappel de quelques données chiffrées permettra de mieux comprendre dans
quel contexte ingénieurs constructeurs et officiers de marine essayait essayaient de répondre aux tâches
démesurées que des ministères parisiens leurs fixaient, coupés de toute réalité maritime1.
Rappel de quelques données chiffrées sur l'état réel de la marine français en 1804
Le tableau suivant des marines française et anglaise en 1803, établi par l'amiral Rémi
Monaque2, permet de mesurer l'état réel des forces en présence :
Forces comparées de la Marine française et anglais en 1803
Marine française Marine anglaise
Vaisseaux de ligne
Disponibles
Indisponibles
En construction
Total
16
15
6
37
95
77
17
189
Vaisseaux de 50 à 56 canons
Disponibles
Indisponibles
En construction
Total
0
0
0
0
24
13
0
37
Frégates
Disponibles
Indisponibles
En construction
Total
17
3
0
20
128
60
9
197
Ainsi, il apparaît clairement qu'en 1803, après la rupture de la paix d'Amiens en mai, la
Marine française n'a absolument pas reconstruit les vaisseaux perdus en 1798 à Aboukir
1 Sur ce problème, quoique ancien, Philippe Masson et José Muraciolle, Napoléon et la Marine, Paris
1968, 340 p., qui s'appuie sur le dépouillement direct d'archives de la Marine. Les auteurs soulignent
notamment qu'en 1803-1805, Napoléon entend tout diriger lui-même, cf p. 164,166. Il remanie
constamment les plans et menace ministres et amiraux qui n'ont pas le courage de démissionner. Sur
la portée exacte de Trafalgar et sur ses conséquences exagérées voir leur analyse très fine p. 216 et
suiv.
2 Rémi Monaque, Latouche-Tréville, l'amiral qui défiait Nelson, 660p. éditions SPM, Paris 2000, p.578.
Voir également son article: Trafalgar : « Villeneuve, coupable ou victime ? » dans la Revue Maritime
n°477 juin 2005, p. 28-38.
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(battlle of the Nile). L'étude des budgets confirme l'écart entre les deux nations.
Budgets comparés de la France et de l'Angleterre 1799-1814
Marine française Marine anglaise
Année Budget Dépenses réelles Budget
An VIII3 – 1800
An IX0 – 1801
An X0 – 1802
An XI0 – 1803
An XII0 – 1804
An XIII0 – 1805
18064
1807
1808
1809
1810
1811
1812
1813
1814
90,8
95
105
141
195
145
151,9
118,3
115
114
111
155
164
143,4
62,5
55,4
91,9
95
140
194,4
137
147,5
113
114
109
106
142
157
135
53
330,1
401
286,8
247,5
299,4
364,6
452,6
421
438
474
460
480
468
487
468
En millions de francs or germinal.
L'écart entre les budgets français et anglais est là encore impressionnant, de 1 à 3 en 1800, il passe de 1 à 4
l'année suivante. Ce n'est qu'en 1801 et 1802, qu'il se réduit de 1 à 2, mais l'écart se recreuse les années
suivantes pour atteindre de nouveau 1 à 4 à partir de 1806. De Trafalgar à Waterloo, le budget de la marine
anglaise se maintient à son niveau le plus haut et varie constamment entre 420 et 480 millions de francs
germinal.
Plusieurs constats s'imposent à la lecture de ces chiffres : la faiblesse criante de la Marine française en vaisseaux
et en crédits et la suprématie écrasante de la Royal Navy. Une stratégie directe avec un affrontement de
vaisseaux ne pouvait qu'avantager la Grande-Bretagne. Dès lors, on doit s'interroger. Napoléon Bonaparte,
considéré comme un des meilleurs stratèges de son temps, peut-il avoir méconnu une telle évidence ? Tel n'est
pas notre sujet ici5 mais la question mérité d'être rappelée.
L'amiral Missiessy : un officier qui écrit
Rares sont les ouvrages portant sur les constructions navales écrits en France sous la Révolution français et
sous l'Empire. Plus rares encore lorsqu'ils sont écrits par un officier devenu rapidement amiral en dépit des
troubles révolutionnaires. Cet homme étant très méconnu, même en France, une rapide biographie s'impose
d'autant que les événements qui touchent Missiessy sont étroitement liés à notre sujet.
Une guerre brillante
Edouard Thomas Missiessy est né à Toulon, le 23 avril 1756, dans une famille de la petite noblesse. Il eut son
premier embarquement à dix ans sur le vaisseau Y Altier commandé par son père, capitaine de vaisseau dans
l'escadre de Beauffremont chargée de montrer le pavillon dans le Levant en 1766. Il navigua 8 mois puis entra
comme garde marine à Toulon le 26 novembre 1770. Il embarqua successivement sur les frégates la Topaze,
l’Engageante et la Flore, accomplissant 5 campagnes de 1770 à 1776. Promu enseigne de vaisseau en avril
1777, il fut affecté à la frégate la Sultane chargée de protéger le commerce français contre les Barbaresques. Il
fit ensuite une brillante guerre d'Amérique, embarquant sur le Vaillant de 64 canons dans l'escadre d'Estaing, il
participa aux engagements de Newport, aux combats de Sainte-Lucie, de la Grenade et de Savannah. En février
1780, il fut nommé second sur la frégate la Surveillante voir Marine de Louis XVI, escadre de Ternay, qui amena
Rochambeau aux Etats-Unis. En escorte de convois au large de Saint-Domingue, la Surveillante engagea un très
brillant combat contre le vaisseau HMS Ulysses le 5 juin 1781 de 50 canons. Un boulet anglais à la flottaison,
3 L'année budgétaire pour la France en l'an VIII se déroule de septembre 1799 à septembre 1800.
4 Pour la France, budget de 15 mois.
5 cf. le remarquable Amiral Maurice Dupont, L’amiral Decrès et Napoléon, Paris Economica, p. 153.
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empêcha la Surveillante de remporter la victoire, l'Anglais, en feu, parvenant à s'enfuir pendant la nuit pendant
que la Surveillante réparait. Nommé au commandement du cutter le Pygmée de 14 canons, en mars 1782, navire
neuf construit à Dunkerque, il fut pris par deux vaisseaux en protégeant un convoi côtier en Manche. Echangé en
septembre 1782, il fut nommé second du Réfléchi de 64 canons, à Brest puis en février sur le Censeur de 74
canons qui revint de Cadix à Toulon.
Amiral Maurice Dupont : « Napoléon a-t-il voulu envahir l'Angleterre ? » in Comité de Documentation historique
de Paris 1992, Presses du Service Historique de la Marine, Paris 1994, p. 151-164.
Patrick Villiers, «Et si Trafalgar n'avait jamais existé ou le mythe de la victoire décisive». Revue Maritime, n 472,
juin 2005, p. 38-50.
Un officier gui s'instruit, qui navigue et qui publie
Missiessy proposa alors à Castries, secrétaire d'Etat à la Marine et aux Colonies une amélioration du code de
signaux du Pavillon qui fut approuvé. Il fut ensuite commandant de la gabarre la Guyane chargée d'aller chercher
à Riga des bois de mâture pour la flotte de guerre. Au retour de cette mission de 8 mois, il repartit comme
commandant de la Durance à Riga puis aux îles du Vent. En 1786, il embarqua comme second sur le Patriote de
74 canons, dans l'escadre d'évolutions d'Albert de Rioms et fit campagne en Manche, en Norvège et le tour de
l'Angleterre par les Orcades. En l787, Kersaint fut chargé de tester le Léopard de 74 canons, navire neuf construit
sur les plans Sané-Borda mais aussi de nouveaux aménagements tels une cuisine au charbon, de nouveaux
arrangements dans la mâture et dans le gréement. Kersaint choisit Missiessy comme second et c'est à la suite de
cette campagne que Missiessy-Quiès rédigea son Traité d'arrimage.
En 1789, est publié « par ordre du roi » et de La Luzerne, secrétaire d'Etat à la Marine et aux Colonies ce traité
de Y Arrimage des vaisseaux dans lequel « il [Missiessy-Quiès] établit pour tout ce qui compte la charge d'un
vaisseau la division simple en objets inconsommables et consommables ce que le conduisit à déterminer la
répartition des objets consommables de manière à ce que la consommation journalière n'altéra en rien l'assiette
la plus avantageuse pour la marche du vaisseau ».
Un officier face à la Révolution
En récompense, Missiessy-Quiès reçut le commandement de la corvette de 28 canons la Belette du 6 août 1789
au 12 mai 1790 avec mission d'escorter le commerce français contre les Barbaresques. Le 2 novembre 1791, il
passa au commandement de la frégate la Modeste de 36 canonset fut chargé de renégocier le traité de paix avec
la Régence d'Alger. Le Roi le félicita et lui donna un portrait de Louis XVI en pied et le promut capitaine de
vaisseau le 1er janvier 1792. Le 6 janvier il désarmait à sa frégate à Toulon mais le 10 juin, il recevait le
commandement du Centaure de 74 c., escadre de l'amiral Truguet. Nommé contre-amiral le 1er janvier 1793, il
rentra désarmer à Toulon mais il fut accusé au désarmement de son vaisseau d'être hostile à la révolution et
incarcéré au fort de la Malgue à Toulon. Il fut libéré par le soulèvement de Toulon et resta dans la ville lors de
l'occupation anglaise. A la reprise de Toulon en 1794, il passa en Italie pour échapper à la Terreur.
Au service du Directoire puis de Napoléon Bonaparte
A la chute de Robespierre, il rentra en France. Après 3 mois d'emprisonnement, le tribunal l'acquitta et le
réintégra comme adjoint de Borda à la Direction des cartes et plans à Paris avec mission de faire adopter le
système métrique dans la Marine. Il se fait alors appeler Missiessy-Burgues En 1797, le Directoire le nomma
directeur adjoint des constructions navales et ordonna la publication de son nouvel ouvrage Installation des
vaisseaux puis le chargea d'établir un nouveau code de signaux de combat. En 1801, le premier consul
Bonaparte le réintégra dans le service à la mer comme chef d'état-major de son ancien chef l'amiral Truguet, à
Cadix. L'année suivante, Bonaparte le nomma à Paris « préfet maritime de tous les travaux relatifs à la flotille »
de Boulogne. C'est à Paris que Missiessy publia « Moyens de procurer aux bâtiments de différents rangs
des qualités pareilles en adoptant les plans du vaisseau de 74 que l'expérience aurait fait reconnaître le
meilleur par la réunion de ses qualités et en changeant l'échelle pour l'application du même plan aux bâtiments
de tous les rangs 6».
En juillet 1803, Bonaparte le nomma préfet maritime du Havre puis en 1804 commandant d'une escadre de 5
vaisseaux armés à Rochefort, Majestueux 120 c., Magnanime, Jemmapes, Lion, Suffren de 74 c., 3 frégates de
44 c. : Armide, Gloire, Infatigable plus le Lynx et l' Actéon, 2 bricks de 16 c. Il transportait en outre 3500 hommes
de troupes, 5000 fusils car il fut chargé à la fois de défendre les Antilles françaises mais également d'attaquer les
îles et le commerce colonial anglais. Ayant appareillé le 11 janvier 1805, il déjoua le blocus anglais mais
6 Titre complet de l'ouvrage que par simplification nous appellerons désormais Moyens de procurer
aux bâtiments.
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rencontra une tempête très violente qui dura douze jours, occasionnant de gros dommages dans la mâture du
Suffren et de la Gloire. Il mouilla le 21 février à la Martinique, soit un temps assez court, compte tenu de la
tempête affrontée. A peine arrivé, il débarquait sur l'île de la Dominique, rasait les défenses et s'emparait de 22
navires. Il repartit après avoir levé une forte contribution sur les habitants. Il répéta cette manœuvre à Nieves,
Montserrat et Saint-Christophe. Les prises furent vendues à la Guadeloupe et leur montant immédiatement
partagé entre les soldats du général Lagrange et les marins. Ayant appris l'échec du départ de Villeneuve, il
rentra en France en s'arrêtant à Santo Domingo pour y débarquer les troupes du général Lagrange qui sauvèrent
la capitale assiégée par les troupes noires de Dessalines. Missiessy se savait poursuivi par les forces anglaises ;
il resta au mouillage sous voile ce qui lui permit de repousser l'escadre anglaise et de s'échapper. Il rentra le 20
mai à Rochefort avec tous ses navires, donnant ainsi l'exemple de ce qu'aurait dû être la stratégie napoléonienne
à la mer : disperser les escadres anglaises sur les océans et les obliger à protéger le commerce et les colonies
anglaises.
Napoléon, prétextant que Missiessy aurait dû attendre Villeneuve aux Antilles alors que les instructions initiales
de l'empereur disaient le contraire, refusa de lui accorder une promotion pourtant légitime. Missiessy demanda à
être mis en congé. Napoléon le rappela le 18 février 1808 au commandement de l'escadre de l'Escaut forte de 8
vaisseaux,
Le 30 juillet l809, à la suite du débarquement des forces de l’Amiral Chatham, à Valcheren : 40 000 hommes, 22
vaisseaux, 400 transports, Missiessy manœuvra avec habileté son escadre empêchant qu'elle soit capturée et
protégeant Anvers. En octobre, après avoir perdu 7000 hommes et dépensé inutilement 3 millions de livres
sterling, les Anglais renonçaient Napoléon le récompensa en le nommant commandant en chef des forces du
Nord, puis le fat comte d'Empire sous le nom de comte de Burgues. Missiessy protégea à nouveau Anvers avec
succès en 1814 mais il refusa de se rallier à Napoléon aux Cent Jours et Louis XVIII le confirma comme préfet
maritime de Toulon7. Il servira ensuite brillamment la Restauration.
Un officier peu représentatif des autres officiers de marine français de la Révolution et du Directoire
De cette rapide biographie, plusieurs éléments se détachent. Missiessy est probablement l'officier supérieur
français qui a le plus navigué de 1770 à 1815. Il était très brillant au combat comme le montra son engagement
contre l'Ulysses. Comme second, il commandait l'artillerie de la Surveillante qui mit le feu au vaisseau, preuve
d'un tir à couler bas et non à démâter. Missiessy a navigué dans toutes les mers européennes, de la
Méditerranée à la Baltique mais aussi dans l'atlantique Nord et aux Antilles. C'est également « l’officier savant »
des marines de Louis XV et de Louis XVI comme Borda ou le chevalier du Pavillon. Chargé de ramener du bois
de mâture achetés aux Russes à Riga, il rédigea un rapport sur le commerce et l'économie de la Baltique qui le
fait remarquer. Second sur le Léopard de 74 c. aux côtés de Kersaint, il écrit un traité particulièrement
remarquable montrant ses connaissances en architecture navale comme nous le verrons infra.
Comme d'Estaing, Bougainville, Borda ou Sané, il accepte la Révolution mais rappelons que la majorité des
officiers de Louis XVI est partie en exil sans revenir. S'il s'enfuit sous la Terreur il revient avec le Directoire mais
n'a jamais servi dans l'armée des Princes ou sous les couleurs anglaises. Réintégré, il s'attache immédiatement à
essayer de corriger les problèmes dans la marine de guerre par son Traité sur l'installation de 1797, tache quil
poursuit par son ouvrage Moyens de procurer aux bâtiments de 1802. Sa conduite d’une escadre à la mer en
1805 est exemplaire de même que sa défense d'Anvers et de l'Escaut. Il est le grand responsable de l'échec
anglais après le débarquement en 1809 dans l'île de Walcheren. Napoléon ne s'y trompa pas en le faisant comte
d'Empire.
Ce grand marin est paradoxalement un des plus oubliés des marins de l'Empire et ses ouvrages ne sont presque
jamais signalés par les historiens. Dans le cadre de ce colloque, nous allons tenter maintenant de dégager les
grandes idées des trois ouvrages que nous avons retenus :
Etude sommaire des trois ouvrages de Missiessy
Ces trois ouvrages de Missiessy s'appuient sur la méthode exposée par Descartes dans le Discours de la
méthode : pour résoudre un problème complexe, il faut le décomposer en sous problèmes que l'on doit chercher
à résoudre séparément. Duhamel du Monceau avait rappelé cette démarche dans son Eléments d'Architecture
navale et Missiessy s'avère ici disciple de Duhamel du Monceau. J'ignore quand et comment Missiessy fit la
connaissance de Kersaint et de Borda avant 1787 et qui lui demanda de rédiger son Traité d'arrimage, peut-être
Kersaint. Son traité d'arrimage est publié sous son nom de « De Missiessy-Quiés, lieutenant de vaisseau », son
7 SHM Vincennes, dossier personnel de Missiessy.
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